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Articles avec #lynch (david) tag

Mulholland Drive

Publié le par Rosalie210

David Lynch (2001)

Mulholland Drive

En revoyant "Mulholland Drive" je me suis dit qu'il faudrait un jour parler du "bleu Lynch" exactement de la même façon dont on parle du "bleu Klein". Comme nombre d'autres cinéastes, David LYNCH est aussi peintre et coloriste et la couleur occupe une place déterminante dans ses récits, spécifiquement les couleurs primaires, bleu, jaune et rouge. Si un film comme "Blue Velvet" (1985) annonçait la couleur si j'ose dire en tapissant littéralement le décor, dans "Mulholland Drive", le bleu n'apparaît que par touches mais la symbolique est la même, sauf que le terrier du lapin d'Alice n'est plus le conduit d'une oreille nécrosée mais une boîte bleue ne s'ouvrant qu'avec une clé de même couleur et aspirant la caméra dans les ténèbres. De l'autre côté du miroir, une autre clé, d'un modèle différent mais de la même couleur apparaît. Clé, serrure, rideau, velours, boîte (dont l'intérieur ressemble à une scène miniature), tunnel et même la perruque bleue du dernier plan, tout cela renvoie à la fois à l'inconscient, à la sexualité féminine et au monde du spectacle, les trois thèmes inextricablement entrelacés de "Mulholland Drive".

"Mulholland Drive" pousse cependant plus loin que nombre de films de David LYNCH sa logique de dédoublement tout en rendant quasiment impossible de distinguer ce qui relève du rêve, du jeu ou de la réalité, sauf lorsque le jeu est mis en abyme sur une scène, qu'elle soit matérialisée par un plateau de cinéma, une scène de théâtre ou le bureau d'un producteur. David LYNCH va même jusqu'à révéler au cours d'une séquence que ce que le spectateur prend pour la réalité n'est qu'une répétition en vue d'une audition. Il n'a besoin pour cela que d'élargir le cadre afin que l'on puisse apercevoir le texte entre les mains des actrices, révélant ainsi au spectateur les ficelles de cet art d'illusionniste qu'est le cinéma. Mais par-delà son caractère assumé de méta-film qui explique en partie son aura auprès de la critique cinéphile professionnelle qui adore le cinéma quand il se prend lui-même pour sujet (il suffit de voir la place privilégiée dans les classements qu'occupent "Le Mépris" (1963) ou "Vertigo") (1958), le film opère un brouillage des identités tel entre Betty (Naomi WATTS révélée par le rôle) et Rita (Laura Elena HARRING) qui de l'autre côté du miroir se nomment respectivement Diane et Camilla qu'il suggère dans le fond qu'elles sont parfaitement interchangeables. L'amnésie est une belle métaphore pour suggérer l'absence d'identité propre des actrices hollywoodiennes, contraintes si elles veulent réussir de se laisser modeler par tout un monde de décideurs uniformément masculin qui s'agite en arrière-plan du film (réalisateur, producteur hommes de main mafieux etc.) La référence à l'actrice Rita HAYWORTH rousse dans "Gilda" (1946) qui devint ensuite blonde aux cheveux courts pour son mari réalisateur dans "La Dame de Shanghai" (1947) est explicite, de même que la brune qui se change en blonde se réfère sans le dire à "Vertigo" (1958) lui aussi fondé sur le mythe de Pygmalion. Cette inégalité entre les hommes qui tirent les ficelles dans l'ombre et des femmes starifiées au premier plan mais instrumentalisées rejaillit sur les relations qu'elles ont entre elles. Relation que l'on croit longtemps complice voire fusionnelle alors que le jeu de pouvoir inhérent à leur féroce mise en concurrence par les hommes transforme cet amour narcissique en haine meurtrière. L'envers du rêve hollywoodien symbolisé par une Betty au sourire béat et aux yeux émerveillés devient alors le cauchemar d'une Diane dépressive, alcoolique et rongée par la souffrance jusqu'aux portes de la folie et du suicide.

