Contrairement à la majorité, j'avais aimé "Indiana Jones et le royaume du crane de cristal" (2007) qui tentait de faire évoluer la saga (et qui était réalisé par Steven SPIELBERG) alors que celui-ci recycle en grande partie les recettes qui ont fait le succès des trois premiers opus (ce qui est la marque de fabrique de Disney qui a racheté Lucasfilm en 2012). Les décors sont plutôt ceux de "les Aventuriers de l'Arche perdue" (1980), les ennemis sont à nouveau des nazis et le sidekick Sallah (John RHYS-DAVIES) est lui aussi de retour, le trio homme/femme/enfant fait penser à celui de "Indiana Jones et le temple maudit" (1984) de même que des scènes d'action "rollercoaster" (la poursuite en tuk-tuk), on y ajoute brièvement quelques sales bestioles dans une crypte, quelques créatures faisant penser à des serpents, des clins d'oeil en veux-tu en voilà mais pourtant ça n'a ni le charme ni l'exotisme des débuts. Il faut dire que le film n'est pas dénué de contradictions. D'un côté la nostalgie du passé et un héros vieux, fatigué, mélancolique et désormais has-been. De l'autre, des effets numériques trop visibles (rien que la séquence inaugurale avec le rajeunissement de Harrison FORD et de Mads MIKKELSEN pour impressionnante qu'elle soit se sent trop) et une filleule effrontée censé prendre la relève (le fils d'Indiana Jones n'ayant pas convaincu, il est passé par pertes et profits). Je n'ai pas aimé le personnage de Helena (Phoebe WALLER-BRIDGE) que j'ai trouvé bien trop caricaturale en "super-woman" sans parler du manque de feeling avec son partenaire (ça m'a fait penser au duo autrement plus réussi celui-là entre Harrison FORD et Emmanuelle SEIGNER dans "Frantic) (1988) et l'ado qui les accompagne, Teddy est lui aussi fort dispensable. A leur place, il aurait été tellement plus intéressant de voir l'interaction entre Harrison FORD et Antonio BANDERAS qui joue un ami d'Indiana mais que l'on ne voit que le temps d'une séquence à l'écran. On a donc un film brouillon, tiraillé de toutes parts, pour ne perdre aucun public? Il y a tout de même quelques scènes spectaculaires que j'ai trouvé réussies, notamment celle de la course-poursuite au milieu d'une parade qui aurait pu être davantage exploitée pour égratigner le patriotisme US, de même que la guerre du Vietnam, le mouvement hippie ou le recyclage d'anciens nazis au service du complexe militaro-industriel des USA qui sont à peine effleurés. Et puis il y a la fin qui est le seul moment du film qui a suscité chez moi de l'enthousiasme. Peut-être parce que j'aime la thématique des voyages dans le temps et que ça me parle que d'avoir envie de vivre dans une autre époque. Mais là encore, le film bégaie et au lieu d'une fin qui claque, il se termine sur quelque chose de beaucoup plus conventionnel.
"Tout a commencé en 1977 sur une plage de l'archipel d'Hawaï… ", dit la narratrice du documentaire "Indiana Jones à la recherche de l'âge d'or perdu" (2020) en préambule, et sur un échange rapide entre deux amis. « Ça s'appelle Indiana Jones, explique alors George LUCAS à Steven SPIELBERG. Ça se passe dans les années 1930. C'est un film d'aventures surnaturelles. C'est comme un serial. C'est comme un James Bond mais en mieux ».
