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Articles avec #polar tag

In the Cut

Publié le par Rosalie210

Jane Campion (2003)

In the Cut

"In the Cut" est un polar urbain très travaillé sur la forme, peut-être trop d'ailleurs parce qu'il y a une distorsion entre l'ambition affichée et le rendu final. L'ambition affichée consiste comme le titre et le début du film l'indiquent à plonger dans les entrailles du mystère féminin écartelé par l'éducation traditionnelle entre rêverie romantique et désirs sensuels. On a donc une alternance entre le blanc virginal des fiançailles idéalisées sur la glace et le rouge du sexe incarné par des objets phalliques et en particulier un phare écarlate où se dénoue l'action. L'impossible unification entraîne une autre dichotomie, celle d'Eros (scènes torrides à l'appui) et de Thanatos (d'atroces meurtres de femme en série dans un New-York bien glauque nageant dans un flou artistique). L'héroïne, Frannie (Meg Ryan bien connue pour ses rôles dans des comédies romantiques et qui joue ici à contre-emploi) est coincée dans une période d'abstinence sexuelle jusqu'au jour où elle voit ses désirs inconscients remonter à la surface lorsqu'en se rendant aux toilettes d'un bar elle surprend une scène pornographique entre un homme et une femme dont elle ne peut détacher son regard. Mais peu de temps après la femme est retrouvée assassinée et démembrée avec une bague au doigt et l'enquêteur arbore le même tatouage au poignet que celui qui se faisait faire une gâterie dans les toilettes. Il devient très vite l'amant de Frannie mais celle-ci a en même temps peur de lui, ce qui stimule son désir.

Tout cela forme un programme très intéressant et pourtant cela ne fonctionne pas vraiment. Déjà parce que le moins que l'on puisse dire c'est que le propos de Jane Campion manque de subtilité (rien n'est tout blanc ou tout rouge ^^) et ensuite parce que la forme étouffe le fond. Les personnages sont bâclés, parfois à peine esquissés et manquent d'humanité. Bref "In the Cut" se veut brûlant et dérangeant alors qu'il s'agit d'un film complètement cérébral. Si Jane Campion voulait montrer la réconciliation d'une femme avec elle-même, et bien c'est raté.

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Mélodie en sous-sol

Publié le par Rosalie210

Henri Verneuil (1963)

Mélodie en sous-sol

"Mélodie en sous-sol" est un classique du film de casse surtout apprécié aujourd'hui pour deux raisons:

- Le tandem entre deux stars charismatiques de génération différentes, Jean GABIN (alors sexagénaire) qui reste en retrait dans le rôle du commanditaire et Alain DELON (vingt-sept ans au moment du tournage) qui capte une grande partie de la lumière dans le rôle de l'homme d'action. Le réalisateur, Henri VERNEUIL définissait cette association (qui se traduisit par des querelles d'ego sur le tournage en dépit de l'admiration que Delon portait à Gabin) comme celle du félin et du pachyderme " D’un côté, un pachyderme. Lent. Lourd. Les yeux enfoncés sous des paupières ridées et, dans l’attitude, la force tranquille que confère le poids. Celui du corps. De l’âge. De l’expérience. Quarante ans de carrière. Quelque soixante-dix films : Gabin. De l’autre, un félin. Un jeune fauve, toutes griffes rentrées, pas un rugissement mais des dents longues et, dans le regard bleu acier, la détermination de ceux qui seront un jour au sommet : Delon."

- La scène finale dans laquelle les billets remontent à la surface depuis le fond de la piscine sous le regard consterné et impuissant des deux monstres sacrés à l'opposé l'un de l'autre outre sa belle utilisation de l'espace renvoie à toute une tradition moraliste (judéo-chrétienne?) illustrant par un dénouement aussi absurde que malheureux le fait que le crime ne paie pas allant de "L'Affaire Cicéron (1952) de Joseph L. MANKIEWICZ à "L'Ultime razzia" (1956) de Stanley KUBRICK.