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Sailor et Lula (Wild at Heart)

Publié le par Rosalie210

David Lynch (1990)

Sailor et Lula (Wild at Heart)

Il y a deux types de films de David LYNCH que j'aime particulièrement: ses films "classiques" à l'apparence réaliste et qui pourtant ont pour thème central l'étrangeté et donc n'ont rien de facile (le génial "Elephant Man" (1980 bien sûr mais aussi "The Straight Story" (1999) qui me fait penser à un conte de fée dans lequel une jeune fille devait supporter de faire un voyage de plusieurs mois sur le dos d'une tortue). Et ses relectures sous acide du "Le Magicien d'Oz" (1939) que sont "Blue Velvet" (1986) (l'héroïne ne s'appelait pas Dorothy par hasard) et de façon bien plus explicite encore "Sailor et Lula". Le film conserve la trame du conte initiatique avec des touches kitsch assumées (l'apparition des sorcières en surimpression, les chaussures rouges de Lula etc.) mais il l'azimute avec une odeur de souffre, une bande-son rock and roll et des visions trash de sexe et de mort. Le film est en effet une expérience sensorielle totale à la Rimbaud ("le dérèglement de tous les sens"). Les couleurs primaires (et criardes) envahissent l'écran quand les pulsions s'expriment crûment, les ondes pulsées électrisent les corps dans des scènes de danse hystériques proches de la transe, l'odeur du vomi qui imprègne la chambre d'hôtel s'incruste dans l'esprit du spectateur parce que celui-ci est filmé à l'échelle de la matière en décomposition comme dans "Blue Velvet" et Lynch parvient même à faire toucher du doigt la matérialité d'un trou mortel dans la tête. C'est organique, répugnant parfois mais fatalement fascinant. Car cette dimension viscérale donne aussi sa substance au couple d'amoureux fous et traqués engagé dans une incertaine fuite en avant vers ce qu'ils croient être la liberté. Un chemin parsemé de personnages barrés, véritables monstres de foire tout en haut desquels trône Bobby Peru (Willem DAFOE). Sailor (Nicolas CAGE, brillant dans un rôle qui n'est pas sans rappeler celui qu'il interprétait quelque années plus tôt chez les frères Coen) est un personnage de tendre voyou mi-Elvis, mi-Brando qui définit son individualité par sa veste en peau de serpent (allusion au personnage principal du film éponyme de Sidney LUMET qui fuit la la Nouvelle-Orléans, passage obligé du film de David LYNCH). Lula (Laura DERN qui jouait déjà dans "Blue Velvet) (1986) est une très jeune femme débordante de sensualité qui cherche à échapper à son traumatisme familial sans se douter (au départ) que Sailor fait partie du problème. La scène de road movie nocturne "in blue" dans laquelle il lui raconte pourquoi les gangsters-amants de Marietta, la mère de Lula (Diane LADD) sont à leurs trousses est celle que je préfère. Parce qu'elle est baignée par la mélancolie qui perce dans la voix du sublime titre de Chris Isaak, "Wicked game" que le film a révélé et qui se trouve sur le même album que "Blue hotel". Les phrases de ces chansons auraient pu avoir été écrites pour le film.

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Blue Velvet

Publié le par Rosalie210

David Lynch (1986)

