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L'Homme au bras d'or (The Man With a Golden Arm)

Publié le par Rosalie210

Otto Preminger (1955)

L'Homme au bras d'or (The Man With a Golden Arm)

"L'Homme au bras d'or" est un titre à caractère polysémique. Il peut désigner aussi bien la dépendance à l'héroïne de Frankie (Frank SINATRA), son talent de batteur que sa dextérité dans la manipulation des cartes. Avec ce film et ce dès le générique, on ressent une impression de modernité grâce aux pulsations de la partition de jazz de Elmer BERNSTEIN (style musical alors peu employé au cinéma) et au graphisme de Saul BASS avec son style tout en figures géométriques si caractéristique qui illustrera par la suite les génériques les plus marquants des films de Alfred HITCHCOCK. Saul BASS choisit d'ailleurs de dessiner un bras tordu, renforçant encore la richesse thématique du titre. Car "L'Homme au bras d'or" est un film qui met en scène un conflit: celui de la volonté du héros (de s'en sortir) face au déterminisme social (son environnement). La première scène du film de Otto PREMINGER est, comme dans beaucoup de très bons films, programmatique. Frankie sort d'un bus, bagages à la main et visage rayonnant rempli d'espoir. L'illustration vivante du nouveau départ. Mais dès qu'il se met à marcher sur le trottoir de son quartier, il ne cesse d'être sollicité, tenté de toutes parts avant d'échouer derrière la vitrine d'un bar où il regarde ses anciens complices tourmenter un alcoolique: toute joie a alors disparu de son visage. Et la suite montre qu'effectivement, Frankie traîne d'énormes casseroles dont la plus grosse est son épouse, Zosh (Eleanor PARKER) qui est aussi accro à lui que lui l'est à l'héroïne (qui se ressemble s'assemble). Evoquer frontalement la dépendance aux drogues dures en 1955 était évidemment une gageure* et comme on s'en doute, Otto PREMINGER eut maille à partir avec la censure. Mais ce qui est remarquable, c'est que le réalisateur montre tout ce qui nourrit cette dépendance: l'attitude profondément castratrice de sa femme, le cercle vicieux de l'endettement, le harcèlement de ses complices escrocs et de son dealer qui ont tout intérêt à l'affaiblir le plus possible pour l'exploiter. Le personnage de Kim NOVAK offre un contrepoint positif à cet environnement toxique et donne lieu à des scènes d'un vérisme effrayant sur le processus du sevrage. Frank SINATRA est remarquable, on oublie totalement le chanteur derrière l'acteur.

* Même s'il n'est pas le premier à évoquer l'addiction à Hollywood, Billy WILDER ayant réalisé "Le Poison" (1945) dix ans auparavant sur l'alcoolisme.

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Un Couteau dans le Coeur

Publié le par Rosalie210

Yann Gonzalez (2018)

Un Couteau dans le Coeur

Pure coïncidence: le jour même où je découvre enfin "Le Voyeur" (1960) de Michael POWELL, Arte propose en replay sur son site de streaming "Un couteau dans le coeur". Quel est le rapport? "Le Voyeur" (1960) est non seulement l'un des films matriciels du slasher (sous-genre du film d'horreur plutôt anglo-saxon dont s'est inspiré par exemple Brian DE PALMA pour certains de ses films) mais également du giallo, cousin italien du slasher mêlant horreur, polar et érotisme et dont les deux maîtres sont Dario ARGENTO et Mario BAVA. Tous deux sont d'ailleurs passés du statut de réalisateurs de cinéma de genre bis/exploitation/underground à la reconnaissance du statut d'auteur-créateur avec à la clé une consécration cinéphilique au plus haut niveau (exactement comme pour le slasher d'ailleurs, par exemple, j'ai découvert le cinéma de John CARPENTER en regardant des épisodes de Blow-up sur Arte et celui-ci est régulièrement cité aujourd'hui comme une référence ce qui n'était pas le cas à ses débuts). Les deux ex(?) sous-genres ne sont d'ailleurs pas étanches, Brian DE PALMA et Dario ARGENTO se disputant par exemple la paternité de certaines de leurs idées de mise en scène.

