Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Articles avec #tati (jacques) tag

Les Triplettes de Belleville

Publié le par Rosalie210

Sylvain Chomet (2003)

Les Triplettes de Belleville

Film d'animation brillant, "Les Triplettes de Belleville", le premier long-métrage de Sylvain Chomet commence par une séquence d'introduction ébouriffante à voir et à revoir sous le signe du music-hall et du cartoon des années 30 en noir et blanc* et se termine par un générique de fin en forme de jukebox nostalgique faisant se succéder trois styles différents: le swing à la Django Reinhardt (présent aussi dans l'introduction aux côtés de Fred Astaire, Joséphine Baker et Charles Trenet) accompagnant le thème principal des Triplettes "Rendez-vous", l'accordéon et enfin le rock and roll des années cinquante. Spectacle, musique, nostalgie. 

Comme dans son film suivant "L'Illusionniste", Sylvain Chomet s'est beaucoup inspiré de l'univers de Jacques Tati pour réaliser le film, plus particulièrement de "Jour de fête" dont on peut voir un extrait, la reprise de quelques gags (la girouette) et aussi son court-métrage associé "L'école des facteurs" dont est issue l'idée des cyclistes qui pédalent sur des vélos fixes.  L'affiche des "Vacances de M. Hulot" apparaît également. Il y a aussi le thème de la France éternelle, celle des cuisses de grenouilles, de l'accordéon d'Yvette Horner, du béret-pinard et de la petite reine du tour de France brusquement bousculée par la modernité des trente Glorieuses (le train, la TV) et "l'idée d'Amérique" laquelle s'invite par le biais de son cinéma. Celui des films noirs mais aussi au niveau du style graphique et de la palette de couleurs, celui des films Disney de la période Wolfgang Reitherman. Néanmoins par rapport à Tati, Chomet est beaucoup plus satirique, montrant avec une récurrence qui frise l'obsession l'obésité qui frappe une bonne part de la population du pays, son sens de la démesure (Belleville est un improbable mélange de Paris et de New-York) et ses à côtés sordides (l'immeuble de prostituées où les Triplettes logent). Enfin "Les Triplettes de Belleville" est un film où comme chez Tati les dialogues sont quasi absents mais où la bande son est extrêmement travaillée que ce soit au niveau des bruitages ou de la musique.

* Revival également perceptible dans le jeu vidéo avec le formidable Cuphead qui mêle le style des studios Fleischer (Betty Boop) et celui des premiers Disney (Mickey) avec la même imitation des imperfections d'une vieille pellicule rayée.

Voir les commentaires

L'Illusionniste (The Illusionist)

Publié le par Rosalie210

Sylvain Chomet (2010)

L'Illusionniste (The Illusionist)

Bien que basé sur un script inédit de Jacques Tati et mettant en scène un illusionniste qui lui ressemble trait pour trait et qui porte son nom d'état civil (Jacques Tatischeff), bien qu'il respecte son univers sonore et montre même un extrait de "Mon Oncle", c'est à Chaplin et plus particulièrement à "Les Feux de la Rampe" que j'ai pensé en regardant le film-hommage de Sylvain Chomet. D'une part parce que l'Illusionniste qui se déroule dans un contexte indentique (celui des années cinquante) montre un homme vieillissant et usé qui rencontre de moins en moins de succès avec ses tours de passe-passe. Le music-hall est dépassé par de nouvelles formes de spectacle (le rock and roll principalement) et le vieil homme ne parvient pas à s'adapter à ce nouveau monde. Il continue par habitude, sans illusions tout en faisant (plutôt mal) de petits boulots pour joindre les deux bouts. Le côté lunaire du bonhomme est souligné par ses multiples maladresses, son inadaptation et le fait que d'autres empochent la plupart de ses gains auxquels il ne fait pas attention. D'autre part parce que son chemin croise celui d'une jeune fille pauvre, naïve et un peu marginale, Alice qui voit en lui un authentique magicien et qu'il va aider à s'intégrer à ce nouveau monde désenchanté avant de s'effacer et de reprendre sa vie d'éternel errant solitaire.