Mais "Mélodie en sous-sol" a un autre aspect intéressant beaucoup moins mis en avant dans les analyses qui en sont faites c'est son caractère social. Le film s'inscrit en effet dans un contexte précis qui est celui des laissés pour compte des 30 glorieuses qui sont illustrées tant par le surgissement de la société des loisirs (les passagers du métro évoquant leurs vacances à la mer) que par la construction des grands ensembles à Sarcelles, ville que Mr Charles (Jean GABIN) qui sort de cinq ans de prison ne reconnaît plus. Son pavillon, incongru au milieu des barres et des tours apparaît comme la survivance d'un passé révolu car sa femme, Ginette (Viviane ROMANCE) qui l'a attendu a refusé de le vendre aux promoteurs (j'ai pensé à "Là-haut" (2008) qui présente une situation de départ assez similaire). Mr Charles scelle son destin dès le début en refusant les opportunités de promotion sociale permises par la croissance économique (trop longues et laborieuses à son goût) pour le mirage du "gros coup", rejoint en cela par un jeune loup ambitieux lui aussi issu d'un milieu défavorisé et cherchant à réussir par la délinquance, Francis Verlot (Alain DELON). Une grande partie de l'intérêt du film réside dans le décalage entre les manières du jeune homme mal dégrossi et le milieu de la jet-set cannoise qu'il tente d'infiltrer sur ordre de son boss. Les notations sociologiques sont particulièrement bien vues! Et si l'on rajoute que les dialogues sont écrits par Michel AUDIARD, l'ensemble en paraît d'autant plus savoureux.

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Cinquième Colonne (Saboteur)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1942)

Cinquième Colonne (Saboteur)

"Cinquième colonne" est l'œuvre de transition parfaite entre "Les 39 marches" (1935) qui selon François TRUFFAUT symbolisait la période anglaise de Alfred HITCHCOCK et "La Mort aux trousses" (1959) qui toujours selon Truffaut symbolisait sa période américaine. Les trois films bénéficient de structures similaires (la cavale d'un faux coupable assisté d'une blonde qui finit par devenir sa complice) et la fin spectaculaire de "Cinquième colonne" du haut de la statue de la liberté ressemble beaucoup à celle de "La Mort aux trousses (1959) sur le mont Rushmore. Ces deux monuments filmés par Hitchcock comme point culminant de ses films d'espionnage symbolisent les valeurs des USA face aux ennemis de l'intérieur qui cherchent à déstabiliser le pays en période de guerre (seconde guerre mondiale pour "Cinquième colonne", guerre froide pour "La Mort aux trousses" (1959)). Cependant le ton de "Cinquième colonne" est moins joueur que dans "La Mort aux trousses" (1959) car il s'agit d'un film de propagande où le héros doit sauver l'industrie de guerre des USA d'un réseau nazi qui s'est infiltré partout en s'y infiltrant à son tour. Ce héros est par ailleurs joué par un acteur (Robert CUMMINGS) nettement moins flamboyant que Cary GRANT. Mais Hitchcock nous régale d'une série de morceaux de bravoure qui compense largement ce que le film peut avoir de trop sérieux. La scène du ranch par exemple est assez remarquable avec son ambiance faussement légère où l'on découvre que le grand-père d'une famille américaine "modèle" qui joue avec son bébé est en réalité un chef nazi. Il en va de même avec la traque du faux coupable dans le torrent où la mise en scène effectue en même temps que le héros et son complice de circonstance un véritable tour d'illusionnisme, la grande scène de bal pleine de chausse-trappes et enfin la scène de fusillade dans un cinéma où la réalité finit par se confondre avec la fiction (scène qui a sans doute inspiré Quentin TARANTINO pour le final de "Inglourious Basterds") (2009).

Le film de Hitchcock est intéressant aussi dans le fait de rendre hommage au genre fantastique dans un film d'espionnage. La scène de la cabane où un aveugle reconnaît l'innocence de Barry Kane est une allusion à "La Fiancée de Frankenstein" (1935) alors que celle où Patricia et lui sont cachés par un cirque composé de monstres de foire fait penser à "La Monstrueuse Parade" (1932).

