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Articles avec #nichols (mike) tag

Working Girl

Publié le par Rosalie210

Mike Nichols (1988)

Working Girl

Je n'ai pas vu tous les films réalisés par Mike NICHOLS, loin s'en faut mais ils me frappent à la fois par leur ancrage dans la tradition du cinéma hollywoodien dont il maîtrise parfaitement les codes et par des thématiques sociales progressistes dans lesquelles les jeunes, les femmes et les minorités sexuelles sont mis en avant. "Working girl" est ainsi d'abord une comédie à l'américaine tout à fait délicieuse à la Hawks ou à la Cukor dans laquelle Harrison FORD n'a jamais paru aussi proche de Cary GRANT et Sigourney WEAVER de Katharine HEPBURN, sauf qu'entre les deux il y a Melanie GRIFFITH, petite secrétaire dont l'apparition rappelle combien les coiffures volumineuses et maquillages pétard heighties des classes populaires dans les années 80 étaient de mauvais goût. Mais l'habit ne fait pas le moine et la petite secrétaire n'a pas l'intention de rester à la place qu'on lui assigne: celle de la petite amie trompée du tombeur beauf de service (c'est Alec BALDWIN qui s'y colle), celle de la cruche bonne à servir le café ou de l'objet sexuel éveillant les appétits lubriques de ses supérieurs (en l'occurence Kevin SPACEY ce qui de nos jours apparaît pour le moins cocasse). Lorsqu'elle est mutée au service de Katharine (!) Parker, celle-ci qui a sans doute repéré la pépite sous le sac lui fait miroiter un partenariat égalitaire mais c'est pour mieux "te manger mon enfant" enfin lui piquer ses idées qui sont meilleures que les siennes. Donc on peut tout à fait coller à Tess l'étiquette d'arriviste qui profite de l'absence momentanée de sa boss pour lui piquer son mec et son job. On peut déplorer un système fondé sur la loi de la jungle et ne tolérant aucune défaillance. On peut aussi y voir le sacre du rêve américain qui couronne la meilleure, quel que soit ses handicaps de départ, surtout quand celle-ci a bossé comme une malade pour intégrer les codes des dirigeants. On peut apprécier par ailleurs le fait que ce soit une femme qui mène la danse auprès d'un homme sachant partager intelligemment le pouvoir mais qui n'est pas écrasé pour autant (et ça rappelle furieusement dans un tout autre contexte la relation Léïa/Han Solo, comme quoi le charme de Harrison FORD a quelque chose à voir avec sa relation à l'autre sexe à l'écran). On peut aussi décider d'arrêter de se prendre la tête et juste savourer une bonne comédie, bien menée et avec un irrésistible trio d'acteurs.

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Bel Esprit/Mon Combat (Wit)

Publié le par Rosalie210

Mike Nichols (2001)

Bel Esprit/Mon Combat (Wit)

"Mon Combat" est un film d'une très grande intelligence et surtout d'une très grande honnêteté. Il aborde en effet avec franchise l'un des sujets les plus tabous de nos sociétés: la fin de vie et la mort. Le personnage principal, Vivian Bearing interprété par Emma THOMPSON avec la profondeur et la subtilité de jeu qui la caractérisent est une brillante intellectuelle qui a tout sacrifié à son travail d'universitaire dans lequel elle excelle. Mais face à l'épreuve de la maladie (un cancer en phase terminale), elle est bien obligée de se connecter à son corps en souffrance, obligée de renouer avec le monde des émotions, obligée d'accepter la perte de contrôle. Son destin est d'autant plus poignant que n'ayant jamais noué de contacts affectifs et n'ayant plus de famille, sa solitude est absolue, son dénuement, total. Mike NICHOLS ne nous épargne rien de la dégradation progressive de son état mais sans voyeurisme gratuit. Il a d'ailleurs récidivé en dépeignant avec tout autant de réalisme l'agonie de Roy Cohn (Al PACINO) dans la mini-série qu'il a réalisé deux ans plus tard "Angels in America" (2003). D'autre part il dépeint le monde froid, clinique, inhumain des hôpitaux dans lequel l'humain atteint de maladies incurables est transformé en cobaye soumis à l'acharnement thérapeutique de la science sans conscience dans sa quête folle de vaincre la mort. Ce monde horrible auquel le personnage de Richard BERRY soustrayait sa fille atteinte d'une tumeur au cerveau dans le beau film de Christine PASCAL, "Le Petit prince a dit "(1992). On voit bien également comment les médecins en se focalisant sur des données objectives évitent les sujets qui fâchent. Les chiffres abstraits servent à les protéger des émotions qu'ils pourraient ressentir s'ils prenaient la peine d'écouter les angoisses de leurs patients. Seule une infirmière prend la peine d'établir une véritable relation avec Vivian, la réconfortant dans les moments difficiles, lui parlant avec franchise, recueillant ses dernières volontés et réussissant à les faire respecter.