Ce préambule est nécessaire pour comprendre que "Un couteau dans le coeur" ne sort pas de nulle part mais est un hommage du réalisateur, Yann GONZALEZ au giallo tout comme Julia DUCOURNAU dans "Titane" (2020) rend un hommage appuyé au slasher. Et il est salutaire que le festival de Cannes soutienne les films de genre français, sous-développés par rapport à leurs homologues américains et italiens afin de sortir de la dualité drame social ou sentimental auteuriste/comédie commerciale dans lequel a tendance à s'enfermer le cinéma français (heureusement il y a de nombreuses exceptions!)

Néanmoins "Un couteau dans le coeur" est un film avant tout maniériste ("à la manière de") autrement dit un exercice de style qui a bien du mal à exister par lui-même. Il y a de bonnes idées de mise en scène (le film est "tenu" de ses premières à ses dernières images et ne manque pas de créativité), des éclairages particulièrement soignés avec une dichotomie ville nocturne glauque/forêt lumineuse et magique habilement exploitée. De plus chacun de ces univers est incarné par une actrice du même âge ayant eu des débuts au cinéma assez comparables: Vanessa PARADIS et Romane BOHRINGER (dont on apprécie la rencontre). En revanche le film pèche au moins sur deux points: sa direction d'acteur très approximative et des dialogues souvent affligeants. Résultat: les scènes de tournage des films porno gay ne sont pas assez déjantées en dépit d'un excellent Nicolas MAURY, les scènes de meurtre, pas assez effrayantes et les scènes New Age et sentimentales sombrent dans un ridicule achevé d'autant que certaines idées semblent à moitié assumées: quitte à parler de forêt enchantée et de métamorphose, autant aller jusqu'au bout! En bref, "Un couteau dans le coeur" si l'on en accepte les codes est un film qui ne manque pas d'intérêt mais qui reste clairement inabouti.

 

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Le Voyeur (Peeping Tom)

Publié le par Rosalie210

Michael Powell (1960)

Le Voyeur (Peeping Tom)

J'avais beaucoup, beaucoup entendu parler de ce film et pourtant je ne l'avais jamais vu. C'est maintenant chose faite et j'ai tout de suite pensé après l'avoir vu que, bien qu'étant contemporain de "Psychose" (1960), il était le chaînon manquant entre le cinéma de Alfred HITCHCOCK et celui de Brian DE PALMA pour qui il est d'ailleurs une référence (tout comme pour d'autres réalisateurs de cette génération, Martin SCORSESE par exemple qui est un grand admirateur du cinéma de Michael POWELL). Alfred HITCHCOCK est un grand réalisateur de la pulsion scopique qui est un des ressorts majeurs du cinéma (en ce sens beaucoup de ses films sont aussi des méta-films comme "Fenêtre sur cour") (1954) et l'oeil en gros plan qui ouvre "Le Voyeur" fait aussitôt penser à celui de "Vertigo" (1958). Cependant, "Le Voyeur" préfigure non seulement le cinéma de Brian DE PALMA par son côté trash exacerbé par l'utilisation de la caméra subjective* mais aussi les oeuvres les plus tardives de ce même Alfred HITCHCOCK comme "Frenzy" (1972) dans lequel les meurtres de femmes sont filmés crûment et où l'on retrouve la même actrice, Anna MASSEY. Pourtant rien ne laissait prévoir que Michael POWELL, réalisateur de films raffinés avec son compère Emeric PRESSBURGER allait se lancer sur le terrain des futurs "slashers" et autres "snuff movies". Ni que l'époux de Romy SCHNEIDER dans la série des Sissi, Carl BOEHM allait tenir le rôle du tueur à la caméra (rôle que l'on aurait bien vu interprété par Dirk BOGARDE mais celui-ci avait décliné l'offre). Ceci étant, Carl BOEHM est parfait car après tout il joue le rôle d'un fils à papa (lequel lorsqu'il apparaît dans les images d'enfance de Mark est joué par Michael POWELL, la mise en abyme tourne à plein régime) avec une apparence de gendre idéal, sauf qu'à la différence des Sissi il est mentalement dérangé, ayant été lui-même objet du voyeurisme malsain de son père. On pourrait parler de dédoublement de personnalité, tout comme son appartement et le film lui-même. Il y a un côté "Blue Velvet" (1985) dans "Le Voyeur". D'un côté le tournage d'un film de studio tout ce qu'il y a de plus classique, un salon cosy, un jeune homme de bonne famille avec un certain standing social. De l'autre, le laboratoire caché, sombre, saturé de couleurs violentes dans laquelle ce même jeune homme développe et projette les images interdites qu'il a filmées sur son propre appareil, celles que l'inconscient censure et qui l'obsèdent: le sexe et la violence*. Ce dédoublement n'est pas seulement une réflexion sur le cinéma, il est tout autant une peinture sociologique sur l'hypocrisie du puritanisme british. Ainsi la boutique dans laquelle Mark fait des extras en photographiant des filles dénudées se présente comme un magasin de journaux et les clients repartent avec le vrai objet de leur désir emballé dans une enveloppe où est ironiquement écrit qu'il s'agit de "livres éducatifs". Pas étonnant qu'à sa sortie, le film ait été rejeté: il était trop avant-gardiste, trop dérangeant... et totalement "visionnaire".

