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Articles avec #mini-serie tag

Histoires d'amour et d'autisme (Love on the Spectrum)

Publié le par Rosalie210

Cian O'Cléry (2019)

Histoires d'amour et d'autisme (Love on the Spectrum)

Entre documentaire sur les infinies variations de l'autisme et émission de télé-réalité de dating façon "L'Amour est dans le pré", "Love on the Spectrum" qui se décline pour l'instant en une saison de cinq épisodes est une série australienne qui vient de faire son apparition sur Netflix. Elle ne manque pas totalement d'intérêt mais elle est bancale. Si l'on exclue les considérations mercantiles, l'idée de départ est plutôt bonne puisqu'elle consiste à aider les autistes à trouver l'âme soeur tout en faisant mieux connaître ce trouble auprès des neurotypiques (les non autistes soit l'immense majorité des spectateurs). De fait les portraits des candidats sont tous intéressants et permettent de mieux comprendre la diversité des troubles du spectre autistique (TSA), un handicap encore très mal connu en France. L'autisme se décline en effet sur un spectre, des formes les plus "légères" aux formes les plus sévères. Ce sont les personnes dont les troubles sont les moins accusés qui sont mises le plus souvent en avant dans les médias car elles peuvent parler et "jouer le jeu" social, du moins en surface, j'y reviendrai. L'autre intérêt de la série est de montrer le rôle positif que jouent les thérapies comportementales dans l'intégration des personnes autistes. En effet le coaching propre aux émissions de télé-réalité est utile dans le sens où il permet aux autistes de décrypter le langage non-verbal qu'ils n'ont pas acquis naturellement et qui est important dans la relation amoureuse et à l'inverse d'adopter un comportement approprié dans cette situation.

Néanmoins tout cela reste en surface. L'adaptation comportementale est insuffisante à ouvrir aux autistes le champ des rencontres amoureuses. On remarque qu'à la fin de la série, aucun des candidats n'a réussi à établir une relation avec les partenaires qui leur ont été présentés. Cet échec est camouflé par le portrait de deux couples autistes déjà constitués (qui n'ont pas eu besoin de l'émission donc). En effet le problème est plus profond car les autistes ont non seulement du mal à capter les signaux d'intérêt qu'une autre personne peut leur envoyer et à adopter un comportement approprié mais beaucoup n'arrivent pas non plus à savoir ce qu'ils ressentent vis à vis d'elle, du moins à court terme. La série "Atypical" également diffusée sur Netflix décrit très bien la difficulté à régler le curseur émotionnel qui est soit sur "off" (aucune émotion n'est ressentie) soit sur "100%" (la personne est au contraire submergée par l'émotion). Le coaching ne peut rien face à cette difficulté à accéder à ses émotions et ne parlons pas du speed dating qui est l'inverse de ce qu'un autiste a besoin (du temps). J'ajoute que la série a un autre gros défaut, elle présuppose que les autistes ne peuvent s'entendre qu'avec d'autres autistes puisque les rencontres se déroulent exclusivement entre personnes ayant des TSA. Ce communautarisme est démenti par la réalité. Il existe de nombreux cas de couples mixtes mais surtout cela occulte le fait que l'immense majorité des autistes, y compris légers, faute de prise en charge reste célibataire à vie.

 

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Top of the Lake: China Girl

Publié le par Rosalie210

Jane Campion (2017)

