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Articles avec #mockumentaire tag

Tout simplement noir

Publié le par Rosalie210

Jean-Pascal Zadi (2020)

Tout simplement noir

"Tout simplement noir", vraiment? Le film aurait pu s'intituler "50 nuances de noir" ou bien "La communauté noire, combien de divisions?" ou bien encore "Qu'est ce que la négritude aujourd'hui en France?" et "comment est-elle représentée dans les médias?". Une question simple pour une réponse complexe. D'ailleurs le film pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses. Fonctionnant sur le modèle du faux documentaire et du film à sketchs, patchwork inégal et souffrant de fréquentes baisses de rythme, le film est aussi un conte voltairien dans lequel JP, comédien aussi raté que candide (Jean-Pascal Zadi) qui veut organiser une marche de la fierté noire et un cynique (Fary) qui lui ouvre les portes du show biz découvrent que les noirs qu'ils rencontrent n'entrent pas dans la définition stéréotypée et restrictive que JP donne de "ce qui est noir" à savoir des critères physiques (peau foncée, cheveux crépus), de genre (être un homme) et généalogiques (descendre d'esclaves). Il se retrouve bien embêté face à l'ancien footballeur Vikash Dhorasoo qui est d'origine indienne et a les cheveux lisses puis face à Eric Judor qui est métis à la peau claire et met d'abord en avant ses origine autrichiennes. Évidemment les afro-féministes entrent rapidement en lice pour protester contre l'absence des "soeurs" à la fête. D'autres obstacles se dressent sur la route du grand dadais naïf aux dents proéminentes qui a l'art de se mettre tout le monde à dos: les intellos qui lui reprochent le choix de la date estimant qu'elle correspond à l'histoire des blancs, les autres minorités (arabes et juifs) qui veulent faire entendre leurs voix, ceux qui préfèrent être définis par leurs compétences plutôt que par la couleur de leur peau, ceux qui s'accusent mutuellement de faire des films de bounty c'est à dire trahissant la cause noire (désopilante séquence entre les réalisateurs Lucien Jean-Baptiste et Fabrice Eboué). Et puis il y à les clichés qui collent aux basques des noirs à qui on propose toujours les mêmes types de rôles. La palme va à la séquence très politiquement incorrecte où Mathieu Kassovitz qui cherche un "vrai noir" (sous entendu un sauvage africain et non un lascar des banlieues) va jusqu'à mesurer l'écartement des narines de JP, geste de sinistre mémoire. Zadi dégomme par l'absurde aussi bien l'essentialisation raciste que le communautarisme tout en faisant preuve ainsi que ses camarades people d'une bonne dose d'autodérision (Soprano qualifié de "rappeur des collèges", Fary et son opportuniste film "Black Love" pompé sur "Moonlight" (2016) etc.) Plus profondément encore, c'est la part noire de l'identité française, occultée par l'histoire officielle que restaure Jean-Pascal Zadi qui bâtit une œuvre bien plus civique que celle des programmes scolaires. On lui pardonne d'autant plus aisément les maladresses de forme de son film.

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Accords et désaccords (Sweet and Lowdown)

Publié le par Rosalie210

Woody Allen (1999)

Accords et désaccords (Sweet and Lowdown)

Dans les années 90, les films de Woody Allen m'ont globalement déçue. "Accords et désaccords" est plutôt une heureuse surprise même si je trouve le film au final assez anecdotique. C'est un film d'aficionados où Allen rend hommage à deux de ses grands amours: le guitariste de jazz manouche Django Reinhardt et le cinéaste Federico Fellini.

Comme "Zelig", "Accords et désaccords" est un faux documentaire sur Emmet Ray, un guitariste de jazz des années 30 qui aurait été le meilleur du monde, après Django. Inutile de préciser qu'Emmet Ray n'a jamais existé mais tout est fait pour entretenir l'illusion à l'aide de faux témoignages et de fausses reconstitutions de la vie d'Emmet. Un personnage haut en couleurs, romanesque mais qui à force de refuser l'attachement nous attache bien peu. Et sa façon de jouer n'a rien de gipsy, on s'ennuie assez vite.

Le personnage le plus attachant du film c'est Hattie, la petite amie muette, gauche et pleine de candeur d'Emmet. Hattie c'est la Gelsomina de Woody Allen, la même pureté, la même grâce sacrificielle lancée au cœur du monstre pour enfin le faire renaître humain. Mais Emmet Ray est un personnage trop médiocre pour que cela fonctionne pleinement. Mieux vaut revoir l'original de Fellini plutôt que la copie, aussi bonne soit-elle.

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Documenteur

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1981)

Documenteur

Documenteur, tourné à Los Angeles en 1980 raconte sous couvert de fiction la douloureuse séparation d'Emilie Cooper/Agnès Varda et de Tom Cooper/Jacques Demy du point de vue de cette dernière. Alors qu'il était rentré en France, ulcéré par le refus des américains de lui accorder une seconde chance après l'échec de Model Shop, elle était resté à Los Angeles avec Mathieu alors âgé de 8 ans. Celui-ci joue son propre rôle dans le film (sous le nom de Martin Cooper).

D'une tristesse insondable, le film est hanté par l'exil, l'errance, la douleur, le manque, la mort. Varda réalise un autoportrait impressionniste mêlant inextricablement fiction et réalité.

32 ans plus tard, dans son premier long-métrage Américano, Mathieu Demy donne une sorte de suite à Documenteur qu'il cite par ailleurs abondamment. Une façon de se réapproprier les images "volées" par sa mère dans son enfance voire de "tuer" celle-ci.

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Zelig

Publié le par Rosalie210

Woody Allen (1983)

Zelig

Zelig fait partie des pépites méconnues de Woody Allen avec une proposition originale sur la forme (le "documenteur") au service d'une histoire plus fine qu'elle n'en a l'air servie par des acteurs inspirés. Mia Farrow, l'actrice la plus sensible que Woody Allen ait employée trouve avec Eudora Fletcher l'un de ses plus beaux rôles avec celui de Cecilia (La rose pourpre du Caire), Hannah (et ses soeurs), Hope (Une autre femme) et Alice dans le film éponyme.

Zelig raconte l'histoire d'un homme qui dans les années 20 défraie la chronique parce qu'il est capable de se fondre dans son environnement au point qu'on le surnomme "l'homme-caméléon." Avec des gros il grossit, des noirs il noircit etc. La psychanalyste Eudora Fletcher le traite sous hypnose et découvre qu'il souffre d'une insécurité affective très forte. Pas difficile de comprendre pourquoi un garçon juif a une telle soif de conformisme. L'ironie de l'histoire étant qu'en voulant se fondre dans la masse, il devient un phénomène de foire célébré un jour, lynché le lendemain. On croirait presque entendre Eléphant man dire "je ne suis pas un animal, je suis un être humain."

Bien avant l'apparition du numérique, Woody Allen réussissait le tour de force d'insérer ses personnages de fiction dans des archives d'actualités avec des techniques quasi indécelables. Il en profite pour pasticher les émissions TV consacrées à la vie de personnalités (avec archives et experts) comme il l'avait fait pour son premier film (Prend l'oseille et tire-toi) et comme il le fera plus tard avec Accords et Désaccords, un autre faux biopic donnant l'illusion du vrai.

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