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Série Noire

Publié le par Rosalie210

Alain Corneau (1979)

Série Noire

Plus glauque et sordide que ce film tu meurs! D'ailleurs le titre en VF du polar de l'américain Jim Thompson* qui l'a inspiré "Des cliques et des cloaques" est évocateur d'une atmosphère parfaitement rendue à l'écran. La banlieue blafarde aux intérieurs décrépis et aux sinistres terrains vagues dans laquelle l'intrigue est transposée fait écho à une galerie de personnages repoussants, véritable lie de l'existence humaine sur laquelle trône le non moins minable Frank Poupart, habité par un Patrick Dewaere dont la performance hallucinée situe son personnage aux portes de la folie. De n'importe quel autre acteur, on aurait dit "qu'est ce qu'il cabotine!". Pas de Patrick Dewaere. Il ne fait pas semblant, quand il se tape la tête contre le capot de sa voiture, il le fait vraiment et on sent que sa prestation borderline, il va la chercher dans les tréfonds de ses tripes**. Ce loser des bas-fonds qui dresse sa personnalité exubérante comme un bouclier face au néant est un véritable one-man show que l'espoir de sortir de son impasse existentielle et l'amour que lui inspire l'énigmatique Mona (Marie Trintignant) aussi mutique que lui est volubile plonge dans une descente aux enfers qui ne semble pas avoir de fond. Alain Corneau a très bien saisi dans ses films la déréliction des banlieues (dans "Le Choix des armes", la Courneuve est filmée de façon quasi-documentaire) et il est assisté pour ce film par l'écrivain George Pérec qui a ciselé les dialogues poétiques pleins d'humour noir, respectés à la lettre malgré une impression d'improvisation. Tout comme la prestation de Patrick Dewaere, ils contrebalancent l'aspect hideux du film sans lui enlever son caractère désespéré. J'ajoute que la bande-son composée de tubes de variété et de disco écoutée sur des postes de radio transistor a quelque chose de grotesque et de poisseux en même temps qui se marie bien avec le reste du film.

* Auteur également du roman à partir duquel Bertrand Tavernier a réalisé "Coup de Torchon", l'un de ses meilleurs films.

** Le rôle est quasiment autobiographique dans le sens où Patrick Dewaere a en vain tenté d'échapper au gouffre insondable qui le rongeait intérieurement de plus en plus en se réfugiant dans des paradis artificiels (drogue, alcool, sexe et jeu).

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Have a Nice Day

Publié le par Rosalie210

Liu Jian (2017)

Have a Nice Day

Une curiosité que ce film d'animation chinois, simple mais percutant qui rappelle beaucoup sur la forme le style pop de Quentin Tarantino: mélange de violence et d'humour noir, ballet de mafieux et d'aspirants mafieux autour d'un sac de billets dérobé à un malfrat (comme dans "Jackie Brown") et même plan iconique en contre-plongée d'ouverture du coffre d'une voiture dans lequel se trouve un type pas mal amoché. L'humour masque quand même la terrible vacuité de la petite société chinoise dépeinte complètement atomisée en individus transformés par l'appât du gain en bêtes féroces. Le film comporte un morceau de bravoure assez épatant: une vidéo détournant des affiches de propagande maoïste en version pop art capitaliste dans laquelle deux des personnages lancés à la course au fric rêvent de "lendemains qui chantent" dans un Shangri-la de pacotille. Ils n'iront pas plus loin que la chambre 301 d'un hôtel minable. Quant à la plupart des autres personnages après s'être entre-déchirés comme des fauves lâchés dans une arène, ils finiront leur course folle dans un grand carambolage. Laissons le mot de la fin à l'élément déclencheur de l'intrigue, Xiao Zhang, un jeune employé du BTP qui arrondit ses fins de mois en convoyant les fonds de son patron mafieux avant de s'enfuir avec la caisse. Il a besoin de cet argent pour payer en Corée l'opération de ravalement de façade de sa fiancée défigurée par une opération de chirurgie (in)esthétique qui a mal tourné en Chine. Par ailleurs il proclame son admiration au tueur à gages venu lui faire la peau. Bref, peu de substance sous la coquille et on appréciera aussi bien l'ironie du titre que du passage sur l'acquisition de la liberté en Chine qui se mesure à ce qu'il est possible ou non d'acheter selon le taux de remplissage de son portefeuille.