Top of the Lake: China Girl

Quatre ans après la première saison de "Top of the Lake" (2013), Jane CAMPION scénarise et réalise une suite tout aussi prenante mais néanmoins bien plus inégale (les avis ont d'ailleurs été mitigés lors de la première diffusion). C'est en partie lié au choix de situer l'intrigue à Sydney alors que les œuvres les plus puissantes de Jane CAMPION sont en relation étroite avec la nature sauvage (ce qui est le cas de la première saison de "Top of the Lake"). Le choix d'un environnement urbain n'est pas follement original pour un thriller et on ressent moins la claustrophobie propre à la première saison, sauf lors d'une séquence mémorable dans une plage bondée lors du dernier épisode. L'autre reproche que l'on peut faire à cette deuxième saison est son aspect "too much". Trop de pistes, trop de personnages, trop de rebondissements et de coïncidences rocambolesques finissent par nuire à la lisibilité et la cohérence de l'ensemble. Comme il faut recréer une unité de lieu pour que l'intrigue fonctionne, Sydney étant une trop grande ville, tous les personnages sont condamnés à graviter autour du Silk 41, une maison close employant des jeunes filles asiatiques qui fait aussi office d'agence de location de ventres pour couples inféconds. Comme par hasard, la coéquipière de Robin Griffith a fait appel à une mère porteuse dans cette agence, comme par hasard le cadavre sur lequel Robin enquête est celui d'une jeune femme qui travaillait dans cette agence, comme par hasard sa fille Mary sort avec un type louche qui vit juste au-dessus de l'agence et veut l'y faire travailler. Bref les ficelles sont très grosses et ce n'est pas la prise d'otages du dernier épisode par un geek énervé (où? Au Silk 41 bien sûr, chacun sait que le tout Sydney fréquente les pseudos salons de massages thaï ^^) qui arrange les choses. Si on rajoute qu'à une exception près tous les personnages masculins sont particulièrement négatifs et que les femmes ont en gros le choix soit d'être bafouées (il faut voir le nombre d'agressions physiques que subit Robin Griffith dans cette saison!) soit de rejeter les hommes (ce que fait le personnage interprété par Nicole KIDMAN que je trouve complètement raté tant il est caricatural tant sur le plan du féminisme que de la maternité d'ailleurs), on ne peut pas dire que cette saison brille par sa subtilité. Reste un excellent casting et quelques personnages vraiment attachants. Robin bien sûr dont la relation avec sa fille Mary (remarquablement jouée par la propre fille de Jane CAMPION, Alice ENGLERT) constitue l'intérêt majeur de cette saison. Mais aussi Pyke (Ewen LESLIE) le père adoptif de Mary, personnage masculin en rupture complète avec les brutes épaisses, les psychopathes ou les pervers narcissiques dépeints par ailleurs. Enfin la coéquipière de Robin, Miranda (Gwendoline CHRISTIE) est également un personnage intéressant par sa personnalité et son physique hors normes. Hélas il n'est pas assez creusé et sa fin est bâclée.

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Top of the Lake

Publié le par Rosalie210

Jane Campion (2013)

Top of the Lake

"Top of the lake" est une mini-série réalisée par Jane CAMPION d'une grande richesse thématique et formelle. Construit sur des dichotomies telles que le ciel et l'enfer, la nature et la culture ou encore les hommes et les femmes, l'histoire brouille cependant les pistes et joue beaucoup sur les apparences trompeuses. En dépit de son décor naturel majestueux, le site de Lake Top est un cul-de-sac, un lieu clos dans lequel on étouffe. Nombre de maisons abritent d'hideux secrets dans leurs sous-sols (du genre de celui de l'affaire Fritzl qui avait inspiré le roman "Claustria" à Régis Jauffret). Le patriarcat y règne en maître ainsi que la culture du viol dont les femmes et les enfants sont les principales victimes. "Top of the lake" a d'ailleurs été comparé à "Le Ruban blanc (2009) qui montre comment à l'intérieur d'une communauté la violence se transmet de génération en génération en écrasant les plus faibles.

