Othello
Oliver Parker (1995)
Bien que cet "Othello" ne soit pas réalisé par Kenneth Branagh, il entretient des rapports étroits avec lui, ne serait-ce que parce qu'il interprète Iago et que son directeur artistique ainsi que son assistant metteur en scène ont été engagés. Les Inrockuptibles qui visiblement ne l'apprécient guère ironisaient à la sortie du film en lui adressant une lettre ouverte, "Même quand vous n'assurez pas la mise en scène, on a l'agréable impression que c'est vous le cinéaste. Peut-être créez-vous des clones, comme dans votre mémorable Frankenstein" (qui fut le premier échec commercial et critique de Branagh). Oliver Parker n'a guère dû apprécier (s'il a eu connaissance de l'article) d'être qualifié de "clone" d'un Branagh que nombre de journaux français ont accusé de mégalomanie. Car on peut voir les choses autrement: Kenneth Branagh s'est certainement reconnu dans ce jeune admirateur de Shakespeare et il lui a mis le pied à l'étrier en l'épaulant pour la réalisation de son premier film.
De fait il a eu raison. La vision que Parker propose de la pièce, très charnelle, est intéressante. Il a raccourci le texte pour faire de la place aux corps et aux visages filmés en gros plans. Ceux-ci, mûs par les passions physiques, les pulsions animales sexuelles et meurtrières se dévorent, s'étreignent, s'empoignent, se déchirent. Si Desdémone représente la facette lumineuse de l'être, Othello et Iago illustrent chacun son côté obscur. Othello, victime de son orgueil et de sa jalousie est pris d'une folie meurtrière qui finit par le détruire. Il est manipulé par un génie de l'intrigue, Iago qui visiblement jouit de sa position de deus ex machina. Les nombreux appartés et regard caméra de Branagh, son jeu avec les pièces de son échiquier le confirment. La duplicité de Iago fait la force. Tout au long de la pièce, il est qualifié "d'honnête", de "bon" et de "dévoué" alors qu'il est fourbe, sournois, maléfique et machiavélique. Quant à ses motivations, elles sont dictées elles aussi par la jalousie et l'envie. Iago ne voudrait pas seulement être Cassio, le lieutenant d'Othello, il voudrait être Othello lui-même. Dans le film, ce désir s'exprime par une image particulièrement forte: celle où Iago agonise sur le lit où gisent Othello et Desdémone, s'insinuant dans leur couple jusque dans la mort. Même si la mer purificatrice n'accueille que les dépouilles du couple défunt.
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