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Plein Soleil

Publié le par Rosalie210

René Clément (1960)

Plein Soleil

Aujourd'hui "Plein Soleil" se confond avec l'avènement de sa star, le fauve Alain Delon qui irradie de jeunesse (il n'avait que 23 ans au début du tournage!), de beauté, de magnétisme animal. Ce n'était pas son premier film mais c'est celui qui l'a révélé dans un rôle qui lui va comme un gant et pour cause, c'est lui qui l'a choisi presque contre tout le monde. Il fallait oser tenir tête pour un quasi-inconnu à l'époque à l'équipe du film qui lui avait attribué le rôle ingrat de la doublure. L'audace et la conviction intime paient. Sans "Plein Soleil", Luchino Visconti n'aurait pas engagé Alain Delon pour "Rocco et ses frères" et ce dernier n'aurait sans doute pas eu la même carrière.

A l'image de sa star, "Plein Soleil" est un film culotté à qui sa restauration en 2013 a permis de retrouver une seconde jeunesse. Trop vite catalogué par la Nouvelle Vague dans la catégorie "cinéma de papa", René Clément réalise pourtant un film qui penche bien plus du côté des Godard, Truffaut et consorts que du cinéma académique réalisé en studio. Il y a l'insolence de la jeunesse du jeune loup cité plus haut qui n'a rien à envier à son contemporain, Jean-Paul Belmondo révélé par "A bout de souffle". Il y a l'apport décisif du chef opérateur Henri Decaë (celui des "Quatre Cent Coups") dont le travail sur la lumière et les couleurs force l'admiration, particulièrement dans les scènes de haute mer. Celui du scénariste de Chabrol, Paul Gégauff. Enfin le travail de René Clément lui-même qui se révèle extrêmement talentueux dans l'art de filmer en décors naturels à la façon d'un documentaire que ce soit Alain Delon se débattant au milieu des éléments déchaînés ou déambulant dans des scènes de foule. 

Et puis il y a la thématique évoquée dans le film qui n'est pas moins audacieuse. "Plein Soleil" est en effet la première adaptation de "Monsieur Ripley", le premier roman que Patricia Highsmith a consacré à Tom Ripley, héros amoral et ambigu sexuellement. Dans "Plein Soleil" comme dans les adaptations ultérieures des romans mettant en scène le personnage ("L'Ami Américain" de Wim Wenders, "Le Talentueux Mr Ripley" de Anthony Minghella etc.) tout comme d'ailleurs dans des adaptations plus ou moins libres d'autres romans de l'auteure ("L'Inconnu du Nord-Express" de Alfred Hitchcock, "Harry, un ami qui vous veut du bien" de Dominik Moll etc.) le thème du double est une véritable obsession. Dans une scène emblématique située au début de "Plein Soleil", Tom Ripley  (Alain Delon) enfile le costume de son rival bourgeois Philippe (Maurice Ronet) et s'admire dans la glace, imitant ses intonations et allant jusqu'à embrasser son reflet. Illusion narcissique brisée lorsqu'apparaît ledit Philippe armé d'une cravache. Scène homoérotique typique qui définit les rapports des deux hommes basés sur la gémellité/complicité, l'ambiguïté des désirs et le sado-masochisme*. Du moins jusqu'à ce que les deux ne fassent plus qu'un (dans une pulsion à la fois fusionnelle et meurtrière) et que Ripley doive endosser une double identité qui s'avère au final trop lourde pour les épaules d'un seul homme, de nombreux éléments de mise en scène soulignant la solitude du personnage comme la fatalité de son destin.

* Une décennie plus tard, le "couple" formé par Alain Delon et Maurice Ronet a rejoué une partie des enjeux de "Plein Soleil" non plus à bord d'un bateau mais au bord de "La Piscine" avec pour pôle féminin Romy Schneider qui fait une brève apparition dans "Plein Soleil", Marie Laforêt interprétant le rôle de Marge, la petite amie de Philippe. D'une certaine manière, "La Piscine" est le jumeau de "Plein Soleil".

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Memories of murder (Salinui chueok)

Publié le par Rosalie210

Bong Joon-ho (2003)

Memories of murder (Salinui chueok)

Le deuxième film de Bong Joon-ho "Memories of murder" est aussi l'un de ses plus grands films. Il s'inspire d'une pièce de théâtre elle-même issue d'un fait divers qui avait défrayé la chronique en Corée: le viol et le meurtre d'une dizaine de femmes de tous âges à Hwaseong au sud de Séoul entre 1986 et 1991 par un serial killer, le premier du genre au pays du matin calme et qui n'a été confondu que trente ans après les faits c'est à dire en 2019.