Cependant, si tout le monde est trempé jusqu'au cou dans la violence machiste (le langage des femmes comme celui des hommes est celui des armes et fait des dégâts irréparables) "Top of the lake" raconte comment celles-ci réussissent à réinvestir le champ occupé par les hommes avec la nature pour alliée. De manière très symbolique, l'une des premières scènes de la mini-série voit l'un des caïds du bled, Matt Mitcham (Peter MULLAN) tenter sans succès de chasser le groupe de femmes qui s'est installé sur son ancienne propriété ironiquement appelée "Paradise". Plus tard il tentera par la ruse puis la force de leur reprendre ce qu'il considère comme son bien. De façon tout à fait symbolique, ces femmes d'âge mûr rejetées par les hommes (selon un schéma tout à fait classique) se sont regroupées autour de GJ, une sorte de gourou new-âge aux réparties cinglantes, interprétée par une Holly HUNTER qui s'est fait la tête de Jane CAMPION! Mais le combat entre hommes machistes et leurs victimes prend des formes multiples. Comme dans "Le Silence des agneaux" (1991) de Jonathan DEMME, Robin, une femme-flic déterminée mais vulnérable (Elisabeth MOSS) doit composer avec une hiérarchie masculine plus que trouble à son égard et descendre au plus profond de ses traumatismes passés pour parvenir à résoudre l'énigme de la disparition d'une fillette enceinte à laquelle elle s'identifie profondément. La manière désinvolte dont est traité le dossier de Tui (qui en plus d'être une fille très jeune est par sa mère d'origine thaïlandaise) est tout à fait édifiante, de même que les méthodes brutales du supérieur de Robin, Al Parker (David WENHAM) pour faire parler les jeunes délinquants qu'il arrête. Sans parler de la façon dont il les exploite sous couvert de les réinsérer. Derrière son apparence respectable et ses manières protectrices, il pourrait s'avérer être un prédateur bien plus redoutable que le parrain de la drogue Matt Mitcham.

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Jane Eyre

Publié le par Rosalie210

Julian Aymes (1983)

Jane Eyre

Il existe au moins une vingtaine d'adaptations de "Jane Eyre", le chef d'oeuvre de Charlotte Brontë mais bien peu s'avèrent satisfaisantes tant le roman est riche et tant les protagonistes principaux sont complexes. L'avantage de la mini-série sur le long-métrage de cinéma, c'est que sa longueur permet d'adapter la totalité du roman. Or il n'y a aucune scène superflue dans "Jane Eyre" ce qui explique, du moins en partie que je ne trouve aucune adaptation en long-métrage satisfaisante parmi toutes celles que j'ai vue (j'aime beaucoup celle de Stevenson mais c'est pour des raisons extérieures à "Jane Eyre", à savoir mon admiration pour le cinéma de Orson Welles, la musique de Bernard Hermann etc.) La mini-série s'avère être le format idéal pour adapter correctement le roman, à condition d'en avoir compris l'esprit. Or c'est ce qui manque cruellement dans cette adaptation de Julian Aymes pour la BBC terriblement datée tant sur le plan formel que sur celui du contenu. 

Cette version bien que britannique m'a replongée au cœur des séries historiques cheap réalisées pour la télévision française dans les années 80 du type "Le Gerfaut" ou "La Comtesse de Charny" avec des décors de carton-pâte, une mise en scène théâtrale étriquée (très peu de scènes sont tournées en extérieur) et une image vidéo assez laide. D'autre part, l'adaptation du roman y est platement littérale ce qui veut dire qu'elle passe à côté de ce que Charlotte Brontë nous fait ressentir, de ce qu'elle nous dit entre les lignes à défaut de pouvoir le dire explicitement. On a donc des dialogues fidèles à la virgule près à ceux du roman mais qui ne sont pas incarnés et donc sonnent faux. Et ce d'autant plus que l'interprétation pose aussi problème. En effet dans "Jane Eyre" il y a au moins trois personnages qu'il ne faut pas rater sous peine de rater l'adaptation: Jane, Rochester et l'entité formée par Jane et Rochester ^^. Or le casting ne fonctionne pas pour la bonne et simple raison que Timothy Dalton écrase complètement sa partenaire, Zelah Clarke. Celle-ci qui arbore un perpétuel air de chien battu apparaît comme une petite chose fragile, larmoyante, contrite et triste à mourir. Elle semble tétanisée par son partenaire qui la domine de bout en bout. Inutile de préciser que c'est un contresens total par rapport au personnage de Jane Eyre, fausse fragile, vraie force de la nature qui recherche et obtient une relation d'égal à égal, fondée sur une alchimie naturelle qui échappe à tous les jeux de pouvoir. Timothy Dalton a aussi sa part de responsabilité dans cet échec. Certes, ce n'est pas sa faute si les directeurs de casting ne lui ont pas trouvé une partenaire à la hauteur de son charisme animal (^^) mais il donne une interprétation bien trop simpliste (et outrée) de Rochester. Pour exprimer les ambivalences du personnage, il n'a pas trouvé mieux que d'alterner des scènes où il malmène Jane et des scènes où il lui ouvre son cœur sans aucun rapport entre elles, comme s'il était schizophrène. S'il est vrai que le comportement instable de Rochester fait longtemps souffrir Jane dans le roman, jamais elle ne tremble devant lui, ayant conscience de sa force. Et surtout, jamais il ne la rejette brutalement comme il le fait dans la mini-série, y compris à la fin où (ajout venu d'on ne sait où) il ne veut brusquement plus de ce qu'il prend pour de "la pitié" et la met aussitôt au bord des larmes. De quoi casser l'ambiance et réfrigérer n'importe quel cœur. C'est un contresens total par rapport à la fin du roman où ils sont si heureux d'être ensemble qu'ils sont complètement désinhibés. Les émotions et les gestes qui les accompagnent circulent alors librement entre eux (ce qui d'ailleurs allait à l'encontre des convenances et avait choqué à l'époque). A travers ces poussées d'autoritarisme inventées de toutes pièces, on sent le besoin de bien marquer les territoires du masculin et du féminin ou plutôt des stéréotypes associés à chaque genre, histoire de rassurer ceux qui auraient peur de perdre le contrôle et de se laisser "absorber" dans le monde féminin de Charlotte Brontë. Pitoyable. 

