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La Captive

Publié le par Rosalie210

Chantal Akerman (2000)

La Captive

"La Captive" est la libre adaptation contemporaine du roman de Marcel Proust, "La Prisonnière", cinquième tome de "A la recherche du temps perdu". Chantal AKERMAN a voulu capturer l'essence du roman afin d'en tirer une résonance universelle sur sa croyance en l'altérité irréductible de l'autre. En effet, "La Captive" qui aurait tout aussi bien pu s'appeler "Le Captif" est l'histoire d'un couple dont l'un tente par tous les moyens de posséder l'autre qui ne cesse de se dérober à ses efforts. Si Ariane (Sylvie TESTUD) accepte en apparence de se soumettre à Simon (Stanislas MERHAR) en se pliant à ses quatre volontés, elle lui refuse tout accès à son intimité. Quoiqu'il fasse, il se heurte à un bloc d'opacité, celle-ci éludant ses questions incessantes et fuyant son regard, y compris dans des relations sexuelles qui se déroulent quand elle semble endormie et qu'elle lui tourne le dos. Si elle semble sous son emprise tant il cherche à contrôler le moindre de ses mouvements, c'est bien lui qui se retrouve prisonnier de son obsession. Il n'a pas de vie en dehors d'elle, alors tout laisse à penser qu'elle lui cache une partie de sa vie et qu'elle lui ment. Chantal AKERMAN créé des liens avec des films célèbres portant sur le même thème, comme "Vertigo" (1958) et "Eyes wide shut" (1999). On y retrouve l'aspect onirique, hors du temps, l'odyssée intérieure d'un homme inquiet qui traque une illusion ou se confronte à ses fantasmes et au trou noir de son intériorité, le vertige de la découverte que ce que l'on croyait familier est irréductiblement étranger. S'y ajoute dans "La Captive" le caractère étouffant de l'enfermement dans l'appartement qui est moins le problème d'Ariane que celui de Simon. Seul le corps d'Ariane est cloîtré, son esprit lui vagabonde quand il le souhaite comme le démontre la scène de chant au balcon. Simon lui n'existe pas en dehors de son obsession pour Ariane tout en étant incapable de vivre sa passion. Les contacts charnels entre les deux amants sont systématiquement entravés par des vêtements, une vitre, des prétextes empêchent Simon d'accompagner son aimée à l'extérieur sans doute parce que la femme réelle ne l'intéresse pas et que découvrir sa vérité au final, non plus. Ce qu'il recherche, c'est une fusion impossible autrement que par leurs ombres. Rester dans l'appartement ou la suivre de loin, ou envoyer une jolie jeune femme au prénom équivoque (Andrée) l'espionner (Olivia BONAMY) c'est entretenir la machine à fantasmes, celle que véhicule le cinéma, le film s'ouvrant sur un film dans lequel apparaît Ariane et que regarde Simon. Le jeune homme ne se connaît pas et a bien trop peur de regarder en lui ses propres abysses comme le montre la scène d'errance nocturne au bois de Boulogne qui fait directement allusion à l'homosexualité, non plus supposée d'Ariane mais la sienne propre.

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