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Articles avec #serie tag

Sherlock

Publié le par Rosalie210

Mark Gatiss et Steven Moffat (2010-2017)

Sherlock

Avant de voir La Vie privée de Sherlock Holmes" (1970) de Billy WILDER, je ne m'intéressais pas au célèbre détective du 221b Baker Street et à toute la mythologie qu'il traînait avec lui. Voir quelqu'un résoudre des enquêtes grâce à des pouvoirs cérébraux supérieurs à la moyenne, ça ne me fascinait pas du tout. En revanche enquêter sur l'homme, ça me passionne et c'est exactement ce qu'a fait Billy WILDER et son complice scénariste I.A.L. DIAMOND en humanisant le personnage créé par Arthur Conan Doyle en 1887. Le film de Billy Wilder est à la fois un hommage à l'auteur et au héros qui a bercé sa jeunesse et une transgression pleine d'irrévérence.

Or "La Vie privée de Sherlock Holmes" (1970) est le film préféré de Mark GATISS, co-créateur de la série "Sherlock" avec Steven MOFFAT. Tous deux ont donc conservé l'état d'esprit de la Wilder/Diamond's touch (tant sur le plan de l'hommage à Doyle, de l'iconoclasme que dans celui de l'art de la suggestion plutôt que de la démonstration) tout en modernisant le style (quitte à être dans la surcharge dans le rythme et les informations qui s'affichent à l'écran mais cela va avec l'état d'esprit du héros) et surtout en transposant personnages et intrigue de nos jours. L'état d'esprit, c'est donc de faire passer les enjeux humains avant les enquêtes pour raconter sur quatre saisons de trois épisodes d'une heure trente chacun (si on ajoute l'épisode spécial cela représente l'équivalent de treize films!) la métamorphose d'une machine à penser en être humain revenu des Enfers grâce une chaîne d'amour et de solidarité qui s'établit autour de lui et dont la pièce maîtresse est son colocataire, ami et frère de substitution John Watson (Martin FREEMAN) qui prend la place de son frère biologique étouffant, Mycroft (joué par Mark GATISS lui-même qui lui donne une ampleur remarquable). La complexité des personnages dont aucun n'est négligé, qu'ils soient hommes ou femmes donne beaucoup de profondeur à cette série redoutablement intelligente dans son caractère méta. C'est à dire qu'elle introduit une bonne dose de réflexivité qui oblige le spectateur à être actif en permanence pour déchiffrer des images-métaphores souvent énigmatiques, établir des liens entre elles et l'obliger à l'image du héros à en tirer des déductions (y compris sur sa position de spectateur ou de fan qui se projette, qui écrit ses propres scénarios). Le casting de haut vol rehausse encore le niveau avec des prestations remarquables, notamment de Benedict CUMBERBATCH (Sherlock) et Andrew SCOTT qui joue sa némésis, Moriarty.

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En Thérapie

Publié le par Rosalie210

Eric Toledano et Olivier Nakache (2020)