 

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Jane Eyre

Publié le par Rosalie210

Susanna White (2006)

Jane Eyre

Parmi les nombreuses adaptations à l'écran du roman de Charlotte Brontë, celle de la BBC, véritable Mecque de la mini-série de qualité, est tout simplement géniale. Sa longueur (4 épisodes de près d'une heure) permet d'être relativement fidèle au livre. Néanmoins, l'adaptation privilégie surtout la relation entre Jane Eyre et Edward Rochester qui est analysée aussi bien sous son angle romantique, mythologique et spirituel que dans ce qu'elle a de résolument moderne voire de révolutionnaire, même de nos jours où la force morale exceptionnelle de l'héroïne pourtant seule et pauvre et à l'inverse la vulnérabilité cachée puis révélée de celui qu'elle aime qui a pourtant en apparence tous les attributs du "mâle dominant" finissent par mettre sans dessus dessous ^^ les repères traditionnels du rapport de couple (adossés sur des inégalités elles-mêmes issues d'assignations/représentations de genre aliénantes mais qui ont la vie dure parce ce que rassurantes). C'est aussi une version extrêmement sensuelle où la nature joue un rôle prépondérant.

Si l'enfance de Jane est un peu trop rapidement expédiée (sauf pour souligner son caractère indomptable et indépendant ce qui fait qu'on la considère dès son plus jeune âge comme "habitée par le diable") dès que celle-ci (merveilleusement jouée par une Ruth Wilson 100% nature) atteint l'âge adulte, le récit se pose et entre véritablement dans un état de grâce. Tout prend harmonieusement sa place. Le décor de Thornfield Hall, protagoniste à part entière de l'histoire fait penser aux tableaux de paysages romantiques qui expriment les états d'âme. Le lien chamanique qui unit Jane et Rochester (issu d'ancestrales croyances celtiques retravaillées par le romantisme) se matérialise sous la forme d'une rivière au courant impétueux. A contrario se dresse toute en verticalité la forteresse lugubre du château, véritable prison avec son monstre à l'intérieur. Le flux de la vie s'écoulant en toute liberté à deux pas du sarcophage contenant les pulsions indésirables réprimées jusqu'à la folie. Un château qui symbolise également la domination sociale des hommes (riches et bien nés de préférence) sur les femmes (a fortiori si elles sont pauvres). Mais ce n'est qu'un décor derrière lequel se noue en eaux profondes un lien horizontal, puissant, indéfectible entre deux solitaires qui ont aussi peur l'un de l'autre qu'ils sont attirés l'un par l'autre. Outre la bestialité bien peu aristocratique qui se dégage de Rochester (Jane évoque sa "crinière" de fauve mais il y a aussi en lui un ours mal léché et parfois aussi un serpent tentateur évoluant sur une musique hypnotique et de lourdes vapeurs, toute une atmosphère de décadence qui suggère le vertige de la chute), celui-ci se joue dans un premier temps des sentiments de Jane comme d'un mécanisme de défense le protégeant d'une femme qu'il sent d'instinct beaucoup plus forte que lui. La scène-clé de la rencontre lorsque Rochester tombe de cheval pour ne pas percuter Jane de plein fouet a ainsi une signification sexuelle. Le cheval est une métaphore de la virilité et Jane commence par le désarçonner: pas étonnant qu'il la traite d'emblée de "sorcière" car c'est le premier coup de boutoir de cette force de la nature contre sa si fragile forteresse intérieure ^^. D'ailleurs cette scène dit déjà tout puisqu'il est ensuite obligé de s'appuyer sur Jane pour remonter à cheval après avoir découvert qu'il s'était foulé le pied. La suite ne fait en effet que confirmer que le courant passe entre eux à un niveau qui renverse tous les codes et toutes les barrières établies. La scène où Jane sauve Rochester endormi dans son lit en flammes est un renversement complet par rapport au schéma traditionnel où la