Le film qui a volontairement une réalisation rétro en 2D est donc foncièrement nostalgique de ce monde disparu qui s'incarne dès les premières images par les grandes enseignes de théâtres parisiens (Bobino, Mogador etc.) avant que l'histoire ne se transporte à Londres puis en Ecosse, Sylvain Chomet étant un amoureux d'Edimbourg où il a basé son studio. La mélancolie domine le film car outre Tatischeff qui réussit à conserver sa dignité et une raison de vivre mais qui ne trouve plus sa place nulle part (sinon dans un village reculé d'Ecosse que cependant la civilisation finit par rattraper), le film s'attarde sur d'autres magiciens has-been qui n'ont pas sa force morale et finissent SDF, alcoolique ou au bord du suicide. L'ambiance est donc un peu plombante, trop sans doute, le seul rayon de soleil étant incarné par Alice. Et c'est un rayon tout relatif car l'histoire de la jeune femme est ultra-traditionnelle, elle passe du statut de souillon à celui de jeune femme au foyer dépendante financièrement et accroc aux produits de consommation (même si c'est en tout bien tout honneur le fait est qu'elle réclame sans cesse à son protecteur des robes, des manteaux, des chaussures) avant de finir comme il se doit dans les bras d'un jeune homme de son âge bien sous tous rapports. Une drôle de façon d'envisager les rapports humains assez typique d'une époque elle aussi (et heureusement) révolue.

Voir les commentaires

Forza Bastia 78

Publié le par Rosalie210

Jacques Tati et Sophie Tatischeff (1978)

Forza Bastia 78

C'est à la demande de Gilbert Trigano, président du club bastiais de football, que Jacques Tati, passionné depuis toujours de sport, réalise ce documentaire autour d'un événement de taille : en effet, le 28 avril 1978, l'équipe locale est opposée au PSV Eindhoven sur le terrain de Furiani, à l'occasion du match aller de la finale de la coupe d'Europe de football de l'UEFA. C'est un moment historique pour la ville corse. Des semaines que la vie bastiaise est en suspens, on ne parle et on ne pense que foot, l'effervescence est à son comble. Ce matin-là, soleil radieux, comme le moral des Bastiais mais à midi, c'est le déluge. Bien que le stade de Furiani soit une mare de boue, le match a lieu, match nul : 0-0.

À défaut du match, Tati filme la montée de la ferveur puis le désenchantement bastiais avec le sens de l'observation qu'on lui connaît. Il y a beaucoup de points communs avec "Parade" son dernier long-métrage qui avait également pour sujet le déroulement d'un spectacle vivant.

C'est Sophie Tatischeff, fille de Jacques Tati, monteuse et elle-même réalisatrice, qui assurera le montage des rushes, redécouverts des années plus tard dans la cave de Sophie Tatischeff et jamais exploités jusqu'alors.

Voir les commentaires

On demande une brute

Publié le par Rosalie210

Charles Barrois (1934)

On demande une brute

"On demande une brute" réalisé en 1934 par Charles Barrois est le second court-métrage de Jacques Tati en tant qu'interprète et scénariste après "Oscar, champion de tennis" réalisé deux ans auparavant, resté inachevé et désormais perdu.

Dans ces deux films comme dans "Soigne ton gauche" réalisé en 1936 par René Clément, Tati transpose au cinéma les pantomimes qu'il a testé sur les planches de music-hall au début des années 30 avec son numéro "Impressions sportives" (qu'il reprendra également dans son dernier film "Parade"). Tati était en effet passionné de sport et pratiquait plusieurs disciplines comme le rugby, le tennis, l'équitation et la boxe. Son premier public n'était autre que ses coéquipiers et son premier espace scénique, les vestiaires!

"On demande une brute" qui le met aux prises avec un véritable catcheur professionnel n'est pas une réussite. Le numéro de Tati est au point mais il ne constitue qu'une petite partie du film. Le reste est constitué de scènes théâtrales d'une totale platitude, mal rythmées et mal jouées. Seule la présence de Tati, personnage lunaire en décalage avec son environnement suscite l'intérêt. C'est insuffisant. La restauration du court-métrage (longtemps cru perdu) n'est pas parfaite: l'image est d'assez mauvaise qualité et le son est parfois inaudible.

