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Articles avec #jeunet (jean-pierre) tag

BigBug

Publié le par Rosalie210

Jean-Pierre Jeunet (2022)

BigBug

Le dernier film de Jean-Pierre JEUNET sorti sur Netflix le 11 février 2022 s'est fait étriller par la presse et de nombreux internautes. Et bien, mon avis sera à contre-courant. Déjà parce que j'ai préféré ce film à la majorité de ceux qu'a réalisé Jean-Pierre JEUNET (je l'ai préféré à "Micmacs à Tire-Larigot" (2009) à "L Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet" (2013) et même à "La Cité des enfants perdus") (1994). Je l'ai préféré aussi et largement au film dystopique comparable qu'a réalisé Terry GILLIAM, "Zero Theorem" (2013) que j'ai trouvé lui complètement raté. En fait je l'ai aimé comme j'avais aimé sa version de Alien, film également très décrié et dévalorisé parce qu'avant tout je l'ai trouvé très drôle! Très drôle mais aussi bien joué, pertinent et agréable à l'oeil. "Bigbug" est une satire rétrofuturiste aux couleurs acidulées de notre monde aliéné par la technologie et le consumérisme se situant quelque part entre "Brazil" (1985) et "Retour vers le futur II" (1989). Un monde dominé par la domotique et la robotique qui enferme les humains sous cloche et les humilie sans que ceux-ci n'aient l'air de s'en apercevoir (sinon ce ne serait plus une comédie). Il faut dire que ces humains-là ne sont préoccupés que par une seule chose: leur libido! Mais sous des formes socialement acceptables que les robots ont la capacité de décoder ce qui créé un décalage très amusant entre le numéro de séduction de Max, feignant d'être intéressé par l'art (Stéphane De GROODT) ou les occupations créatives et romanesques à l'ancienne (lecture, calligraphie, scrapbooking) que Alice lui montre (Elsa ZYLBERSTEIN) alors que tous deux ne pensent qu'à "ça" durant tout le film étant donné qu'ils ne parviennent pas à conclure. Les autres personnages sont à l'avenant, depuis les adolescents jusqu'au couple contrarié dans sa lune de miel (on pense à "Scènes de ménage" en voyant apparaître la cruche hystérique de la série de M6 jouée par Claire CHUST) en passant par la voisine propriétaire d'un chien cloné et d'un robot sextoy (Isabelle NANTY). C'est ce mélange de haute-technologie et d'animalité qui est détonnant dans le film. Bien plus que les allusions (superficielles) au réchauffement climatique ou au covid-19, elles donnent à voir un être humain soumis à une double servitude: celles de ses pulsions primitives et celle des besoins artificiellement créés à son intention par la société moderne qui finit par se retourner contre elle lorsque les Yonix (robots-fachos à l'image de François LEVANTAL) décident de les ravaler au rang d'animaux. Mais il existe une autre sorte de robots, ceux qui servent la famille et qui cherchent au contraire à les aider en s'humanisant: un robot nettoyeur, un robot-jouet, un robot-penseur à l'image d'Einstein et doté de la voix de André DUSSOLLIER, un habitué du cinéma de Jeunet et enfin une androïde bonne à tout faire jouée par Claude PERRON, autre actrice récurrente du cinéma de Jeunet mais aussi de Albert DUPONTEL qui fait une rapide apparition de type caméo ainsi que Nicolas MARIÉ. A la manière de qui? A la manière de Terry GILLIAM dans les films de Albert Dupontel bien sûr, histoire de rappeler que lui et Jeunet sont ses héritiers français directs.

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Un long dimanche de fiançailles

Publié le par Rosalie210

Jean-Pierre Jeunet (2004)

Un long dimanche de fiançailles

"Un long dimanche de fiançailles" est l'un des rares films de Jean-Pierre Jeunet que je n'avais pas encore revu. Maintenant, je me dis que c'est le destin d'avoir gardé ce film en réserve pour pouvoir rendre hommage à Gaspard Ulliel dont c'était le premier rôle majeur, couronné par le César du meilleur espoir masculin. On peut d'ailleurs saluer la qualité et la variété de la distribution qui certes, reprend une bonne partie du casting de "Delicatessen" et de "Le Fabuleux destin de Amélie Poulain" (de Audrey Tautou à André Dussollier en passant par Dominique Pinon, Ticky Holgado, Jean-Claude Dreyfus ou Urbain Cancelier) mais en ajoute pas mal de nouveaux, venus d'autres horizons comme Albert Dupontel, Denis Lavant, Clovis Cornillac, Jean-Pierre Daroussin, Julie Depardieu, Jodie Foster, Jean-Paul Rouve, Michel Vuillermoz ou bien alors des nouveaux venus à l'aube d'une belle carrière: outre Gaspard Ulliel, l'étoile montante Marion Cotillard confirmait son talent en obtenant le César du meilleur second rôle alors qu'elle n'apparaît que huit minutes dans le film (mais dans un rôle de justicière qui redouble celui de Mathilde la détective).