Le film de Bong Joon-ho qui se concentre sur la traque infructueuse du coupable tient en haleine du début à la fin avec une montée en puissance impressionnante sur la dernière demi-heure qui tourne à la tragédie noire à l'entrée d'un tunnel ferroviaire. Avec un sujet pareil, on pourrait s'attendre à un film seulement très sombre mais en maestro du mélange des genres, Bong Joon-ho en fait aussi un film très drôle. Un humour burlesque ravageur qui souligne l'incompétence de la police de l'époque dans un contexte politique par ailleurs troublé. En effet le trio d'enquêteurs, Park (Song Kang-ho) le policier local, son brutal coéquipier Jo Young-goo et un inspecteur venu de Séoul leur prêter main-forte, Seo (Kim Sang-kyeong) vont systématiquement se retrouver mis en échec par un tueur insaisissable qui profite des failles béantes du système pour s'évanouir dans la nature. La Corée du sud des années 80 n'était pas développée comme elle l'est aujourd'hui et elle était encore en transition entre l'autoritarisme et la démocratie. Par conséquent les policiers manquent de rigueur scientifique et de moyens pour mener leur enquête. Les tests ADN ne peuvent être menés qu'aux USA*, les scènes de crime ne sont pas assez protégées et face au manque de preuves Park se réfugie dans toute une série de pistes plus farfelues les unes que les autres (le "contact visuel" alors qu'une scène prouve qu'il est incapable de différencier un coupable d'une victime, la méthode chamanique, la visite des saunas pour tenter de repérer des hommes imberbes, le criminel ne laissant aucun poil sur les lieux de ses crimes, la recherche d'un auditeur qui demande la même chanson à la radio les soirs de meurtre etc.) Par ailleurs, on voit ces mêmes policiers utiliser la torture pour faire endosser les crimes à des boucs-émissaires tels qu'un attardé mental ou un miséreux surpris en pleine forêt en train de se masturber avec des dessous féminins volés. Des séquences qui pourraient être révoltantes mais qui tournent au grotesque avec les interrogatoires surréalistes des hommes incriminés. Hommes à qui n'est offert par la suite qu'une réparation dérisoire. Enfin le régime offre un boulevard au meurtrier en utilisant les forces de police pour la répression des manifestants plutôt que pour traquer les criminels et en imposant un couvre-feu qui facilite d'autant son passage à l'acte (les lumières qui s'éteignent symbolisent un régime qui ferme les yeux). Alors des années plus tard quand Park qui a changé de métier (on le comprend) revient sur les lieux du premier crime et apprend de la bouche d'une fillette que le tueur est venu s'y recueillir peu de temps auparavant, il regarde droit dans les yeux par un regard caméra les spectateurs de son pays pour qu'ils ne puissent plus jamais détourner le regard.

* C'est d'ailleurs par son ADN que le meurtrier a fini par être confondu. Les bavures, les erreurs de l'enquête et le retard technologique m'ont fait penser à l'affaire Grégory qui date de la même époque et qui reste irrésolue.

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Mother (Madeo)

Publié le par Rosalie210

Bong Joon-ho (2009)

Mother (Madeo)

Avant de commencer ma critique proprement dite, je mets en garde contre tout risque de confusion entre le film du coréen Bong Joon-ho et celui plus récent et plus connu de Daren Aronofsky avec Jennifer Lawrence et Javier Bardem qui porte le même titre mais qui est suivi d'un point d'exclamation.

"Mother" (sans ! donc) qui a été réalisé en 2009 entre "The Host" et "Snowpiercer" est nettement moins flamboyant et spectaculaire qu'eux. Il est aussi, il faut le dire plus rébarbatif avec des personnages peu sympathiques plongés dans une situation sordide non compensée par les touches d'humour habituelles du cinéaste. Il s'inscrit cependant dans le style d'un réalisateur qui est passé maître dans le mélange des genres, ici le mélo familial et le thriller policier. S'il y a un film auquel on peut comparer "Mother" c'est "Psychose" d'Alfred Hitchcock qui fait d'une histoire de fusion monstrueuse entre mère et fils la substance de son intrigue policière. Il y a d'ailleurs une phrase quasi-identique prononcée dans les deux films: "Elle ne ferait pas mal à une mouche" (à propos de Mrs Bates dans "Psychose"), "Il ne ferait pas même pas mal à une araignée d'eau" (à propos de Do-joon dans "Mother") alors qu'ils sont tous deux accusés de meurtre.