* L'ouverture de "Blow Out" (1981) ressemble à celle du film de Michael POWELL sauf qu'on ne voit pas la mire de l'appareil qui filme à l'intérieur des douches une scène avatar de "Psychose" (1960).

* La caméra au pied transformé en arme meurtrière étant un évident substitut phallique.

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Marché noir (Koshtargah)

Publié le par Rosalie210

Abbas Amini (2020)

Marché noir (Koshtargah)

"Marché noir" a reçu Le Prix du Jury lors du festival du Film Policier -Reims Polar pour sa 38ème édition, édition qui a également récompensé un autre polar iranien "La Loi de Téhéran" (2021) avec le Grand Prix.

"Marché noir" évoque l'économie parallèle qui s'est développée en Iran autour du trafic des devises, principalement des dollars américains. La première séquence du film est extrêmement prometteuse car le film commence directement par une scène de crime. La tension est là d'emblée avec la pression croissante de la famille des trois hommes disparus qui ne cesse de s'accroître sur les épaules du personnage principal. Il s'agit d'Amir, jeune homme au passé aussi chargé que ses tatouages qui est devenu l'homme de confiance du meurtrier, un patron véreux pour aider son père qui travaille comme gardien dans son abattoir. Abattoir qui comme on l'apprend très vite n'est qu'une couverture dissimulant un marché noir de transactions financières menacé par les descentes policières mais aussi par les règlements de comptes entre les trafiquants.

"Marché noir" est un polar efficace et bien structuré autour de son axe principal (le crime sera-t-il découvert? Amir finira-t-il par craquer?) Néanmoins il y a quelques grosses ficelles scénaristiques (on a du mal à croire à la naïveté du patron qui vient se jeter dans la gueule du loup et à celle d'Amir qui l'a attiré en pensant que la famille des défunts veut seulement lui parler). D'autre part, Amir est un personnage bien peu consistant. Il semble subir tout ce qui lui arrive, être ballotté au gré des événements, tiraillé entre son père avec lequel il a une relation conflictuelle (mais à peine ébauchée) et Asra, parente de l'un des défunts, tenace et perspicace (seul personnage féminin important du film qui d'ailleurs a le dernier mot mais qui méritait lui aussi d'être davantage creusé) sans avoir de volonté propre.

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Mauvais sang

Publié le par Rosalie210

Leos Carax (1986)

