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Articles avec #kaurismaki (aki) tag

L'Homme sans passé (Mies vailla menneisyyttä)

Publié le par Rosalie210

Aki Kaurismäki (2002)

L'Homme sans passé (Mies vailla menneisyyttä)

"L'homme sans passé" est le premier film que j'ai vu de Aki KAURISMAKI et une belle entrée en matière dans son univers attachant et reconnaissable entre tous. Une fable sociale autour d'une renaissance symbolisée par une attention aux petits gestes du quotidien qui n'est pas sans rappeler Yasujiro OZU. M (Markku PELTOLA) nettoie son conteneur-bungalow, récupère un juke-box que l'électricien du campement répare, plante des pommes de terre et les regarde pousser, adopte un chien et apprivoise son maître (nommés respectivement Anttila et Hannibal avec l'humour pince-sans-rire caractéristique du réalisateur) et enfin, rencontre l'amour sous les traits de Irma (Kati OUTINEN, l'actrice-fétiche de Aki KAURISMAKI) qui travaille pour l'armée du salut et vit dans un foyer. La reconstruction personnelle de M qui est amnésique suite à une violente agression subie au début du film quand il débarque à Helsinki est indissociable de la réparation du lien social abîmé par la misère et l'oppression (Aki KAURISMAKI renvoie dos à dos le capitalisme et les institutions). L'armée du salut (la bien nommée) joue le rôle d'infirmier, pas seulement à travers Irma qui restaure la dignité de M en lui donnant des vêtements et un travail mais aussi à travers l'avocat qui vient sauver M de l'emprisonnement parce qu'il ne peut décliner son identité. On croirait entendre Adolphe Thiers en 1850 "Nous avons exclu cette classe d'hommes dont on ne peut saisir le domicile nulle part (...) Mais ces hommes que nous avons exclus, sont-ce les pauvres ? Non, ce n'est pas le pauvre, c'est le vagabond. Ce sont ces hommes qui forment, non pas le fond, mais la partie dangereuse des grandes populations agglomérées." Cette citation éclaire particulièrement bien je trouve la filiation entre le cinéma de Charles CHAPLIN et celui de Aki KAURISMAKI. L'adoption du chien (que l'on retrouve dans son dernier film "Les Feuilles mortes") (2023) et le dernier plan où les amoureux s'éloignent à la manière du final de "Les Temps modernes" (1936) en sont autant d'exemples. "L'Homme sans passé" sous ses airs peu engageants est en réalité gorgé d'espoir. Que ce soit dans le collectif des déshérités qui chasse les voyous responsables de l'agression de M, dans le patron qui comme dans les fables sociales de Frank CAPRA se retourne contre la logique capitaliste pour rendre justice à ses ouvriers ou dans l'amour qui irradie les personnages ou encore dans l'oeuvre d'art totale dont Aki KAURISMAKI est adepte. Comme ses autres films, "L'Homme sans passé" bénéficie d'une esthétique particulière, minimaliste et vintage mais profondément étudiée. Chaque plan est composé et éclairé comme un tableau et la musique rock rythme l'ensemble.

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Les Feuilles mortes (Kuolleet lehdet)

Publié le par Rosalie210

Aki Kaurismäki (2023)

Les Feuilles mortes (Kuolleet lehdet)

La projection et les commentaires autour de "The Dead Don't Die" (2018) de Jim JARMUSCH* ne constitue pas seulement le climax hilarant du dernier film de Aki KAURISMAKI (qui a compris le potentiel comique "décalé" du film et en joue fort bien). Il donne une bonne définition de son dernier opus. Avec Hayao MIYAZAKI, celui-ci constitue le plus célèbre vrai-faux retraité du cinéma mondial. Visiblement il n'est pas si simple d'en finir avec le septième art quand celui-ci fait à ce point partie de vous, chacun des deux cinéastes incarnant en prime en tout ou en partie son pays à l'international. Et puis un film qui s'appelle "Les Feuilles mortes" avec deux personnages qui ont tout de zombies, cela ressemble assez au style Aki KAURISMAKI. Des cadres figés, des décors démodés, des couleurs délavées, des visages fatigués, des nouvelles tournant exclusivement autour de la guerre en Ukraine, histoire de rappeler que la Finlande partage une frontière de 1300 km avec la Russie, des rues désertées, un monde du travail déshumanisé, il y aurait de quoi se flinguer. C'est oublier que le monde froid et gris de Aki KAURISMAKI est constellé d'humanisme, d'humour, de touches de couleurs vives et d'amour. Car "Les Feuilles mortes" raconte surtout cela: une histoire d'amour entre deux prolétaires solitaires et malmenés par la vie dont les rencontres, systématiquement contrariées sont ponctuées de chansons et de cinéma. Comme dans ses autres films, la figure tutélaire de Charles CHAPLIN veille sur les amoureux avec une fin entre "Une Vie de chien" (1918) et "Les Temps modernes" (1936).