Très complet et didactique, le film, sorti à l'occasion de la présentation au festival de Cannes du cinquième volet de la saga se penche sur sa genèse avant d'analyser le phénomène. On y apprend une foule de choses. A commencer par la mue de Steven SPIELBERG alors en disgrâce auprès des studios en raison de l'échec de "1941" (1979) et de sa réputation à dépasser le budget et les délais à qui George LUCAS donna une seconde chance qu'il sut saisir pour gagner en rigueur et devenir un pilier du blockbuster hollywoodien. Les sources d'inspiration, sérials à suspense et petit budget diffusé dans les cinémas de quartier pour divertir les foules et James Bond mais aussi grands films d'aventures de l'âge d'or hollywoodien, genre alors tombé en désuétude comme le western ou la comédie musicale. La création de l'icône à partir d'éléments composites: le look de Charlton HESTON dans "Le Secret des Incas" (1954), le cynisme de Humphrey BOGART dans "Le Trésor de la Sierra Madre" (1947), la droiture de Stewart GRANGER dans "Les Mines du roi Salomon" (1949), l'humour et la décontraction de Jean-Paul BELMONDO dans "L'Homme de Rio" (1964) que Steven SPIELBERG adorait, faisant ainsi entrer sans le savoir une touche "Tintin" dans l'univers qu'il était en train de créer. Les conséquences enfin de l'énorme succès de la saga qui a relancé la vogue du film d'aventures, suscitant une foule de déclinaisons et un énorme merchandising tout en générant un mythe moderne à l'égal de celui des chevaliers Jedi.
Car le documentaire contient une dimension critique en contextualisant l'oeuvre de George LUCAS et Steven SPIELBERG. "Indiana Jones" comme "Star Wars" a contribué à refermer le chapitre contestataire des années 70 marqué par le cinéma du nouvel Hollywood au profit des grosses franchises de divertissement des années 80 empreintes d'idéologie reaganienne. Le comportement de Indiana Jones face aux indigènes (forcément barbares) est celui de l'occidental "civilisé" conquérant et un peu arrogant. S'y ajoute une dimension consumériste (les produits dérivés, le concept de franchise, le cinéma "pop-corn") et régressive: pour emporter l'adhésion du plus grand nombre, il ne faut plus faire réfléchir mais divertir et procurer des sensations d'où l'utilisation d'une mécanique d'action frénétique faisant penser à un rollercoaster. Les auteurs vont jusqu'à montrer à raison l'aspect plutôt conservateur des "Indiana Jones" quant au statut des femmes par rapport à certains films ultérieurs reprenant ses codes comme "À la poursuite du Diamant vert" (1984) (Robert ZEMECKIS a beau être un disciple de Steven SPIELBERG, il a ses obsessions propres et les femmes fortes en font partie).
Je n'avais jamais eu envie de voir le quatrième épisode des aventures d'Indiana Jones bien qu'il ait fait couler beaucoup d'encre, plutôt négativement. Au final, sans atteindre la dimension mythique du premier ou l'intensité du troisième, c'est un film qui se regarde avec plaisir, même s'il est trop bavard et un peu longuet. Le poids des ans se fait ressentir et il est difficile d'anticiper le vieillissement des effets spéciaux numériques qui sont très présents dans le film. Mais la scène d'ouverture est tout aussi brillante que celle des opus précédents et nous plonge en immersion dans les années cinquante ou plutôt dans l'immense cinémathèque consacrée à cette période. Steven SPIELBERG et George LUCAS voulaient conserver l'aspect "série B" de leur saga en mixant l'aventure dans la jungle à la manière des aventures de Bob Morane avec les histoires de science-fiction souvent à connotation paranoïaque dans un contexte de guerre froide. Alors ils s'en donnent à coeur joie, parfois en s'auto-citant, de "American Graffiti" (1973) à "E.T. L'extra-terrestre" (1982) en passant par "Rencontres du troisième type" (1977) ou en citant les amis avec l'allusion à la première version du scénario de "Retour vers le futur" (1985) dans lequel la machine à voyager dans le temps fonctionnant à l'énergie nucléaire était un réfrigérateur. D'ailleurs le film de Robert ZEMECKIS transportait le héros dans les années cinquante et citait "L'Invasion des profanateurs de sépultures" (1956) également mentionné dans le film de Steven SPIELBERG. Quant à la cité maya construite par des aliens, elle aussi constitue un thème important de l'ufologie des années cinquante, soixante et soixante-dix dont on trouve l'héritage dans ce qui est un de mes souvenirs d'enfance "Les Mystérieuses cités d'or" (1983). Donc, respect vis à vis de tout ce travail d'assimilation et de restitution qui est d'une grande cohérence tout comme d'ailleurs l'autre aspect majeur du film, la saga familiale, amorcée dans le deuxième, affirmée dans le troisième et pleinement exploitée dans le quatrième. Steven SPIELBERG et George LUCAS sont tout autant mythologues que cinéastes et Harrison FORD est loin d'avoir rendu son dernier soupir. Même s'il doit faire équipe avec un petit jeune aux faux airs de James DEAN et de Marlon BRANDO joué par Shia LaBEOUF, aucun ancien, vivant ou non n'est oublié que ce soit Karen ALLEN (Marion Ravenwood), Sean CONNERY (Henry Jones senior) ou Denholm ELLIOTT (Marcus Brody) remplacé par Jim BROADBENT dans le rôle du doyen de l'institut où enseigne encore Indiana Jones qui lui aussi a vu sa retraite repoussée puisqu'il doit reprendre du service cette année pour un cinquième volet.
