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Articles avec #vidor (king) tag

Hallelujah!

Publié le par Rosalie210

King Vidor (1929)

Hallelujah!

"Hallelujah" est un film capital dans l'histoire du cinéma. Bien moins connu que "Le Chanteur de jazz" (1927), il s'agit pourtant de ce qui est considéré comme le premier chef d'oeuvre du cinéma parlant, domaine dans lequel les USA étaient les pionniers en 1929. C'est aussi un film qui en rendant hommage à la communauté afro-américaine fait surgir tout un pan de l'histoire et de la culture américaine jusqu'alors quasi-absentes à l'écran (et qui va le rester jusqu'aux années 60). Tous les rôles sont interprétés par des noirs (venus du théâtre) qui forment dans le film une communauté humaine chaleureuse et soudée (ce qui relève alors dans l'état d'esprit des WASP de l'inconcevable et fait du film de King VIDOR une oeuvre pionnière) et la musique, indissociable de la religion est omniprésente dans le film tout comme la danse. Pour mémoire, l'histoire de la musique noire aux USA prend ses racines dans l'esclavage quand les esclaves inventèrent des chants religieux, les negro-spirituals mêlant influences européennes et culture africaine exprimant l'espoir en leur émancipation à travers celui des hébreux de l'ancien testament ("Let my people go"). Ces chants aboutirent au Gospel plus rythmé et plus axé sur le nouveau testament puis à des genres musicaux profanes: jazz, blues et soul. King Vidor ignore complètement la réalité multiculturelle (et raciste) de l'Amérique pour dépeindre une communauté vivant dans une sorte de paradis terrestre (comme il n'y a pas un seul blanc dans le film, ségrégation oblige, cela évacue la question du rapport entre les ethnies). Il peut donc en tirer une parabole sur les rapports entre l'individu et la collectivité à laquelle il appartient (structurée par la culture du coton et la ferveur religieuse) et sur la dualité entre le charnel et le spirituel, le profane et le sacré. Le héros, Zeke est en effet tiraillé durant tout le film entre ses aspirations à la pureté (incarnée par sa promise, Missy Rose) et sa violente attirance pour Chick ("poulette") une sorte de Lola-Lola noire qui l'égare et lui fait commettre des fautes*. Chick elle-même est prise en étau entre son désir de rédemption et ses passions. Tous deux sont tellement excessifs qu'ils en arrivent à se mettre dans des états extrême de transe alors que le reste de la famille de Zeke se caractérise au contraire par sa sagesse et sa tempérance.

* Une binarité sainte/putain qui n'est pas sans rappeler "L Aurore" (1927), le chef d'oeuvre de Friedrich Wilhelm MURNAU. Une dichotomie très occidentale même si King VIDOR a compris que le rapport à la religion de la communauté noire passait par le corps ce qui donne un mélange assez fascinant. Finalement il y a quand même dans ce film une rencontre entre deux cultures, celle des blancs et celle des noirs mais elle se fait hors-champ.

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La Foule (The Crowd)

Publié le par Rosalie210

King Vidor (1928)

La Foule (The Crowd)

