Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Articles avec #marshall (tonie) tag

Vénus Beauté (institut)

Publié le par Rosalie210

Tonie Marshall (1999)

Vénus Beauté (institut)

"Vénus beauté institut", le plus grand succès critique et public de Tonie MARSHALL récemment disparue repose sur une mise en abyme. Il y a la bulle rose bonbon de l'institut, sorte de cocon dans lequel les femmes (mais aussi quelques hommes) déposent leur armure au vestiaire et se laissent aller aux confidences auprès des esthéticiennes-thérapeutes. Et puis il y a la vraie vie, nettement moins rose. La majorité des personnages, nous ne les verrons qu'à travers la vitre de l'institut qui rappelle l'écran du cinéma. Nous ne saurons jamais qui ils sont de l'autre côté du miroir. C'est le cas par exemple de la patronne, Nadine (Bulle OGIER) qui tient son rôle de vendeuse de beauté ou de Marie (Audrey TAUTOU alors débutante) jeune esthéticienne (faussement) ingénue qui n'est vue que par le prisme de son capital séduction. Il y a d'ailleurs une scène qui résume tout le film, c'est celle où Angèle (Nathalie BAYE) et Antoine (Samuel LE BIHAN) placés dans la position du spectateur regardent cachés dans le jardin Maris céder aux avances d'un de ses clients (Robert HOSSEIN) qui l'a invitée chez lui (mais le salon a de larges baies vitrées idéales pour jouer les voyeurs). Ils ne peuvent alors s'empêcher d'emboîter le pas sur le champ aux deux amants tant ils sont électrisés par le spectacle.

Cependant si la relation entre Marie et son vieux beau est motivée par l'argent et le sexe, ce n'est pas le cas de celle qui éclot entre Angèle et Antoine. Tous deux sont bien trop romantiques pour cela et vivent un pied dans le réel et un autre dans l'univers enchanté de l'institut. Ce n'est pas par hasard que l'on a souvent comparé le film à ceux de Jacques DEMY. Parce que la légèreté du sujet ("ici on ne vend que ça, des apparences") n'est qu'une façade cachant des tourments bien plus profonds. Comme nombre de ses clientes qu'elle s'attache à soigner avec beaucoup de délicatesse et d'empathie, Angèle est une femme de quarante ans meurtrie par les déceptions amoureuses et qui a peur de la vieillesse et de l'abandon. Elle s'enferre dans des relations sans lendemain qui l'aigrissent toujours davantage (son ex la décrit même comme "desséchée") alors qu'elle rêve en réalité du grand amour comme le révèle une des premières scènes du film lorsque derrière le mec de passage qui se fiche d'elle apparaît le prince charmant transi d'amour qui à la fin du film lui offre une magnifique robe de princesse toute droit sortie de "Peau d'âne" (1970) derrière des étincelles qui rappellent la baguette magique de la fée des lilas (la sonnette de la porte émet d'ailleurs un bruit féérique). Mais Angèle n'a rien de mièvre, elle est complexe, revêche et tendre, toute en contradictions (comme l'était Jacques Demy lui-même!), ne cessant de repousser celui qui l'aime par peur de souffrir puis de tenter maladroitement de recoller les morceaux par envie d'y croire. C'est l'un des plus beaux rôles de Nathalie BAYE et Samuel LE BIHAN en gros nounours est très touchant aussi. Le passage où il avoue que cet amour ne s'ajoute pas à celui qu'il avait pour sa fiancée (Hélène FILLIÈRES) mais le balaye m'a fait penser à "Le Bonheur" (1965) de Agnès VARDA qui reposait justement sur le faux-semblants de "bonheurs amoureux qui s'ajoutent".

Voir les commentaires