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Talons aiguilles (Tacones lejanos)

Publié le par Rosalie210

Pedro Almodovar (1991)

Talons aiguilles (Tacones lejanos)

Après "Femmes au bord de la crise de nerfs", "Talons aiguilles", le dixième long-métrage de Pedro Almodovar a marqué un nouveau tournant dans sa carrière en lui ouvrant les portes de la reconnaissance internationale. "Talons aiguilles" est un film de transition entre ses œuvres de jeunesse transgressives et kitsch et les films de la maturité plus sombres et mélancoliques. C'est aussi un film qui fusionne plusieurs genres, notamment le mélo sirkien et le thriller hitchcockien (une image extraite du générique de "Vertigo" est d'ailleurs insérée dans le générique) avec une esthétique de télénovela et une identité LGTB affirmée. Ainsi le "body trouble" de l'histoire est un juge barbu le jour qui devient transformiste la nuit en imitant le personnage interprété par Marisa Paredes (la performance de Miguel Bosé est assez hallucinante). A cela il faut ajouter le thème central des relations compliquées entre Becky (Marisa Paredes) une mère narcissique et distante qui a tout sacrifié à sa carrière (le titre en VO est "Talons lointains") et qui cherche à se racheter et sa fille Rebeca (Victoria Abril) que le manque d'amour et la soif de reconnaissance conduit à s'accaparer et/ou à assassiner les amants de sa mère puis à tomber dans les bras de celui qui se fait passer pour elle. Si l'ensemble n'est pas complètement abouti (on sent que Almodovar se cherche encore à travers les références qu'il cite, notamment Bergman), le film est tout de même suffisamment généreux en scènes fortes, émouvantes, jubilatoires, sensuelles ou érotiques avec quelques séquences musicales d'anthologie ("Piensa en mi" chanté par Luz Casal est devenu un hit) pour demeurer l'un des films importants de son réalisateur.  

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Le Corbeau

Publié le par Rosalie210

Henri-Georges Clouzot (1943)

Le Corbeau

"Le Corbeau", deuxième long-métrage de Henri-Georges Clouzot me fait penser tant sur le fond que sur la forme à un "M. Le Maudit" français. Le contexte trouble dans lequel ces films ont été réalisé (occupation allemande, montée du nazisme) explique en partie leurs similitudes. Sur la forme, une ambiance expressionniste façonnée pour le clair-obscur ("où est l'ombre, où est la lumière?") d'une plongée dans les abysses de la complexité humaine. Sur le fond, cet éclairage des tréfonds de l'individu en souffrance s'avère finalement moins effroyable que la bestialité des foules prêtes à lyncher le premier "coupable" venu sur la foi de simples rumeurs portées par les ravages de la délation. "Culpabilité" qui dans le film de Clouzot cible particulièrement les femmes. C'est même à un véritable procès de la féminité dans sa sexualité et ses capacités reproductrices que nous assistons. La première scène se focalise sur l'étonnement suspicieux que suscite le choix du Dr Germain (Pierre Fresnay) lors des accouchements difficiles de sauver la mère quitte à sacrifier l'enfant. C'est sur cet aspect que s'acharne le corbeau (pseudo passé depuis dans le langage courant pour désigner les auteurs de lettres anonymes diffamatoires) en l'accusant de lettre en lettre d'être un "faiseur d'anges" (ce qui était passible à l'époque de la peine de mort). Les autres calomnies portent sur sa sexualité jugée débridée avec les femmes du coin. Les lettres de délation pointent en effet moins les turpitudes des notables locaux que les désirs sexuels de femmes plus frustrées les unes que les autres. Marie Corbin (Helena Manson), l'infirmière-assistante et belle-soeur du Dr Vorzet (Pierre Larquey), une vieille fille revêche et rigide est la cible d'une hallucinante "chasse aux sorcières" suggérée par une bande-son hurlante et des cadrages obliques avant qu'elle ne découvre son appartement dévasté. A l'inverse, Denise (Ginette Leclerc) est victime de son image de garce qui alimente la défiance du Dr Germain (qu'elle traite, insulte suprême de "bourgeois"). Entre les deux, il y a Laura (Micheline Francey), l'épouse du Dr Vorzet, et sœur de Marie Corbin beaucoup plus jeune que son mari dont les airs de sainte-nitouche dissimulent mal le désir qu'elle porte au Dr Germain. Sans oublier Rolande (Liliane Maigné), adolescente voleuse et malveillante qui comme Marie avec la correspondance privée du Dr Germain n'hésite pas regarder par le trou de la serrure à l'intérieur de son appartement. Bref, ce dernier est au cœur de tous les fantasmes de ces femmes alimentés par le terrible secret qui l'empêche de se réconcilier avec la vie. Du moins jusqu'à la scène où Denise qui a réussi à fêler sa carapace l'invite à la regarder au-delà des apparences, l'obligeant enfin à se dévoiler.

