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L'Homme de l'Ouest (Man of the West)

Publié le par Rosalie210

Anthony Mann (1958)

L'Homme de l'Ouest (Man of the West)

"L'homme de l'ouest" est à Anthony MANN ce que "L Homme qui tua Liberty Valance" (1962) est à John FORD: une œuvre testamentaire (c'est son avant-dernier western) et crépusculaire. Link Jones, comme l'acteur qui l'interprète (Gary COOPER) est un héros au bout du rouleau. Comme dans le film de John FORD cité plus haut il ne trouve pas sa place dans la civilisation qui s'implante toujours plus à l'ouest, symbolisée par le train. Et au-delà ? Il n'y a plus personne sinon des villes fantômes. Le temps du western est révolu. C'est tout le drame du personnage pathétique de Dock Tobin (Lee J. COBB) de refuser de voir la vérité en face. Avec les quelques hommes qui lui reste (et qui ne sont guère fiables excepté le cousin de Link, Claude, joué par John DEHNER) il se terre dans une ferme abandonnée, hors du monde. C'est depuis ce tombeau qu'il échafaude des plans sur la comète, tous voués à l'échec. Il s'aveugle également sur les raisons du retour de son fils prodigue échappé d'un train qui va trop vite pour lui mais qui pourtant à aucun moment ne manifeste son envie d'être là. Car on sait qu'il a trouvé la voie de la rédemption dans une communauté qui l'a accepté avec son passé (comme dans "Les Affameurs" (1951) mais celle-ci reste hors-champ comme une sorte d'utopie inaccessible (pour le spectateur en tout cas).

Au-delà de son aspect crépusculaire, "L'homme de l'ouest" a des caractéristiques propres au cinéma d'Anthony MANN qui préfigurent ce que sera quelques années plus tard le western de Sergio LEONE. C'est une approche âpre et frontale de la violence, certaines scènes versant même dans le sadisme. Ce sont des personnages sales et mal rasés, plus proches de la bête que de l'homme qui cèdent à leurs pulsions primaires et crient comme des veaux qu'on égorge. C'est un héros ambigu au passé trouble, Anthony MANN ayant l'art et la manière de retourner les acteurs positifs des films de Frank CAPRA (Gary COOPER et avant lui James STEWART). C'est aussi l'impression de confinement qui se dégage du film, les règlements de compte se déroulant en vase clos comme sur une scène de théâtre, que ce soit à l'intérieur d'une ferme ou dans le désert.

Si en dépit de sa qualité, ce western suscite des appréciations contrastées, c'est en raison principalement de quelques problèmes sur les personnages et le casting. Lee J. COBB est beaucoup plus jeune que Gary COOPER, or il joue le rôle de son ancien mentor censé être beaucoup plus âgé. Par conséquent Cobb est grimé et surjoue ce qui sonne faux. D'autre part les deux compagnons de Link, Billie (Julie LONDON) et Sam (Arthur O CONNELL) sont des poids morts dont Anthony MANN ne sait que faire.

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Le Bon, la Brute et le Truand (Il buono, il brutto, il cattivo)

Publié le par Rosalie210

Sergio Leone (1966)

Le Bon, la Brute et le Truand (Il buono, il brutto, il cattivo)

"De tout temps j'ai pensé que le bon, le mauvais et le violent ne pouvaient pas exister dans un sens absolu et total". Cette citation de Sergio LEONE éclaire le sens du troisième volet de la "trilogie du dollar" qui en constitue l'apothéose, au point d'être devenu l'un des films les plus célèbres et les plus étudiés de toute l'histoire du cinéma. Car par delà les séquences d'anthologie telles que le célébrissime générique sensoriel d'Ennio MORRICONE rempli de coups de feu et de hurlements de coyote ou la grandiose chorégraphie baroque du triel dans l'arène, il s'agit du film le plus engagé, le plus politique de la trilogie et au final celui qui nous en dit le plus sur la personnalité de son réalisateur.