"La Foule" est un film étonnant, par sa forme mais aussi par son propos sur l'envers du rêve américain qui démonte au passage le cliché de "l'usine à rêves". Réalisé dans les dernières années du muet par King Vidor, il voit naître un personnage appelé à revenir ultérieurement dans sa filmographie, John Sims. Avec sa femme, Mary, ils représentent la petite classe moyenne dont la vie se caractérise par la banalité et les difficultés du quotidien. Pourtant, John Sims est né un 4 juillet et selon son père, il est appelé à devenir "un homme important" c'est à dire l'un de ces self made men qui nourrissent le rêve américain. Mais la mort prématurée de son père lorsqu'il a 12 ans met un coup d'arrêt à son ascension programmée dans une scène expressionniste filmée dans un escalier. Dès qu'il atteint l'âge adulte et se rend à New-York pour y faire fortune, King Vidor met sans cesse en tension cet individu et la masse dont il cherche à s'extraire. Les plans d'ensemble sur les bureaux en open space de la compagnie d'assurances dans laquelle il est employé font de lui un simple rouage parmi des centaines d'autres absolument identiques. Ces plans préfigurent ceux des films critiquant les trente glorieuses tels que "La Garçonnière" et "Playtime". Assez rapidement, on se rend compte que la haute opinion qu'il a de lui-même ne correspond pas à ses capacités réelles. John (James Murray) est un tâcheron au bureau et un poids mort chez lui, l'entretien du foyer reposant sur les épaules de Mary (Eleanor Boardman) qui doit en plus se coltiner les jérémiades d'un époux immature. De ce côté là aussi, le film fonctionne sur une désillusion entre la magie de la rencontre amoureuse dans les manèges de Coney Island et la morosité du train-train quotidien ponctué de disputes. Qu'un dramatique accident surgisse et le peu d'efforts que John avait fait pour s'élever retombe comme un soufflé. S'il ne sombre pas complètement grâce à son fils, il connaît une déchéance relative, se retrouvant dans la peau du clown sandwich qu'il méprisait au début du film. Les derniers plans, remarquables sont extrêmement expressifs: La caméra s'éloigne de John Sims et de sa famille qui finissent par se fondre dans l'anonymat de la foule avant qu'elle ne se referme sur eux.

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L'Homme qui n'a pas d'étoile (Man without a Star)

Publié le par Rosalie210

King Vidor (1955)

L'Homme qui n'a pas d'étoile (Man without a Star)

Je préfère 1000 fois "L'homme qui n'a pas d'étoile" à "Duel au soleil" (1946), le précédent western réalisé par King VIDOR. En effet si "Duel au soleil" (1946) porte la marque (franchement détestable) du producteur David O. SELZNICK, on sent l'influence de Kirk DOUGLAS sur "L'homme qui n'a pas d'étoile". On discute encore pour savoir quel rôle exact il a pu jouer dans le film (il était connu pour s'immiscer dans leur réalisation ce qui n'allait pas sans provoquer des frictions). King VIDOR n'étant pas exactement un socialiste progressiste, l'ébauche de critique du capitalisme sauvage d'une brûlante actualité est certainement due à l'acteur dont la filmographie est parsemée de films très critiques vis à vis de la société de consommation, du spectacle ou vis à vis des inégalités sociales. Même si "L'homme qui n'a pas d'étoile" s'inscrit dans un schéma de western ultra-classique (initiation d'un jeunot par un aîné aguerri, esprit pionnier de conquête, guerre entre éleveurs de bétail pour l'appropriation de l'eau et de la terre) il préfigure l'époque du western crépusculaire. Le héros, Dempsey Rae appartient à un type d'hommes condamné à disparaître, celui du lonesome cowboy épris de liberté qui voit la civilisation inexorablement le rattraper comme Tom Doniphon dans "L Homme qui tua Liberty Valance" (1962). Cependant cet individualisme/anarchisme libertaire se combine à une soif de justice qui lui fait prendre le parti des petits fermiers face aux gros entrepreneurs terriens partisans de l'open range même s'il combat de toutes ses forces le symbole de propriété privée que représente la clôture de barbelés. En effet la prédation capitaliste libérale est montrée comme plus dévastatrice socialement et écologiquement que la petite propriété privée (ce qui est exact). Il est dit noir sur blanc dans le film qu'un excès de têtes de bétail dans un même lieu va raser la prairie. Mais Reed Bowman (Jeanne CRAIN) la propriétaire du Triangle cynique et sans scrupules venue de l'est s'en fiche, seul le profit à court terme l'intéresse et après, elle recommencera ailleurs, laissant derrière elle une terre brûlée et stérile. Quant à ceux qui se sont installés avant elle et veulent défendre leurs biens, elle paie des régisseurs-amants-mercenaires pour les éliminer. La seule alternative féminine à cette viriliste en jupons est Idonee, la prostituée au grand cœur, une figure traditionnelle du western. Claire TREVOR (une habituée du rôle puisqu'elle avait à peu près le même dans "La Chevauchée fantastique" (1939)) lui donne toutefois beaucoup de panache et constitue avec Dempsey le second personnage remarquable du film bien que pris tout comme lui dans une impasse existentielle.