Mauvais sang

Poème cinématographique non identifié, "Mauvais sang" est le film le plus culte de Leos CARAX. Les références s'y côtoient pêle-mêle (Arthur Rimbaud, les films noirs américains, "Scarface" (1931) en tête, la nouvelle vague française, Jean-Luc GODARD et Jean-Pierre MELVILLE avec un Serge REGGIANI qui plane physiquement et vocalement sur le film d'ailleurs il travaille dans un aérodrome ^^, Jean COCTEAU, Louise BROOKS, Charles CHAPLIN, Louis-Ferdinand Céline, Ingmar BERGMAN dans son volet expérimental etc.) pour composer une symphonie eighties d'un romantisme aussi sombre que flamboyant. Le mauvais sang évoque le sida, plaie de la décennie qui est évoqué de façon métaphorique pour frapper de plein fouet une jeunesse éprise d'une liberté hors de sa portée. On ne compte plus les courses vers quelque impossible ailleurs, celle de Denis LAVANT sur "Modern Love" de David BOWIE étant passé à la postérité (et ce passage porte aussi la marque de son époque, celle du vidéo-clip qui faisait alors concurrence au cinéma avant que cette opposition ne soit dépassée comme le montre la présence de Mylène FARMER au jury de Cannes en 2021). Course à pied mais aussi en voiture et à moto (ce qui préfigure "Annette" (2021) et son amour dangereux). Mais la mort est au bout du chemin, le piège se referme comme de nombreux plans le suggèrent (la toile d'araignée du parachute, les rayons laser protégeant l'antidote au virus) et c'est un autre texte et un autre clip qui s'impose à moi, postérieur de cinq ans à "Mauvais sang" mais qui préfigure aussi "Holy Motors" (2012), celui de "Osez Joséphine" Alain BASHUNG et son parolier-poète, Jean Fauque. Car si la mort est au bout du chemin, la flamme de la jeunesse et sa quête d'absolu s'incarne à travers l'amour fou mais impossible de Alex le prestidigitateur ventriloque pour Anna (Juliette BINOCHE à l'aube de sa carrière) sous la coupe d'un truand qui pourrait être son père mais qui est aussi un avatar du père d'Alex (joué par Michel PICCOLI) tandis qu'une autre jeune fille s'épuise à courir après Alex (Julie DELPY). Respectivement âgés en 1986 de 25, 22 et 17 ans, Denis LAVANT, Juliette BINOCHE et Julie DELPY font hennir les chevaux du plaisir sans pour autant s'opposer à la nuit.

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Minority Report

Publié le par Rosalie210

Steven Spielberg (2002)

Minority Report

La dernière chose qui reste en possession d'un être humain après qu'on lui ait tout enlevé, c'est son libre-arbitre, c'est à dire sa capacité de décision quelles que soient les circonstances. Mais cela présuppose d'accepter que l'avenir ne soit pas écrit d'avance. Or la prédestination, le déterminisme (ou la fatalité) est une croyance qui a la vie dure tant il s'avère tentant de remettre son destin entre les mains d'une entité autre que soi-même (qu'elle se nomme dieu, hasard, destin ou bien plus prosaïquement chef d'Etat, gourou, mentor ou même ses propres émotions et pulsions non contrôlées par la volonté) ce qui permet de se débarrasser de la responsabilité de sa propre vie et des choix que toute personne est amenée à faire ("j'ai obéi aux ordres", "j'étais en colère", "c'est le destin", "c'était écrit", "c'est la conséquence de mes malheurs" etc. comme autant d'excuses pour refuser d'endosser la responsabilité de ses actes). Sur un plan politique, de telles croyances ont des effets redoutables sur les droits fondamentaux lorsqu'il s'agit de substituer des intentions supposées aux faits avérés. 

Le film de Steven Spielberg, adaptation de la nouvelle de Philip K. Dick écrite en 1956 s'inscrit dans un contexte post-11 septembre 2001 qui est explicitement affirmé par le numéro affecté à John Anderton (Tom Cruise), le 1109 et ce bien que l'action soit censée se dérouler en 2054. En effet le spectre du terrorisme islamiste international a donné corps à une volonté politique de prévenir les attentats en bafouant le droit international et celui des individus. Aux USA cela a donné la guerre "préventive" contre l'Irak en 2003 fondée sur un mensonge d'Etat et dont les effets ont été l'inverse de ceux qui étaient attendus puisqu'elle a instauré un chaos dont le terrorisme a profité pour prospérer ainsi que l'enfermement et les maltraitances sur les "combattants illégaux" sans statut légal, notamment à Guantanamo. Le "Patriot Act" signé dans la foulée des attentats a donné à l'Etat américain le moyen de surveiller la population en perquisitionnant leur domicile ou en obtenant des informations confidentielles. Dans le film, une séquence montre comment la recherche d'un suspect dans un immeuble conduit à violer l'intimité des gens. En France, il a été question dans le débat public d'arrêter les "fichés S" (suspects) à titre préventif là encore et l'Etat d'urgence a conduit à des dérives liberticides, là encore au nom de la sécurité. 

