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Pickpocket

Publié le par Rosalie210

Robert Bresson (1959)

Pickpocket

"Pickpocket" était fait pour le style bressonien. Pas seulement par le contenu du film, l'histoire du chemin tortueux par lequel Michel (Martin LaSALLE) parvient à la grâce, incarnée par la figure de madone de Jeanne (Marika GREEN). Mais aussi par son style fait de répétitions et de fragmentations.

Le film se caractérise en effet tout d'abord par un art de la reprise. Robert BRESSON filme les mêmes lieux, les mêmes situations, emploie les mêmes sons et la même musique (la suite n°7 d'après Jean-Baptiste Lully). Michel acquiert la dextérité nécessaire à son activité en s'entraînant à répéter les mêmes gestes jusqu'à ce qu'il les maîtrise. Les séquences de vol à la tire, surtout lorsqu'elles sont réalisées en bande ressemblent à des chorégraphies réglées au millimètre près. Elles relèvent de l'art de la prestidigitation. Un véritable prestidigitateur, Henry Kassagi a d'ailleurs été conseiller technique sur le film. Mais la répétition suggère aussi l'addiction. Michel est prisonnier d'un besoin compulsif de voler qui l'aliène. La mise en scène de plus en plus encadrante suggère cet enfermement progressif dans le vice.

Ensuite, le film est fragmenté. Tout d'abord sur le plan narratif, il y a de nombreuses ellipses temporelles qui ont pour but d'épurer le récit et de mettre en valeur des temps morts qui sont habituellement évacués du scénario comme les entrées et les sorties. La fragmentation touche aussi l'espace qui n'est jamais vu intégralement mais plutôt selon un point de vue humain. Elle concerne également le son qui est retravaillé par Robert BRESSON de façon à effacer certains bruits et à en amplifier d'autres. Le bruit de fond est éliminé ce qui rend les lieux de circulation ou de sociabilité étrangement silencieux. A l'inverse certains sons comme celui de la fête foraine ou de la course de chevaux servent à se substituer à l'image qui reste hors-champ. Cette dissociation est aussi celle du pickpocket qui doit faire en sorte que sa main s'autonomise par rapport à son regard pour anesthésier la vigilance de la victime afin qu'elle ne se rende compte de rien. Le non-jeu des acteurs ou plutôt des "modèles" comme les qualifie Robert BRESSON va de pair avec l'inexpressivité du pickpocket qui doit afficher un masque de neutralité pour qu'on ne puisse pas lire ses intentions sur son visage.

Cependant répétitions et fragmentations ne seraient rien sans l'objectif final qui est celui de la conversion. Michel apparaît comme un être fuyant le contact humain et la réalité. Il se prend pour un surhomme nietzschéen qui se croit au dessus des lois alors qu'il assouvit surtout ses pulsions. Son arrestation et son séjour en prison auront un effet émancipateur paradoxal et lui permettront de s'ouvrir à l'autre et à l'amour.

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