femme attend dans sa tour/dans son lit que son prince charmant vienne la délivrer/la réveiller. C'est aussi une scène trouble dans laquelle Jane joue (déjà) avec le feu en s'approchant d'aussi près d'un homme qui pourrait bien l'entraîner avec lui en enfer (même -et c'est très important- si elle reconnaîtra plus tard que le puritanisme de St John est autrement plus effrayant que l'aura sulfureuse de Rochester). Plus tard, toujours sous les coups (symboliques) portés par Jane qui finit par exprimer du fond de tout son être son droit à la dignité, à la liberté et à l'égalité, on voit à plusieurs reprises le masque de Rochester craquer grâce à la finesse de jeu de Toby Stephens, acteur à l'expressivité phénoménale, pouvant exprimer simultanément différentes facettes contradictoires du si complexe personnage de Rochester (le machisme/la vulnérabilité, l'assurance/la détresse, la tendresse/la séduction etc.) passant en un éclair de la figure sombre et autoritaire ou bien séductrice et carnassière au déchirement le plus poignant, la voix rauque ou bien défaillante d'émotion jusqu'à finir avec le visage complètement défait du petit garçon perdu. Plus tard encore, lorsque la tension (sexuelle) entre eux atteint son paroxysme après le mariage raté pour cause de petit problème de polygamie ^^, on voit Jane au terme d'un corps à corps aussi sensuel qu'éprouvant résister à la tentation de devenir sa maîtresse (notamment par le fait qu'elle continue à l'appeler "sir" ou "M. Rochester" même dans la plus grande proximité physique, le mettant ainsi mentalement à distance) alors que lui a tellement peur d'être abandonné qu'après avoir tout fait pour la faire "craquer" (en jouant avec les limites autorisées de l'époque ce qui augmente considérablement le niveau d'érotisme de la scène), il tente de la convaincre qu'ils peuvent rester ensemble en mettant la sexualité de côté (c'est tellement crédible qu'elle s'enfuit aussitôt). Elle ne revient vers lui que lorsqu'elle l'a décidé c'est à dire une fois qu'il a retrouvé son intégrité morale et fait du ménage dans sa vie ce qui passe par l'acceptation de sa vulnérabilité (et la délivrance de ses peurs: d'être dominé, abandonné, trompé, repoussé etc.), laquelle s'inscrit dans son corps désormais définitivement diminué. Entre temps, elle a évolué elle aussi, elle a pris de l'assurance, gagné son indépendance financière et c'est elle qui prend désormais les initiatives. Ayant entre temps rencontré un autre homme (St John Rivers dont elle a failli accepter la proposition de mariage), elle peut lui raconter son expérience (et le rendre jaloux ^^) ce qui rééquilibre symboliquement toutes les scènes où elle a écouté sans broncher les histoires de ses anciennes liaisons (qui se terminaient toutes cependant par une humiliation, renforçant à chaque fois un peu plus son amertume vis à vis des femmes du monde* dont on peut avoir un aperçu en miniature avec le personnage d'Adèle). Et, après lui avoir fait avouer que son plan d'autrefois qui consistait à "vivre comme frère et sœur" était des plus fumeux puisque elle et lui n'étaient définitivement pas du genre platonique (non, vraiment? ^^), summum du rééquilibrage et de l'horizontalité, elle finit par s'assoir puis s'allonger sur lui qui s'abandonne dans un grand éclat de rire partagé et libérateur, prenant ainsi sa revanche sur la scène de la chambre où il l'emprisonnait de son corps en faisant pression de tout son poids sur elle. C'est en effet à ce moment là, quand cela coule de source, qu'elle l'appelle spontanément par son prénom. Chose qu'il avait tenté d'obtenir en vain durant toute leur histoire. Une belle illustration de la liberté et de l'égalité (et de l'effet contre-productif des pressions) ^^. Et bien sûr cela ne peut se passer qu'au bord d'une rivière au cours désormais apaisé, présage de jours heureux.