Le film de Steven Spielberg bien que s'inscrivant dans le genre de la science-fiction est donc avant tout un film politique d'anticipation recherchant le plus grand réalisme possible grâce aux pronostics d'experts dans divers domaines. Alors certes, on ne peut pas encore faire changer ses yeux ou enregistrer des films produits directement par le cerveau mais les systèmes de télésurveillance, d'appareils numériques haptiques, tactiles (ou vocaux) ou la reconnaissance faciale, rétinienne ou via les empreintes digitales sont devenus des réalités plus ou moins généralisées. Cette volonté de crédibilité permet donc de démontrer une fois de plus les dégâts de la science sans conscience et le fait qu'aucun système, aussi perfectionné soit-il n'est infaillible puisqu'il reste dirigé par l'humain et que "errare humanum est". De plus, toute cette science s'appuie sur les prémonitions des "précogs", des humains possédant des dons médiumniques ce qui renvoie bien sûr aux bons vieux oracles de l'Antiquité, indissociables du "fatum". Il s'avère que ce n'est pas la vision elle-même qui est déterminante mais son interprétation. Prises au pied de la lettre, elles amènent à emprisonner des innocents puisqu'ils n'ont pas commis de crime au moment où ils sont arrêtés. Or on découvre que ces visions ne disent pas ce qui va arriver mais ce qui pourrait arriver puisque jusqu'au dernier moment le potentiel tueur a le choix de commettre ou non son crime. Et pire encore, ces visions peuvent être manipulées par de véritables tueurs qui s'en servent pour dissimuler leurs crimes bien réels. Bref, de quoi alimenter un abîme de réflexion.

La très grande richesse et la profondeur de ce film ne doit pas pour autant faire oublier les autres qualités de Steven Spielberg, notamment son travail d'orfèvre en ce qui concerne les scènes d'action. La séquence de combat entre Tom Cruise et ses anciens collègues dans une usine automatisée de fabrication d'automobiles à la chaîne est d'une précision virtuose étourdissante qui fait penser à "Le Mécano de la Générale" de Buster Keaton d'autant que la chute de cette séquence est hautement comique "de la mécanique plaquée sur du vivant". L'influence de Stanley Kubrick est également très présente. Ainsi l'homme qui opère les yeux de Tom Cruise utilise le même appareil que l'écarteur de "Orange mécanique", autre grand film sur la criminalité et le libre-arbitre. Les références ne sont pas saupoudrées, elles sont au coeur du film et font sens.

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Astrid et Raphaëlle (saison 2)

Publié le par Rosalie210

Laurent Burtin, Alexandre de Seguins (2020)

Astrid et Raphaëlle (saison 2)

Alors, quel bilan tirer de la saison 2 de "Astrid et Raphaëlle" diffusée à raison de deux épisodes hebdomadaires entre mi mai et mi juin 2021? Qu'elle se situe dans la continuité de la saison 1 avant tout. Les intrigues policières font la part belle au mystère et à l'occulte, ça fonctionne plus ou moins bien selon les épisodes et les guest stars (l'exhumation de Gérard MAJAX créé un certain choc près de cinquante ans après "Le Grand blond avec une chaussure noire" (1972), on voit également apparaître Pierre PALMADE, Louisy JOSEPH, Emilie DEQUENNE etc.) mais ce n'est franchement pas ça qui fait l'intérêt de cette série. Celle-ci repose avant tout sur la relation de son duo complémentaire d'enquêtrices, la très rentre-dedans Raphaëlle (Lola DEWAERE) aux méthodes peu orthodoxes et la décalée Astrid (Sara MORTENSEN) qui est autiste asperger. Par rapport à la première saison, Astrid apparaît beaucoup plus intégrée et impliquée dans les enquêtes de la brigade criminelle ce qui met en lumière le principal problème qui en résulte: l'épuisement psychique, symbolisé par une jauge mesurée avec des haricots. Quand celle-ci est épuisée, Astrid est en situation de burn-out, la quantité d'énergie dépensée pour supporter l'univers neurotypique s'avérant colossale (très bien soulignée avec le bruit et l'agitation du commissariat qui s'oppose aux sous-sol des archives de la documentation criminelle dans lequel se trouve le QG d'Astrid). La relation entre les deux femmes paraît également plus équilibrée sur le plan affectif, la saison 2 insistant plus sur ce que Astrid apporte à Raphaëlle alors que cette dernière connaît des turbulences sur le plan familial et sentimental. Astrid elle-même montre davantage ses émotions et s'adapte mieux aux situations sociales y compris stressantes sous l'effet d'une meilleure estime/connaissance d'elle-même, de la perte de son tuteur qui l'a rendue indépendante, de l'amitié de Raphaëlle et des sentiments qu'elle éprouve pour le neveu du commerçant japonais chez qui elle fait ses courses, Tetsuo Tanaka. Le rapprochement avec cette culture très pudique, codifiée à l'extrême et peu tactile est très bien vu. Mais la série n'est pas angélique pour autant, le nouveau statut d'Astrid ne repose sur rien de légal et se retrouve donc menacé, posant un défi pour la prochaine saison.

