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Articles avec #sattouf (riad) tag

Jacky au royaume des filles

Publié le par Rosalie210

Riad Sattouf (2014)

Jacky au royaume des filles

Bien qu'il ne soit pas complètement réussi, "Jacky et le royaume des filles" est un film original, un conte philosophique subversif qui interroge les stéréotypes et inégalités de genre ainsi que le poids de l'institution familiale dans les dictatures phallocrates en renversant les rôles pour en faire une dictature gynocratique tout aussi abjecte et ainsi faire réfléchir. C'est comme si "1984" de George Orwell (référence avouée et novlangue incluse féminisant les mots liés au pouvoir qu'ils soit économiques comme "argenterie" ou idéologiques comme "blasphèmerie" ou "voilerie" et masculinisant au contraire les mots dévalorisants tels que "culottin" ou "merdin") rencontrait le conte de "Cendrillon" des frères Grimm et la femme-soldat de "Lady Oscar" de Jacques Demy (son pendant masculin étant l'homme enceint de "L'événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la lune"). On peut également citer "Les résultats du féminisme" de Alice Guy avec des femmes dans les rôles sociaux masculins (incluant l'initiative dans la séduction et la domination dans les rapports sexuels) et les hommes dans ceux attribués au féminin du début du XX° (ménage, garde d'enfants, couture etc.) ainsi que "Le Dictateur" de Charles Chaplin (la parenté visuelle saute aux yeux bien que la dystopie de "Jacky au royaume des filles" s'inspire aussi à la fois du stalinisme et de l'islamisme) et même "Tout ce que vous avez voulu savoir sur le sexe sans jamais avoir osé le demander" de Woody Allen (aux femmes réduites à des ventres ou des objets de plaisir dans les films au discours misogyne succède ici l'image de milliers de prétendants enveloppés de blanc de la tête aux pieds ce qui les fait ressembler à des spermatozoïdes avec en plus un "laisson" autour du cou en guise de collier/bague de fiançailles.) J'y ajouterais un zeste de "Soleil Vert" avec le monopole de la production d'une nourriture infâme/informe par l'Etat à l'aide d'une centrifugeuse géante aux allures de tour centrale de "Metropolis" qui permet aux élites de contrôler les "gueusards" (les exécutions à la TV tenant lieu de jeux du cirque et le culte au poney, pardon au "chevalin", de religion). Avec une telle cohérence dans la conception de cette "République démocratique et populaire" qui emprunte aussi un peu de sa culture à l'Inde (les animaux sacrés, la médaille creuse pour les célibataires et pleine pour les hommes mariés voire la voilerie qui mélange le tchador et la draperie des moines bouddhistes), beaucoup de bonnes idées notamment dans le domaine visuel et un excellent casting (à commencer par Anémone dans le rôle de la générale impitoyable et de Charlotte Gainsbourg dans le rôle de son héritière qui fait office de prince charmant), il est dommage que la mise en scène du film soit si classique et le ton, si bon enfant comme si tout cela n'était finalement qu'un grand carnaval. Il faut dire que le renversement des rôles produit un résultats troublant voire dérangeant. De la ressemblance des femmes avec leurs homologues masculins lorsqu'elles disparaissent sous l'uniforme et les armes pour détruire autrui jusqu'à la culture du viol dans lequel cet autrui est utilisé comme un objet de plaisir, cette dictature-là apparaît terriblement crédible et montre crûment l'humain dans ce qu'il a de plus laid lorsqu'il devient un prédateur et ce quel que soit son sexe. Peut-être ne fallait-il pas creuser plus loin pour que le miroir ne devienne pas tout bonnement insupportable...

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Les Beaux Gosses

Publié le par Rosalie210

Riad Sattouf (2008)

Les Beaux Gosses

"Les Beaux Gosses" ce n'est pas "De Nuremberg à Nuremberg" mais "De la BD à la BD". Le film, sorti en 2009 est la libre adaptation par Riad Sattouf de deux de ses bandes dessinées consacrées à la jeunesse, "Le manuel du puceau" (2003) et "Retour au collège" (2005). En 2021 paraît le premier tome de la série "Le jeune acteur" qui revient sur l'histoire du premier film de Riad Sattouf mais pour se focaliser cette fois sur Vincent Lacoste dont c'était le premier rôle au cinéma. Sattouf y explique notamment comment il lui a fallu faire un casting sauvage dans les collèges pour y dénicher un adolescent aux prises avec les ravages biologiques de la puberté et non une belle image léchée très éloignée de "l'âge ingrat" telle qu'il voulait le représenter à l'écran. Un adolescent ordinaire plutôt timide et complexé qui n'avait jamais rêvé d'être acteur et qui n'était pas spécialement doué au départ. Mais qui a appris très vite le métier (en travaillant...) avec le résultat qu'on connaît: un vilain petit canard devenu depuis un beau cygne ^^.

C'est ce souci de réalisme ainsi que le ton sarcastique qui l'accompagne qui fait de "Les Beaux Gosses" un teen-movie savoureux* et non son intrigue (un récit d'apprentissage à base de "pelles" et de "râteaux"). En effet dès les premières images, on est dans le vif du sujet, au plus près de visages gras et boutonneux s'embrassant goulûment, bref on sait qu'on va parler de choses très organiques et pas forcément ragoûtantes. De fait les premiers émois amoureux et sexuels de Hervé (Vincent Lacoste) s'inscrivent dans un corps disgracieux et gauche, affublé d'un petit rire niais (et bagué évidemment) devant les situations gênantes qu'il vit avec sa première copine, Aurore: la technique du baiser qu'il faut perfectionner, l'éjaculation précoce et puis les détails concrets du corps de l'autre qui peuvent faire peur voire dégoûter (des pieds sales par exemple). Ladite Aurore n'est pas elle-même plus à l'aise. On comprend à demi-mot que son attirance pour Hervé est liée au manque d'assurance de celui-ci (parce que justement c'est rassurant) et elle refuse ses caresses dès qu'elles deviennent plus poussées. Evidemment comme si cela n'était pas déjà assez compliqué comme ça, Camel (Anthony Sonigo) le copain de Hervé collant, obsédé et si possible encore plus frustré ne fait rien pour arranger les choses et ne cesse de s'incruster. De même que la mère de Hervé divorcée, collante, obsédée et si possible encore plus frustrée (Noémie Lvovsky). Bref, Hervé a la lose qui lui colle aux baskets et le comique jaillit évidemment du décalage entre les efforts qu'il fait pour donner l'apparence qu'il contrôle la situation et une réalité qui ne cesse de lui échapper.

En dépit de son caractère très ancré dans la réalité hormonale des adolescents, le film de Riad Sattouf a aussi quelques liens avec la BD. De nombreux amis bédéastes célèbres y font des apparitions clin-d'oeil (de Marjane Satrapi à Joann Sfar). Les personnages ont une dégaine facilement transposable dans l'univers de la BD (dont une tenue vestimentaire faite pour leur coller à la peau). Une des raisons qui a poussé Riad Sattouf à choisir Vincent Lacoste était justement le fait qu'il semblait sortir d'une planche de ses BD (et comme je le disais au début il a fini par devenir un personnage de BD). Enfin le générique est traité à la manière d'une série de vignettes de BD ce qui accentue la drôlerie des chutes humoristiques.

* Evidemment on pense aux films américains spécialisés dans le genre et notamment à "American Pie", la masturbation étant une des principales activités de "Les Beaux Gosses" ^^.

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