La conception relativiste du bien et du mal était déjà bien affirmée dans "Et pour quelques dollars de plus (1965)" où un salaud absolu se confrontait à deux salauds relatifs qu'on pouvait également considérer comme deux anges déchus, cette réversibilité étant au coeur du projet de Sergio LEONE: "J'ai une vieille chanson romaine gravée en mémoire, une chanson qui me semble pleine de bon sens : Un cardinal est mort. Il a fait le bien et le mal. Il a bien fait le mal et il a mal fait le bien. Voilà en gros la morale que je souhaitais glisser dans le film." Le choix d'illustrer son exemple par un cardinal n'a rien d'anodin car son rejet du manichéisme se nourrit d'une colère anticatholique très semblable à celle des anarchistes espagnols. Les célèbres phrases binaires du film (par exemple "Dans le monde il y a deux sortes de gens: ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent") peuvent d'ailleurs être entendues comme des allusions ironiques au manichéisme chrétien. "Et pour quelques dollars de plus (1965)", montrait déjà de façon ironique le colonel Mortimer (Lee Van CLEEF) plongé dans une Bible. "Le Bon, la Brute et le Truand" va plus loin. Une scène clé du film en totale rupture de ton avec celles qui précèdent et celles qui suivent montre une confrontation entre Tuco le "truand" (Eli WALLACH) et son frère Pablo (Luigi PISTILLI) qui est prêtre. Alors que ce dernier se fourvoie dans des sermons typiques de la morale catholique à base de jugements de valeur ("tu ne fais que le mal") et de culpabilisation ("Tu n'as n'a pas assisté à la mort de nos parents"), Tuco dénonce son sentiment de supériorité et son inaptitude à l'empathie qui le renvoient à la solitude et au déracinement. A la suite de cet échange, on comprend mieux l'aspect chaplinesque du personnage que son apparence de bouffon italien dissimulait jusque-là.

Outre cette critique de la morale religieuse, l'autre aspect engagé du film réside dans son antimilitarisme affirmé. La guerre de Sécession n'est pas un décor, elle est l'occasion de dénoncer une boucherie inutile dont les soldats chair à canon sont les premières victimes. Les membres du trio étant d'irrécupérables hors la loi amoraux respectivement chasseur de primes, tueur à gages et délinquant multirécidiviste, ils évoluent en marge de la guerre voire en subvertissant ses codes comme ceux de toutes les autres institutions. Mais Blondin (Clint EASTWOOD) le Clown blanc et Tuco l'Auguste étant des salauds relatifs (On pourrait croire que Sentenza est un salaud absolu mais il est également relatif par le fait que pour Lee Van CLEEF il s'agit d'un contre-emploi), ils manifestent de temps à autre des gestes de solidarité et d'humanité envers les soldats, même si cela va aussi dans le sens de leur intérêt.

Enfin la discrimination raciale aux USA, toujours d'actualité dans les années 1960 alors qu'à l'époque du film, l'esclavage existait encore est évoquée brièvement mais de façon percutante au détour d'une petite phrase bien sentie. Lorsque les innombrables méfaits de Tuco sont égrenés avant son énième pendaison, on entend dans la version en VO qu'il y a deux poids et deux mesures dans la gravité du crime selon la couleur de la peau: "Viol d'une vierge de race blanche, détournement de mineure de race noire." Le viol de la vierge de race blanche étant la plus grande peur des racistes blancs (pour qui le métissage est l'infâmie absolue), on appréciera d'autant plus la portée de cette phrase qui nous ramène encore une fois au manichéisme chrétien, surtout lorsqu'il est interprété par les suprémacistes blancs du KKK "Dieu n'a pas créé les races blanche et noire pour qu'elles se mélangent".