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Les Passagers de la nuit (Dark Passage)

Publié le par Rosalie210

Delmer Daves (1947)

Les Passagers de la nuit (Dark Passage)

"Les Passagers de la nuit" est le troisième (et avant-dernier) des quatre films dans lesquels le couple formé par Humphrey BOGART et Lauren BACALL a joué. Bien que Delmer DAVES soit moins connu que Howard HAWKS et John HUSTON, sa filmographie comporte plusieurs pépites dans le domaine du film noir (comme ici) ou celui du western (j'aime particulièrement "La Flèche brisée" (1949) et "La Colline des potences") (1958).

"Les Passagers de la nuit" est une assez mauvaise traduction du titre en VO, bien plus proche du sens du film. Celui-ci raconte en effet un voyage au bout de la nuit à travers l'itinéraire d'un faux coupable (thème cher à Alfred HITCHCOCK) qui doit changer de peau et d'identité, bref se réinventer pour espérer avoir un avenir. Film non-réaliste, "Les Passagers de la nuit" fonctionne comme un éprouvant cauchemar dans lequel le sol ne cesse de se dérober sous les pas du héros, Vincent Parry qui après avoir été injustement condamné et s'être évadé semble attirer sur lui la poisse sous toutes ses formes, chacun de ses mouvements lui valant d'avoir un fâcheux à ses trousses ou un nouveau mort sur les bras (dont il est accusé évidemment puisqu'on ne retrouve à chaque fois que ses seules empreintes près du corps). Quelques personnes en revanche agissent comme des anges gardiens, la plupart faisant office de deus ex machina. Ils apparaissent et disparaissent comme par enchantement tels le taxi qui lit l'histoire de la personne sur les visages et le chirurgien esthétique chargé de lui refaire le portrait. S'y ajoute Irène, autre genre de portraitiste (Lauren BACALL qui abrite le fugitif pendant sa métamorphose et la parachève en lui donnant un nouveau nom. Vincent Parry doit donc accepter (et le spectateur aussi) pendant la moitié du film d'être un fantôme privé de visage puis de voix. Le film est connu pour être un des premiers à avoir utilisé le procédé de la caméra subjective qui fait que le spectateur est mis à la place du héros dont il ne voit que les mains. Lorsque sa tête est recouverte de bandages et qu'il ne peut plus parler, on est carrément dans un mix de "L Homme invisible" (1933) et du "Le Fantôme de l opéra" (1925) en version muette. Le fait que la reconstruction du personnage ne puisse se faire que dans la clandestinité puis dans l'exil est un thème récurrent des films de Delmer DAVES qui dépeint souvent des hommes marginaux et vulnérables.

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Alphaville (une étrange aventure de Lemmy Caution)

Publié le par Rosalie210

Jean-Luc Godard (1964)

Alphaville (une étrange aventure de Lemmy Caution)
Alphaville (une étrange aventure de Lemmy Caution)

