"A good day to die Hard" c'est un very bad day pour le spectateur. Le quatrième film était déjà mauvais mais au moins il partait d'une bonne idée (jeunes geeks contre vieux has-been). Celui-ci n'a même pas cette petite étincelle et confirme ce qu'est devenu la saga Die Hard: une machine à cash recyclant une recette à succès des années 80-90 en lui enlevant toute forme de personnalité. C'est la politique actuelle des studios d'Hollywood: prendre de vieux succès populaires, les ripoliner pour leur enlever toute aspérité et à la place y mettre plein de gros effets spéciaux numériques et un discours bien réac. John McClane (campé par un Bruce WILLIS à la peine physiquement mais il n'a pas besoin de s'en faire, les effets spéciaux l'ont transformé en Robocop depuis le quatrième épisode) est donc devenu un vieux cowboy facho, chauvin et individualiste qui ne pense qu'à récupérer son fiston qui s'est fourré dans le pétrin. Armé de quelques gros guns, il se rend dans un territoire hostile peuplé de (peaux) rouges. Comme il ne s'agit pas d'un pays civilisé, il fonce dans le tas, détruisant tout sur son passage et fauchant la vie de quelques dizaines d'innocents (c'est pas grave, ils sont russes). De toutes façons, la mission de John McClane se résume à sauver l'héritier et à aller "buter quelques salopards" (russes), tant pis s'il y a des dommages collatéraux, (ils n'avaient pas qu'à être russes). Quant à fiston (Jai COURTNEY) avec ses biceps façonnés par la gonflette (et les stéroïdes anabolisants?) il représente fort bien l'emprise croissante des normes corporelles sur le héros d'aujourd'hui: celui-ci doit être huilé, épilé, musclé, tatoué, transformé, dopé (éventuellement). La relève est assurée! (celle du vieux John McClane, pas du jeune, il est mort depuis 1995 et le troisième volet de la saga. Cependant on a quand même enregistré son célèbre « Yippee-ki-yay, pauvre con» histoire de faire croire qu'il s'agit du même homme).
L'idée de départ de ce quatrième "Die Hard", 12 ans après le dernier opus était bonne: jouer sur le décalage générationnel entre un John McLane (Bruce WILLIS) vieillissant et dépassé par les nouvelles technologies et des petits jeunes biberonnés au numérique. Hélas, ce sujet prometteur n'est traité que de façon superficielle le temps de quelques gags et punchlines bien senties ("Vous êtes une montre à remontoir au temps du numérique"). Pour le reste, "Retour en enfer" est un blockbuster d'aujourd'hui, sans âme ni originalité. Le réalisateur Len WISEMAN se contente de servir un plat réchauffé à base d'éléments puisés dans les précédents films de la saga et de scènes d'action qui en mettent plein la vue mais que l'on a déjà vues ailleurs tout en piétinant allègrement l'esprit originel de la saga conçue par John McTIERNAN. John McLane devient un super héros capable de se relever sans presque une égratignure de chocs et de chutes monstrueuses alors qu'il était à la base un personnage humain et vulnérable qui souffrait dans sa chair. Plus grave encore, le caractère rebelle du personnage est évacué en même temps que la critique des institutions et de la société qui était sous-jacente. A la place nous avons un film paranoïaque post-11 septembre bien manichéen ("Il faut sauver l'Amérique des méchants terroristes") avec pour bras armé un fervent patriote décérébré soumis aux ordres de ses supérieurs jusqu'au sacrifice kamikaze. Les ficelles du film sont en effet particulièrement grosses. Le méchant, Thomas Gabriel (joué par un Timothy OLYPHANT parfaitement inexistant au demeurant) est un Oussama Ben Laden 2.0 qui après avoir travaillé pour les USA se retourne contre son ancien employeur. A l'aide d'une poignée de hackers, il parvient à paralyser l'ensemble des infrastructures du territoire et à s'emparer de l'espace aérien avec une facilité déconcertante. Il faut dire que face à eux, le pays est un open bar désarmé ne disposant ni d'une police, ni d'une armée, ni de services secrets, ni d'un réseau d'écoutes à échelle mondiale digne de ce nom. D'où le "justicier" qui à lui tout seul détruit l'infâme réseau et sauve le pays. Montrer la réalité de la puissance américaine, se serait la mettre en question à la façon d'Edward Snowden. Et ça, il n'en est visiblement plus question si l'on en juge par le lavage de cerveau et le dopage musculaire subi par John McLane désormais incassable ^^.
