"Panique à needle park" est le film des véritables débuts de Al PACINO au cinéma. Même s'il était déjà apparu brièvement deux ans auparavant dans "Me, Natalie" de Fred COE, c'est le deuxième film de Jerry SCHATZBERG qui l'a révélé. Ex-photographe de mode reconverti dans un cinéma vériste dépeignant les âmes perdues de l'Amérique, Jerry SCHATZBERG est un cinéaste majeur du Nouvel Hollywood, ce mouvement cinématographique américain contestataire des années 70 qui déconstruit les genres et renverse les valeurs, mettant au centre du récit des marginaux face à des institutions en crise ou absentes. "Panique à needle park" est par ailleurs un film-matrice méconnu sur le thème du traitement de la drogue et des drogués à l'écran. On reconnaît en effet des scènes entières reprises par la suite dans des films aujourd'hui beaucoup plus célèbres sur le même thème comme "Trainspotting" (1996) (le bébé livré à lui-même au milieu des drogués), "Bad Lieutenant" (1992) (les injections intraveineuses en gros plan) ou "Pulp Fiction" (1994) (l'overdose). Mais si le réalisme documentaire du film se nourrit d'ellipses et d'une certaine improvisation qui fait penser à du John CASSAVETES, l'histoire du couple de paumés formé par Bobby (Al PACINO) et Helen (Kitty WINN) en rappelle d'autres appartenant à la même période: "Bonnie and Clyde" (1967) ou "La Balade sauvage" (1972) pour leur existence de hors-la-loi, "Macadam Cowboy" (1968) pour leur mode de vie blafard et crasseux dans les bas-fonds de la ville voire "Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée..." (1981) pour la déchéance de Helen qui en plongeant dans la drogue dure en raison d'une dépendance affective tout aussi toxique voit sa vie lui échapper. La parenthèse vite refermée du chiot à la campagne suffit à faire comprendre qu'il n'y a pas d'issue mais une boucle prison/hôpital/drogue toujours recommencée, jusqu'à la mort.
L'Epouvantail est un film absolument magnifique et injustement oublié en dépit de sa Palme d'Or en 1973. Une étude de caractère extrêmement fouillée et portée par deux acteurs en état de grâce: Gene HACKMAN que je n'avais jamais vu dans un rôle aussi profond et Al PACINO, un diamant brut qui n'en était qu'à son quatrième film mais qui imposait déjà sous ses traits juvéniles sa dimension de star. "L'Epouvantail" est un film typique du nouvel Hollywood des années 70, la rencontre de deux marginaux sillonnant l'Amérique profonde en stop, en train, à pied, écumant ses bars et ses hôtels miteux avec chacun un désir chevillé au corps et incarné par le bagage qu'ils transportent avec eux. Max (Gene HACKMAN) est un roc taiseux, renfrogné, mal embouché, rugueux qui cache sous ses multiples couches de vêtements un bouillonnement d'émotions incontrôlées qui lorsqu'elles explosent le font replonger dans les bras de toutes les femmes qu'il croise et dans l'enfer des bagarres et de la taule. Or il veut se sortir de ce cercle vicieux en montant avec ses économies une station de lavage de voitures dont il porte les plans sur lui. Francis "Lion"el (Al PACINO) est son opposé, un jeune chien fou sans collier, un homme-enfant affamé d'amour qui multiplie les pitreries pour faire rire et accorde sa confiance sans réfléchir mais qui s'avère immature, instable et fragile psychologiquement. Il porte toujours sous son bras un cadeau par lequel il espère nouer un lien avec l'enfant qu'il a abandonné avant sa naissance. Réunis par le hasard de la route à la suite d'une introduction muette magistrale où se noue leur relation, le film tient en haleine de par la manière dont elle évolue, c'est à dire contrairement à la route pas en ligne droite et ensuite par ce que chacun finit par révéler de lui-même. Max s'ouvre au contact de Lion ce qui le fragilise au risque de la sortie de route alors que Lion qui semble au départ le pan solaire du duo se prend des coups (au propre et au figuré) qui menacent son équilibre mental précaire. Je ne sais si la métaphore de l'Epouvantail, fil rouge du film illustré par le ruban du cadeau est reliée au pays d'Oz mais en tout cas, cela y ressemble, même si la route n'est pas pavée de briques jaunes. Gus VAN SANT n'a pas pu ne pas s'en inspirer pour "My Own Private Idaho" (1991).
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.