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Et pour quelques dollars de plus (Per qualche dollaro in più)

Publié le par Rosalie210

Sergio Leone (1965)

Et pour quelques dollars de plus (Per qualche dollaro in più)

Comme une mise en abyme involontaire et ironique, c'est à cause d'une histoire de gros sous que le premier western de Sergio LEONE est devenu une trilogie. Le succès international inattendu de "Pour une poignée de dollars (1964)" eut l'effet paradoxal d'entraîner un procès avec Akira KUROSAWA qui estimait à juste titre que le film était un plagiait de "Yojimbo - Le Garde du corps (1960)". Akira KUROSAWA gagna le procès et obtint les droits de distribution du film de Sergio LEONE pour l'Extrême-Orient. La société de production américaine qui avait financé "Pour une poignée de dollars (1964)" se remboursa en privant Sergio LEONE de salaire: il ne toucha pas un centime sur son premier film. C'est ce qui le poussa à fonder sa propre société de production et à mettre en chantier un second opus en tous points supérieur à son prédécésseur.

En effet là où "Pour une poignée de dollars (1964)" faisait figure d'esquisse en raison notamment d'un budget et d'un scénario limités, "Et pour quelques dollars de plus" fait figure d'œuvre achevée. Sergio LEONE y affirme son style opératique, baroque et flamboyant, toujours aussi bien épaulé par la musique d'Ennio MORRICONE tout en développant un scénario beaucoup plus étoffé. Certes, il reprend le motif du méchant joué par Gian Maria VOLONTÉ dont les actes criminels particulièrement ignobles (viol et assassinat de femme et d'enfant) font passer les deux chasseurs de prime à la gâchette pourtant facile joués par Clint EASTWOOD et Lee Van CLEEF pour des saints. Une conception relative du bien et du mal très asiatique là où les occidentaux en ont une conception absolue et manichéenne ("Tu ne tueras point, point."). Mais la nouveauté réside justement dans le dédoublement de la figure du "héros" leonien. Clint EASTWOOD reprend les habits de "L'Homme Sans Nom" et joue peu ou prou le même rôle d'observateur-justicier-arbitre cynique et détaché que dans le film précédent. Mais Sergio LEONE lui adjoint Lee Van CLEEF dans un rôle qui préfigure celui de Charles BRONSON dans "Il était une fois dans l'Ouest (1968)". Le film y gagne en densité dramatique et humaine avec le thème de l'amitié virile et intergénérationnelle ainsi que celui de la vengeance. La scène finale dans l'arène préfigure quant à elle le film suivant "Le Bon, la brute et le truand (1966)". Sergio LEONE déploie un langage visuel souvent chargé d'une ironie jouissive. Le colonel Mortimer lisant la Bible alors qu'il va toucher la prime de l'homme qu'il vient de tuer en est un parfait exemple. Le vol du coffre-fort de la banque d'El Paso réputée imprenable en est un autre: le réalisateur insiste sur le très lourd dispositif mis en place dans la partie avant de la banque pour empêcher les malfaiteurs de s'emparer du coffre puis il montre que ceux-ci n'ont qu'à faire sauter le mur arrière pour s'en emparer.

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Pour une poignée de dollars (Per un pugno di dollari)

Publié le par Rosalie210

Sergio Leone (1964)

Pour une poignée de dollars (Per un pugno di dollari)

"Pour une poignée de dollars" sorti en 1964 et devenu par la suite le premier volet de la "trilogie du dollar" est une petite bombe cinématographique. D'abord parce qu'il marque la naissance d'un nouveau genre: le western italien longtemps affublé du méprisant sobriquet de "spaghetti" (relent nauséabond d'une époque révolue mais pas si lointaine ou France et USA persécutaient leurs immigrés italiens qu'ils surnommaient les "macaronis"). Mais le qualifier d'italien est en réalité impropre. Ce nouveau western (ou plutôt renouveau, le genre étant alors moribond) est le fruit d' influences variées dont la mise en scène de Sergio LEONE réalise l'alchimie avec brio:

- Américaine pour le scénario inspiré d'un roman policier de Dashiell HAMMETT, "La Moisson rouge" sans parler du fait que le western est un genre enraciné dans l'histoire et la géographie des USA.

- Japonaise par le fait que "Pour une poignée de dollars" est le remake du film d'Akira KUROSAWA Yojimbo - Le Garde du corps (1960) lui-même inspiré du livre de Dashiell HAMMETT. Tous les western de Sergio LEONE sont imprégnés de l'esthétique des films japonais: la stylisation (le générique d'ombres animées en est un exemple frappant), une narration plus visuelle que dialoguée, la dilatation des plans, le poids des silences, le hiératisme des personnages, les gros plans sur leurs visages semblables à des masques.