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Le Cercle rouge

Publié le par Rosalie210

Le Cercle rouge

Après "Le Samouraï" (1967) et sa citation extraite du Bushido (le code d'honneur des samouraï) « Il n’y a pas de plus profonde solitude que celle du samouraï. Si ce n’est celle d’un tigre dans la jungle… Peut-être… » Jean-Pierre MELVILLE poursuit dans la voie du polar zen avec "Le Cercle rouge" qui fait référence cette fois à une citation attribuée au Bouddha « Quand des hommes, même s'ils l'ignorent, doivent se retrouver un jour, tout peut arriver à chacun d'entre eux et ils peuvent suivre des chemins divergents. Au jour dit, inéluctablement, ils seront réunis dans le cercle rouge.» La présence d'un Alain DELON plus hiératique que jamais lie les deux films ainsi que l'épure des dialogues et une stylisation des actions tendant vers l'abstraction. Les scènes d'appartement font plus que jamais ressortir le vide que ce soit celui du malfrat Corey, abandonné à la poussière depuis cinq ans ou celui du commissaire Mattei ( BOURVIL dans un contre-emploi dramatique pour lequel il a récupéré son prénom au générique), d'une blancheur clinique où celui-ci accomplit toujours les mêmes gestes, véritables rituels millimétrés. La mise en scène dans son ensemble est admirable de précision et de sobriété. Par exemple, la façon dont on comprend que l'ancien comparse Corey, Rico (André EKYAN) s'est enrichi sur son dos et lui a volé sa petite amie est d'une économie de moyens qui en redouble l'impact.

Mais ce "film en creux", taiseux, méticuleux et d'une froideur chirurgicale est traversé par des éclairs cauchemardesques qui le relient au film précédent de Melville "L'Armée des ombres (1969). Le délirium tremens de Jansen (Yves MONTAND) dont l'appartement est aussi inhabité que celui des autres personnages en est un parfait exemple. La figure circulaire d'où on ne peut s'échapper est également commune aux deux films. La façon dont Philippe Gerbier revit son exécution renvoie aux rôles quasi interchangeables de flics et de voyous dans "Le cercle rouge". Le film est également hustonien en ce qu'il célèbre d'une part l'amitié virile tout en étant hanté par l'échec et la fatalité.

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Reservoir Dogs

Publié le par Rosalie210

Quentin Tarantino (1992)

Reservoir Dogs

Le premier film de Quentin TARANTINO en tant que réalisateur est parfaitement représentatif de l'ensemble de son œuvre. La filiation avec son deuxième film "Pulp Fiction" (1994) est frappante que ce soit dans les personnages (des truands en costume sombre dont l'un, Vincent Vega semble être apparenté au Vic Vega de "Reservoir Dogs" joué par Michael MADSEN), sa narration éclatée façon puzzle (grandement inspirée du "Rashômon" (1950) de Akira KUROSAWA), ses longs dialogues d'ouverture disséquant la pop culture (l'analyse du texte de "Like a Virgin" dans "Reservoir Dogs", les différences entre fast food européens et américains dans "Pulp Fiction"), sa violence graphique, son juke-box d'enfer, véritable machine à recycler les standards vintage, son "plan-signature" en contre-plongée depuis le coffre d'une voiture.

Cependant "Reservoir Dogs" est un film bien plus fermé que "Pulp Fiction" (1994). Et ce pour au moins trois raisons:
- Le film est en grande partie un huis-clos théâtral qui se déroule dans un garage.

- Ce huis-clos en forme d'impasse mexicaine se dénoue en tragédie shakespearienne.