Blue Velvet

Après un début en forme de spot publicitaire célébrant béatement les joies de l'American dream des années cinquante, ses clôtures immaculées et fleuries, ses jardins taillés au cordeau, la bonhommie de ses agents, voilà que la belle histoire déraille* avec la crise cardiaque d'un homme arrosant son jardin permettant à David Lynch de plonger dans le gazon jusqu'à rencontrer la vermine qui grouille**. Cette introduction annonce le principe du film qui fonctionne sur deux niveaux, celui de la romance cucul la praline et celui du thriller horrifique et érotique avec le personnage principal, Jeffrey (Kyle Maclachlan) à l'intersection des deux niveaux. Jeune homme d'apparence très lisse et sans histoire, le voilà qui glisse vers l'assouvissement de ses fantasmes inavoués via un conduit d'oreille coupée trouvée dans l'herbe. Un changement d'échelle suggéré par la caméra dès les première images qui évoque "Alice au pays des cauchemars". Jeffrey devient alors dual, satisfaisant la nuit ses penchants voyeuristes et sadomasochistes auprès de la sulfureuse et brune Dorothy*** (Isabella Rossellini) tout en courtisant le jour la blonde et un peu bécasse Sandy (Laura Dern). Et quand le sous-sol remonte à la surface pour parasiter les clichés du teen movie on est à la limite de la parodie jouissive. Par exemple lorsque le petit ami officiel de Sandy qui est un joueur de football américain (pléonasme) vient avec ses potes régler son compte à Jeffrey parce qu'il lui a piqué Sandy voilà que surgit sans prévenir Dorothy à poil couverte d'ecchymoses qui telle un zombie se jette dans les bras de Jeffrey. S'ensuit une autre scène décalée chez les parents de Sandy où Dorothy toujours aussi nue colle un Jeffrey très embarrassé et évoque leurs ébats torrides sous les yeux d'une Sandy éplorée dont les grimaces grotesques font penser aux meilleurs cartoons! Et puis cette galerie de tordus ne serait pas complète sans l'incroyable prestation de Denis Hopper en psychopathe shooté à l'oxygène dont le comportement déviant semble lié à une homosexualité refoulée. Encore une dualité paradoxale car d'un côté Frank surjoue la virilité en terrorisant Dorothy et malmenant Jeffrey, de l'autre il ne semble pas très net avec son ami efféminé Ben (Dean Stockwell) et semble trouver Jeffrey à son goût.

* Les cinéastes qui soulignent le caractère factice des banlieues et des petites villes américaines en ouvrant la porte aux monstres refoulés sont nombreux. On pense par exemple à Hitchcock ("L'ombre d'un doute"), Burton ("Edward aux mains d'argent") ou Weir ("The Truman show").

** Evidemment cette ambivalence oscillant entre le conte de fée et le film de monstres en rejoint une autre qui est celle du sexe (féminin) et de la mort. Le premier est évoqué par le gazon mais aussi le velours bleu que porte Dorothy et qui est un substitut de la fourrure. La vermine qui grouille en dessous, le corps tuméfié ou le conduit de l'oreille en décomposition libère des images angoissantes d'anéantissement qui vont de pair avec celles que véhicule le sexe féminin auprès d'une partie de la gent masculine. 

*** David Lynch est un fervent admirateur du "Magicien d'Oz" qu'il cite dans "Blue Velvet" au travers du prénom du personnage d'Isabella Rossellini mais aussi dans "Sailor et Lula" qui peut être considéré comme une adaptation hallucinogène.

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Lucky

Publié le par Rosalie210

John Carroll Lynch (2017)

Lucky

"Lucky" porte bien son titre, c'est une méditation sur la chance que constitue le simple fait d'être vivant et une invitation à profiter de chaque instant avant que la mort ne vienne y mettre un terme. C'est justement parce que "Lucky" est porté par un acteur nonagénaire aux portes de la mort (symbolisée par la porte "Exit") qu'il est si lumineux, célébrant les joies simples de la vie de tous les jours au travers de rituels immuables (lait le matin, café l'après-midi, Bloody Mary le soir, cigarettes, yoga, déambulations au fil des rues, passage à l'épicerie, conversations avec les piliers de comptoir). Le grand âge qui d'ordinaire est repoussé derrière un paravent est mis ici au premier plan. Dans ses aspects négatifs (la dégradation du corps) comme positifs (l'apaisement, l'acceptation comme ce beau passage où Lucky regarde Liberace jouer à la télévision et dit "avant je ne voyais en lui qu'une tapette délurée, maintenant je vois un génie. De toutes façons je ne peux plus bander".) Et bien que Lucky soit athée, voire nihiliste ("l'âme n'existe pas"), son environnement (et la mise en scène) nous dit le contraire.

Le désert est un haut lieu de spiritualité et le costume de cow-boy évoque toute la mythologie de l'ouest américain. Quand ce costume est porté par Harry Dean Stanton, c'est tout un pan du cinéma US qui ressuscite. Cantonné aux seconds rôles pendant 30 ans en raison de son physique et de sa personnalité atypique, son aura explose lorsqu'il incarne Travis, le personnage principal de "Paris, Texas" de Wim Wenders en 1984. "Lucky", son deuxième (et dernier) premier rôle prolonge celui de Travis, l'un et l'autre étant très proches de l'acteur: solitaires, taiseux, fragiles, sauvages, mal-aimables, d'une sensibilité à fleur de peau et d'une grande densité intérieure. Impossible de ne pas croire à l'âme tant celle d'Harry Dean Stanton affleure dans ses expressions artistiques (le cinéma et la musique) ce qui donne à ses prestations une grande authenticité. Dans "Lucky", Harry Dean Stanton est accompagné par son autre réalisateur fétiche, David Lynch qui l'a fait jouer dans trois films dont le magnifique "Une Histoire vraie" auquel on pense forcément. 

