Le couple de cinéma formé par James STEWART et Kim NOVAK est entré au panthéon du cinéma en 1958 avec le "Vertigo" (1958) de Alfred HITCHCOCK. La même année, ils tournaient "L'Adorable voisine" de Richard QUINE dans un registre beaucoup plus léger, celui d'une comédie fantastique. Le film aurait paraît-il inspiré la série "Ma sorciere bien-aimee" (1964). On y retrouve le James STEWART tendre et naïf des comédies de Frank CAPRA et Ernst LUBITSCH mais avec vingt ans de plus. Comme le film est adapté d'une pièce de théâtre et se déroule en grande partie dans une boutique, il m'a fait notamment penser à "The Shop Around the Corner" (1939). Face à lui, une Kim NOVAK magnifiquement photographiée et aussi envoûtante que dans le film de Alfred HITCHCOCK. A ceci près que c'est elle qui mène la danse en jetant son dévolu sur son voisin. Non par amour mais par désir d'avoir une aventure. Le terme de "féline" la concernant s'impose plus que jamais, elle qui jette des sorts en s'appuyant sur son compagnon à quatre pattes. Le comique provient de l'effet de ses manipulations sur le personnage joué par James STEWART qui ne sait plus ou il en est. Quelques adjuvants efficaces dont un tout jeune et déjà désopilant Jack LEMMON viennent renforcer l'effet produit. Mais chassez le naturel, il revient au galop, elle va bien évidemment tomber amoureuse et devoir choisir entre lui et ses pouvoirs ce qui est un pur reflet du puritanisme américain. Le film a donc une conclusion parfaitement convenue qui anéantit la (très relative) force subversive qu'il pouvait avoir en renversant temporairement les rôles. "L'Adorable voisine" est donc au final une comédie sympathique mais inoffensive.
A noter la présence étonnante de Philippe CLAY, chantant dans la boîte de jazz fréquentée par la confrérie sorcière ainsi que Elsa LANCHESTER, la fiancée de Frankenstein, dans le rôle de la tante Queenie.
Synopsis de "La Fête à Henriette" (1952) de Julien DUVIVIER:
"Deux scénaristes, l'un optimiste et l'autre pessimiste doivent écrire une histoire pour un nouveau film. Leurs inspirations contradictoires vont faire vivre des situations rocambolesques à leurs deux héros, Henriette et Maurice."
Et voici maintenant le synopsis du remake de Richard QUINE:
"A 48 heures de l'échéance, un scénariste n'a pas encore écrit une ligne du scénario qu'il doit remettre. En compagnie de sa secrétaire, il met sur pied une rocambolesque histoire dont ils sont les héros. Une idée derrière la tête : séduire la secrétaire."
Parce que les deux scénaristes ne sont plus deux hommes mais un homme et une femme, que Richard QUINE n'est pas Howard HAWKS et que Audrey HEPBURN n'est pas Marlene DIETRICH (qui fait une amusante apparition dans le film), le spectateur va donc avoir droit à un pur produit de la culture machiste autosatisfaite. Richard Benson est en panne d'inspiration certes mais il se croit tellement irrésistible qu'il se permet de jouer les frotteurs et les tripoteurs dès les premières minutes de l'entrée en scène de sa partenaire. Qui n'est évidemment pas mise sur un pied d'égalité, cela pourrait lui couper tous ses moyens (alors que le scénario pas plus subtil que le film s'intitule "La fille qui a volé la tour Eiffel"). Non seulement c'est une subordonnée (le secrétaire de service) mais elle est "muette d'admiration" devant le génie en herbe qu'elle est chargée de sauver de ses démons et de remettre sur le droit chemin (rôle sacrificiel habituellement dévolu aux femmes). Quant aux ardeurs sexuelles du type qui lui saute dessus dès qu'il la voit (au point de la faire travailler sur son lit quelques minutes après le début du film), elle n'attendait que ça bien sûr! Audrey HEPBURN surjoue tellement d'ailleurs l'admiration et les cris de pâmoison que je me suis demandé si elle n'avait pas inconsciemment voulu saborder le scénario!
Mais hélas on nous rappelle les antécédents de l'actrice au travers de la présence de William HOLDEN dans le rôle du scénariste Richard Benson (avec lequel elle avait eu une liaison sur le tournage du film de Billy WILDER "Sabrina") (1954), de la chanson "That face" interprétée par Fred ASTAIRE, hommage évident au film "Funny face" (1956) de Stanley DONEN et enfin du mythe de Pygmalion à travers la comparaison dans les dialogues entre Frankenstein et "My Fair lady" (1963) de George CUKOR. Dans tous ces rôles, l'actrice devait sourire et tomber amoureuse tout en étant placée en situation d'infériorité et malmenée par des mâles tout-puissants (et bien plus âgés qu'elle). A l'heure de Metoo, ce schéma patriarcal n'est plus l'évidence qu'il a représenté pendant des siècles.
L'aspect réactionnaire du film ne concerne pas seulement les relations hommes-femmes, il touche aussi le domaine de l'art cinématographique. "Deux têtes folles" se moque ouvertement de la Nouvelle Vague (qui réalise des films ennuyeux sans histoire, mais très « avant-garde », type La partie de scrabble n’aura pas lieu – à propos d’une «soirée où les gens décident de ne pas jouer au scrabble») et prend parti pour le cinéma à l'ancienne tourné en studio et segmenté en genres bien identifiables. Le problème est que cet hommage lourdaud tend à donner raison à la critique de Truffaut sur le cinéma de papa tourné en studio tant tout y semble toc et vain: le film de vampires, de gangsters, d'espionnage, la comédie musicale, le polar, la comédie romantique. On se moque souvent de ce qu'on ne comprend pas. Richard QUINE et son scénariste George AXELROD auraient été mieux inspirés de remplacer les décors en carton-pâte de leur Paris d'opérette par celui bien réel de "À bout de souffle" (1959) de Jean-Luc GODARD qui aurait pu aussi leur donner des idées neuves en matière d'interprétation et de relation hommes-femmes.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.