* Dans "Night on earth" (1991), la dernière séquence se déroulait à Helsinki et mettait en scène un acteur fétiche de Aki KAURISMAKI, Matti PELLONPAA.

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La vie de Bohème

Publié le par Rosalie210

Aki Kaurismäki (1992)

La vie de Bohème

"La vie de bohème" est l'adaptation toute personnelle par Aki KAURISMÄKI du livre "Scènes de la vie de bohème" de Henry Murger publié en 1851 dont la postérité est surtout due à la popularité de l'opéra de Puccini (ce qui explique sans doute que Aki Kaurismäki ait inséré dans son film une scène où les compagnes des artistes, Mimi et Musette vont à l'opéra, même si c'est pour y écouter du Mozart et faire dire à leurs homme que l'opéra est mort). On peut y ajouter également les allusions explicites à des poètes français ayant vécu ou célébré la vie de bohème (Baudelaire et Rimbaud en premier lieu).

Henry Murger disait que la bohème était impossible en dehors de Paris. Pourtant, il a bien fallu que Aki KAURISMÄKI délocalise son film en banlieue (plus précisément à Malakoff) afin de donner à son film l'esthétique des années cinquante qu'il affectionne particulièrement. Hommage à la France et aux cinéastes français qui l'ont inspiré (René CLAIR, Marcel CARNÉ, Jacques BECKER etc.) "La vie de bohème" est ainsi un étonnant mélange spatio-temporel (comme le sera vingt ans plus tard "Le Havre" (2011)) traitant de problématiques contemporaines à travers un filtre résolument nostalgique et réunissant un casting franco-finlandais dans lequel on distingue André WILMS et Evelyne DIDI que l'on retrouve tous deux dans "Le Havre" (2011). André WILMS dont c'était la première collaboration avec le cinéaste finlandais y interprète d'ailleurs le même personnage, Marcel Marx, un écrivain-philosophe désargenté qui se reconvertira ensuite dans le cirage de chaussures. Les thématiques de l'immigration et de la maladie sont communes au deux films (au travers de son ami peintre Rodolfo et sa compagne Mimi dans "La vie de bohème"). Autre acteur commun, Jean-Pierre LÉAUD qui joue le rôle d'un collectionneur (dans "Le Havre" il se fera délateur). L'humour absurde débité sur un ton pince-sans-rire est savoureux (le "C'est ma mère" dit par un Rodolfo albanais joué par l'acteur finlandais Matti PELLONPÄÄ devant son autoportrait vaut bien Marcel Marx se dépeignant en albinos africain dans "Le Havre") rehaussant un mélodrame résolument mélancolique et sans perspectives autre que la survie au jour le jour mais qui célèbre l'amitié, la solidarité et l'idéalisme un peu fou de ces artistes qui comme le chantait si bien Anne Sylvestre "passent moitié dans leurs godasses et moitié à côté".

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Juha

Publié le par Rosalie210

Aki Kaurismäki (1999)

Juha

Une décennie avant Michel HAZANAVICIUS et Pablo BERGER, Aki KAURISMÄKI a eu l'idée de réaliser "le dernier film muet du XX° siècle". Tous les éléments formels y sont: noir et blanc de rigueur, jeu et mise en scène expressionniste, cartons et musique remplaçant la parole, format court, intrigue "primitive" qui renvoie à de nombreux grands classiques, en premier lieu D.W. GRIFFITH et F.W. MURNAU (on pense à "L Aurore" (1926) sauf que c'est la fermière qui est ici séduite par un homme de la ville). Cependant, ce n'est pas pour autant un pastiche se contentant de recycler les codes du passé. D'abord parce que la bande-son variée et moderne est en complet décalage avec les images désuètes. D'ailleurs on retrouve l'une des signatures du cinéaste finlandais avec un extrait de concert lorsque l'un des personnages chante en français "Le Temps des cerises" pour suggérer le grand bain de sang à venir. Ensuite parce que les clins d'oeil vont bien au-delà de la période du muet. C'est comme si Aki KAURISMÄKI parvenait à harmoniser le début de "Angèle" (1934) et la fin de "Taxi Driver" (1976) avec un passage progressif d'une histoire "de terroir" ancrée dans une ruralité (presque) intemporelle à un univers urbain de film noir à l'américaine en version stylisée. On peut ajouter aussi l'allusion aux mélodrames de Douglas SIRK qui avait commencé sa carrière en Allemagne sous le nom de Sierk, nom qui est apposé sur la plaque d'immatriculation du véhicule du séducteur-proxénète (André WILMS dont c'était déjà la troisième collaboration avec le cinéaste finlandais). Quant à l'épouse naïve du fermier qui se laisse séduire par les mirages de la vi(lle), elle est interprétée par Kati OUTINEN, l'actrice fétiche du réalisateur.