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Une histoire vraie (The Straight Story)

Publié le par Rosalie210

David Lynch (1999)

Une histoire vraie (The Straight Story)

"The Straight story" est un titre infiniment plus riche qu'"Une histoire vraie" et ce, bien que l'intrigue soit effectivement tirée d'une histoire vraie. Au premier degré, il fait référence au nom de famille du héros qui s'appelle Alvin Straight. Il fait également référence à la route suivie par celui-ci qui est toujours en ligne droite. Au second degré, c'est la droiture d'Alvin qui est mise en valeur. Par ailleurs la simplicité de cette histoire à la trajectoire linéaire et aux enjeux limpides apparaît comme un contre-exemple dans la filmographie de Lynch, parsemée d'histoires tortueuses pour ne pas dire sybillines.

Mais à y regarder de plus près, cette histoire n'est en rien contradictoire avec le reste de son œuvre. Elle fait partie de sa veine humaniste. Comme "Elephant man", elle se focalise sur un personnage marginal dont l'humanité bouleverse ceux qui croisent sa route. Ici la marginalité est liée à la mobilité réduite: par l'âge (Alvin a 73 ans et un problème aux hanches qui l'oblige à marcher avec des cannes), par le handicap (mal voyant, il n'a pas le permis de conduire, une "hérésie" dans la société de l'automobile reine), par la pauvreté (qui l'oblige à entreprendre un long voyage en utilisant le système D). La conséquence est une expérience sensorielle unique, celle qui épouse la lenteur d'un homme cheminant sur sa tondeuse à gazon à 5km/heure, une roue sur le bord de la route, l'autre sur le chemin de terre qui la borde sous les yeux sidérés des riverains, tous plus babas les uns que les autres devant le courage et la détermination du vieil homme.

C'est par ce biais que l'apparente simplicité rejoint l'étrangeté si chère à Lynch. Car la lenteur nous est devenue étrangère. Et avec elle la nature, la spiritualité, la liberté, la mythologie, les contes de fée et même l'histoire. L'homme-machine à produire est un homme coupé de son passé et de ses racines, donc de son avenir.

C'est le daim écrasé par la voiture, l'auto-stoppeuse (enceinte, quel symbole!) dédaignée par les automobilistes, ce sont aussi ces sublimes images de moissons dans les champs de blé sous la lumière dorée du soleil qui apparaissent au fur et à mesure qu'Alvin avance. C'est aussi l'attente sous l'abri de la fin de la pluie. Par-delà le film, ce sont les réminiscences qu'il suscite qui en révèlent toute la profondeur. Alvin part de l'Iowa et va jusqu'au Wisconsin en traversant le Mississippi, longtemps frontière entre les USA colonisés et le "Far West". Les pionniers du XIX° siècle parcouraient ces espaces au même rythme qu'Alvin et on se souvient en particulier des mémoires de Laura Ingalls ("La petite maison dans la prairie") où elle raconte la trajectoire de sa famille du Wisconsin à...L'Iowa (via le Kansas et le Minnesota). Est-ce d'ailleurs un hasard si l'acteur (Richard Farnsworth) apparaît dans la série? Dans un tout autre champ de la culture, celui des contes de fée, la comtesse de Ségur écrivit au XIX°siècle "L'histoire de Blondine, Bonne-Biche et Beau-Minon" où parmi les épreuves infligées à l'héroïne il y avait l'obligation d'effectuer le trajet de la forêt jusqu'au château juchée sur le dos d'une tortue (ce qui lui prit 6 mois). Enfin il y a quelque chose de l'ordre des pèlerinages ancestraux dans ce parcours ce qui le rend éminemment spirituel (l'image des étoiles au début et à la fin rapproche le parcours d'Alvin vers l'apaisement et la réconciliation d'avec son frère -son double ou sa moitié- d'une expérience cosmique).

