Guillaume NICLOUX me paraît être un réalisateur éclectique. En effet ses deux derniers films, "Sarah Bernhardt, La Divine" (2024) et "Dans la peau de Blanche Houellebecq" sont très différents, à part peut-être l'excentricité de leur tête d'affiche. Encore qu'il semble dormir debout le Michel HOUELLEBECQ dans le film. Les diverses substances qu'il s'injecte et la langueur des îles n'expliquent pas tout ^^. Heureusement, il cohabite à l'insu de son plein gré durant les 2/3 du film avec une Blanche GARDIN (elle aussi dans son propre rôle) dont le prénom est en soi tout un programme dans le contexte guadeloupéen. L'apparition dès les cinq premières minutes de film de Jean-Pascal ZADI qui prolonge son personnage en quête de rôle de "Tout simplement noir" (2019) (mockumentaire auquel j'ai beaucoup pensé) auprès d'un Gaspard NOE (dans son propre rôle également) prêt à embaucher Michel HOUELLEBECQ dans son prochain film "pas très catholique" donne le ton. Ca va tirer à boulets rouges sur les séquelles du colonialisme avec une galerie de locaux bien décidés à en découdre avec le sulfureux duo symbole de la "blanchité métropolitaine". Alors certes, ça part dans tous les sens mais il y a quand même pas mal de dialogues et de situations qui font mouche. Le gag de Jean-Pascal ZADI neveu de Francoise LEBRUN rappelle "l'albinos de la famille" de "Le Havre" (2011), les tresses africaines de Luc, l'assistant juif de Houellebecq deviennent sujet de polémique avant l'inévitable concurrence victimaire à la DIEUDONNE et tout le film est dans cette tonalité là. Michel HOUELLEBECQ en dépit de son état de zombie joue assez bien la carte de l'autodérision alors que Blanche GARDIN qui en prend aussi pour son grade devient sans jeu de mots son ange gardien ce qui ne manque pas de sel quand on connaît sa personnalité et ses opinions.
Biopic plutôt décevant, "Sarah Bernhardt" tend à regarder son sujet par le petit bout de la lorgnette. L'accent est mis sur les nombreuses liaisons de "La Divine", particulièrement celle avec Lucien Guitry (Laurent LAFITTE), même pas avérée et ses multiples excentricités alors que son travail d'actrice est quasiment passé sous silence. Sans doute parce qu'il est daté et n'aurait pas permis de comprendre ce qui fascinait chez elle. Je ne suis pas sûre que les propos vantant à tout bout de champ sa liberté et les quelques images léchées montrant ses frasques amoureuses, sexuelles, ses NAC et son fils naturel permettent de mieux comprendre cette fascination, surtout en étant aussi peu contextualisés. La mise en scène est académique et le scénario non seulement est d'une grande platitude mais il est confus avec des flashbacks inutiles tant les personnages, à l'exception du rôle titre ressemblent à des figures de cire qui défilent (une scène avec Mucha, deux ou trois avec Edmond Rostand, une avec Zola, une avec Freud, plusieurs avec Sacha Guitry, le fils de Lucien etc.) Le travail de vieillissement et de rajeunissement est tout à fait insuffisant, nous perdant encore davantage entre les époques. Reste une reconstitution historique vraiment réussie: décors, costumes, bijoux, maquillages et coiffures sont somptueux et donnent vie à la Belle Epoque et à son art nouveau. Idem pour l'insertion d'images d'archives au début et à la fin. Et Sandrine KIBERLAIN porte le film à bout de bras sur ses frêles épaules. Elle n'est pas forcément toujours juste tant elle cabotine mais elle met tant d'énergie dans le rôle qu'elle réussit quand même à nous y faire croire. Contrairement à la frivolité (pour ne pas dire la vacuité) qui se dégage du film, elle réussit une composition très incarnée de Sarah Bernhardt qui régale le grand monde de ses frasques mais se consume dans son corps. On regrette vraiment que le film n'ait pas cherché à développer un angle plus original sur un personnage aussi foisonnant. Son engagement par exemple envers la défense du capitaine Dreyfus est survolé alors qu'il aurait permis de donner du relief et de la substance au contexte entourant Sarah Bernhardt autant qu'aux zones d'ombre de sa personnalité.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.