Comme Simon (Jeremy IRONS), je propose un jeu: après avoir regardé "Piège de cristal" (1988) vous pouvez sauter par dessus la deuxième case, dispensable, des aventures de John McClane et vous rendre directement sur celle du 3, réalisé comme le premier par John McTIERNAN. "Une journée en enfer" est en effet et de loin la meilleure suite de toute la saga. Il faut dire que la multitude de clones pondus par Hollywood suite au succès du premier Die Hard obligeait le réalisateur à faire preuve d'originalité. C'est le scénario de Jonathan HENSLEIGH sur un flic blanc obligé de faire équipe avec un activiste noir pour contrer un terroriste poseur de bombes jouant à Jacques-a-dit ("Simon Says" en anglais) qui est retenu. Il permet à John McTIERNAN de jouer de façon virtuose tout au long du film sur deux registres: l'action et l'humour pour un résultat deux fois plus jouissif pour le spectateur. Il campe également des personnages hauts en couleur. On retrouve avec joie le McClane crasseux et vulnérable du premier volet, un McClane-épave migraineux abonné à la lose et à la bibine campé de manière toujours aussi parfaite par Bruce WILLIS (qui je le rappelle a plusieurs cordes à son arc: en plus d'être un bon acteur de films d'action, il est particulièrement brillant dans le registre comique tout en ayant aussi un grand talent dramatique). Mais cette fois, il n'est plus embarqué par hasard dans l'intrigue mais littéralement élu protagoniste principal par le méchant de l'histoire. A ses côtés, Carver (Samuel L. JACKSON) est un partenaire de jeu idéal, le film s'avérant être un excellent buddy movie. Il représente le bon samaritain pourtant rempli de méfiance envers les blancs. Enfin plus réussi sera le méchant, meilleur sera le film. Dans le premier film, c'était Hans Gruber un allemand tout en flegme et distinction british (joué par Alan RICKMAN). Dans le troisième, c'est également un allemand tout en flegme et en distinction british avec en plus un goût très affirmé pour l'escape game ^^. Normal, Simon est le frère de Hans (Gruber) et comme lui, il est imbu de sa personne tout en étant mû par la cupidité et le goût du pouvoir. Sous son impulsion, la ville de New-York, filmée nerveusement dans ses moindres recoins en caméra à l'épaule devient un jeu vidéo frénétique avec des défis en temps limité à relever. Il n'est guère étonnant que ce style une fois de plus précurseur ait fait école comme avant lui, celui de "Piège de cristal" (1988).
Autant le dire d'emblée: je n'aime pas "58 minutes pour vivre". La raison en est simple: je trouve qu'il s'agit d'une pâle copie de "Piège de cristal" (1988). Une copie en mode bourrin. On prend les mêmes personnages, les mêmes situations (flic perspicace contre vilains terroristes et autorités sourdes et aveugles, journaliste en manque de sensationnalisme se prenant un bon coup de taser par Holly alias Bonnie BEDELIA), les mêmes punchlines, les mêmes boules de noël sur fond de Dean MARTIN et on recommence sur un autre terrain de jeu mais sans le charme et la spontanéité du premier film. Ce n'est pas l'humain qui est au centre du jeu comme on peut le voir avec les méchants semblables à des G.I Joe interchangeables mais une mécanique narrative très convenue. Le fait que John McTIERNAN n'ait pas réalisé cet opus est un facteur déterminant car toutes les qualités que j'ai apprécié dans "Piège de cristal" (1988) comme les face à face psychologiques, les passages de comédie, la critique pertinente des institutions, on les retrouve intacts dans le troisième volet "Une journée en Enfer" (1995) alors que "58 minutes pour vivre" réalisé par Renny HARLIN en est totalement dépourvu. Tout y fonctionne de manière caricaturale et il n'y a pas la place pour la moindre fantaisie. Les scènes d'action sont efficaces mais elles ne dissimulent pas toujours une mise en scène un peu grotesque comme le combat final sur l'aile de l'avion où McClane (Bruce WILLIS) affronte successivement le major Grant (John AMOS) puis le colonel Stuart (William SADLER) qui attend sagement son tour et n'a pas une seconde l'idée de tirer sur MacClane pendant qu'il affronte son premier adversaire alors qu'il a une vue panoramique sur la situation. Si néanmoins je ne descend pas complètement ce film, c'est pour deux raisons: le plaisir de retrouver le personnage de John McClane et le fait qu'il n'est tout de même pas le pire de la saga.