En Thérapie

"En Thérapie", c'est la série-phénomène d'origine israélienne ("BeTipul") que la France, pas vraiment réputée pour sa réactivité aux événements qui la frappent a fini par adopter, après de nombreux autres pays en l'adaptant à son propre contexte. Radiographie d'un pays en crise après les attentats du 13 novembre 2015, la série de 35 épisodes de 20-30 minutes chacun dirigée par Eric TOLEDANO et Olivier NAKACHE qui mêle l'individuel et le collectif est fondée sur un dispositif très simple. On assiste à un condensé des entretiens hebdomadaires que mène Philippe Dayan, un psychanalyste (Frédéric PIERROT) avec cinq de ses patients qui défilent toujours à peu près dans le même ordre du lundi au jeudi dans son cabinet: Ariane (Mélanie THIERRY) une belle chirurgienne trentenaire complètement paumée, Adel, un agent de la BRI qui souffre de stress post-traumatique suite à son intervention au Bataclan (Reda KATEB), Camille (Céleste BRUNNQUELL), une adolescente qui a tenté de mettre fin à ses jours et enfin un couple en crise, Damien et Léonora (Pio MARMAÏ et Clémence POÉSY). Le cinquième jour, c'est Philippe qui se fait "contrôler" (entendez par là psychanalyser à son tour) par une confrère et amie qu'il n'a pas revue depuis 12 ans, Esther (Carole BOUQUET). Si les patients sont d'un intérêt inégal (la prestation la plus intense et riche revient à Reda KATEB dans le rôle de celui qui était initialement un pilote de chasse ayant abattu des civils alors que le couple de bobos est parfaitement insignifiant et tête à claques), c'est le portrait de Philippe qui s'avère le plus fascinant dans ses efforts de plus en plus désespérés pour dépasser son clivage. Opposant à ses patients parfois déstabilisants une maîtrise de soi, une patience et un professionnalisme (presque) à toutes épreuves (la fameuse "neutralité bienveillante" ponctuée de remarques destinées à établir des liens ou creuser des pistes), c'est au contraire un homme en pleine déroute que l'on voit s'épancher mais aussi ferrailler durement avec Esther, tantôt amie, tantôt ennemie, tantôt super surmoi (?). Cela va en effet beaucoup plus loin que la simple expression des affects refoulés. C'est à un véritable dynamitage en règle d'une personnalité que l'on assiste, tant sur le plan personnel que professionnel. Avec Ariane dans le rôle de l'allumeuse de mèche, véritable fil directeur qui court tout le long du générique de la série en suscitant une violente confrontation entre sensualité et déontologie. En cherchant à s'affranchir des règles pour satisfaire ses désirs, Philippe n'en questionne pas moins de façon pertinente les limites de la psychanalyse (et de toute forme d'institution, d'idéologie, de religion dans ce qui s'apparente à une crise de foi), Esther le renvoyant imperturbablement dans les cordes (sur le fil?) d'un monde sans boussole autre que celles des instincts. Instincts qui peuvent s'avérer contradictoires par ailleurs, un désir apparent pouvant en cacher un autre. Bref, cette dialectique passionnante parce que incarnée par des acteurs inspirés (Frédéric PIERROT s'avère remarquable en acteur de premier plan, c'est la première fois que j'ai remarqué qu'il avait quelque chose du regretté Bruno GANZ et Carole BOUQUET trouve là un de ses meilleurs rôles) tient autant en haleine qu'elle fait réfléchir.

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Atypical

Publié le par Rosalie210

Robia Rashid (2017)

Atypical

Étant souvent déçue par les séries qui même lorsqu'elles sont bien pensées au départ ont tendance à s'essouffler sur la durée, je n'ai jamais eu particulièrement envie de m'abonner à Netflix. La production ou le rachat de films de cinéastes importants a changé la donne car si le long-métrage demande plus d'effort au spectateur que la série (qui comme tout feuilleton, des sérials aux manga se dévore), il est aussi souvent plus nourrissant à l'arrivée.

Néanmoins en ayant accès à Netflix, j'ai eu la curiosité de voir comment était traité l'autisme dans les séries produites par une plate-forme qui constitue une énorme caisse de résonance pour les jeunes générations (du moins dans les pays développés où l'accès à internet est massif). Et je ne peux que me réjouir du succès de "Atypical" qui constitue une sacrée bonne mise à jour par rapport à la référence du grand public qui reste "Rain Man" (1988).

