La Strada
Federico Fellini (1954)
"La Strada" est mon film préféré de Federico FELLINI. Il s'agit d'un film qui s'abreuve à la source même du cinéma. Celle des arts forains (le cirque) mais aussi du cinéma muet burlesque avec son personnage de femme-enfant saltimbanque innocente au visage lunaire incroyablement expressif (Giulietta MASINA) qui fait tant penser à celui du vagabond de Charles CHAPLIN. Cette matrice spectaculaire s'établit sur un fond social néoréaliste très âpre, courant d'où était issu Federico FELLINI (co-scénariste de Roberto ROSSELLINI notamment sur "Rome, ville ouverte" (1945) ce qui lui vaut d'être confondu avec lui dans une séquence de "Nous nous sommes tant aimés" (1974) de Ettore SCOLA qui retrace l'histoire du cinéma italien dans la seconde moitié du XX° siècle). Enfin, le film comporte une importante dimension religieuse et morale. Le personnage de Gelsomina ressemble à Jésus en ce qu'elle se sacrifie pour que Zampano (Anthony QUINN), la brute épaisse qui fait office de compagnon/maître/bourreau soit sauvé. La fin de "la Strada" a des points communs avec celle de "La Dolce vita / La Douceur de vivre" (1960) qui fait également surgir le spirituel dans la trivialité: le personnage masculin principal, prisonnier d'un enfer qui s'est mis en scène tout au long du film au travers d'un numéro répétitif aliénant (les chaînes) arrive à une sorte de terminus figuré par une plage. Il se retrouve alors face à lui-même dans une épreuve de vérité. Dans "La Strada" il observe le ciel et se laisse toucher par la grâce. Dans "La dolce vita" il contemple un monstre marin et il la refuse, tournant le dos à la jeune fille au visage d'ange qui voulait le sauver. Dans "La Strada", un troisième personnage joue un rôle important, le Fou (Richard BASEHART), un funambule musicien et poète tout aussi pur et enfantin que Gelsomina et tout aussi fragile qu'elle. Leur rencontre prouve à Gelsomina que la grâce divine existe dans le monde mais leur destin est de finir broyé entre les pattes de la brute Zampano pour que celui-ci qui fuit toute forme d'intimité (à commencer par lui-même) puisse commencer à entrevoir la lumière.
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