Contrairement à "Psychose", Do-joon et sa mère sont deux entités vivantes aux corps distincts, une séparation matérialisée la plupart du temps par une vitre. Mais l'emprise de la seconde sur le premier tant physique que mentale est très forte puisque Do-joon souffre de retard mental ce qui l'empêche d'être indépendant. Et il est significatif que sa mère n'ait pas de nom, ce qui définit bien comment son identité se confond avec son rôle de mère. Dans l'une des premières scènes du film, Bong Joon-ho définit de façon admirable ce qu'est la non-séparation psychique. La mère massicote des racines au fond d'une pièce tout en surveillant son fils grâce à une baie vitrée qui ouvre sur l'autre côté de la rue où il se trouve. Arrive le moment où il se fait renverser par une voiture, elle se précipite vers lui en hurlant qu'il saigne mais découvre que c'est elle qui s'est coupé au niveau du doigt comme s'ils ne formaient plus à ce moment là qu'un seul corps. Et ces moments de fusion, on les retrouve ponctuellement tout au long du film, le fils étant "programmé" de façon pavlovienne par sa mère et celle-ci prête à toutes les extrémités pour sauver son fils (en raison d'un sentiment de culpabilité inconscient).

"Mother" possède cependant une dimension proprement asiatique, la mère s'avérant dans les (magnifiques) première et dernière scène du film étroitement connectée aux forces de la nature avec lesquelles elle danse, faisant ainsi circuler à travers elle les flux énergétiques de l'univers*. En occident, elle aurait été depuis longtemps brûlée comme sorcière mais en Corée, elle exerce (illégalement) la profession d'acupunctrice et connaît donc bien les différents points du corps qui doivent être stimulés pour que l'énergie vitale y circule de façon harmonieuse. Elle a d'ailleurs appris à son fils une technique qui lui permet de retrouver la mémoire, technique qui joue un rôle clé dans le film tout comme celle qui consiste à se défendre quand on le traite d'idiot. Le film joue beaucoup sur les apparences trompeuses. Tout est fait pour que le spectateur croient Do-joon et sa mère inoffensifs mais le sont-ils vraiment?

Ces dimensions psychiques et spirituelles enrichissent considérablement un film qui en surface ne serait qu'une banale intrigue policière autour du thème du faux coupable (Hitchcock, encore) aggravé par les tares de la société coréenne bien mises en avant par le réalisateur (corruption, inégalités sociales, incompétence) et rehaussé par une mise en scène brillante (voir la scène à suspens où la mère tente de quitter la pièce jonchée de bouteilles sans réveiller l'homme qu'elle surveille et qu'elle croit être le vrai meurtrier). Elles donnent au personnage de la mère* toute sa richesse, en surface une femme pauvre, seule, faible, démunie (sa couleur fétiche, le violet est celle des veuves et des martyrs) mais en profondeur un maelstrom de forces obscures d'une terrifiante puissance capables de dévaster tout sur leur passage. De quoi bien faire réfléchir sur l'ambivalence de l'instinct maternel et du dévouement sans limite.

* Un équivalent de ce Qi-Gong dans la nature peut être trouvé chez les amérindiens du film de Terrence Malick "Le Nouveau Monde".

* Beaucoup de références des films de Bong Joon-ho nous échappent. Ainsi pour "Mother", il a choisi une actrice qui symbolise la mère aux yeux des coréens, rôle qu'elle a joué de multiples fois dans la production locale.

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Le Doulos

Publié le par Rosalie210

Jean-Pierre Melville (1962)

Le Doulos

Avec "Le Doulos", son quatrième film Jean-Pierre Melville a frappé un grand coup en établissant tous les canons de ses plus grands films à venir et en créant un film matrice qui a inspiré nombre de réalisateurs ultérieurs*. On peut même dire que "Réservoir dogs" le premier Tarantino en constitue un remake informel.