"Piège de cristal" n'est pas qu'un film d'action culte, c'est un must du genre, un film qui en 30 ans n'a pas pris une ride et dont les secrets n'ont jamais été percés par tous les copieurs qui ont tenté de reproduire la "recette". Mais ils ne sont pas allé plus loin que la surface de verre. Car comme le dit si bien Gilles Rolland dans sa critique du film sur le site "On Rembobine", "Si on regarde toujours le film aujourd'hui presque 30 ans après sa sortie, ce n'est pas uniquement pour entendre McClane balancer ses punchlines ("Now I have a machine gun ho-ho-ho", "Yippee-ki-yay, pauvre con !" etc.) les pieds en sang tandis qu'il dézingue les terroristes dans cette gigantesque tour de verre. C'est aussi parce qu'il reste à ce jour l'un des rares métrages du genre à proposer un vrai discours à étages."
Explorons quelques uns de ces étages qui ont fait la réussite du film:
- En premier lieu, il y a la maîtrise parfaite de l'espace-temps. L'utilisation brillante de l'unité de lieu et de temps, un rythme qui ne faiblit jamais et un suspense savamment entretenu. L'exploitation des différentes parties du bâtiment reflète l'intelligence d'un scénario dont les différents éléments s'imbriquent parfaitement et une efficacité visuelle qui permet au spectateur de capter l'essentiel.
- En deuxième lieu, il y a le héros ou plutôt l'anti-héros, un personnage vulnérable mais plein de ressources en rupture avec les montagnes de muscles invincibles qui étaient à la mode à l'époque. John McClane doit autant utiliser ses méninges que ses poings ou ses armes pour l'emporter seul contre tous tandis que son corps sans défense (il est en marcel et pieds nus) subit un vrai martyre. Il incarne le mâle américain en crise, celui dont la virilité est remise en cause par l'ambition professionnelle de sa femme Holly (Bonnie Bedelia) qui le dépasse en pouvoir et en prestige au point d'oser se faire un nom à elle. Bruce Willis est parfait dans un rôle à multiple facettes et d'autres réalisateurs sauront mettre en valeur également cette complexité que l'acteur porte en lui (comme Terry Gilliam, Robert Zemeckis, Wes Anderson...).
-John McClane est par ailleurs une sorte de Robin des bois qui défie les institutions et leurs huiles dont le film souligne à la fois l'incompétence, la brutalité de classe dominante et le cynisme. Le représentant de la police Dwayne Robinson veut écraser McClane comme une punaise et ordonne de "foncer dans le tas", le journaliste menace d'expulsion la gouvernante latino des McClane si elle ne le laisse pas entrer chez eux pour interviewer les enfants (ce qui donne des informations précieuses aux terroristes) et le représentant du FBI, Johnson menace un employé de licenciement s'il ne coupe pas le courant de l'immeuble (ce qui facilite l'accès des terroristes au coffre-fort). D'autre part en préparant l'assaut sur le toit, il se croit revenu en pleine guerre du Vietnam et ajoute "on descend les terroristes et on perd 25% des otages maximum". Mc Clane les résume tous parfaitement lorsqu'il les traite de "machos imbéciles". Quant aux terroristes, ils sont également brocardés pour leur appât du gain et leur stupide arrogance et particulièrement leur leader, Hans Gruber, campé de façon impériale par Alan Rickman. "Je suis un voleur exceptionnel et un kidnappeur à qui on parle poliment" dit-il à Holly qui a osé égratigner son orgueil en le traitant de "petit voleur" (quant au journaliste, elle lui mettra le poing dans la figure!)
- Le seul allié de McClane est un sergent noir (Reginald Veljohnson) qui le soutient psychologiquement de l'extérieur. Logiquement il se fait malmener par les représentants de la police et du FBI.
Et oui, un film d'action, ça peut aussi penser sans en avoir l'air. Et même sacrément bien! A l'image de son anti-héros va-nu-pieds que tout le monde méprise. A tort. Il y avait bien un Ghost dans la machine ho-ho-ho
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.