Fannypa
Marc Allégret (1932)
"Fanny" est le deuxième volet de la trilogie marseillaise de Pagnol. C'est Marc Allégret qui après Alexandre Korda en assure la réalisation. Bien que "Fanny" reprenne la dernière scène de "Marius", assurant ainsi la continuité de l'histoire, il y a des différences sensibles entre les deux films.
Tout d'abord, il s'agit d'une réalisation beaucoup plus dynamique et vivante que "Marius" dont beaucoup de scènes assez statiques avaient été réalisées en studio avec un effet boîte et carton-pâte qui disparaît ici. Peut-être pour des raisons liées à l'amélioration de la prise de son, on voit apparaître des scènes extérieures de foule (le tramway stoppé par la partie de boules) et des scènes de rue dont celle, marquante du long travelling sur Fanny en train de marcher qui annonce le courant néoréaliste. Même la traditionnelle scène statique des 4 amis (César, Panisse, Escartefigue -joué par Auguste Mouriès et non plus par Paul Dullac- et Monsieur Brun) assis autour de la table se déroule dehors avec le bruit du vent et les effets d'ombres et lumière du soleil dans les arbres.
Ensuite, la disparition temporaire de Marius permet à d'autres personnages de passer au premier plan. C'est surtout Panisse qui en profite. Son personnage gagne considérablement en épaisseur lorsqu'il ouvre son cœur à Fanny et dévoile ses failles intérieures. On découvre également que derrière ses manières courtoises il s'agit d'un personnage franc (sauf lorsqu'il s'agit de rouler des clients dans la farine), capable d'aborder des sujets délicats sans pudibonderie. Le film étonne d'ailleurs par sa modernité concernant le traitement de la sexualité. Si le poids des mœurs de l'époque se fait sentir (le déshonneur de la grossesse hors-mariage et la nécessité sociale de cacher la faute par un mariage arrangé) il refuse de juger les personnages en restant toujours empathique à leur égard. Charpin fait une composition remarquable. Il est épaulé par un Raimu toujours aussi truculent dans le rôle de César dont la fierté dissimule bien mal qu'il se ronge les sangs pour son fils. Ses débordements gestuels et langagiers sont un régal. Enfin si Pierre Fresnay ne réapparaît qu'à la fin, il nous bouleverse lors d'une séquence d'anthologie qui l'oppose à son père sur la question de la filiation. "Le père c'est celui qui aime" répond-il à son fils qui prétend avoir des droits sur le bébé de Fanny parce qu'il est le père biologique. "Moi j'ai donné la part, elle aussi mais celui qui lui a le plus donné c'est Panisse. Et toi qu'est ce que tu lui as donné?"
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