* Il les surnomme les « oiseaux exotiques » à cause de leurs plumes dans les cheveux. Quant à Jane il la surnomme « l’hirondelle » parce qu’elle part et revient librement ce qui est une source d’angoisse pour lui. 

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Raison et Sentiments (Sense and Sensibility)

Publié le par Rosalie210

John Alexander (2008)

Raison et Sentiments (Sense and Sensibility)

Comme "Orgueil et Préjugés" de Simon Langton, "Raison et Sentiments" de John Alexander est une mini-série produite par la BBC et scénarisée par Andrew Davies.  Dans les deux cas, la longueur (ici trois épisodes de 60 minutes) permet d'être fidèle à l'œuvre. L'autre intérêt de cette adaptation est de mettre l'accent sur des points qui semblent secondaires dans le roman mais qui en réalité sont absolument cruciaux. Ainsi la première scène, volontairement transgressive, montre un prédateur sexuel en train de déshabiller une jeune fille. Son destin, nous ne l'apprenons qu'à la fin mais il menace les sœurs créées par Jane Austen aussi bien dans "Orgueil et Préjugés" que dans "Raison et Sentiments": privées de protection (paternelle notamment) et de fortune, elles se retrouvent à la merci d'hommes qui peuvent ruiner à jamais leurs perspectives d'avenir, ne serait-ce que sur la foi d'une simple rumeur. Tout comme Jane et Elizabeth, Elinor et Marianne sont deux victimes de ce système social qui broie les femmes livrées à elles-même et la richesse de l'œuvre consiste à analyser deux tempéraments opposés face à la même injustice: celle qui supporte son sort avec un stoïcisme apparent et celle qui se laisse consumer par la passion. Les hommes, au nombre de trois dans les deux romans représentent trois possibilités: l'amour réciproque et immédiat mais contrarié (Jane et Bingley, Elinor et Edward), le substitut paternel qui veille secrètement sur celle qu'il aime et dont la patience et le dévouement finissent par être récompensés (Darcy et Elizabeth, Brandon et Marianne) et enfin le séducteur, lâche, manipulateur et irresponsable spécialiste du détournement de mineures (les deux W, Wickham et Willoughby) qui s'en prennent aux filles protégées par le substitut paternel (la sœur de Darcy, la pupille de Brandon) et menacent directement ou indirectement de perdre leur grand amour. Pour parvenir à démêler le bon grain de l'ivraie, un repère est donné dans la série par cette citation: "ce qui est important, ce n'est pas ce qu'il dit ou ce qu'il ressent, c'est ce qu'il fait". Le casting n'est pas aussi flamboyant que dans le film de Ang Lee (qui reste ma version préférée du roman de Jane Austen) mais il est tout à fait satisfaisant (les fans de la série "Downton Abbey" reconnaîtront Dan Stevens dans le rôle de Edward Ferrars alors que ceux qui connaissent les films Harry Potter retrouveront Mark Williams dans le rôle de sir John Middleton). Le paysage maritime où viennent se retirer les sœurs Dashwood a même un côté un peu sauvage et primitif qui fait penser à "L'Aventure de Mme Muir" de Joseph L. Mankiewicz.