"Atypical" déroge justement à la loi de la majorité en ce que sur ses trois saisons (à ce jour, une quatrième est prévue en 2021) non seulement elle ne s'essouffle pas mais elle a même tendance à monter en puissance. Elle joue en effet sur plusieurs tableaux et touche plusieurs publics ce qui fait sa force. En effet elle emprunte les codes de la teenage comédie américaine pour emmener le spectateur au pays de Sam (Keir GILCHRIST) c'est à dire en Antarctique. Ce lieu symbolique de l'autisme (comme l'espace ou les fonds marins) car synonyme de solitude va finir par devenir celui de tous les personnages de l'histoire. Tous vont connaître à un moment ou à un autre une traversée du désert et une remise en cause de leur identité. La série n'est pas en effet centrée que sur Sam mais accorde tout autant d'importance aux membres de sa famille et à leurs proches. Tous sont écrits avec une remarquable cohérence et il est signicatif que la personnalité de Sam soit un révélateur de vérité pour ceux qui le côtoient. Quant à la représentation de l'autisme, elle est plus réaliste car si Sam est un asperger (il n'a pas de déficience intellectuelle) il n'est pas un génie pour autant. Qu'on se le dise une fois pour toutes, la majorité des asperger ont une intelligence qui se situe dans la moyenne. Sam est juste un jeune homme en difficulté sensorielle et relationnelle avec des intérêts spécifiques restreints (les manchots) et des bizarreries comportementales (montrées par petites touches et souvent sous un angle humoristique ce qui a un effet dédramatisant) qui aspire à s'insérer dans la société et à avoir une vie amoureuse et sexuelle. Bref, ses aspirations sont celles de tout un chacun ce qui ne va pas de soi quand on est autiste (dès le 1er épisode, un chiffre évoqué par la psy de Sam avance que 90% des autistes restent célibataires et d'autres études avancent que 70% des autistes sans déficience intellectuelle sont au chômage). L'intérêt du scénario de la série est de combiner le récit initiatique classique et la résilience par rapport à un handicap de façon honnête tout en montrant les répercussions sur l'entourage. Elsa la mère (Jennifer JASON LEIGH) surprotectrice a d'autant plus de mal à accepter que son fils grandisse et veuille conquérir son autonomie qu'elle s'est définie comme mère à vie d'un enfant handicapé. Le parcours du combattant de Sam la plonge dans une crise identitaire profonde qui ébranle également son couple, le père Doug (Michael RAPAPORT) plutôt passif et fuyant jusque là étant sommé de prendre ses responsabilités. C'est une configuration familiale très fréquente lorsqu'un enfant est atteint de handicap: la mère envahit tout l'espace et le père ne trouvant plus sa place quitte le foyer. Et s'il est déjà difficile pour des parents d'enfants normaux d'accepter qu'ils deviennent adultes et quittent le nid, c'est encore plus vrai quand ceux-ci ne le sont pas d'autant que la sexualité des handicapés reste par ailleurs largement taboue. La petite sœur de Sam, Casey (Brigette Lundy-Paine) est également un personnage très important de la série, cohérent avec le reste de la famille. Forte personnalité qui pallie la faiblesse du père (elle est plus masculine que lui!) et s'oppose à la toute-puissance de la mère, elle se sent également obligée de protéger son grand frère ce qui la bride dans sa construction personnelle. L'évolution de Sam est donc une libération pour elle aussi au moment où elle est confrontée à des choix épineux pour son avenir.

Bien interprétée, juste, tendre, bienveillante et pleine d'humour, la série fait du bien et offre un regard positif et inclusif sur l'imperfection et la diversité du comportement humain. L'origine américaine de la série est un plus car la connaissance de l'autisme y est bien plus développée qu'en France, handicapée par le prisme psychanalytique avec lequel elle a interprété le problème pendant 50 ans. La psychanalyse dans "Atypical" est délicieusement tournée en dérision, les psy étant renvoyés aux imperfections de leur propre humanité voire animalité (Sam finit par parler... à un lapin).

PS: Cet avis a été écrit avant la quatrième saison qui hélas, s'avère de trop et ternit l'ensemble de la série pour au moins deux raisons. La première, c'est qu'elle radote, n'ayant plus rien de neuf à apporter à l'histoire et la seconde, c'est qu'elle considère désormais Sam comme un objet encombrant dont elle se débarrasse en le mettant à l'arrière-plan et en le normalisant au point qu'il n'a plus rien d'un autiste. L'identité de la série s'en retrouve profondément altérée.

