La Passante du Sans-Souci
Jacques Rouffio (1981)
Je n'avais pas revu ce film, le dernier de Romy SCHNEIDER depuis mon enfance. L'actrice y est bouleversante, consumant ses dernières forces dans un double rôle où elle n'en finit pas d'expier les relations troubles de sa mère avec Hitler. Les enfants de bourreaux (et de leurs complices) sont en effet aussi des victimes. Ils sont écrasés par le poids de la culpabilité que leur géniteur ou génitrice n'a jamais assumé et il est alors d'autant plus compliqué pour eux de transmettre la vie. Car quel héritage transmettre quand celui-ci est criminel? Romy SCHNEIDER n'avait pas par hasard eu pour premier mari un ancien déporté juif allemand. Pas par hasard donné des prénoms hébreu à ses enfants. Ce n'était pas par hasard qu'elle s'était donnée au point de se faire mal dans les scènes les plus barbares de "Le Vieux fusil" (1975), autre film où elle joue une victime d'Hitler. Pas par hasard enfin qu'elle a porté "La Passante du Sans-Souci" à bout de bras, contactant le réalisateur Jacques ROUFFIO pour lui demander d'adapter le roman de Joseph Kessel et demandant à ce que son partenaire soit Michel PICCOLI avec lequel elle avait travaillé plusieurs fois pour Claude SAUTET. Mais ses problèmes de santé, le suicide de son premier mari en 1979 et surtout la mort de leur fils peu de temps avant le tournage ont eu sa peau puisqu'elle a été retrouvée morte un mois et demi environ après la sortie du film.
"La Passante du Sans-Souci" est donc un film qui projette les derniers feux d'une actrice exceptionnelle et qui annonce son destin funeste en la faisant doublement mourir. Sans Romy SCHNEIDER, le film aurait sans doute été relégué aux oubliettes. Non seulement la mise en scène est assez conventionnelle mais elle est encore alourdie par une démonstration cherchant à établir mécaniquement un parallèle entre la montée du fascisme des années 30 et une résurgence de l'antisémitisme au début des années 80. Le manque de recul sur la deuxième période explique sans doute cette comparaison forcée et donc erronée. Certes, des attentats ont bien visé au début des années 80 la communauté juive de France (celui de la rue Copernic, celui du restaurant Jo Goldenberg entre autres) mais ils n'émanaient pas des anciens nazis réfugiés en Amérique que l'on retrouve et que l'on juge à cette période (comme Klaus Barbie ou l'enquête ouverte en 1979 par les USA pour repérer, dénaturaliser et expulser ou extrader leurs ressortissants d'origine immigrée ayant violé le droit international) mais des conflits israélo-arabes au Moyen-Orient et plus précisément de la guerre civile qui faisait alors rage au Liban. Par conséquent il faut prendre l'histoire du film dans sa partie contemporaine avec beaucoup de pincettes.