-Italienne pour les baroquismes, la démesure opératique et l'influence de la commedia dell arte sur les personnages incarnés par des gueules plus grotesques les unes que les autres.  Les westerns de Leone se caractérisent par leur amoralité et leur sauvagerie, celles-ci étant toutefois tempérées par la bouffonnerie et l'humour noir. "Pour une poignée de dollars" est toutefois sobre, sec et épuré comparativement aux deux autres volets de la trilogie, plus lyriques et flamboyants. 


"Pour une poignée de dollars" doit également son identité reconnaissable entre mille à Clint EASTWOOD alors peu connu et qui impose une nouvelle icône archétypique universelle de héros/antihéros charismatique à poncho mexicain et bout de cigarillo au coin des lèvres, taiseux mais doté d'un regard perçant et dont la nonchalance laisse place à une rapidité d'exécution foudroyante. Un héros ambigu, cynique, cupide, éliminant froidement ses adversaires mais qui n'est pas dénué d'humanité ni de faiblesse (surtout en comparaison de ses adversaires). Surgissant de nulle part, n'allant nulle part, sans aucune attache ni identité (grâce au surnom gagné lors de la promotion américaine du film "l'Homme Sans Nom"), il est entouré de mystère et a également quelque chose de christique et de surnaturel. En témoigne la célèbre scène où il se relève après avoir été criblé de balles, révélant sous son poncho un gilet pare-balles improvisé ou le sadisme avec lequel il se fait lyncher pour avoir sauvé les victimes des Rojos. La dégaine classieuse de Clint EASTWOOD, le contraste marqué entre sa beauté solaire et son expression taciturne, son magnétisme et sa minéralité font que l'on ne peut imaginer d'autre acteur dans le rôle.

Enfin le troisième homme sans lequel les westerns de Sergio LEONE n'auraient pas la même saveur c'est le compositeur Ennio MORRICONE dont l'osmose avec le réalisateur produit une série de BO exceptionnelles à base de sifflements, de chœurs, de coups de feu, de guitare électrique. Ennio MORRICONE fait subir aux codes de la musique de western le même genre de détournement que Leone avec sa mise en scène pour le plus grand plaisir du spectateur.

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La Rivière sans retour (River of No Return)

Publié le par Rosalie210

Otto Preminger (1954)

La Rivière sans retour (River of No Return)

L'unique western réalisé par Otto PREMINGER a aujourd'hui pas mal de détracteurs. Il y a ceux qui butent sur les effets spéciaux datés du radeau en gros plan et ceux qui sont choqués par la relation brute de décoffrage entre Robert MITCHUM et Marilyn MONROE. Pourtant les transparences des films de Alfred HITCHCOCK tout aussi voyantes ne gênent personne, pas plus que la mysogynie rance des comédies musicales de cette époque (sans doute en raison de l'élégance de l'emballage).

Il faut donc remettre le film dans son contexte. "La rivière sans retour" n'est certainement pas un film progressiste. Il est pro-colonisation et pro-armes, les indiens sont réduits à n'être qu'un élément de l'environnement hostile que doivent dompter les si courageux pionniers, la relation entre les sexes est primaire "Moi Tarzan, toi Jane". Et pourtant le fait est que ce film est passionnant et magnifique.