Voir les commentaires

Gai Dimanche

Publié le par Rosalie210

Jacques Tati et Jacques Berr (1935)

Gai Dimanche

"Gai Dimanche" est la première réalisation de Jacques Tati. Ce n'est pas un film très réussi en soi (il y a des longueurs, trop de bavardages pour un film burlesque et certains gags tombent à plat) mais il est intéressant pour les amateurs de Tati parce qu'il met en place plusieurs éléments de son univers:

- Un ancrage sociologique teinté de satire. Deux traîne-savates arnaquent des parisiens qui veulent partir en excursion en se faisant passer pour des guides expérimentés. Dans la première moitié du XX° siècle, les parisiens partaient s'aérer le dimanche dans la banlieue alors rurale, prolongeant une pratique du XIX° abondamment illustrée dans la peinture impressionniste (et transposée au cinéma par Jean Renoir, fils de Auguste dans sa "Partie de campagne" d'après une nouvelle de Maupassant.)

- Un hommage au cirque avec la participation d'Henri Sprocani dit "le clown Rhum", un des plus grands auguste de l'entre-deux-guerres. Il était l'une des grandes vedettes du cirque Medrano. Avec Tati, il forme un duo tout en contrastes: Rhum est petit et nerveux, Tati est grand et rêveur. Ils se complètent parfaitement que ce soit dans les numéros physiques ou dans les tours de passe-passe.

- Les gags visuels se réfèrent au cinéma burlesque muet américain avec un grand classique: le véhicule qui se dérègle. On découvre également des gags typiquement tatiesques comme la flèche directionnelle qui se transforme en girouette, la course après la poule au pot ou l'enfant vrombissant sous le capot.

Voir les commentaires

Parade

Publié le par Rosalie210

Jacques Tati (1974)

Parade

C'est pour honorer une dette envers la télévision suédoise qui l'avait aidé à terminer "Trafic" que Jacques Tati a conçu "Parade", tourné au Stockholm Cirkus en 1973. Le spectacle alterne numéros de cirque comiques, acrobatiques ou musicaux et pantomimes assurées par M. Loyal, alias Tati himself. Il s'agit pour l'essentiel d'extraits de son numéro de music-hall des années 30 "Impressions sportives", littéralement ressuscité, revivifié d'autant qu'à 67 ans, Tati jouissait encore d'une forme olympique et rayonnait de bonheur. Même s'il savait qu'il s'agissait de son dernier tour de piste et qu'il émane du film une certaine nostalgie, il nous offre un vrai bouquet final plein de joie et de couleurs.

Produit par et pour la télévision, "Parade" est un drôle d'objet filmique, tourné en vidéo mobile comme une émission de télévision mais conçu pour le cinéma. C'est aussi un superbe hommage au spectacle vivant. Pour une fois, la mode seventies s'accorde parfaitement avec le propos et on est émerveillé devant cette débauche de motifs et de couleurs d'autant qu'une partie du public est déguisée. En effet Tati a fait en sorte d'abolir les frontières entre la salle, la scène et les coulisses, leur permettant d'interagir. Les dons d'observation de Tati font merveille et permettent de saisir de vraies petites pépites. Parmi les meilleurs moments, celui du dressage comique de mule, version poétique de la vachette d'"Interville" où deux spectateurs inattendus font partie des plus motivés pour se mesurer à la "bête": un monsieur rondouillard d'un certain âge sans cesse bridé par sa femme et un petit garçon déguisé en cow-boy. Ou encore celui du tennis, l'un des numéros de Tati où le public tourne la tête d'un côté puis de l'autre comme si l'échange de balles avait lieu pour de vrai...jusqu'à ce gros plan où un jeune homme tourne la tête alternativement en direction de deux jeunes et jolies jeunes femmes.

Il y a une si belle énergie dans "Parade", tant de fraîcheur, de passion, de simplicité et de moments de grâce qu'on lui pardonne ses petits moments de faiblesse, surtout dans les 20 dernières minutes. D'autant que la dernière scène où deux enfants s'emparent de la scène pour recréer le spectacle à leur manière est la plus belle façon de tirer sa révérence: en passant le relai aux jeunes générations.

Voir les commentaires

Cours du soir

Publié le par Rosalie210

Nicolas Ribowski (1967)

Cours du soir

Court-métrage tourné dans les décors de "Playtime" par Nicolas Rybowski sur un scénario de Tati, "Cours du soir" servit d'échappatoire aux graves difficultés financières rencontrées par le long-métrage dont le tournage fut interrompu à plusieurs reprises.