Cette densité de talents au mètre carré se retrouve dans l'intrigue et dans l'image. L'histoire, adaptée du roman de Sébastien Japrisot mêle deux récits (le passé de la guerre en couleurs sombres, le présent de l'après-guerre en sépia) et est originale en ce sens que c'est une femme (handicapée qui plus est) qui en est le centre et le moteur. La première guerre mondiale et ses horreurs* est évoquée en effet en fonction des progrès de l'enquête que Mathilde mène en 1920, seule contre tous ou presque à croire que son fiancé a survécu sur la foi d'une intuition intime (que l'on peut comparer à la quête de Tintin à la recherche de Tchang dans "Tintin au Tibet" alors que tout le monde le croit mort). L'obstination de ce petit bout de femme à découvrir la vérité l'amènera à croiser d'autres destins et à recouper leurs témoignages pour en démêler le vrai du faux. La scène cruciale de l'Albatros, l'avion allemand qui tire sur Manech alors qu'il grave les lettres de son amour à Mathilde (MMM) sur le tronc d'un arbre calciné est ainsi revue plusieurs fois, la version de cet épisode variant selon les témoins (français ou allemand, depuis la tranchée ou dans le no man's land à la manière d'un "Râshomon"). Quant aux lieux, ils sont superbement reconstitués avec tout le savoir-faire méticuleux d'un réalisateur attentif au moindre détail. Et si le récit tient en haleine avec un sens du rythme qui n'est plus à démontrer et des rebondissements perpétuels, il ménage des pauses solitaires et mélancoliques dans lesquelles les deux éternels fiancés pensent l'un à l'autre dans le désert, l'un en gravant ses lettres d'amour éternel dans le bois au milieu de l'enfer et l'autre en jouant du tuba face à la mer.

* La première guerre mondiale a fait l'objet de nombreuses oeuvres marquantes auquel le film de Jeunet fait référence, des BD de Jacques Tardi (dès les premières images, j'ai reconnu le cadavre du cheval pendouillant dans un arbre) jusqu'aux "Sentiers de la gloire" de Stanley Kubrick (les exécutions pour l'exemple).

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Foutaises

Publié le par Rosalie210

Jean-Pierre Jeunet (1989)

Foutaises

"Foutaises" qui signifie "chose insignifiante, sans intérêt" est un petit concentré de sept minutes de tout ce qui fait la magie du cinéma de Jean-Pierre JEUNET. Son générique est le parfait prototype de celui de "Delicatessen" (1990) (bien que la première phrase soit "j'aime pas les étalages de boucherie" on retrouve des acteurs tels que Marie-Laure DOUGNAC et Chick ORTEGA) et son contenu ressemble beaucoup au début de "Le Fabuleux destin d Amélie Poulain" (2001) puisqu'il est construit sur le principe d'une liste binaire en forme de "j'aime" et "j'aime pas" renvoyant à Georges Pérec. Dit comme cela, ça paraît simpliste mais en fait, pas du tout car ce langage renvoie à celui de l'enfance et l'inventaire nostalgique qui suit fait penser à la petite boîte-madeleine de Dominique Bretodeau, ce quinquagénaire qui par le biais des traces matérielles de son passé, renouait avec son enfance, les émotions qui allaient avec et pouvait enfin communiquer avec son petit-fils. Là c'est "la muse" de Jean-Pierre JEUNET qui s'exprime face caméra, Dominique PINON (j'ai lu ce terme dans un article et j'ai trouvé le détournement de ce terme tellement amusant que je le place ici), avec son éternel faciès d'enfant-clown qui se remémore depuis le décor neutre de sa chambre ce qu'il aime (ou n'aime pas) aujourd'hui mais surtout ce qu'il aimait (ou n'aimait pas) hier. Et c'est là qu'intervient le plus l'aspect proustien du cinéma de Jean-Pierre JEUNET. Car comme Amélie Poulain, le héros de "Foutaises" se connecte au monde par les sensations et se remémore le passé par elles, le petit beurre ayant remplacé la madeleine à l'heure du goûter "Quand j’étais gosse, j’aimais l’odeur du pain grillé, le matin, le plastique à recouvrir les livres, à la rentrée, et puis les petits pots de colle blanche, à l’école. J’aimais prendre les escalators dans le mauvais sens, dérouler la toile cirée, et fouler la neige immaculée. Mais j’aimais pas, et j’aime toujours pas, les cadavres des sapins de Noël sur les trottoirs en janvier." Les images qui accompagnent les propos de Dominique PINON accentuent cette nostalgie par leur effet rétro, aspect présent dans tout le cinéma du réalisateur. Dans "Foutaises" on est plongé dans les années trente et soixante (époque de l'enfance du réalisateur) au travers de l'évocation des départs en vacances en train qui sentent fort les premiers congés payés et aussi via des images abîmées de vieux films français tels que "Le Quai des brumes" (1938), d'anciens acteurs tels que Richard WIDMARK ou de vieilles séries comme "Thierry la Fronde" (1963) ou encore d'images de BD franco-belges.

