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Amen

Publié le par Rosalie210

Costa-Gavras (2002)

Amen

Il y a plusieurs façons d'aborder Amen. En tant que film historique, on peut le trouver simpliste, inexact, partial voire provocateur à l'image de son affiche polémique qui assimile la croix chrétienne et la croix gammée. De fait il y a des erreurs dans le film. Par exemple le Zyklon B est le seul gaz utilisé pour tous les camps alors qu'en réalité seul Auschwitz-Birkenau l'employait, les autres ayant recours au monoxyde de carbone. D'autre part Le film s'inspire du "Vicaire", une pièce de théâtre pamphlétaire des années 60 qui prenait des libertés avec la vérité historique. Le film a suscité un certain nombre de débats sur l'attitude du Vatican pendant la seconde guerre mondiale vis à vis de l'Allemagne nazie et vis à vis des juifs. Le fait est qu'aucune prise de position officielle claire n'a été prise mais qu'il y a eu des manœuvres en coulisses. Des manœuvres qui ont peut-être permis de cacher ponctuellement des juifs mais certainement pas de contrecarrer la Shoah en Europe ni même en Italie. Et le film rappelle aussi la collusion bien réelle entre certains nazis et certains ecclésiastiques au plus haut niveau qui a permis leur exfiltration en Amérique latine.

Ces réserves ne doivent pas occulter que le film soulève des questions pertinentes et montre certains rouages de la Shoah avec justesse. La dimension implacablement technique et administrative du massacre est bien démontrée à travers la circulation des dossiers ou les plans des chambres à gaz. La logique inhumaine des diplomaties d'Etat s'oppose aux efforts d'individus isolés qui finissent broyés par le système. Enfin, l'attitude à géométrie variable des Eglises catholiques et protestantes selon la nature des victimes de l'épuration raciale est remarquablement soulignée. Ainsi, il est rappelé que même si les nazis étaient antichrétiens et ont tout essayé pour diminuer l'influence des églises, ils avaient peur de leur opinion publique. Aussi lorsque les églises ont protesté contre le programme T4 d'euthanasie des handicapés, Hitler a dû faire arrêter la procédure ou du moins la rendre plus discrète. En revanche aucune autorité politique ou religieuse ne s'est opposée publiquement à l'extermination des juifs alors que la plupart des chancelleries étaient informées du massacre. C'est ce grand silence politique que Costa-Gavras dénonce, les petits calculs, l'indifférence, la lâcheté face à l'innommable, l'indicible.

Si la mise en scène très didactique s'efface parfois derrière son sujet, l'interprétation est globalement remarquable. On retrouve le brillant trio de la "Vie des autres", Ulrich Tukur dans le rôle du SS Kurt Gerstein, personnage réel dont le comportement de Juste ne sera reconnu que 20 ans après sa mort, Ulrich Mühe dans le rôle d'un médecin nazi particulièrement pervers (inspiré de Mengele) et enfin Sébastian Koch dans un rôle de SS plus mineur. Quant au jésuite Ricardo Fontana, il est joué avec sensibilité par Kassovitz mais son personnage pâtit de son manque d'approfondissement.

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