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Shadows

Publié le par Rosalie210

John Cassavetes (1959)

Shadows

Même année de réalisation (1959), même envie de briser les règles d'un certain cinéma traditionnel, même sens du système D pour pallier les carences budgétaires et les approximations techniques, même goût pour les déambulations urbaines et les conversations chaotiques entre futilités et questions existentielles, même caméra en liberté filmant comme on respire... Shadows, premier film de Cassavetes qui marque la naissance du cinéma indépendant américain est une sorte de frère d'A bout de souffle, manifeste de la nouvelle vague du cinéma français.
" Le film que vous venez de voir est une improvisation." Ce carton inséré dans le générique de fin ne doit surtout pas être pris au pied de la lettre. Même si l'idée de Shadows est née lors d'une improvisation théâtrale, même si l'histoire s'est construite au fur et à mesure du tournage, une grande partie du film à été scénarisée et les dialogues écrits. L'impression de spontanéité, d'improvisation, de naturel qui émane du film n'est pas le fruit du hasard mais de choix de mise en scène comme celui qui consiste à enlever les marqueurs au sol pour donner plus de liberté de mouvement aux comédiens. La caméra est obligée pour ne pas les perdre de les coller au plus près, d'épouser leur rythme.
Il est beaucoup question de rythmes et de couleurs dans Shadows qui baigne dans la musique jazz et les battements de pouls du Manhattan nocturne des années 50 (cinémas, concerts, music-hall, pistes de danse, soirées privées intellos etc.) Il y est aussi beaucoup question d'identité. Hugh, Ben et Lelia qui sont frères et sœur et afro-américains ont bien des difficultés à trouver leur place dans la société. Hugh est un musicien de jazz en crise car sa musique ennuie les clients et on lui demande de s'entourer de chorus girls pour rebooster l'audience ce qu'il trouve humiliant. De plus sa négritude manifeste l'expose particulièrement au racisme et en retour le rend agressif et intolérant. Ben, son jeune frère métis est un paumé qui erre avec ses amis de bar en bar pour tenter de chiper les filles des autres ce qui lui vaut de rudes "recadrages" à coups de poing. Quant à Lelia, elle fait une expérience particulièrement douloureuse liée à son teint de peau très clair. Elle tombe en effet amoureuse de Tony, un petit blanc baratineur et lâche avec lequel elle va de désillusion en désillusion. Au plus près des visages et donc des émotions, Cassavetes nous livre quelques scènes magistrales: celle de la déception (voire du dégoût) du premier rapport sexuel très loin de ce qu'elle s'était imaginé et celle du racisme ordinaire où tout est dit en deux plans: celui du visage de Tony qui s'assombrit (sans jeu de mots) lorsqu'il découvre le frère de Lelia et comprend donc qu'elle est noire. Et celui du visage de Lelia qui lit celui de Tony et comprend que leur histoire est finie. L'absurdité de ce racisme est particulièrement bien mis en valeur par les lumières qui font souvent paraître Tony plus noir que Lelia.

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