Et c'est là que "Foutaises" prend tout son sens. Car en fait c'est une antiphrase. Jean-Pierre JEUNET laisse entendre à travers son catalogue poétique que ce qui fonde notre identité se trouve dans l'enfance et que celle-ci construit son rapport au monde par les sensations, ces fameux "tout petits plaisirs" qui semblent insignifiants alors qu'ils sont la clé du bonheur qu'on peut emporter partout avec soi à l'image du sable de la plage que l'on retrouve des mois après à l'intérieur des pages du livre lu à ce moment-là. Le fait d'en conserver la mémoire fait de nous des êtres humains à part entière alors que ceux qui l'ont oublié sont coupés d'eux-mêmes et des autres.

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Alien: Résurrection (Alien 4)

Publié le par Rosalie210

Jean-Pierre Jeunet (1997)

Alien: Résurrection (Alien 4)

Alors que "La Cité des enfants perdus" (1994) en dépit de sa sophistication visuelle ne m'a jamais pleinement convaincue, "Alien : Résurrection" (1997) qui reprend une partie de la même équipe (le réalisateur Jean-Pierre JEUNET, le directeur de la photographie Darius KHONDJI, les acteurs Dominique PINON et Ron PERLMAN) a réussi à se greffer habilement sur l'univers créé en 1979 par Ridley SCOTT et ensuite réinterprété par James CAMERON et David FINCHER. Il y a quelque chose de la plasticité du mythe dans cette quatrième relecture qui divise davantage que les trois premières mais qui ne manque pas non plus d'intérêt. Le rire se substitue à l'angoisse, le film ayant un côté franchement grotesque (notamment dans le gore) aussi propre à l'univers de Jeunet que "l'effet bocal" de sa splendide photographie mais la réflexion se situe dans la parfaite continuité des autres volets. Jean-Pierre JEUNET joue comme Ridley SCOTT sur la frontière entre l'humain et le non-humain avec ses savants fous fascinés par leur monstrueux reflet, leurs cobayes/chair à canon et les créatures prométhéennes qui sont issues de leurs expériences. Mais Jean-Pierre JEUNET ajoute une dimension d'hybridation qui n'existait pas dans les autres films réalisés par des américains. La culture anglo-saxonne rétive au métissage et au contraire réceptive au manichéisme se fait sentir dans les trois premiers films où l'alien est pensé comme une projection de la partie sombre de l'être humain, transformée en un "autre" nuisible qu'il faut expulser de soi et détruire quitte à se détruire avec. Dans le Jeunet, le personnage de Ripley (Sigourney WEAVER) a été ressuscité par des manipulations génétiques à partir de prélèvements effectués sur le lieu de sa mort qui ont abouti au mélange de son ADN avec celui de la reine alien qu'elle portait dans son ventre. Conséquence, le sang de Ripley est devenu acide, sa force est décuplée, son corps surgit d'une chrysalide et sa psyché est en étroite connexion avec celle des aliens alors que la reine alien devenue vivipare accouche d'un être hybride humain-alien*. Certes celui-ci est détruit tout comme la reine mais les deux seuls éléments féminins survivants du film, Ripley et Call, sa "nouvelle fille adoptive" (Winona RYDER) qui incarnent l'avenir de l'humanité ne sont humains ni l'un ni l'autre.