Deux Jones pour le prix d'un dans cette dernière croisade au rythme échevelé, aux rebondissements incessants et aux ressorts comiques imparables. Ce troisième volet d'Indiana Jones est aussi pour moi le meilleur car le plus personnel de Steven SPIELBERG. On retrouve ainsi les ennemis absolus, les nazis à la recherche d'un nouvel objet sacré, le saint graal dont ils espèrent s'emparer pour obtenir la toute-puissance. S'y superpose une histoire familiale qui était maladroitement esquissée dans "Indiana Jones et le temple maudit" (1984) mais qui trouve dans cet opus une expression magistrale. D'abord en la personne de River PHOENIX dans le rôle d'Indiana adolescent lors une scène d'ouverture d'anthologie qui n'est autre que la Genèse du personnage (son chapeau, son fouet, sa cicatrice, sa phobie des serpents et... sa relation difficile avec son père). Ensuite avec Sean CONNERY qui forme un duo irrésistible avec Harrison FORD en père indigne qui concurrence son fils aussi bien sur le plan scientifique que dans le domaine des conquêtes féminines. De toutes manières, cette confusion des rôles est entretenue par le fait qu'ils ont le même prénom. D'où le surnom "Indiana" auquel le père préfère "junior" pour se placer en position de supériorité, alors qu'il agit comme un vieux gamin. La première scène où ils jouent ensemble donne le ton, Henry Jones se souciant davantage du vase qu'il a cassé en frappant par erreur Indiana que de l'état de santé de celui-ci. Le saint graal devient alors la quête du lien père-fils qui n'a jamais pu s'établir jusque là. Et bien que l'on reste toujours dans une atmosphère légère et bondissante, c'est le film qui des trois ressemble le moins à une BD. On est plus proche du style James Bond (Sean Connery oblige!) avec un fort caractère parodique qui sera repris plus tard par Michel Hazanavicius pour ses OSS 117.
La suite des aventures de "Indiana Jones" est en réalité ce que le jargon hollywoodien appelle aujourd'hui une préquelle. L'histoire se déroule en effet en 1935 soit un an avant "Les Aventuriers de l'arche perdue" ce qui permet en réalité de ne pas avoir les mains liées par un scénario préexistant et rapproche encore plus la saga des serials, cartoons et autres comics dont elle s'inspire avec une succession de morceaux de bravoure ébouriffants. L'introduction est aussi magistrale que celle du premier opus avec ses hommages simultanés aux comédies musicales et aux films de gangsters des années 30, une ambiance très "Lotus bleu", un clin d'oeil à "Star Wars" (le club s'appelle "Obi Wan"!), un autre à James Bond et encore une autre à "19413 (1979) (le gong qui se détache comme le faisait la grande roue) et cette incroyable mise en scène où les personnages courent après un diamant et un antidote qui ne cessent de se dérober au moment où ils vont les attraper: un véritable ballet! Il en annonce un autre, celui de la course-poursuite en wagonnet qui fait de ce "Temple maudit" un film "rollercoaster" qui sera ensuite décliné à Disneyland (tout comme Star Wars). S'y ajoute la scène du pont suspendu qui est également spectaculaire.