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Orgueil et Préjugés (Jane Austen's Pride and Prejudice)

Publié le par Rosalie210

Simon Langton (1995)

Orgueil et Préjugés (Jane Austen's Pride and Prejudice)

La meilleure adaptation du plus célèbre roman de Jane Austen n'est pas un long-métrage de cinéma mais une mini-série télévisée en six épisodes de 50 minutes produite par la BBC et diffusée à partir de 1995. Elle fit sensation dans tous les pays anglo-saxons où elle fut diffusée et devint une œuvre culte, couverte de récompenses. Elle fit redécouvrir Jane Austen aux jeunes générations qui multiplièrent les initiatives pour faire revivre son œuvre (sites internet, marathons de lecture, fanfictions, bals d'époque). Helen Fielding s'en inspira (très) fortement pour sa saga littéraire consacrée à Bridget Jones que les adaptations cinématographiques rendirent indissociables de la mini-série avec de nombreux clins d'œil, à commencer bien sûr par le réemploi de Colin Firth en Mark Darcy.  Son influence s'exerça jusqu'au "Discours d'un roi" qui réunit pour la première fois depuis 1995 Colin Firth et Jennifer Ehle, le splendide couple phare de la version BBC (mais toute la distribution est remarquable). Ce dernier qui devint une star internationale à la suite de la diffusion de la série déclara d'ailleurs en 2006 que les trois femmes de sa vie étaient "sa mère, sa femme et Jane Austen" ^^.

Le format de la mini-série s'avère absolument idéal pour transposer le roman de Jane Austen. Il permet de coller au plus près de l'œuvre dont il restitue toute la richesse avec une grande fidélité grâce au travail scénaristique de Andrew Davies.  De plus, il la rend incroyablement vivante et actuelle, avec une mise en scène très dynamique de Simon Langton et une musique enlevée signée Carl Davis. L'histoire a beau se passer au début du XIX° siècle dans un contexte social et juridique beaucoup plus rigide et inégalitaire que le nôtre, l'écriture de "Orgueil et Préjugés" est très moderne dans son analyse de la difficulté à communiquer, dans son féminisme et dans son regard plein d'ironie vis à vis de la société dont elle croque les travers avec un humour caustique irrésistible. Une ironie qui est l'un des traits de caractère les plus saillants de Elizabeth Bennet (qui tient cela de son père avec lequel elle partage une délicieuse complicité), l'héroïne. Un esprit libre dans un corps toujours en mouvement plongé dans un monde corseté, vénal (il faut voir avec quelle vulgarité la mère d'Elizabeth affiche sur la place publique son obsession de voir ses filles faire un beau mariage) et étriqué. Un monde que semble incarner l'austère, froid et hautain Darcy. Mais dans cette histoire où les apparences sont trompeuses, Elisabeth va l'aider sans le vouloir (consciemment en tout cas) à se libérer du carcan qui l'aliène, rendu dans la série (comme chez James Ivory, autre as du genre) par les plans où le personnage la regarde par la fenêtre comme s'il était en prison. Car Darcy n'est pas plus conventionnel qu'Elizabeth notamment par le fait qu'il est trop intelligent pour se plier à la stupidité des règles du théâtre social et tout aussi incapable de mensonge. Il se révèle également le plus mature de tous les personnages de l'histoire avec un sens des responsabilités qui le fait se substituer aux pères défaillants (le sien, celui d'Elizabeth et même celui de Bingley). Même si sa première demande en mariage est humiliante et maladroite sur la forme elle est révélatrice sur le fond: il est incapable d'aller à l'encontre de ses sentiments, même si son orgueil doit en souffrir et en dépit de toutes les pressions sociales qu'il aura à subir du fait qu'il s'agit d'une mésalliance. Tout en respectant à la perfection tous ces aspects, la mini-série ajoute une dimension sensuelle qui n'existait pas dans le roman. Entre Elizabeth et Darcy, l'essentiel ne passe pas par les mots mais par le corps et surtout le regard, doté d'une charge émotionnelle et même érotique surpuissante qui culmine avec la scène cultissime de la chemise mouillée (qui me fait penser à la "Femme au corbeau" de Frank Borzage). Le désir féminin se fait donc une vraie place dans cette série (la littérature dérivée du type Bridget Jones est d'ailleurs qualifiée de "chick lit", "littérature de fille") tout à fait comparable à celui qui se manifeste dans les shojo mangas même s'il faut pour cela qu'il s'exprime à travers la petite lucarne, jugée moins "noble" que la grande. Heureusement que les apparences sont -parfois- trompeuses.