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L'autre côté de l'espoir (Toivon tuolla puolen)

Publié le par Rosalie210

Aki Kaurismäki (2016)

L'autre côté de l'espoir (Toivon tuolla puolen)

J'aime bien le cinéma de Aki KAURISMÄKI dont les codes particuliers peuvent constituer un frein à l'adhésion du spectateur mais qui si on y entre a beaucoup à offrir. "L'autre côté de l'espoir" son dernier film en date est le deuxième volet d'une trilogie sur les migrants après "Le Havre" (2011) (on ne sait pas si il y en aura un troisième, Aki KAURISMÄKI ayant exprimé son souhait d'arrêter de faire des films). Fable humaniste comme l'était aussi "Le Havre" (2011), "L'autre côté de l'espoir" raconte la rencontre entre un migrant syrien débouté du droit d'asile et un finlandais quinquagénaire qui a décidé de refaire sa vie en tentant sa chance dans la restauration après avoir gagné au poker. Aki KAURISMÄKI conjugue avec bonheur réalisme social et politique (misère, violences racistes, témoignage frontal des horreurs de la guerre et de l'absurdité de la machine administrative) et décalage poétique créant un effet de distanciation salutaire (aspect rétro des décors dépouillés dont l'ameublement semble sorti de chez Emmaüs, minimalisme de personnages marqués physiquement mais peu bavards et peu expressifs, couleurs froides, mise en scène épurée, interludes musicaux rock et humour burlesque omniprésent désamorçant tout pathos)*. Le résultat est un film d'apparence froide mais généreux en réalité, mettant en avant la bienveillance et la solidarité des individus face à l'absurdité d'un système arbitraire dont Aki KAURISMÄKI se paye la tête (il affirme que la situation syrienne ne justifie pas la délivrance d'un titre de séjour alors que la scène suivante montre évidemment le contraire) et dont de simples citoyens finlandais déjouent les mécanismes à la manière des résistants de la seconde guerre mondiale mais sans avoir l'air d'y toucher (fabrication de faux papiers, aide à l'évasion, emploi au noir etc.) Quant aux tentatives de mutations mondialistes du restaurant vieillot racheté par le finlandais quinquagénaire, elles constituent les passages les plus drôles du film.

On distingue au moins deux grandes influences dans le cinéma de Aki KAURISMÄKI. L'une, américaine, vis à vis des grandes figures du burlesque muet (Charles CHAPLIN, figure du vagabond tutélaire de tous ses films et Buster KEATON pour le caractère impassible des personnages) et l'autre française, vis à vis du courant réaliste poétique à qui Aki KAURISMÄKI a rendu un hommage appuyé dans "Le Havre" (2011) (avec un personnage féminin appelé Arletty!) mais aussi vis à vis des polars minimalistes de Jean-Pierre MELVILLE et des films non moins dépouillés de Robert BRESSON.

 

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Le Havre

Publié le par Rosalie210

Aki Kaurismäki (2011)

Le Havre

Le regard décalé et distancié du réalisateur finlandais Kaurismäki peut déconcerter car il est anti-réaliste au possible. Jeu blanc/inexpressif des acteurs à la Bresson, décors minimalistes datés, atmosphère (atmosphère!) tout droit sortie d'un film de Marcel Carné (qui avait tourné "Quai des brumes" au Havre et à qui Kaurismäki rend un hommage appuyé au travers du personnage d'Arletty), objets et costumes rétros (toujours en hommage à un certain cinéma français: Becker, Melville...), personnages de fable se réduisant à quelques traits archétypaux (le délateur, le clandestin, le policier, l'artiste-bohème), humour pince-sans-rire, il y a de quoi se sentir dépaysé dans son univers.

Il serait dommage cependant d'être arrêté par ces conventions. La réalisation de Kaurismäki est avant tout pudique et respectueuse de l'humain. Par exemple s'il a refusé le réalisme lors de la scène où l'on découvre les migrants dans le conteneur c'est pour leur redonner une dignité. Ce simple choix de mise en scène est en soi un engagement (contre le voyeurisme et le misérabilisme). Il en est de même avec l'esthétique dépouillée et datée. Elle permet de mettre la relation humaine au centre tout en ayant valeur d'engagement contre le matérialisme (ce n'est pas pour rien que le personnage principal s'appelle Marcel Marx.) Enfin le "masque" des acteurs ainsi que la brièveté de leurs dialogues poursuit le même objectif de concision, de dépouillement, de réduction à l'essentiel. Il ne faut pas en déduire pour autant que le film est dépouillé de chaleur humaine. C'est même tout le contraire: il magnifie le lien, la chaîne de solidarité, le partage. Et l'art. Le bienveillant commissaire s'appelle Monet en hommage au peintre impressionniste qui a souvent installé son chevalet au Havre. Et une authentique star locale "Little Bob" fait un concert de rock qui attire la foule pour réunir les fonds nécessaires au départ du jeune clandestin pour l'Angleterre.

Le magazine Première a très bien résumé "Le Havre": "Symbole de ce cinéma qui n’obéit à aucun canon, Marcel Marx (André Wilms, génial) est, pour paraphraser un slogan de Mai 68, 'marxiste tendance Groucho' : à côté de la plaque sur bien des points mais raccord sur l’essentiel".

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