Un homme, une femme, un enfant qui ne se connaissent pas sont embarqués dans une odyssée initiatique qui aboutit à la formation d'une famille recomposée. L'intrigue est limpide comme de l'eau de roche et les enjeux dramatiques sont suffisamment forts pour tenir en haleine. L'enfant est l'élément fédérateur entre deux adultes que tout sépare a priori: Matt, un fermier rustre (Robert MITCHUM) et Kay, une chanteuse de saloon éprise d'un aventurier dans scrupules (Marilyn MONROE). Le "fluvial-movie" dans les paysages grandioses du Canada leur permet d'apprendre à se connaître en révélant leurs différentes facettes. Matt est un puritain pétri de préjugés qui cependant n'est pas lui-même sans tache. Il tente de se reconstruire en dissimulant son passé. Kay l'oblige à l'assumer devant son fils. C'est donc un homme vulnérable comme le montre sa dépossession quasi immédiate des deux symboles de puissance virile que sont le fusil et le cheval. Son comportement face à Kay est celui de l'homme des cavernes: il l'embarque sur son dos comme un vulgaire paquet, la frictionne vigoureusement comme un cheval et lui saute dessus avec sauvagerie. Et quand Robert MITCHUM est sauvage, il n'y va pas à moitié comme il le démontrera également un an plus tard avec "La Nuit du chasseur (1955)". Kay bouscule ses repères comme Marilyn MONROE le fait avec les spectateurs. Kay est un de ses plus beaux rôles. Les passages musicaux soulignent ses différentes facettes. Elle est tout à tour vénale sur "One silver dollar", séductrice sur "I'm gonna file my claim", tendre et maternelle sur "Down in the Meadow" et profondément mélancolique sur la chanson-titre "The River of no return".

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Malec chez les indiens (The Paleface)

Publié le par Rosalie210

Buster Keaton et Edward F. Cline (1922)

Malec chez les indiens (The Paleface)

Un western burlesque et politique très réussi. Sur le plan de l'efficacité comique, "Malec chez les indiens" (plus connu aujourd'hui sous le titre "Buster chez les indiens") n'est peut-être pas le meilleur court-métrage de Keaton mais il comporte des scènes de cascades vraiment impressionnantes ainsi que des gags très drôles. Mais surtout il résonne de façon très actuelle sur le plan politique. En effet il s'agit d'un film engagé pro-indien (ce qui contredit au passage l'opinion communément admise selon laquelle ce type de film serait apparu dans les années cinquante). Le film s'ouvre sur une scène pas du tout comique qui analyse les procédés crapuleux par lesquels une compagnie pétrolière s'empare du titre de propriété des terres sur lesquelles vivent les indiens. Preuve que les capitalistes sont insatiables, ce sont aujourd'hui les réserves indiennes qui sont menacées par le passage d'oléoducs géants. On voit bien où mène le processus: à leur disparition pure et simple.

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Lucky

Publié le par Rosalie210

John Carroll Lynch (2017)

Lucky

"Lucky" porte bien son titre, c'est une méditation sur la chance que constitue le simple fait d'être vivant et une invitation à profiter de chaque instant avant que la mort ne vienne y mettre un terme. C'est justement parce que "Lucky" est porté par un acteur nonagénaire aux portes de la mort (symbolisée par la porte "Exit") qu'il est si lumineux, célébrant les joies simples de la vie de tous les jours au travers de rituels immuables (lait le matin, café l'après-midi, Bloody Mary le soir, cigarettes, yoga, déambulations au fil des rues, passage à l'épicerie, conversations avec les piliers de comptoir). Le grand âge qui d'ordinaire est repoussé derrière un paravent est mis ici au premier plan. Dans ses aspects négatifs (la dégradation du corps) comme positifs (l'apaisement, l'acceptation comme ce beau passage où Lucky regarde Liberace jouer à la télévision et dit "avant je ne voyais en lui qu'une tapette délurée, maintenant je vois un génie. De toutes façons je ne peux plus bander".) Et bien que Lucky soit athée, voire nihiliste ("l'âme n'existe pas"), son environnement (et la mise en scène) nous dit le contraire.

Le désert est un haut lieu de spiritualité et le costume de cow-boy évoque toute la mythologie de l'ouest américain. Quand ce costume est porté par Harry Dean Stanton, c'est tout un pan du cinéma US qui ressuscite. Cantonné aux seconds rôles pendant 30 ans en raison de son physique et de sa personnalité atypique, son aura explose lorsqu'il incarne Travis, le personnage principal de "Paris, Texas" de Wim Wenders en 1984. "Lucky", son deuxième (et dernier) premier rôle prolonge celui de Travis, l'un et l'autre étant très proches de l'acteur: solitaires, taiseux, fragiles, sauvages, mal-aimables, d'une sensibilité à fleur de peau et d'une grande densité intérieure. Impossible de ne pas croire à l'âme tant celle d'Harry Dean Stanton affleure dans ses expressions artistiques (le cinéma et la musique) ce qui donne à ses prestations une grande authenticité. Dans "Lucky", Harry Dean Stanton est accompagné par son autre réalisateur fétiche, David Lynch qui l'a fait jouer dans trois films dont le magnifique "Une Histoire vraie" auquel on pense forcément. 