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Elephant man

Publié le par Rosalie210

David Lynch (1980)

Elephant man

Pourquoi dès qu'un grand metteur en scène fait un film qui dépasse ses seules obsessions pour atteindre l'universel dit-on de son film qu'il est "académique"? J'ai lu ce qualificatif à propos du "Pianiste" de Polanski et d'"Éléphant Man" de Lynch. Et bien à mes yeux ce sont leurs chefs-d'œuvre et non "Rosemary's Baby" (et sa fin satanique qui sombre dans le ridicule) et "Mulholland Drive" (le film snob pour les snobs par excellence).

Éléphant Man plonge les racines de sa bouleversante humanité dans la baraque à Freaks de Tod Browning. il en extrait un être dont la monstruosité physique est à l'inverse de l'intelligence, du talent et de la noblesse morale. John Merrick (John Hurt, vulnérable et sensible) devient ainsi un miroir de vérité dans lequel chacun peut se voir vraiment tel qu'il est. Il y a ceux qui le considèrent comme une source de profit, un objet ou un animal, il y a ceux qui se laissant envahir par la peur et la haine de la différence veulent le lyncher (sans jeu de mots). A l'autre bout il y a les freaks plutôt solidaires (comme chez Browning) et une actrice qui à l'égale d'une chanteuse lyrique est à l'écoute de la voix intérieure des êtres. Entre les deux, il y à Treves le chirurgien de l'hôpital (formidablement interprété par Anthony Hopkins une décennie avant qu'il n'explose dans le rôle du psychopathe Hannibal Lecter.) Treves est accusé durant tout le film de jeter Merrick en pâture à ses camarades médecins et à la bonne société pour servir ses ambitions. Mais lorsqu'il pleure en voyant Merrick pour la première fois, lorsqu'il cherche à communiquer avec lui, puis lorsqu'il l'invite chez lui on devine que quelque chose d'intime se joue entre les deux hommes. Merrick qui a été pourtant abandonné à la naissance manifeste une tendre dévotion envers sa mère alors que l'on comprend à demi-mot que Treves et son épouse ont été abandonnés par leurs enfants et en souffrent. Comme le dit Hélène Nicolas, une autiste lourdement handicapée dans "Dernières nouvelles du cosmos" seul l'amour nous sépare du vide. John Merrick peut partir tranquille en ayant la certitude d'être aimé.

Présentation:

Il y a des films dont la perception ne change guère, quel que soit le support sur lequel on les visionne. Et puis il y a ceux à qui l'expérience de la salle de cinéma offre un supplément d'âme. C'est le cas de "Elephant Man" de David Lynch qui est ressorti au cinéma en version restaurée comme ses autres films (sauf "Dune") à l'occasion du décès du cinéaste le mois dernier. La sensorialité du film est décuplée, nous plongeant dans un bain sonore qui donne un relief puissant à toutes les agressions que subit John Merrick: les coups frappés à sa fenêtre par l'homme qui veut l'exploiter, le sifflement provoqué par les jets de vapeur du train quand il est poursuivi par la foule, les cris des singes quand il est mis en cage. David Lynch choisit de faire partager l'expérience de l'humanité souffrante et de placer la société victorienne dans toutes ses strates et tous ses paradoxes en miroir par rapport à celle-ci. Le cinéma est certes une affaire de temps mais aussi de regard. Impossible d'oublier celui du docteur Treves (joué par le grand Anthony Hopkins, complètement habité par son rôle.) découvrant John Merrick, se découvrant lui-même à travers John Merrick. Et pourtant, il y a aussi du Bytes, le forain qui l'exhibe contre de l'argent en Treves parce que Treves possède un statut social alors que John Merrick en est dépourvu. La tentation de se servir de lui pour renforcer sa position est donc forte et le dispute à l'empathie de celui qui ressent en l'autre son frère humain dans ce qu'il a de plus beau, de plus pur mais aussi de plus vulnérable. Si tout le monde n'a pas fait l'expérience du handicap, de l'exclusion, de la maltraitance, tout le monde a vécu celle d'avoir été un enfant, vulnérable et impuissant face au monde des adultes. La plupart l'ont oublié. "Elephant Man" agit comme une piqûre de rappel.

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