"Doulos" signifie en argot "chapeau" et "indic" comme l'explique l'avant-générique. Et si le scénario du film de Jean-Pierre Melville est écrit pour embrouiller l'esprit du spectateur, l'enjeu lui est limpide: "Qui est le traître?". Car le paradoxe Melville est parfaitement posé dans ce film qui nous plonge au cœur du marigot moral du milieu des flics et des truands tout en montrant comment ces derniers s'accrochent à un "code d'honneur" qui pourrait bien n'être qu'une illusion. "Pourrait" car le film distille une ambiguïté absolument remarquable tournant autour du personnage de Silien interprété par Jean-Paul Belmondo. Celui-ci est décrit comme n'ayant que deux amis, Maurice Faugel (Serge Reggiani), un braqueur tout juste sorti de prison et Salignari (Daniel Crohem), un inspecteur. Ce qui lui vaut la méfiance du milieu qui le prend pour un indic. Mais Faugel croit en la parole donnée et place sa confiance entre les mains de Silien. Tout le talent du réalisateur réside dans le fait que par le jeu de savantes ellipses dans le récit, on est amené à croire en la traîtrise de Silien puis à en douter sans que jamais on ait la réponse définitive. Faugel quant à lui raisonne d'une manière manichéenne. Il descend ou fait descendre ceux qui le trahissent tout en étant prêt à se faire tuer pour ceux qui lui restent fidèles. Pas étonnant qu'avec une telle morale ("je te tue ou je me fais tuer pour toi"), le film prenne des allures de tragédie antique où tout le monde finit par s'entretuer. 

Ce qui joue beaucoup dans la réussite du film réside également dans l'interprétation. Comme dans ses films ultérieurs, les acteurs ont un jeu minimaliste, "l'underplay" que certains ont cru inspiré par le jeu blanc des acteurs de Robert Bresson mais qui selon Jean-Pierre Melville a été inventé à Hollywood dans les années 30. "Le Doulos" est d'ailleurs un hommage au film noir américain des années 40 avec un jeu de lumières expressionnistes et un véritable fétichisme de la panoplie du gangster/privé, en particulier son chapeau que celui-ci contemple dans son miroir et ne cesse d'ajuster (dans "Le Samouraï", cela deviendra même un gimmick). En même temps, le jeu retenu pour ne pas dire inexpressif, le code d'honneur et l'abstraction géométrique (déjà présente dans "Le Doulos" notamment dans la séquence remarquable du générique) sont au cœur d'un nombre incalculable de films asiatiques dont Jean-Pierre Melville finira par assumer l'héritage tout en les inspirant fortement en retour. Si cette manière de jouer va comme un gant à Alain Delon (qui est d'ailleurs une icône en Asie), elle est plus surprenante chez Jean-Paul Belmondo plus connu pour sa tendance au cabotinage que pour la sobriété de son jeu. Mais excellement dirigé, il est parfait en homme inquiétant aux motivations indéchiffrables. 

* Il disposait d'un budget plus confortable que pour ses premiers films en raison du succès de "Léon Morin, prêtre" et avait créé ses propres studios ce qui lui garantissait une totale liberté artistique.

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Le Fugitif (The Fugitive)

Publié le par Rosalie210

Andrew Davis (1993)

Le Fugitif (The Fugitive)

"Le Fugitif" est l'adaptation très efficace et spectaculaire d'une série télévisée à succès des années 60. C'est aussi une relecture du thriller hitchcockien mais sans l'aspect psychanalytique (le faux coupable n'a aucune part d'ombre, il est juste victime d'une machination extérieure à lui). Le scénario ouvertement rocambolesque y va à fond dans l'invraisemblable au point que l'on oublie rapidement que Richard Kimble (Harrison Ford) est un chirurgien en cavale au profit de ses exploits de super-héros. Il devient Houdini lorsqu'il doit se libérer de ses chaînes lors de l'accident du véhicule pénitentiaire qui le conduisait en prison. Il a également des vertus transformistes insoupçonnées sans parler de son talent pour se faire faire des faux papiers. Et puis c'est un super enquêteur, capable de résoudre l'énigme du meurtre de sa femme tout ça avec la police à ses trousses. Et comme si ça ne suffisait pas il trouve encore le temps de sauver la vie des gens, que ce soit un petit garçon victime d'une erreur de diagnostic à l'hôpital (où il travaille sous une identité d'emprunt comme agent d'entretien) ou son ennemi juré, Samuel Gérard (Tommy Lee Jones) dont la pugnacité à le traquer équivaut à celle de Kimble à se faire innocenter. N'en déplaise au Monde, j'ai pensé naturellement à l'affrontement Jean Valjean/Javert même si l'on voie l'état d'esprit du second évoluer discrètement mais sûrement au fur et à mesure qu'il comprend où Kimble le mène là où Javert reste monolithique jusqu'au coup de théâtre final. Outre le fait que le rythme ne retombe jamais et augmente même dans une dernière demi-heure assez folle, la course-poursuite entre ces deux hommes intelligents et charismatiques (le premier dans le genre chaleureux et le second plus froid et inquiétant) est le plus grand atout du film qui a d'ailleurs permis à Tommy Lee Jones d'acquérir une renommée internationale méritée.