- L'absence d'échappatoire est renforcée par un casting 100% masculin et une intrigue 100% nihiliste (les personnages n'ont pas d'identité mais des surnoms, leurs relations sont délétères ou basées sur le mensonge).

Il existe néanmoins un décalage entre la tragédie que vivent les personnages et ce que le spectateur en perçoit, décalage lié au traitement ludique (certains diront jouissif) qu'en fait Quentin TARANTINO. Mais si le film est clivant (culte pour certains qui en redemandent, détestable pour d'autres qui ne supportent pas ce déferlement de vulgarité, de machisme, de racisme et d'hémoglobine), il n'est pas pour autant irréfléchi. D'abord parce que le film narre l'histoire de l'échec d'un casse (comme dans "L'Ultime razzia" (1956) de Stanley KUBRICK qui utilise également la narration éclatée) suivi d'un règlement de comptes qui se termine en massacre généralisé. On ne peut pas dire que Tarantino fait l'apologie du crime et des criminels, d'ailleurs ce sera la même chose dans les films suivants. Ensuite la manière dont la violence est filmée est paradoxale car elle n'est pas montrée frontalement (comme dans l'insoutenable "Salò ou les 120 jours de Sodome" (1975)) mais suggérée. Si la séquence dite du "découpage de l'oreille" est si marquante, c'est parce qu'elle fonctionne sur un décalage complet entre la légèreté de la musique et de la chorégraphie et l'horreur de la situation qui est celle d'un tortionnaire sadique s'amusant avec sa victime même si l'acte en lui-même reste hors-champ. Cet art du décalage est au cœur du cinéma de Tarantino. On le retrouve par exemple dans la séquence d'ouverture de "Inglourious Basterds" (2009) avec son nazi courtois et faussement badin prenant un verre juste au-dessus des juifs terrés qu'il vient débusquer."Pulp Fiction" (1994) en offre une belle variante avec l'histoire de la montre de Butch cachée pendant la guerre du Vietnam dans un endroit intime du corps humain pour ne pas tomber aux mains des ennemis.

Pour finir, "Reservoir dogs" est une illustration du flair de Harvey KEITEL pour choisir de tourner dans les premiers films de grands cinéastes (après "Who s That Knocking at My Door" (1967) de Martin SCORSESE et "Les Duellistes" (1977) de Ridley SCOTT). Il a d'ailleurs également produit le film ce qui l'a considérablement aidé à élargir son budget.

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L.A. Confidential

Publié le par Rosalie210

Curtis Hanson (1997)

L.A. Confidential

J'avais adoré ce film à sa sortie et le revoir plus de 20 ans après m'a confirmé qu'il n'avait pas pris une ride. "L.A. Confidential" est un somptueux néo-noir qui se situe dans la tradition des grands classiques du genre qui ont contribué à alimenter l'âge d'or du cinéma hollywoodien dans les années 40 et 50. D'ailleurs l'action du film de Curtis HANSON se déroule justement dans les années 50 et il est adapté d'un roman de James Ellroy qui n'a rien à envier question intrigue alambiquée à ceux de Raymond Chandler (on l'a souvent comparé à "Le Grand sommeil" (1946) même si je trouve tout de même que "L.A. Confidential" est plus facile à comprendre et à suivre).

L'un des aspects du film que je trouve admirables réside dans la caractérisation d'un trio d'enquêteurs qui dès les premières secondes suscitent l'intérêt tant ils sont croqués et interprétés avec précision et justesse. Aucun n'est particulièrement sympathique. Jack Vincennes (Kevin SPACEY) est une diva combinarde qui alimente en scoop un journal de presse à scandale dirigé par Sid Hudgens (Danny DeVITO) en faisant sa publicité au passage. Bud White (Russell CROWE alors inconnu) est une brute épaisse qui ne sait s'exprimer que par des coups. Ed Exley (Guy PEARCE également inconnu à l'époque) est un froid technocrate dont les dents rayent le parquet ^^. Bud et Ed se détestent d'ailleurs cordialement. Mais aucun n'est univoque non plus. Ed est intègre, idéaliste et courageux puisqu'au nom de ses convictions il n'hésite pas à se mettre ses collègues à dos. Bud est sensible, ses déchaînements de violence ayant pour déclencheur son besoin de défendre les femmes battues. Ed et Bud finissent donc logiquement par "se trouver" car chacun défend au final une vision de la justice qui plonge ses racines dans une histoire personnelle similaire. Cela n'empêche pas l'un d'être capable de tuer de sang-froid et l'autre de cogner méchamment. Quant à Jack, sa crapulerie est contrebalancée par son profond désenchantement et une sourde envie de se racheter dont il va payer le prix en renonçant à la notoriété à laquelle il aspirait puisqu'il disparaît avant la fin du récit au profit de Ed et de Bud.