Il s'agit d'une sorte de master class où Tati tente d'enseigner les rudiments de son art de mime à des adultes enthousiastes mais un peu gauches. L'estrade fait figure de scène et la classe, de public. Tati arrive et repart en costume de M. Hulot mais il délivre son cours en étant lui-même, il parle d'ailleurs beaucoup et distinctement.

Le travail de Tati est basé sur l'observation. On le voit mimer différentes sortes de fumeurs, un pêcheur à la ligne, rater une marche, se cogner contre une colonne puis demander à ses élèves de faire la même chose. Tati reprend par ailleurs certains des numéros de l'époque où il faisait du music-hall comme l'équitation et le tennis et les montrer à ses élèves comme s'il s'agissait de scènes d'extérieur observables par la fenêtre. En réalité il s'agit de films dans le film tout comme une autre séquence reprenant à l'identique (et compris le noir et blanc) l'entraînement de "l'Ecole des facteurs".

Le résultat annonce "Parade", le dernier film de Tati. Il s'agit d'un retour aux sources mais aussi d'un refuge. La dernière scène de "Cours du soir" est éloquente. On y voit Tati sortir de l'immeuble où il a donné son cours pour se rendre dans une cabane de fortune qui apparaît lorsque les machinistes déplacent les décors des façades d'immeubles modernes hors du cadre.

Voir les commentaires

Soigne ton gauche

Publié le par Rosalie210

René Clément (1936)

Soigne ton gauche

Le troisième court-métrage réalisé par René Clément est une collaboration avec Jacques Tati dont c'est également le troisième scénario. Tous deux sont alors très jeunes (23 ans pour Clément, 29 pour Tati) et ne rentreront dans la cour des grands que 10 ans plus tard (le premier long-métrage de Clément et le premier court-métrage réalisé par Tati, prélude à "Jour de fête" datent tous deux de 1946).

"Soigne ton gauche" est très marqué par la personnalité de Tati. Tout d'abord il se situe dans le même univers rural que "Jour de fête" et s'ouvre sur le personnage d'un facteur très proche de celui qu'interprètera Tati ( il est ici joué par Max Martel). Puis il tourne autour d'un entraînement de boxe qui est un grand classique du burlesque muet américain, notamment chez Chaplin ("Charlot et Fatty dans le ring" en 1914, "Charlot boxeur" en 1915, "Les Lumières de la ville" en 1931). Bien que le film soit sonorisé, il se caractérise par son économie de paroles, l'essentiel reposant sur le comique visuel lié à la pantomime du corps dégingandé de Tati. Lequel pratique la boxe d'une manière très personnelle, entre l'escrime et la bagarre pure et simple. On mesure à quel point son style est déjà abouti car on reconnaît bien à travers Roger les futurs François et M. Hulot. Quelques gags annexes (comme le combat de coqs ou le ring qui s'effondre) complètent le tableau de ce court-métrage prometteur.

Voir les commentaires

L'école des facteurs

Publié le par Rosalie210

Jacques Tati (1947)

L'école des facteurs

"L'école des facteurs", court-métrage d'une quinzaine de minutes tourné en 1947 est le brouillon de "Jour de fête", le premier long-métrage de Tati sorti deux ans plus tard. Tati y créé le personnage de François le facteur que l'on retrouvera dans "Jour de fête" quasiment à l'identique. La seule différence provient des paroles qu'il prononce qui sont plus compréhensibles. Le court-métrage correspond à la séquence de la tournée à l'américaine du long-métrage. Quasiment tous les gags qui y sont présents seront réemployés dans "Jour de fête", de la bicyclette qui se désolidarise de son conducteur jusqu'aux différents moyens qu'il trouve pour grignoter du temps sur sa tournée.

Car c'est le temps qui est au cœur du court-métrage, fort différent au final du film qui suivra. La première scène (absente du long-métrage) montre les facteurs en train de s'entraîner à la poste sur des vélos comme dans une salle de sport. Effectuant des gestes stéréotypés et synchronisés où ils décomposent leurs mouvements, ils font penser à de bons petits soldats aux ordres de leur capitaine ou à des travailleurs à la chaîne aux ordres de leur contremaître. Connaissant la phobie de Tati pour tout ce qui relève de l'encadrement (et pour cause, son père qui aurait voulu le voir lui succéder était encadreur!) on comprend assez vite que la belle course à la productivité va s'enrayer. Tati n'est pas un comique burlesque fan de Chaplin et Keaton pour rien! L'enchaînement des gags produit de l'inattendu, des contretemps avec un vélo récalcitrant qui semble doué d'une vie propre. On pourrait même aller jusqu'à dire qu'elle incarne les vrais désirs du facteur, ceux qui lui disent de s'arrêter au bistrot et d'aller prendre du bon temps!