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Le trésor de la Sierra Madre (The Treasure of the Sierra Madre)

Publié le par Rosalie210

John Huston (1948)

Le trésor de la Sierra Madre (The Treasure of the Sierra Madre)

Immense film que ce "Trésor de la Sierra Madre" qui voit trois hommes en marge de la société s'improviser chercheurs d'or dans l'espoir de faire fortune... mais inconsciemment dans l'espoir de trouver un sens à leur vie et une place dans le monde. Face à cet or qui s'avère être un mirage, chacun va trouver sa vérité, douce pour certains, cruelle pour d'autres dans cette "Sierra Madre" qui est un sas entre la vie et la mort. C'est toute la noblesse, toute la profondeur, tout l'humanisme du cinéma de John Huston qui s'exprime dans cette œuvre admirable.

Les personnages sont si criants de vérité que l'on ne parvient pas à les détester, même quand ils commettent des actes haïssables. C'est le cas de Fred C. Dobbs (campé par un géant du cinéma, Humphrey Bogart qui plus est dans un de ses meilleurs rôles) que la soif maladive de l'or plonge dans une terrible paranoïa autodestructrice. L'ombre qui le recouvre, la barbe qui mange son visage et les ruines qui l'environnent expriment son effondrement intérieur et annoncent son destin tragique.

Le vieux briscard qui l'accompagne, Howard (campé par le propre père de John Huston, Walter qui n'a pas volé son Oscar) pose un regard plein de compréhension sur lui, exprimant sans détour qu'il est une version déchue de lui-même. Extraordinaire personnage que cet Howard, plein d'expérience, de sagesse et de ressources cachées. Il est l'âme du film, celui qui sait justement le mal que l'or peut faire à l'âme. Il sait également que l'activité de prospecteur est maudite. Et pourtant, la tentation est trop forte, il ne peut s'empêcher de recommencer à chercher cet or, sans doute parce qu'il n'a jamais réussi à s'accomplir et qu'il saisit ce qu'il considère comme une dernière chance de le faire. Y renoncer sera par conséquent une vraie épreuve pour lui mais il y gagnera ce qu'il a en réalité toujours cherché: sa place au soleil. La scène où il ranime un enfant symbolise sa renaissance. Sa guérison est complète quand il lâche prise en riant aux éclats de la perte de son "or".

Il y a enfin Curtin (Tim Holt) qui au début de l'histoire partage la misère et le désoeuvrement de Dobbs. Leur rencontre le sort de son marasme, ils font équipe ce qui les rend plus forts (c'est le sens de la scène où ils obligent leur employeur à les payer). Mais plus le film avance, plus Curtin s'avère être l'antithèse de Dobbs et le fils d'élection de Howard avec lequel il partage ce fantastique éclat de rire libérateur qui clôt le film. Contrairement à Dobbs que son vide intérieur rend progressivement fou, Curtin rêve d'utiliser son or pour se construire un foyer où il pourrait s'enraciner. De plus il se comporte de façon loyale et honnête. Son vœu sera exaucé mais pas tout à fait de la façon dont il l'imaginait.