Ce trio de personnages principaux particulièrement forts ne doit pas masquer le fait que les personnages secondaires sont tout aussi remarquablement écrits. Deux sont particulièrement emblématiques de la dualité à l'œuvre dans le film. Lynn (Kim BASINGER) est une prostituée grimée en Veronica Lake selon le fantasme de l'époque qui consistait à se payer des sosies de stars faute de pouvoir les approcher en chair et en os. Et Dudley Smith (James CROMWELL), est le "double" chef, chef de la police de Los Angeles et chef de la pègre après l'arrestation du mafieux Mickey Cohen. Ces deux personnages révèlent l'envers peu reluisant du rêve hollywoodien, gangrené par la corruption du sexe et de l'argent. La frontière entre l'image glamour et la réalité sordide est d'ailleurs très poreuse comme le montre la scène où Ed prend Lana Turner pour une pute de luxe.

L'ensemble du film est à l'image de la caractérisation des personnages. C'est un travail d'orfèvre, une mécanique de précision où chaque détail compte que ce soit dans le scénario ou dans la reconstitution historique particulièrement soignée, donnant au film une densité, une maîtrise du rythme et des enjeux et une classe lui permettant de se hisser au niveau des chefs d'œuvres qui l'ont précédé tant dans le noir que dans le néo-noir (on peut le comparer par exemple à "Chinatown") (1974).

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Shutter Island

Publié le par Rosalie210

Martin Scorsese (2010)

Shutter Island

Attention! Une histoire peut en cacher une autre. "Shutter Island" fait partie de ces thrillers paranoïaques en forme de films gigogne* reposant sur une mise en abyme (une mise en scène au sein de la fiction qui redouble celle du film lui-même) ce qui nécessite de le voir au moins deux fois pour l'apprécier pleinement. La première fois, on est guidé par le point de vue du personnage principal, Teddy Daniels (Leonardo DiCAPRIO très présent à cette époque dans les films en forme de labyrinthe mentaux) alors que la deuxième, on suit davantage celui du "chef d'orchestre" qu'est le Dr. Cawley (Ben KINGSLEY).

Même si à mon goût "Shutter Island" est un peu trop cérébral (je veux dire par là froid, désincarné), la virtuosité de la mise en scène ne peut que susciter l'admiration. La maîtrise de l'espace en particulier est remarquable. Comme le titre l'indique, le film est un huis-clos sur une île où le sentiment d'enfermement est omniprésent dès le départ avec une atmosphère oppressante (brouillard, tempête) et un système de clôture qui assimile d'emblée l'hôpital psychiatrique à un camp de concentration dans l'esprit de Teddy (on comprendra pourquoi plus tard). Néanmoins et c'est cela qui est remarquable, plus le film avance, plus le sentiment de claustrophobie du spectateur augmente au fur et à mesure que Teddy progresse dans une enquête qui à première vue est policière (disparition mystérieuse et indices laissant entendre que des expériences interdites ont lieu sur les patients de l'île) mais qui est en réalité psychanalytique (il progresse dans ses propres abysses ponctués de rêves qui nous permettent de reconstituer le puzzle de son passé traumatique). Les clés du mystère sont symbolisées par des forteresses a priori inexpugnables (le bâtiment C, le phare) qu'il parvient néanmoins à investir et dans lesquelles il fait des découvertes majeures. La question que la fin ouverte laisse en suspens est la suivante: va-t-il pouvoir supporter la vérité?