Orgueil et Préjugés (Jane Austen's Pride and Prejudice)

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Angels in America

Publié le par Rosalie210

Mike Nichols (2003)

Angels in America

Angels in America ("Fantaisie gay sur des thèmes nationaux") est à l'origine une pièce de théâtre en deux parties "Le Millenium approche" et "Perestroïka" écrite par Tony Kushner au début des années 1990. La pièce qui prétend fort modestement rien de moins que saisir "l'éclat tragique de la fin de ce siècle" est une fresque des USA des années Reagan confrontés à l'émergence de l'épidémie de sida. Kushner mélange la chronique intimiste, la réflexion politico-historico-religieuse et les échappées oniriques dans le fantastique (ouf!). Le résultat est comme on peut l'imaginer très grandiloquent mais brillant. Kushner n'a pas volé son prix Pulitzer.

C'est Mike Nichols qui a réalisé la mini-série de 6 épisodes d'une heure adaptée de la pièce en 2003. En effet il était impossible de faire tenir un projet aussi démesuré dans un format cinéma classique. Le résultat a été acclamé à l'époque puisque la série a reçu de nombreux prix (Emmy Awards, Golden globes etc.) Avec le recul et un nouveau visionnage, je suis plus critique.

Les parti-pris assez gonflés de la pièce et de la série peuvent dérouter: soit on adhère, soit on rejette. Ainsi, les délires sous substances psychotropes donnent des résultats inégaux. Les apparitions de l'ange (joué par Emma Thompson) et plus globalement toutes les références mythologico-religieuses paraissent assez lourdingues pour ne pas dire grotesques. Ce n'est pas mieux avec les tableaux écolos autour d'un antarctique en train de fondre (avec couche d'ozone trouée en prime). En revanche la rencontre hallucinogène d'Harper en princesse et de Prior en drag-queen dans les décors du château de la Belle et la Bête de Cocteau a quelque chose de magique (et quel bel hommage!)

En faisant abstraction de ce barnum parfois indigeste, il est intéressant de suivre ces personnages marginaux issus de minorités (juive, mormone, afro-américaine) en proie à leurs démons intérieurs dans une Amérique puritaine, intolérante et conservatrice. Les qualités d'écriture permettent d'apprécier certaines saillies comme celle de la définition du parti républicain "pour une moitié des fanatiques religieux voulant contrôler chaque citoyen, pour l'autre des cow-boys libertaires égo-anarchistes criant haro sur l'Etat." Et si le talent d'Emma Thompson est hélas gâché par des rôles qui ne la mettent pas en valeur de même que celui de Meryl Streep dans des rôles ectoplasmiques, on a droit à un sommet grandiose entre Al Pacino dans le rôle de l'avocat véreux Roy Cohn homophobe, raciste et maccarthyste se mourant du sida et sa "négation", Belize, l'infirmier afro-américain et gay joué par le génial Jeffrey Wright. Roy Cohn, personnage historique dont l'action fut à l'origine de l'exécution d'Ethel Rosenberg représente le visage le plus hideux de l'Amérique en "phase terminale, démente et méchante." Mais Al Pacino lui donne comme à d'autres personnages tragiques de sa filmographie une vraie densité. Il apparaît dans sa haine des autres (reflet de sa haine de lui-même) comme une figure autodestructrice de l'Amérique que la compassion que finissent par lui porter ceux qu'il hait vient neutraliser.

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