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Le Lauréat (The Graduate)

Publié le par Rosalie210

Mike Nichols (1967)

Le Lauréat (The Graduate)

Le "Lauréat" est avec "Bonnie and Clyde" le film qui a marqué en 1967 la naissance du Nouvel Hollywood, mouvement du renouveau cinématographique américain autour d'une jeune garde de réalisateurs brillants depuis passés à la postérité. Influencés par le néoréalisme italien et la nouvelle vague française, ils prirent le pouvoir au sein des studios, s'affranchirent des conventions et imposèrent une contre-culture marquée par la contestation (vis à vis des générations précédentes) et un grand désir de liberté perceptible aussi bien dans la forme de leurs films que dans les thèmes abordés.

Le "Lauréat" porte un titre parfaitement ironique puisqu'il s'agit d'un film sur l'absence de perspectives offertes aux jeunes par une société bouchée et l'extrême incertitude qui accompagne "les lendemains qui chantent" (?) de l'après 1968. Renverser la table oui, mais pour quoi faire après? C'est notamment en cela que le film de Mike Nichols est remarquable car alors qu'il a été tourné "à chaud", il a suffisamment de recul pour s'extraire de la béate euphorie du contexte au profit d'une tonalité douce-amère parfaitement illustrée par les magnifiques chansons de Simon & Garfunkel (l'énergie de "Mrs Robinson" d'un côté, le mélancolique "Sound of silence" de l'autre qui exprime le vertige du vide créé par le démantèlement de l'ordre ancien). Mais avant d'en arriver à ce constat en demi-teinte, le film est déjà remarquable dans sa manière de dépeindre la sujétion de son personnage principal joué par Dustin Hoffman, le bien nommé Benjamin (Ben signifiant "fils de") aux adultes qui l'entourent. Le célèbre générique (repris par Tarantino pour celui de "Jackie Brown") dépeint celui-ci comme le rouage d'un système social mécanique parfaitement huilé qu'il subit avec résignation. On ne compte plus les scènes où, à l'image de son aquarium il est enfermé dans le cadre, acculé contre un mur, engoncé dans un costume étouffant ce qui exprime son angoisse d'un avenir dans lequel il ne parvient pas à se projeter. Ces scènes sont complétées par celles où il se laisse porter par les éléments comme autant de symboles de sa passivité face au milieu bourgeois qui fait des projets sur son dos. C'est donc logiquement qu'il tombe dans les filets de Mrs Robinson (Anne Bancroft), une cougar* dominatrice et manipulatrice qui se sert de lui pour assouvir ses besoins sexuels et lui dicte sa conduite. Si le réalisateur parvient à éviter de tomber dans le scabreux, c'est justement parce que l'initiation sexuelle de Ben prend la forme d'une emprise prédatrice qui menace de le dévitaliser à jamais**. Jusqu'à ce qu'il rencontre Elaine (Katharine Ross), la fille de Mrs Robinson, aussi triste, perdue et aliénée que lui. C'est alors que Ben va révéler des trésors de combativité insoupçonnés pour prendre le dessus sur ceux qui le violentent (c'est le sens par exemple de ces plans furtifs quand Mrs Robinson s'exhibe nue devant lui et qui s'apparentent à un viol du regard ainsi que de la scène où celui qui l'héberge et les voisins font intrusion chez lui quand il est avec Elaine). Si le schéma de la mariée enlevée est conventionnel, la manière dont se déroule cet enlèvement fait penser au banquet bourgeois de "Hair" mis sans dessus dessous par les hippies avec une touche burlesque qui rend la scène très drôle en plus de son caractère transgressif. Mais c'est à ce moment là que le film devient visionnaire en refusant le happy-end facile au profit d'une fin ouverte qui souligne le progrès accompli par le fait même qu'elle est ouverte mais comporte une large part d'incertitude face à l'inconnu qui s'ouvre sous les pieds de Ben et d'Elaine. Le film révéla par ailleurs Dustin Hoffman dont la tête de premier de la classe façon Beatles des débuts cache des trésors de plasticité qu'il mettra en œuvre brillamment par la suite.