A cette double couche (policière et psychanalytique) s'en ajoute une troisième qui est historique. l'intrigue se déroule en pleine guerre froide, plus précisément dans les années cinquante où la paranoïa anticommuniste faisait rage aux USA avec le maccarthysme. Au nom de la doctrine de l'endiguement (du communisme), les USA ont commis des crimes d'Etat aussi bien à l'intérieur (chasse aux sorcières contre les présumés ennemis de l'intérieur) qu'à l'extérieur (coups d'Etat, assassinats pour conserver ou augmenter leur influence). Et dans la course à l'innovation technologique qui les opposait à l'URSS, ils ont "recyclé" dans le cadre de l'opération Paperclip plus de 1500 scientifiques nazis symbolisés dans le film par le docteur Naehring (Max von SYDOW) que Teddy assimile implicitement au docteur Mengele (réfugié en Amérique latine mais celle-ci n'était-elle pas la chasse gardée des USA?). Le traumatisme de Teddy a donc un double sens, individuel et collectif. Il symbolise la mauvaise conscience d'un pays qui n'a pas levé le petit doigt pour arrêter le génocide pendant la guerre et qui a ensuite offert un asile aux bourreaux afin de s'en servir dans ses objectifs de puissance. Tout comme "La Liste de Schindler" (1993), les victimes sont symbolisées par une petite fille qui ne cesse de dire à travers les réminiscences de Teddy "Pourquoi ne m'as-tu pas sauvée?"


* "Usual suspects" (1995) ou "Sixième sens" (1999) sont d'autres exemples de films célèbres où le spectateur suit une fausse piste avant qu'un retournement final ne lui donne les clés de la manipulation dont il a fait l'objet.

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Le Deuxième souffle

Publié le par Rosalie210

Jean-Pierre Melville (1966)

Le Deuxième souffle

C'est par le cinéma asiatique (plus précisément celui de Hong-Kong) que j'ai découvert Jean-Pierre MELVILLE même s'il a tout autant influencé les cinéastes américains (Quentin TARANTINO et Martin SCORSESE par exemple). Le cinéaste français partage en effet avec ses homologues asiatiques un style épuré, stylisé jusqu'à l'abstraction qui vaut aussi pour des personnages "silhouettes" "agis" par un code moral archaïque qui les dépasse et transforme leur destin en "fatum" tout en les hissant, quels que soit la gravité de leurs actes, au niveau de la tragédie antique. Le personnage-silhouette (que certains appellent aussi "l'homme portemanteau" ou encore "l'homme-machine") fait d'ailleurs penser aux masques et parures que l'on trouve dans le théâtre grec ou le théâtre traditionnel japonais. Et puis qui dit dépouillement dit également silence, le premier long-métrage de Jean-Pierre MELVILLE était d'ailleurs une adaptation du livre de Vercors "Le Silence de la mer (1949)". Les personnages melvillien s'expriment davantage par de longs regards insaisissables (par exemple celui que Simone SIGNORET jette à ses camarades juste avant qu'ils ne la tuent dans "L Armée des ombres" (1969) est sujet à de multiples interprétations) que par les mots.

Tout cela, on le retrouve dans "Le deuxième souffle" son dernier film tourné en noir et blanc. Un monde de truands régi par des règles implicites où la parole est rare parce que chaque mot compte*. Le commissaire Blot (Paul MEURISSE) tranche encore avec le mutisme des gangsters mais c'est pour distiller sur ce monde parallèle une tranchante ironie. On y retrouve aussi la solitude propre au héros melvillien qui oscille entre des intérieurs (souvent des planques) vides et délabrés aux allures de cellule de prison et des extérieurs quelque peu déréalisés par leur réduction à des formes géométriques dans lesquels les corps effectuent des actions machinales. La scène du casse par exemple met en avant le décor aussi aride que spectaculaire de la route des Crêtes (entre la Ciotat et Cassis) tout en courbes et une gestion du temps qui fait la part belle à l'attente contemplative qui précède l'action plus qu'à l'action elle-même.

* "Alors maintenant, dans ce milieu pourri, la parole d'un homme comme moi, c'est zéro ! Qui tu es toi, qui parles, qui parles, qui dis connerie sur connerie ?" s"écrie Gu (Lino VENTURA) dont le parcours est jonché de cadavres mais qui ne supporte pas qu'on le fasse passer pour celui qui balance les copains.

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