Mouchette
Robert Bresson (1967)
"Mouchette" est indissociable dans mon esprit de "Au hasard Balthazar" (1966). Les deux films, réalisés à la suite forment un diptyque sur la désespérance. J'utilise volontairement ce terme en écho à la chanson récurrente que l'on entend dans "Mouchette" et qui demande "d'espérer plus d'espérance" mais aussi parce que dans ce terme il y a la notion de perte de la foi (en Dieu, en l'être humain, en l'Etat, en la société) qui se traduit cinématographiquement par une sécheresse et une cruauté sidérante. La distanciation quasi-brechtienne propre à Robert BRESSON et son sens de l'épure aboutit à un sentiment de tragédie inéluctable et de désolation. Comme l'âne Balthazar, Mouchette (Nadine Nortier) est un être que sa vulnérabilité confronte à la cruauté du monde. Une cruauté qui est également soulignée dans "Mouchette" par les scènes de chasse filmées elles aussi avec une sécheresse clinique, sans filtre aucun. En ouvrant et ponctuant le film, elles reflètent un monde dominé par le mal. Celui dans lequel vit Mouchette, une gamine très pauvre dont la vie se résume à subir des brimades de la part des hommes qui l'entourent, à commencer par son père violent et alcoolique alors que les femmes l'écrasent de leur mépris condescendant ou de tâches domestiques, sa mère étant alitée. Même dans la seule scène où Mouchette profite un peu de la vie, elle s'en prend plein la figure. Comme Balthazar, elle représente l'innocence martyrisée qui ne trouve nul secours dans son calvaire. Le visage dur de Mouchette, filmé avec intensité par Robert Bresson me fait penser à celui de l'afghane aux yeux verts de Steve Mc Curry qui avait alors à peu près le même âge et avait déjà subi elle aussi les pires horreurs que les hommes peuvent infliger à ceux qui sont plus faibles qu'eux.
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