Un condamné à mort s'est échappé
Robert Bresson (1956)
Je ne sais pas si "Un condamné à mort s'est échappé" est comme je l'ai lu le film le plus abordable de Robert BRESSON, les programmateurs du dispositif "Lycéens au cinéma" lui avaient préféré "Pickpocket" (1959). Mais ces deux films ont pas mal en commun, en particulier le fait de transcender le genre dans lequel ils s'inscrivent (le film d'évasion et le polar) sans pour autant le dénaturer. Dans son style caractéristique, dépouillé, elliptique, introspectif Robert BRESSON décrit un cheminement qui est autant temporel que spirituel. L'économie de mots et la précision des gestes se justifie ici par le contexte carcéral qui fait que chaque mouvement mal calculé peut être fatal. Derrière son apparente abstraction, il s'agit d'un cinéma très sensoriel (que l'on pense au rôle des mains filmées en gros plan et du toucher dans "Pickpocket" comme dans "Un condamné à mort s'est échappé" ou à l'importance des sons dans la prison où le lieutenant Fontaine est enfermé) mais cette sensorialité est toujours en relation avec quelque chose qui relève de l'invisible (dans "Un condamné à mort s'est échappé", c'est la chance qui en étant du côté du lieutenant favorise son évasion mais aussi la rencontre avec des guides spirituels emprisonnés comme lui tels qu'un pasteur et un abbé). Tiré d'une histoire vraie ayant eu lieu en 1943 dont on connaît l'issue dès le départ, le film nous fait partager l'intimité d'un homme (et notamment sa voix intérieure) que sa force de caractère, sa patience, son ingéniosité, sa minutie et sa détermination empêche de sombrer dans le désespoir. On partage également ses moments de doute, notamment face à l'arrivée d'un jeune co-détenu au visage d'ange mais aux habits pas nets dont il ne sait s'il constitue une entrave de plus ou au contraire un allié. Il doit donc faire un choix risqué sans savoir avant de l'avoir éprouvé s''il est le bon, un de plus qui démontre que même physiquement privé de liberté, l'homme conserve son libre-arbitre. Le sous-titre du film, "Le vent souffle où il veut" (parole de Jésus à Nicodème) est de ce point de vue éloquent.
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