Malgré ce sous-texte grave, le film se présente sous la forme d'un divertissement
léger avec son tube irrésistible de Frankie Laine et se caractérise également par d'étonnantes ruptures de ton. Le festival Kirk DOUGLAS n'y est pas pour rien, celui-ci cabotinant à mort dans certains passages du film. Mais sa prestation est tellement virtuose et dynamique qu'on lui pardonne volontiers de s'être visiblement fait un peu trop plaisir sur le plateau. La scène où Jeff (William CAMPBELL) apparaît déguisé en cowboy d'opérette fait penser à celle de "Retour vers le futur III" (1990) où Marty se retrouve dans une situation identique.

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Duel au soleil (Duel in the Sun)

Publié le par Rosalie210

King Vidor (1946)

Duel au soleil (Duel in the Sun)

"Duel au soleil" est le "Autant en emporte le vent" (1939) du western. On retrouve l'esthétique chromo, le souffle épique, l'exacerbation des émotions, le faste et le gigantisme de la mise en scène, une histoire ayant pour cadre une famille de propriétaires terriens (boniche noire pittoresque incluse) confrontés à des bouleversements historiques qui remettent en cause leur statut et leurs biens. L'unité n'est pas à rechercher du côté des nombreux réalisateurs qui se sont succédés mais du producteur David O. SELZNICK qui a supervisé l'ensemble et imposé sa muse, Jennifer JONES qui est de tous les (gros) plans ou presque dans le rôle de Pearl la métisse débordante de sensualité. Ça ne rend pas le film moderne pour autant, au contraire. Celle-ci nous est présentée comme un petit animal sauvage à éduquer, par les hommes bien entendu. Elle devient donc la proie de leurs fantasmes, un jouet entre leurs mains. Selon la vision patriarcale et pleine de clichés du film, elle n'a que deux destins possibles, bonne sœur ou putain. La religion étant ridiculisée au travers d'un pasteur illuminé et du personnage effacé de Laura Belle joué par Lillian GISH, on voit vite que c'est la deuxième option qui l'emporte. Érotisé à l'extrême, le corps de Pearl est l'objet de plans complaisants bien libidineux censés provenir de Lewt (Gregory PECK), le fils cadet de sa famille d'accueil. Celui-ci est tellement odieux qu'on a du mal à comprendre pourquoi cette sauvageonne rebelle est à ce point sous son emprise. Dès qu'il pose les yeux sur elle, il estime qu'elle est sa propriété et il la traite en conséquence: il la prend de force (mais elle n'attendait que ça, culture du viol oblige), l'empêche de s'échapper en neutralisant tous ses rivaux (y compris son frère aîné, le politiquement correct Jesse joué par Joseph COTTEN qui prétend l'aimer mais finit par épouser une jeune bourgeoise blanche bien sous tous rapports) et en même temps refuse de s'engager au nom de la sacro-sainte liberté du mâle et des préjugés racistes du père (un gros frustré impuissant joué par Lionel BARRYMORE). La fin censée être un summum de tragédie flamboyante où les deux amants s'entretuent fait aujourd'hui un peu pitié
tant elle est kitsch et datée. Pearl n'en finit pas d'agoniser (tout en grimpant les rochers pour mourir dans les bras de Lewt, quelle vraisemblance!) alors que Lewt se transforme tout à coup en amant maudit comme si la mort allait l'absoudre de la responsabilité de ses actes criminels.

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Le magicien d'Oz (The Wizard of Oz)

Publié le par Rosalie210

Victor Fleming, Mervyn Leroy, George Cukor, King Vidor, Norman Taurog (1939)

Le magicien d'Oz (The Wizard of Oz)
Le magicien d'Oz (The Wizard of Oz)

"Le Magicien d'Oz" est l'équivalent dans la culture américaine d'"Alice au pays des merveilles" dans la culture britannique. Les deux œuvres sont si interconnectées que dans Matrix, Cypher dit à Néo au moment où il s'apprête à basculer de l'illusion vers le monde réel "Attache ta ceinture Dorothy et dit adieu au Kansas" traduit en français par "Bon voyage au pays des merveilles." Dans le film MGM de 1939, ce basculement "Over the Rainbow" se traduit par le passage de la couleur sépia au technicolor flamboyant (d'où la couleur rubis des chaussures qui dans le livre d'origine étaient argentées), des décors naturels du Kansas aux studios figurant le pays d'Oz, des airs mélancoliques à la comédie musicale hollywoodienne un peu kitsch et pleine d'entrain.