Voir les commentaires

Jour de fête

Publié le par Rosalie210

Jacques Tati (1949)

Jour de fête

Jacques Tati est considéré comme le neveu français des grands burlesques américains des années 10 et 20. "Jour de fête" son premier long-métrage est plein de références à Chaplin, Keaton (les roues bloquées par le bitume de son vélo et débloquées par une poignée de sable font référence au "Mecano de la Genérale"), Lloyd (le véhicule qui échappe au contrôle de son conducteur) mais aussi au moins connu Ben Turpin avec un clone moustachu parmi les habitants de Sainte-Sévère, le village de l'Indre où a été tourné le film. Comme dans les "Demoiselles de Rochefort" de Jacques Demy autre cinéaste à la fois ancré dans un terroir et influencé par le cinéma outre-Atlantique, les forains apportent le souffle de l'exotisme et de l'aventure à une communauté repliée sur ses traditions. Tati voulait d'ailleurs à l'origine tourner un film en couleurs pour montrer le contraste entre le noir et blanc porté par les paysans et les forains multicolores. En 1947, le procédé n'était pas au point et la version couleurs ne put être exploitée, heureusement une deuxième caméra avait filmé le tournage en noir et blanc. Il existe également une troisième version intermédiaire où Tati avait ajouté des touches de couleur au pochoir ici et là.

Néanmoins, Tati affirme également dès ce film sa différence vis à vis du modèle américain. Il invente une nouvelle forme de burlesque ancré dans son époque et dans sa culture. Et ce d'autant plus que sa relation avec l'Amérique est ambivalente.

La première originalité des films de Jacques Tati, ce sont leur ancrage réaliste. L'immersion dans la France rurale de l'après-guerre est totale. Tati a filmé en extérieurs et en décors naturels la vie quotidienne d'un petit village typique de la France profonde voire "éternelle" avec son église, son café, son monument aux morts, sa boucherie, sa boulangerie, sa mairie, son école... et ses habitants, majoritairement des paysans avec un accent à couper au couteau et vivant encore de façon très traditionnelle. La modernité n'a pas encore bouleversé les pratiques. En 1947, on se déplace encore en charrette à cheval ou au mieux à vélo, on coupe le foin à la main. Les autos sont très rares et Tati ironise sur leur vitesse qui représente une rupture dans le rythme du village caractérisé par sa lenteur. Ses qualités de documentariste feront de Tati un des meilleurs historiens (satirique) des bouleversements des 30 glorieuses. Il en montre les prémisses dans "Jour de fête", la transition entre tradition et modernité avec "Mon Oncle" puis le triomphe dans "Playtime".

Car dès "Jour de fête", Tati prend ses distances avec le modèle américain. La tournée du facteur François "à l'américaine" dictée par le souci de la rentabilité donc de la vitesse et de la performance enlève au facteur son rôle de lien social. Il n'a plus le temps de discuter, de prendre un verre, de rendre de petits services. Le vélo qui continue sa route privé de son propriétaire traduit bien la deshumanisation qui en résulte. Une critique de l'économie capitaliste que l'on retrouve dans les films ultérieurs.

Enfin Tati se démarque du burlesque US qui était muet par l'utilisation de la bande-son comme élément comique à part entière. Dans "Jour de fête" il y a le running gag du bourdon invisible qui perturbe les trajectoires et que François refile au paysan. Egalement le doublage en français du western que le cinéma de la place du village diffuse et qui permet au forain Roger (Guy Decomble) de déclarer sa flamme à la plus jolie fille du village de Sainte-Sévère. Roger apparaît d'ailleurs comme un cow-boy au rabais: ses outils remplacent les pistolets, ses chevaux de bois les vrais chevaux... Car la France ne peut imiter le modèle américain, elle doit l'adapter. Comme la femme du cafetier avec sa robe parisienne, Tati a dû adapter un genre de cinéma fait pour des acteurs de petite taille à son corps élancé. Il ne se plie pas encore mais il y a déjà la métaphore du piquet!

Voir les commentaires

1 2 > >>