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Articles avec #tanaka (kinuyo) tag

L'intendant Sanshô (Sanshô dayû)

Publié le par Rosalie210

Kenji Mizoguchi (1954)

L'intendant Sanshô (Sanshô dayû)

"L'intendant Sansho" est une œuvre aussi belle que profonde et émouvante. Deux visions du monde et deux systèmes de valeurs s'y opposent. D'un côté, le Japon féodal fondé sur l'exploitation des faibles par les forts et où le crime le plus terrible est la désobéissance aux supérieurs. Une société fondée sur la verticalité symbolisée par l'impitoyable intendant Sansho (Eitarô SHINDO), mielleux avec les puissants, cruel avec tous les autres. De l'autre, les valeurs humanistes issues du bouddhisme portées par le gouverneur Taira Masauji (Masao Shimizu) défenseur des opprimés et qui enseigne à son fils de 13 ans Zushio (Masahiko TSUGAWA) que "un homme sans pitié n'est pas un être humain". Mais est-il possible de rester humain lorsqu'on est en proie aux pires avanies, aux plus grands malheurs? Oui répond Kenji MIZOGUCHI et en grand cinéaste des femmes, il célèbre une fois de plus leur courage, leur fidélité, leur force, leur solidarité et leur compassion dans l'adversité. Si Zushio une fois adulte (Yoshiaki Hanayagi) rétablit la justice dans sa province en faisant libérer les esclaves et retrouve sa mère Tamaki (Kinuyo TANAKA) exilée dans l'île de Sado, il le doit à sa sœur Anju (Kyôko KAGAWA) qui contrairement à lui est restée fidèle à leur père et s'est sacrifiée pour le sauver. Le film regorge de scènes magnifiques comme la séparation des enfants et de leur mère ou le suicide d'Anju (mainte fois repris dans des œuvres japonaises ultérieures) mais l'une de celles qui m'a le plus remuée est celle où Zushio et Anju préparent un abri pour une esclave que ses maîtres veulent abandonner dans la montagne et qui leur a servi de mère de substitution. Par sa seule mise en scène, Kenji MIZOGUCHI fait monter l'émotion en reproduisant les mêmes gestes et les mêmes cadrages qu'au début du film lorsque Zushio et Anju enfants fabriquaient une cabane pour les abriter avec leur mère. C'est cette scène qui permet à Zushio victime du syndrome de Stockholm (il a embrassé la cause de ses bourreaux et renié l'héritage de son père) de se reconnecter à son enfance et par là même, à son humanité perdue. Il est intéressant de constater également que si Taro (Akitake Kono), le fils de Sansho est profondément révulsé par les actes de son père, il choisit de se retirer du monde en devenant moine alors que Zushio choisit d'agir en tant que gouverneur pour humaniser le monde.

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Les Contes de la lune vague après la pluie (Ugetsu monogatari)

Publié le par Rosalie210

Kenji Mizoguchi (1953)

Les Contes de la lune vague après la pluie (Ugetsu monogatari)

Film d'une sublime beauté qui se caractérise notamment par son incroyable fluidité. La caméra opère par glissements si subtils que seuls les variations d'atmosphère permettent de distinguer le réalisme du fantastique. Les personnages eux-mêmes semblent en apesanteur lorsqu'ils passent dans l'au-delà. L'eau et la brume, les éclairages expressionnistes participent de cette impression d'irréalité teintée à la fois d'érotisme et de morbidité.

La mise en scène géniale épouse étroitement le propos et lui donne toute sa force. Le film commence par un travelling latéral de droite à gauche lourd de sens. Ce mouvement à contre-courant suggère que le parcours des personnages sera négatif, contre-nature. A l'inverse, le film se clôt sur le même travelling mais cette fois de gauche à droite suivi d'une élévation suggérant l'harmonie retrouvée.

A l'origine du déséquilibre, les passions vaniteuses de deux villageois du XVIeme siècle, Genjuro et Tobei son beau-frère. Tous deux veulent profiter de la guerre civile qui fait rage, l'un pour s'enrichir et l'autre pour se couvrir de gloire. Ils espèrent ainsi secrètement retrouver leur toute-puissance virile face à une épouse jugée trop soumise à la maternité pour Genjuro et trop autoritaire pour Tobei. Ils réaliseront leurs désirs au prix d'une terrible amputation puisque leurs épouses seront bien évidemment les victimes expiatoires de leurs rêves chimériques. A travers elles, c'est toute l'horreur du comportement viriliste qui est dénoncée, Kenji MIZOGUCHI se positionnant clairement du côté féminin.

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