La danseuse
Stéphanie Di Giusto (2016)
Stéphanie Di Giusto avait en main des cartes maîtresses pour faire de son premier film une vraie sensation. Force est de constater qu'à l'arrivée, son manque d'audace, son désir de plaire au plus grand nombre (et les calculs qui vont avec) aboutit à un pétard mouillé.
Parmi ces cartes, l'histoire vraie et passionnante de Loïe Fuller, une danseuse homosexuelle de la fin du XIX° siècle cherchant à s'affranchir des diktats masculins dans le domaine de la danse. Au lieu de dévoiler le corps féminin, de l'envisager sous le prisme de l'érotisation, elle le dissimule par un jeu de lumières et de voiles aériens pour mieux le libérer, en faire une matière fluide et souple, métamorphosable à l'infini, ici en fleur, là en papillon. Ce personnage intrigant et magnifique est de plus porté par la prestation incandescente d'une chanteuse-actrice hors-norme, Soko. Si je mets 3 étoiles à ce film, c'est à cause d'elle. Soko n'a pas son pareil pour faire exploser le désir et la sensualité au sein de sociétés corsetées. Sa carrure athlétique, sa beauté sauvage et indomptable fascinent. Elle crame la pellicule en se consumant pour son art. Face à elle, Lily-Rose Deep campe une Isadora Duncan convaincante en jeune rivale aux dents longues pour qui danser est aussi naturel que respirer. Ajoutons enfin l'ambition esthétique du film: la danseuse Jody Sperling a œuvré sur les chorégraphies, et Denoît Debie, chef opérateur de Love ou Spring Breakers, en a dirigé la photographie.
Mais on ne peut avoir le beurre et l'argent du beurre. En voulant ratisser large et ne fâcher personne, la réalisatrice a gommé tout ce que la vie de Loïe Fuller avait de sulfureux (en clair son lesbianisme) ce qui brouille aussi bien ses choix créatifs intimement liés à son identité sexuelle que son rapport aux autres femmes, purement et simplement éludé. A la place, on lui prête une relation (fictive évidemment) avec Louis d'Orsay un dandy joué par Gaspard ULLIEL. Un dandy impuissant, à l'image du film.
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