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Les Désaxés (The Misfits)

Publié le par Rosalie210

John Huston (1961)

Les Désaxés (The Misfits)

Grand film sur le crépuscule des idoles et des mythes fondateurs de l'Amérique, le film de John Huston constate la mort de l'âge d'or hollywoodien et du cinéma qu'il incarne. C'est pourquoi les fêlures des personnages principaux se confondent avec les acteurs qui les interprètent dans une mise en abyme saisissante. Clark Gable, qui fut le roi des séducteurs à l'écran dans les années 30 a perdu de sa superbe en vieillissant, à l'image du cow-boy désabusé et alcoolique qu'il interprète. Déjà malade au moment du tournage (on voit nettement ses mains trembler sur certaines images), il jette ses dernières forces dans le tournage du film en exigeant de réaliser lui-même ses cascades. De même, son personnage revit brièvement et intensément au contact de Roslyn, le personnage interprété par Marylin Monroe. Un personnage paradoxal, à l'image de l'actrice qui à 35 ans était déjà au bout du rouleau, usée par les médicaments et l'alcool. Roslyn est Marilyn, Huston ne laisse aucun doute à ce sujet par le truchement de célèbres photos de l'actrice qui apparaissent collées à l'intérieur d'un placard. Celle-ci, présente dans presque tous les plans, reste à l'écran cette déesse d'une beauté magnétique, incandescente, lumineuse et angélique. Elle met tant d'intensité dans ses gestes et ses paroles qu'elle irradie de son énergie vitale les hommes brisés qu'elle croise sur son chemin et qui la croient douées pour la vie. Seul Gay (Gable) voit l'envers de la médaille en lui disant qu'elle est la personne la plus triste qu'il connaisse. On la sent terriblement fragile, au bord du gouffre, prête à craquer à chaque instant. Enfin Montgomery Clift qui fut l'un des acteurs les plus prisés à la fin des années 40 et au début des années 50 est lui aussi en proie de multiples dépendances qui ont ruiné sa santé. L'accident de voiture qui a ravagé son visage a achevé de faire de lui un fantôme. Il joue le rôle de Perce, un cow-boy au comportement masochiste, voire suicidaire. Comment ne pas s'émouvoir quand Roslyn le supplie d'arrêter de se blesser?

De tels éclopés donnent vie à un film qui se situe à la frontière du western crépusculaire et du road movie. Les codes du western sont subvertis par la déchéance des héros dont l'identité et les repères sont mis à mal par le changement de société qui n'est plus celle des pionniers mais celle de l'American way of life. Tels les mustangs du film, il s'agit de perdants magnifiques condamnés à brève échéance. Aucun n'arrive à trouver sa place dans le nouveau monde, aucun n'a de foyer. Roslyn divorce au début du film, Gay est seul et n'arrive pas à renouer le contact avec ses deux enfants, Perce est orphelin de père et sa mère remariée ne lui laisse aucune place. Tous sont perdus et errent dans le désert. Gay et Roslyn essayent de fonder un foyer dans la maison inachevée de Guido (Eli Wallach) pour qui le temps s'est arrêté avec la guerre et la mort de sa femme. Mais peut-on faire pousser la vie dans un lieu aussi lourdement mortifère au milieu du désert? La chasse aux mustangs, magnifique, hatelante et terrible séquence de 30 minutes magnifiée par la photographie de Russell Metty et la mise en scène de John Huston apporte la réponse.

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Feux croisés (Two-Gun Gussie)

Publié le par Rosalie210

Alfred J. Goulding (1918)

Feux croisés (Two-Gun Gussie)

Court-métrage d'une dizaine de minutes dont l'effet comique principal repose sur le contraste entre Harold Lloyd, jeune homme d'apparence frêle et bien élevé et le milieu de rustres dans lequel il se produit. D'un côté la bourgeoisie urbaine de la côte est, de l'autre le Far West, ses saloons minables et ses hors-la-loi. Les efforts méritoires d'Harold pour "s'encanailler" (ou plutôt se mettre à la hauteur du dangereux bandit qui a échangé son identité avec lui) se soldent par de piteux échecs. Heureusement celui-ci reçoit des renforts qui l'aident à en venir à bout.

Le mélange de comédie et de western est une spécialité d'Harold Lloyd. Deux ans plus tard, il figurera dans un autre court-métrage du même genre (mais bien plus drôle): "Pour le cœur de Jenny" (également appelé "Viré à l'ouest"). L'index révolver qu'il utilise pour jouer préfigure le style de Chico Marx dans les films où il apparaît avec ses frères.

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