* "Parasite" de Hitoshi Iwaaki joue exactement sur le même principe avec l'histoire d'un extra-terrestre qui ayant échoué à prendre le contrôle d'un cerveau humain, se substitue à sa main et devient ainsi une partie de lui au point que leurs deux "personnalités" finissent par se mélanger.

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La Cité des enfants perdus

Publié le par Rosalie210

Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet (1995)

La Cité des enfants perdus

Jean-Pierre JEUNET et Marc CARO avaient commencé à travailler sur "La Cité des enfants perdus" dès le début des années 80 mais par manque de budget, ils avaient été contraints de le remiser au placard au profit d'un film plus modeste mais génial, "Delicatessen (1990)". Son succès permis aux deux réalisateurs de concrétiser leur projet pharaonique qui pourtant s'avéra être pour moi une déception à sa sortie. Et depuis, je n'ai pas changé d'avis:

"La Cité des enfants perdus" souffre en effet de plusieurs défauts rédhibitoires qui en font une belle coquille vide:

- Un défaut de construction d'ensemble. Le scénario manque de substance et de lisibilité.Jean-Pierre JEUNET et Marc CARO semblent d'ailleurs s'en désintéresser et l'utiliser comme prétexte pour étaler leur savoir-faire technique. Cette absence de vraie histoire pèse aussi bien sur le rythme que sur la direction des acteurs. Dans les détails en revanche, le film fait mouche avec une accumulation d'idées visuelles géniales dont les deux compères ont le secret. Par exemple l'hommage à "Freaks/La Monstrueuse parade (1932)" de Tod BROWNING avec l'accumulation de phénomènes de foire, notamment la fumée absorbée par la bouche de l'une des soeurs siamoises et qui sort de la narine de l'autre, les sept Dominique PINON ou encore les cauchemars à base de mutations humaines effrayantes (vieillissement/rajeunissement accéléré, clonage...)

- Un défaut dans la conception des personnages. Il y a beaucoup de personnages dans "La Cité des enfants perdus" mais on a du mal à les cerner, peut-être tout simplement parce qu'ils sont mal définis. Certains ne font que de traverser l'écran et on se demande à quoi ils servent (à caser la bande de fidèles acteurs du duo peut-être? Mais si c'est pour voir Ticky HOLGADO, RUFUS ou Jean-Claude DREYFUS quelques minutes dans des rôles inexistants, ce n'est pas la peine). D'autres disparaissent sans raison au milieu du film (la secte fascisante des cyclopes). Quant aux personnages principaux de One et Miette, ils sont non seulement mal définis mais mal interprétés. Ron PERLMAN n'étant pas francophone, il a du mal à prononcer son texte appris phonétiquement et encore plus, à l'incarner. Quant à la petite Judith Vittet, elle n'articule pas non plus et sort son texte d'un ton monocorde en tirant la tronche ce qui la rend antipathique. De plus, comment peut-on croire un seul instant qu'elle joue le rôle d'une orpheline miséreuse et exploitée alors qu'elle est vêtue d'un costume signé Jean-Paul Gaultier (bon certes, il y a un rapport avec l'univers marin mais pour le reste, c'est hors-sujet).

- Le cruel manque d'humanité de l'ensemble. On voit bien que ce qui a compté au détriment de tout le reste, c'est l'image qui claque. Les "gueules", le joli minois de la petite Miette, sa robe rouge jurant avec la couleur verdâtre prédominante, l'esthétique steampunk à base de plomberies géantes et suintantes, les objets de brocanteur répandus dans tous les coins, les effets spéciaux et images de synthèse habilement intégrés dans un décor réel. Jean-Pierre JEUNETet Marc CARO ont juste oublié qu'ils ne faisaient pas un clip ou une pub mais un film où l'empreinte humaine est indispensable. A trop multiplier les effets, ils ont oublier de donner chair à leur film, trop froid, trop désincarné. C'est d'ailleurs peut-être ce dernier reproche qui a poussé Jean-Pierre JEUNET à réaliser par la suite "Le Fabuleux destin d Amélie Poulain (2001)", film tout aussi autistique que "La Cité des enfants perdus" mais où l'humanisation des personnages et leur désir d'ouverture sur l'extérieur constitue une énorme bouffée d'air frais.