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Marathon man

Publié le par Rosalie210

John Schlesinger (1976)

Marathon man

"Marathon man" est le film qui a dû largement contribuer à répandre la stomatophobie (peur du dentiste). C'est aussi un must de film paranoïaque des seventies où un simple quidam (ou un quidam un peu simplet?) se retrouve plongé au cœur d'une sombre machination à laquelle il ne comprend rien sinon qu'il doit sauver sa peau et qu'il ne peut compter sur personne puisque même ses prétendus proches (son frère, le collègue de son frère, sa petite amie) s'avèrent ne pas être ce qu'ils prétendent. Mais heureusement Babe (Dustin Hoffman) a la même qualité que Forrest Gump lorsqu'il est plongé dans une Histoire (avec un grand H) qui le dépasse: il sait courir! 

"Marathon man" s'inscrit en effet dans un contexte historique particulièrement riche, celui des "démons de l'Amérique", comme le faisait d'ailleurs Forrest Gump qui avec son air de ne pas y toucher dégommait la guerre au Vietnam et le Watergate (entre autre). Dans "Marathon man" c'est le maccarthysme (à cause duquel le père de Babe s'est suicidé, laissant à son fils un lourd héritage qu'il n'arrive pas à assumer) et les séquelles du nazisme qui sont évoquées de façon particulièrement brillantes. En effet le film se focalise sur Szell surnommé "L'Ange blanc" (Laurence Olivier), un ancien dentiste nazi ayant sévi à Auschwitz qui s'est réfugié après-guerre dans la jungle uruguayenne (allusion transparente à Mengele). La mort de son frère à New-York dans des circonstances tragi-comiques particulièrement signifiantes (une sorte de course-poursuite avec un automobiliste juif aussi âgé que lui et qui se termine contre un wagon-citerne) l'oblige à se déplacer pour gérer lui-même ses "affaires". A savoir un trésor de guerre constitué à partir des biens volés aux juifs (les dents en or notamment), entreposé dans un coffre-fort à Manhattan et qu'il faisait jusque là transiter jusqu'à lui par l'intermédiaire de petites boîtes acheminées par des "courriers" loyaux ou espions, lesquels s'avèrent être justement ceux qui entourent Babe. Celui-ci se retrouve donc bien malgré lui chargé de liquider cet encombrant héritage en vengeant symboliquement le peuple juif. En effet suite à l'Holocauste, New-York est devenue l'une des villes accueillant l'une des plus importantes communautés juive du monde dont beaucoup de rescapés d'Auschwitz (ce que le film rappelle quand il montre les tatouages sur les bras de diamantaires chez qui Szell se rend ou lorsque d'anciens prisonniers le reconnaissent en pleine rue) et Babe s'appelle évidemment Levy. Son affrontement avec Szell lui permet donc d'exorciser le passé et de se délester de son fardeau.

Le film est également une preuve par l'exemple que deux acteurs brillants mais différents (par leur âge, leur parcours, leur nationalité, leur méthode de jeu) peuvent parfaitement fonctionner ensemble. Le film allie histoire et thriller avec brio grâce au scénariste William Goldman notamment dans les nombreuses scène où Babe est "visité" par les ombres de son passé. A la manière de "Répulsion", son appartement miteux fait sans cesse l'objet d'intrusions (de viols?) filmées le plus souvent de façon furtive ce qui accroît la sensation d'angoisse et d'insécurité du personnage*. La scène de la salle de bains qui préfigure un peu celle de "Shining" est particulièrement réussie.

* Il y a d'ailleurs de ce point de vue une continuité entre Babe et le personnage que Dustin Hoffman interprétait dans "Le Lauréat" une décennie plus tôt tout comme le fait de continuer à être crédible en jouant les étudiants alors qu'il avait 39 ans (pour "Le Lauréat" il en avait 30 soit 10 de trop par rapport à son personnage, dans "Marathon man" c'est 20 de trop, qui dit mieux!)