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Astrid et Raphaëlle

Publié le par Rosalie210

Alex de Seguins et Laurent Burtins (2019)

Astrid et Raphaëlle

"Astrid et Raphaëlle" est une série policière télévisée en cours de diffusion sur France 2. Elle se compose pour le moment d'un épisode pilote de 1h30 (visible sur YouTube) et d'une première saison de 8 épisodes de 52 minutes (visibles au fur et à mesure sur France 2 Replay).

Ce qui m'a amené à m'intéresser à cette série est qu'elle reprend un principe archi-rebattu, celui du duo de flics aux tempéraments opposés et donc complémentaires mais dans une perspective résolument féministe et inclusive. Les deux enquêtrices sont des femmes qui ne sont pas vraiment dans les clous. Raphaëlle (Lola DEWAERE, la fille de Patrick DEWAERE) est une commandante de police séparée de son compagnon qui a perdu la garde de son fils dont elle a du mal à s'occuper à cause de son mode de vie plutôt désorganisé. Impulsive et fâchée avec les règles, elle est adepte de la méthode "bazooka" notamment vis à vis de sa hiérarchie ce qui lui vaut de se mettre dans des situations délicates. A l'inverse, Astrid (Sara MORTENSEN) est une jeune autiste au mode de vie réglé comme du papier à musique. Elle travaille à la documentation criminelle dans la solitude et le silence et se passionne pour les puzzles, quels que soient leur nature. Raphaëlle se rend compte rapidement que les capacités d'Astrid sont précieuses pour mener à bien ses enquêtes et lui offre l'opportunité de sortir de son placard. Elle devient alors sa coéquipière, non sans difficultés.

La représentation de l'autisme dans la série se rapproche beaucoup de celle qu'offrait Benjamin LAVERNHE dans "Le Goût des merveilles" (2014). C'est assez logique dans la mesure où Joseph Schovanec a été l'un des modèles dans les deux cas. Rappelons qu'il y a autant de formes d'autisme que d'autistes et que ce trouble neuro-développemental ne se limite pas aux asperger brillants intellectuellement du type "Rain Man" (1988). S'ils sont sur représentés, c'est qu'ils peuvent parler (donc dans une certaine mesure communiquer) et que leurs capacités sont convoitées par une société qui envisage les individus sous l'angle utilitariste et productiviste avant tout. De plus les troubles autistiques des asperger ne sont pas toujours visibles, surtout chez les femmes qui ont tendance plus que les hommes à dissimuler leur différence au prix d'une grande dépense d'énergie. Celle d'Astrid au contraire est surlignée avec sa démarche et son phrasé mécanique et le fait qu'elle ne regarde pas dans les yeux. La réalité est beaucoup plus subtile.

Néanmoins, la série fait œuvre de pédagogie en diffusant au grand public beaucoup d'informations pertinentes sur les asperger et leur mode de fonctionnement (hypersensorialité, difficulté à reconnaître et exprimer les émotions, intérêts restreints, besoin de solitude et de silence, besoin de cadres clairs et de rituels précis pour se rassurer dans un monde qui paraît chaotique, dépense énergétique surhumaine pour s'adapter au monde des neurotypiques multipliant les risques de burn out etc.) Elle montre aussi comment le monde du travail et la société en général peut mieux les intégrer, par exemple en faisant des efforts de clarification sur les consignes (les asperger commettent des bourdes ou ont des pics d'angoisse en se saisissant pas l'implicite). Les deux derniers épisodes montrent qu'une insertion adaptée permet aux autistes "légers" comme Astrid et William de progresser dans leurs interactions avec les autres et de conquérir leur autonomie.  Plus généralement, les enquêtes révèlent des problématiques relevant d'un monde post "Me Too" avec par exemple l'histoire de la vengeance d'une adolescente violée par des hommes riches et puissants (l'épisode pilote) ou celle de l'assassinat d'une jeune chercheuse un peu punk par son collègue aigri et jaloux (le chaînon manquant) ou encore celle d'un homme qui après avoir changé d'identité a un enfant avec une militante écologiste contestataire alors qu'il l'a refusé à sa femme qui travaille au ministère de l'intérieur (l'homme qui n'existait pas).

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