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Micmacs à Tire-Larigot

Publié le par Rosalie210

Jean-Pierre Jeunet (2009)

Micmacs à Tire-Larigot

On retrouve dans "Micmacs à tire-larigot" le savoir-faire et la personnalité de Jean-Pierre JEUNET. Néanmoins la magie n'opère pas cette-fois ci avec autant d'efficacité que dans ses précédents films. Cela tient déjà à une histoire qui privilégie la vengeance sur tout le reste. Je n'aimais déjà pas beaucoup dans "Le Fabuleux destin d Amélie Poulain" (2001) les passages où celle-ci se prenait pour Zorro et faisait intrusion dans l'appartement de Collignon pour lui rendre la vie impossible. Attitude puérile et moralement discutable mais qui heureusement n'était pas au centre du film, il était facile de l'oublier. Or "Micmacs à tire-larigot" repose entièrement sur ce principe ce qui ne rend pas les héros spécialement sympathiques. Ceux-ci sont d'ailleurs très mal définis, c'est une autre des faiblesses du film. Les chiffonniers rappellent moins les locataires de l'immeuble de "Delicatessen (1990)" que les troglodistes qui n'étaient pas l'aspect le plus réussi du film. Chacun d'eux se réduit à une caractéristique liée à son surnom qui n'est pas spécialement drôle, voire consternante (pauvre Yolande MOREAU réduite à faire la "tambouille" pour toute la communauté ou Marie-Julie BAUP la "calculette" humaine! Mais le pire de tous est Omar SY dans le rôle de "Remington" chargé d'aligner les maximes bateau). Leur seule fonction est d'aider (et de servir de faire-valoir) au héros. Mais Bazil (Dany BOON) se réduit à ses malheurs et à sa vengeance et c'est un personnage qui manque cruellement de poésie. Alors certes, on passe un bon moment devant les stratagèmes alambiqués échafaudés par la bande pour faire s'entretuer les deux marchands d'armes (André DUSSOLLIER et Nicolas MARIÉ transfuge de la bande à Albert DUPONTEL). Mais entre un message anti militariste d'une naïveté confondante, des personnages -ou plutôt pantins- stéréotypés et une intrigue parfois confuse, on reste un peu sur sa faim.

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Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain

Publié le par Rosalie210

Jean-Pierre Jeunet (2001)

Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain

"Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain" me fait l'effet d'une inépuisable malle aux trésors à plusieurs entrées. Il y a l'entrée de la réminiscence proustienne par la boîte de bergamotes (et non la madeleine!) de Nancy, il y a tout à côté l'entrée sensuelle delermienne par le sac de grains, il y a l'entrée folklorique du Paris-village par la carte postale, le biais idéologique dans lequel certains s'acharnent à voir une entrée (c'est plutôt selon moi un cul-de-sac) et puis il y a l'entrée autistique par le bocal d'aquarium de Bruno Delbonnel, celle que je vais emprunter aujourd'hui pour faire mieux découvrir cet univers.

Il y a d'abord l'hypertrophie du détail. Lorsque le film commence, il se focalise sur... une mouche. Un détail dont on connaîtra tous les détails de ses derniers instants. Son espèce, ses capacités, sa dernière action, le lieu et la seconde, minute, jour, mois et année de sa mort "Le 3 septembre 1974 à 18 heures 28 minutes et 32 secondes, une mouche bleue de la famille des Calliphoridae capable de produire 14 670 battements d'ailes à la minute se posait rue saint Vincent à Montmartre." Nous sommes directement connecté à l'esprit d'Amélie Poulain (Audrey Tautou), celle qui regarde lorsqu'elle est au cinéma l'insecte qui se pose par mégarde dans un plan de "Jules et Jim" de Truffaut plutôt que les personnages qui en forment le centre.