* Terme qui est ici approprié pour désigner une prédatrice d'âge pas si mûr étant donné que Anne Bancroft n'avait que 6 ans de plus que Dustin Hoffman au moment du tournage.

** A l'époque du "Lauréat", les films qui abordaient frontalement le thème des abus sexuels qu'ils soient commis par la violence ou par la ruse sur des êtres vulnérables n'étaient pas légion. Et ils ne le sont toujours pas actuellement.

 

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Angels in America

Publié le par Rosalie210

Mike Nichols (2003)

Angels in America

Angels in America ("Fantaisie gay sur des thèmes nationaux") est à l'origine une pièce de théâtre en deux parties "Le Millenium approche" et "Perestroïka" écrite par Tony Kushner au début des années 1990. La pièce qui prétend fort modestement rien de moins que saisir "l'éclat tragique de la fin de ce siècle" est une fresque des USA des années Reagan confrontés à l'émergence de l'épidémie de sida. Kushner mélange la chronique intimiste, la réflexion politico-historico-religieuse et les échappées oniriques dans le fantastique (ouf!). Le résultat est comme on peut l'imaginer très grandiloquent mais brillant. Kushner n'a pas volé son prix Pulitzer.

C'est Mike Nichols qui a réalisé la mini-série de 6 épisodes d'une heure adaptée de la pièce en 2003. En effet il était impossible de faire tenir un projet aussi démesuré dans un format cinéma classique. Le résultat a été acclamé à l'époque puisque la série a reçu de nombreux prix (Emmy Awards, Golden globes etc.) Avec le recul et un nouveau visionnage, je suis plus critique.

Les parti-pris assez gonflés de la pièce et de la série peuvent dérouter: soit on adhère, soit on rejette. Ainsi, les délires sous substances psychotropes donnent des résultats inégaux. Les apparitions de l'ange (joué par Emma Thompson) et plus globalement toutes les références mythologico-religieuses paraissent assez lourdingues pour ne pas dire grotesques. Ce n'est pas mieux avec les tableaux écolos autour d'un antarctique en train de fondre (avec couche d'ozone trouée en prime). En revanche la rencontre hallucinogène d'Harper en princesse et de Prior en drag-queen dans les décors du château de la Belle et la Bête de Cocteau a quelque chose de magique (et quel bel hommage!)

En faisant abstraction de ce barnum parfois indigeste, il est intéressant de suivre ces personnages marginaux issus de minorités (juive, mormone, afro-américaine) en proie à leurs démons intérieurs dans une Amérique puritaine, intolérante et conservatrice. Les qualités d'écriture permettent d'apprécier certaines saillies comme celle de la définition du parti républicain "pour une moitié des fanatiques religieux voulant contrôler chaque citoyen, pour l'autre des cow-boys libertaires égo-anarchistes criant haro sur l'Etat." Et si le talent d'Emma Thompson est hélas gâché par des rôles qui ne la mettent pas en valeur de même que celui de Meryl Streep dans des rôles ectoplasmiques, on a droit à un sommet grandiose entre Al Pacino dans le rôle de l'avocat véreux Roy Cohn homophobe, raciste et maccarthyste se mourant du sida et sa "négation", Belize, l'infirmier afro-américain et gay joué par le génial Jeffrey Wright. Roy Cohn, personnage historique dont l'action fut à l'origine de l'exécution d'Ethel Rosenberg représente le visage le plus hideux de l'Amérique en "phase terminale, démente et méchante." Mais Al Pacino lui donne comme à d'autres personnages tragiques de sa filmographie une vraie densité. Il apparaît dans sa haine des autres (reflet de sa haine de lui-même) comme une figure autodestructrice de l'Amérique que la compassion que finissent par lui porter ceux qu'il hait vient neutraliser.

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