Cependant, des trois Indiana Jones que j'ai vu, c'est celui que j'aime le moins. Autant "L'Empire contre-attaque" (1980) réussit à avoir des accents de tragédie shakespearienne (merci Akira KUROSAWA!) autant les pérégrinations souterraines de Indiana Jones et de ses amis m'ont paru relever du grand guignol bien plus que d'une descente aux enfers (les effets spéciaux vieillis n'arrangent rien). Et si Willy Scott (Kate CAPSHAW) en chanteuse de cabaret perdue dans la jungle façon "la ferme célébrités" ou confrontée à des plats exotiques peu ragoûtants ou encore assaillie de bestioles plus que jamais "Ford Boyard" est drôle au début, sa mue est ratée: elle devient tout simplement une potiche lambda pendue au cou de son aventurier préféré. Dommage car on reconnaît à travers le trio du film une ébauche de la famille dysfonctionnelle chère à Steven SPIELBERG avec un père immature voire défaillant qui annonce la relation père-fils de "Indiana Jones et la dernière croisade" (1989). Il y a même un petit côté "Joueur de flûte de Hamelin" dans le film en ce sens que Indiana Jones à la recherche d'un artefact magico-mystique doit choisir entre ses réflexes d'archéologue occidental pilleur de trésor et sa promesse de le rendre aux villageois à qui il a été dérobé, leur permettant par là même de retrouver leurs enfants eux aussi volés, donc leur avenir.
J'avais sept ou huit ans quand j'ai vu "les Aventuriers de l'Arche perdue" (1980) pour la première fois dont la fin m'avait terrifiée à l'époque! Mais cette touche d'horreur ne doit pas occulter que Indy est l'héritier de toute une série d'oeuvres l'ayant précédé et d'un genre qu'il a contribué à relancer. Principalement des BD et des films de série B mais aussi l'aventure avec un grand A incarnée par le film de John HUSTON "Le Trésor de la Sierra Madre" (1947), le look de Harrison FORD s'inspirant de celui de Humphrey BOGART. Ou encore la comédie de Philippe de BROCA, "L'Homme de Rio" (1964) qui s'inspire des aventures de Tintin ce qui explique la parenté entre le célèbre reporter belge (que ne connaissait pas à l'époque Steven SPIELBERG, il s'est rattrapé depuis) et l'archéologue intrépide. Mais des références ne font pas un film, encore moins un film culte à l'origine d'une saga mythique. Alors forcément, "Les Aventuriers de l'arche perdue" innove aussi. Avec d'abord un héros d'un nouveau genre, certes très physique mais également intellectuel, même si ce n'est pas son érudition qui semble fasciner ses étudiantes. Surtout Indy est cool et attachant, vulnérable et plein d'autodérision en harmonie avec ce que dégage Harrison FORD (et dont on sent qu'il a fait école avec "À la poursuite du Diamant vert" (1984), "Allan Quatermain et les mines du roi Salomon" (1985), Bruce WILLIS pour la saga "Die Hard" ou encore bien sûr les OSS 117 de Michel HAZANAVICIUS entre Le Caire et Rio et ses nazis d'opérette). Et le film est à l'unisson. Un rythme haletant, ponctué de morceaux de bravoure qui préfigurent "Ford Boyard", ses mygales et ses serpents, ses coffres et "La Boule" ^^ mais laissant des espaces pour la comédie comme le célèbre gag improvisé du pistolet tueur de sabre dicté par un épisode de dysenterie qui obligeait Harrison FORD à boucler la prise entre deux passages au toilettes. Enfin on ne peut pas faire l'impasse sur la partition mythique de John WILLIAMS qui est à l'aventure ce que celle de "Star Wars" est à la science-fiction.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.