Quand le film noir rencontre George Orwell au temps du béton armé cela donne ce chef-d'oeuvre d'anticipation qu'est "Alphaville". On aime ou on aime pas Jean-Luc Godard mais on ne peut pas se prétendre sérieusement cinéphile et dénier la valeur de ce film, tant par son caractère visionnaire que par l'influence qu'il a eu sur les films de science-fiction ultérieurs. "Brazil", "Matrix" et même l'ancienne attraction Cinémagique de Disneyland Paris montrent à un moment ou un autre un long couloir étroit jalonné de portes que l'on ouvre sur des salles d'interrogatoire ou bien sur des monstres c'est du pareil au même. Et Jean-Luc Godard et Stanley Kubrick convergent également dans leur dénonciation de la science sans conscience incarnée par Wernher von Braun (docteur Folamour chez Kubrick sans parler de Hal 9000 de "2001 l'Odyssée de l'espace" et le maître de l'ordinateur Alpha 60 qui contrôle la ville, le professeur von Braun chez Godard). Quant à l'aspect visionnaire, il suffit de rapprocher ce film de certains de ses contemporains comme celui de Maurice Pialat "L'amour existe" ou celui de Jacques Tati "Playtime" pour comprendre qu'ils parlent au fond de la même chose: la deshumanisation de la société en marche. Alors que le discours dominant n'avait alors que le mot "progrès" à la bouche et que la déconstruction du mythe des "Trente Glorieuses" commence à peine, Jean-Luc Godard a choisi les lieux les plus "futuristes" qui pouvaient exister dans et autour de Paris dans la première moitié des années soixante afin de les filmer de la façon la plus inquiétante possible (de nuit avec un noir et blanc peu contrasté) pour suggérer l'existence d'une société totalitaire dans laquelle les émotions, la mémoire, la beauté, la curiosité et l'intimité sont bannis afin de transformer les hommes en pantins dociles, ceux qui résistent étant exécutés lors de sinistres cérémonies publiques. Face à ce cauchemar scientiste et techniciste construit dans un contexte de guerre froide (le héros vient des "univers extérieurs" dont on peut penser qu'ils sont encore libres puisqu'il fait l'objet d'une surveillance constante et étroite), Godard oppose la résistance constante de son privé joué par Eddie Constantine qui avait déjà interprété le rôle de Lemmy Caution dans d'autres films français (mais de série B). Sous les frusques du détective, il incarne un poète dans la lignée de l'Orphée de Jean Cocteau venu chercher sa Natacha-Eurydice (Anna Karina dont le visage de poupée fascine plus que jamais) au fin fond des Enfers afin de la ramener dans le monde des vivants ("ceux qui pleurent"). Truffé de références littéraires et philosophiques, "Alphaville" est un film de résistance plus que jamais d'actualité à l'heure où face aux multiples crises qui nous affectent on nous oppose encore et toujours le même modèle de société fondé sur la soumission aux forces du marché secondées par un Etat autoritaire complice.

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Seules les Bêtes

Publié le par Rosalie210

Dominik Moll (2019)

Seules les Bêtes

Thriller bien foutu en forme de puzzle dont on reconstitue peu à peu les divers morceaux sans baisse de rythme jusqu'à la fin. Mais outre que le procédé n'a rien de novateur, l'intrigue est invraisemblable à force de coïncidences forcées à gros traits et surtout il s'agit d'un film se complaisant dans une atmosphère malsaine et mortifère. Tous les personnages ont pour point commun d'être de grands solitaires masochistes à force de tordre le cou vers un fac-similé d'amour qui s'appelle le miroir aux alouettes. Mais comme (je cite le film) "l'amour, c'est donner ce qu'on a pas", il est remplacé par l'argent et se transforme en exploitation économique ou en transaction financière. Une vision très sombre des rapports humains, nourrie par les inégalités sociales et géographiques. C'est par exemple une grande bourgeoise d'âge mûr (Valeria BRUNI-TEDESCHI) qui s'offre une jeune serveuse (Nadia TERESZKIEWICZ) le temps d'une escapade mais lorsque celle-ci a le malheur de s'attacher, elle l'arrose de billets pour s'en débarrasser. C'est cette assistante sociale (Laure CALAMY) victime du syndrome de l'infirmière qui croit réchauffer par ses étreintes le paysan rustre qu'elle aide (Damien BONNARD) alors que celui-ci ne rêve que d'étreindre le cadavre bien froid d'un substitut de sa mère. C'est le mari de l'assistante sociale (Denis MÉNOCHET) qui sous couvert de comptabilité tchate avec une superbe "Amandine", laquelle s'appelle en réalité Armand, vit à Abidjan et utilise un faux profil (celui de la jeune serveuse) pour lui soutirer de l'argent. Armand espère ainsi reconquérir la mère de sa fille, laquelle a fait le choix de la sécurité financière en se maquant avec un blanc, lequel s'avère lié aux autres personnages et la ramène bien sûr au point de départ c'est à dire dans le Causse Méjean. La boucle est parfaitement bouclée avec au passage plusieurs coeurs brisés, un suicide et un meurtre. Bref un film maîtrisé mais plombant avec sa mauvaise conscience de riche blanc qui croit devoir expier ses privilèges en s'accablant de tous les maux de la terre.

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