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Max et les ferrailleurs

Publié le par Rosalie210

Claude Sautet (1971)

Max et les ferrailleurs

"Max et les ferrailleurs" est l'un des films de Claude Sautet qui m'a le plus marqué. Pourtant j'aurais eu l'âge la première fois que je l'ai vu de lire la série "Max et Lili" de Dominique de Saint Mars (si elle avait existé à l'époque) plutôt que d'essayer comme le fait Lily de percer à jour l'épais mystère de Max. Car bien qu'atypique dans sa filmographie par son genre (le polar) et le milieu représenté (celui des flics, des petits voyous et des prostituées), c'est déjà un film-somme, l'un de ceux qui donne le plus de clés pour comprendre le cinéma de Claude Sautet. Car derrière le côté solaire du cinéaste célébrant les joies du groupe et de la convivialité, il y a une ombre solitaire, froide comme la mort et c'est elle que j'ai vue d'abord*.

En effet "Max et les ferrailleurs" est une tragédie de l'échec et de l'impuissance (quoi qu'en ait dit Sautet lui-même car son cinéma repose sur le non-dit). L'extraordinaire composition de Michel Piccoli (à mon avis l'un de ses plus grands rôles) permet de voir peu à peu remonter à la surface les failles de Max, celles qui se cachent sous son flegme apparent et qui finissent par lui exploser à la figure, le laissant en lambeaux. Car Max est une bombe à retardement et dans le rôle de la mèche il y a l'incendiaire Lily (Romy Schneider) qui elle aussi se défait peu à peu du rôle social qu'elle interprète pour finir aussi défaite que Max à qui elle finit par rendre son humanité, en y mettant le prix fort.

La bourgeoisie dans le film est présente à travers le personnage de Max dont on sait qu'il est le fils d'une riche famille de vignerons et que ce n'est pas avec ce qu'il gagne comme inspecteur qu'il peut se permettre de traîner avec des tas de billets dans la poche ou de s'acheter un appartement qui lui sert de couverture en un claquement de doigts. D'ailleurs la scène où il retrouve Abel (Bernard Fresson), son ancien camarade de régiment devenu le leader d'une bande de petits délinquants de banlieue permet de mesurer toute la distance sociale qu'il y a entre eux depuis qu'ils sont retournés à la vie civile. A la convivialité de la bande, filmée au café ou sur les chantiers qui fleurissaient alors dans la ville de Nanterre en mutation s'oppose la solitude glaciale du flic psychorigide aussi muré en lui-même que le majordome des "Vestiges du jour" de James Ivory**.

Mais pourtant Max qui ne supporte pas l'échec a déjà commencé sa descente aux enfers en renonçant à son métier de juge faute d'avoir pu prouver la culpabilité d'un prévenu. Et au début du film, on apprend que devenu inspecteur, il a de nouveau échoué à prendre en flagrant délit un groupe de truands ce qui en fait la risée du commissariat. On devine l'étendue de sa frustration. La rencontre avec Abel qu'il n'a pas vu depuis dix-sept ans (et qu'il ne reverra pas d'ailleurs) lui donne alors une idée machiavélique: lui suggérer de monter un gros coup avec sa bande qu'il orchestrera de A à Z par l'intermédiaire de la petite amie d'Abel, Lily, une prostituée dont il devient le client régulier. Mais dans ce domaine là encore, Max s'avère frappé d'impuissance. Alors qu'il est en présence de l'une des plus belles femmes du monde faisant le "plus vieux métier du monde", il reste étrangement froid, distant et repousse ses avances, se contentant de lui donner de l'argent pour qu'elle lui tienne compagnie ou de la photographier lors d'une soudaine montée de fièvre ou plutôt de "pulsion scopique"***. Le fait qu'il se serve d'elle pour monter son coup ne peut expliquer cet étrange comportement qui ressemble à une autopunition. D'autant que Lily finit quand même par le toucher, physiquement et psychologiquement. Avec des conséquences irréversibles. En effet en manipulant les autres, Max creuse sans s'en rendre compte sa propre tombe et il n'est guère étonnant qu'il finisse par perdre le contrôle et tomber avec eux, déversant sa rage et son impuissance dans la décharge de son révolver sur le commissaire joué par François Périer.

* Pascal Jardin a dit du cinéma de Sautet qu'il était une fenêtre ouverte sur l'inconscient et c'est bien en cela qu'il n'a rien à voir avec les films de potes divertissants et superficiels qui peuplent le cinéma français et qu'il échappe également à son temps et à son milieu pour acquérir une portée universelle et intemporelle.