Néanmoins la philosophie du "Magicien d'Oz" peut se résumer avec la phrase "tu ne me chercherais pas si tu ne m'avais déjà trouvé". La quête initiatique de Dorothy, de l'épouvantail, de l'homme en fer-blanc et du lion poltron consiste à découvrir que ce qu'ils souhaitent obtenir d'un deus ex machina (un foyer, un cerveau, du cœur, du courage) se trouve en réalité en eux. Le passage à l'âge adulte entraîne forcément la perte des illusions: il n'y a pas de magicien et l'herbe n'est pas plus verte ailleurs en dépit de sa couleur éclatante. Il est donc logique que Dorothy retourne chez elle, ayant découvert que ce qu'elle cherche ne se trouve pas au-delà de l'arc-en-ciel mais dans son propre jardin.

Pire encore, le monde d'Oz possède un versant toxique. Pour le découvrir, ce n'est pas la route de briques jaunes qu'il faut suivre mais les fleurs de pavot. Si l'apparence chatoyante du film fait encore rêver aujourd'hui les coulisses de son tournage prirent la tournure d'un pacte faustien signé entre les studios et Judy Garland. En échange de la gloire (ce fut le rôle qui la révéla au monde entier), elle dû perdre du poids, subir la compression de sa poitrine pour paraître pré-pubère et fut bourrée d'amphétamines pour tenir la cadence infernale du tournage. Rendue insomniaque par les excitants, elle se mit à avaler des barbituriques pour pouvoir dormir. L'engrenage infernal de la toxicomanie qui allait l'emporter à 47 ans était lancé par Oz-Moloch.

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Notre pain quotidien (Our Daily Bread)

Publié le par Rosalie210

King Vidor (1934)

Notre pain quotidien (Our Daily Bread)

Une fille de la ville (Barbara Pepper) qui débarque à la campagne et fait tourner la tête d'un paysan, John Sims (Tom Keene) au détriment de sa femme Mary (Karen Morley) cela fait penser au scénario de "L'Aurore" de Murnau. Sauf qu'ici la tentatrice ne met pas seulement en péril un mariage mais l'existence d'une communauté toute entière dont les membres repartent à zéro dans le contexte de la crise de 1929. Le collectif et l'individuel, la politique et l'amour sont en effet ici indissociables.

Récit typique de la Grande Dépression (on pense aux "Raisins de la colère" d'autant plus qu'il y a un acteur commun aux deux films, John Qualen mais aussi à "L'Extravagant M.Deeds" de Capra), il ne s'agit pas pour autant d'une chronique historique réaliste. On navigue plutôt entre l'utopie collectiviste et la parabole religieuse:

- Le récit est d'une part une fable humaniste qui déploie une vision du travail et de l'argent très éloignée de la doxa capitaliste. La crise rend l'individualisme tragique. C'est pourquoi la solution passe par la formation d'une collectivité. Il ne s'agit pas de socialisme car l'Etat est absent mais plutôt d'anarcho-syndicalisme c'est à dire d'une coopérative autogérée où les biens sont mis en commun et où la solidarité et l'entraide jouent un rôle essentiels.

- D'autre part le retour à la terre est raconté comme une parabole religieuse. Le titre reprend un morceau de la prière "Notre père". John Sims est un nouveau Moïse qui guide les chômeurs vers la terre promise. Il est aidé par Louie (Addison Richards) qui en fait est un truand mais dont le sacrifice permet à la communauté de survivre. C'est également le fantôme de Louie qui remet John sur le droit chemin quand il est sur le point de tout abandonner. Louie est à la fois la voix et le fils de Dieu. Cela donne de quoi réfléchir.

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