** Max préfigure Stéphane, le personnage principal de "Un cœur en hiver" tout aussi froid, secret et orgueilleux (il croit échapper aux sentiments en manipulant ceux des autres alors qu'il s'autodétruit) .

*** La femme désirable que l'on regarde mais que l'on ne peut pas toucher revient comme une obsession chez Sautet, notamment dans ses deux derniers films (tous deux avec Emmanuelle Béart qui remplace Romy Schneider alors décédée).

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La Piscine

Publié le par Rosalie210

Jacques Deray (1969)

La Piscine

Il est intéressant qu'un film sur l'illusion du bonheur ait été pris comme cible par la campagne publicitaire Dior pour le parfum "Eau sauvage" qui a ressorti en 2010 des clichés d'époque d'un Alain Delon qui était alors au sommet de sa beauté. Comme si cinquante années avaient été effacées d'un coup. Mais si le parfum (né en 1966) a pu traverser le temps sans rides, ce n'est certainement pas le cas d'Alain Delon d'où l'aspect étrange et factice de cette résurrection. A l'image du film d'ailleurs qui repose sur une distorsion complète entre l'apparence et la réalité avec la piscine comme miroir de vérité. Le début est effectivement conçu comme un pur travail d'image façon publicité du gagnant du loto ou soap opera pour la vie de luxe, calme et volupté à Saint-Tropez avec deux acteurs beaux comme des dieux n'ayant rien d'autre à faire que de bronzer au bord de la piscine et de se désirer ardemment (et narcissiquement ^^). Pourtant il y a un hic car ce que l'eau reflète, c'est un arbre mort. Il y a donc quelque chose de pourri au royaume de la villa tropézienne qui s'avère être en réalité une cage dorée dans laquelle Jean-Paul (Alain Delon, opaque à souhait) a enfermé Marianne (Romy Schneider, tout aussi insaisissable*). Elle semble acquiescer mais saute sur la première occasion qui se présente pour briser le tête à tête en accueillant chez eux Harry (Maurice Ronet), un ancien ami à eux m'as-tu-vu et sa fille Pénélope (Jane Birkin**) dont il se sert pour se mettre en valeur (et paraître plus jeune). A partir de ce moment, le pseudo-paradis devient un huis-clos d'autant plus étouffant qu'il repose sur le non-dit. En effet ce n'est pas par le dialogue que la tension s'installe mais par les regards et les silences lourds de sens. Harry méprise Jean-Paul parce que lui a réussi alors que Jean-Paul n'a connu que l'échec. Marianne devient implicitement un enjeu de leur rivalité, attisé par son comportement ambigu envers Harry (dont elle ne veut pas dire clairement ce qu'il représente pour elle ni ce qu'elle cherche exactement). Jean-Paul se tourne alors perversement vers Pénélope pour atteindre son père (et Marianne) à travers elle. La piscine, lieu de désir devient alors un lieu mortifère, les deux allant souvent de pair (voir "L'Inconnu du lac" par exemple où le lieu de drague aquatique devient le théâtre d'un meurtre). Et Marianne de choisir in fine la réclusion volontaire à perpétuité de par son choix de couvrir le meurtrier. A la fin comme au début, la piscine reflète l'arbre mort, sauf que les images séductrices illusoires du début ont été brisées. Il occupe désormais toute la place, celle du couple se trouvant derrière les barreaux…. de la fenêtre.

* On peut faire une mise en abyme intéressante entre le film et la carrière de Romy Schneider qu'Alain Delon (son ex petit ami) réussit à imposer à Jacques Deray. En effet le film a changé son image héritée de "Sissi" et relancé sa carrière, donnant à Claude Sautet l'idée de l'engager pour "Les Choses de la vie". Il est arrivé la même chose à Dirk Bogarde, longtemps prisonnier d'une image de jeune premier dans des soap sans intérêt jusqu'à ce qu'il tourne "La Victime" de Basil Dearden, rôle beaucoup plus proche de ce qu'il était en réalité et qui l'a révélé aux yeux de Visconti avec la suite que l'on connaît.

** "La Piscine" est le premier vrai rôle au cinéma de Jane Birkin qui avait alors 23 ans et vivait avec Serge Gainsbourg. Celui-ci était d'ailleurs inquiet de la voir tourner avec deux séducteurs patentés dont l'un (Alain Delon) était particulièrement empressé.

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