Il y a ensuite ce défilé de personnages solitaires qui tournent en rond dans leurs (au choix) obsessions, maniaqueries, routines, rituels, ceux-ci les enfermant autant que les aidant à survivre en contenant leurs angoisses. La forme même du film épouse cette manière de vivre en établissant des listes poétiques en vers "à la Prévert" sur le mode "Il/Elle aime", "Il/Elle n'aime pas". Quelques exemples:

-Le père et la mère d'Amélie (Rufus et Lorella Cravotta) aiment nettoyer et ranger régulièrement le contenu de leur boîte à outil/sac selon un ordre bien précis.
-Une fois sa femme décédée, le père d'Amélie lui construit un mausolée qu'il entretient de façon obsessionnelle.
-Raymond Dufayel (Serge Merlin) reproduit le même tableau de Renoir depuis 20 ans.
-Nino (Matthieu Kassovitz) collectionne les photos d'identité ratées en fouillant sous les photomatons.
-Joseph (Dominique Pinon) qui passe ses journées au café à surveiller le comportement de ses ex-petites amies enregistre sur magnétophone des observations qu'il pense être des "preuves" de sa jalousie en mentionnant toujours l'heure et la minute précise (quand on évoque les obsessions autistiques de certains garçons asperger, on prend toujours l'exemple des horaires de train appris par cœur!).
-Georgette (Isabelle Nanty) est une hypocondriaque obsédée par ses maladies imaginaires.
-Amélie ramasse compulsivement des galets plats dont elle remplit ses poches pour ensuite faire des ricochets dans l'eau.

Enfin les problèmes de communication sont au coeur du film et les voies détournées pour y parvenir (les fameux "stratagèmes") un de ses principaux vecteurs poétiques et polémiques, les actions anti-Collignon (Urbain Cancelier) revêtant un aspect intrusif et harceleur peu louable (quoique ce soit aussi un moyen de le faire plonger dans la peau d'un handicapé, lui qui les méprise et les rabaisse à longueur de journée). Le téléphone par exemple est une hantise des autistes. Des téléphones dans "Amélie Poulain" il y en a plein mais ils sont détournés de leur usage habituel. Ils sonnent dans les cabines publiques, mais personne ne répond au bout du fil comme si l'interlocuteur était un fantôme (en fait il se cache et observe de loin l'effet de ses actions). Ou bien il répond brièvement et raccroche aussitôt comme s'il avait affronté une terrible épreuve. Celui d'Amélie est enfoui sous des coussins (parce qu'elle ne s'en sert jamais). Il y a aussi la hantise du contact physique. Le père d'Amélie ne la touche jamais, sauf lors des examens médicaux, Amélie met toute la distance des escaliers de Montmartre entre Nino et elle, ou bien une vitre, ou bien une porte, ou bien des affiches et photos plus ou moins savamment floutées. Lorsqu'enfin elle se laisse approcher, c'est sur le mode d'un lent apprivoisement. Sinon elle s'absente de nouveau (comme le montre la première scène de sexe du film où elle est visiblement ailleurs.) Raymond Dufayel et ses os de verre qui l'obligent à vivre en huis-clos dans un appartement molletonné est un écho d'une Amélie dont l'appartement est un cocon protégé de la lumière de l'extérieur par d'épais rideaux. La plupart des autistes, hypersensoriels, ne supportent pas les lumières vives et les bruits forts. Par contre de toutes petites sensations apparemment anodines (caresser une endive, plonger sa main dans le grain, écouter le son que produit la croûte d'une crème brûlée lorsqu'elle est cassée par la cuillère etc.) deviennent par la voie de l'amplification de grands plaisirs (ce qui rejoint l'hypertrophie du détail). Et le manège/l'attraction par son aspect circulaire est un grand moyen d'apaisement.

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Deux escargots s'en vont

Publié le par Rosalie210

Jean-Pierre Jeunet, Romain Segaud (2016)

Deux escargots s'en vont

Jean-Pierre Jeunet revient à ses premières amours avec ce court-métrage d'animation artisanal remarquable à plus d'un titre:

- Il s'agit de la mise en scène d'un poème de Jacques Prévert, "chanson des escargots qui vont à l'enterrement d'une feuille morte" que l'on peut trouver dans le recueil "Paroles". Il s'agit d'une ode au cycle de la vie et de la nature qui fait le lien entre la mort (automne), le deuil (hiver), la renaissance (le printemps) et la plénitude de la jouissance (l'été), les uns étant indispensables aux autres.

- Chaque vers (il y a en 35 en tout) est déclamé par un acteur de la "galaxie Jeunet" (Dominique Pinon, Jean-Claude Dreyfus, Jean-Pierre Marielle, Rufus, Audrey Tautou, Mathieu Kassovitz, Serge Merlin…) dont certains membres font également partie de la galaxie Dupontel (Albert Dupontel lui-même, Nicolas Marié, Claude Perron, Yolande Moreau…)

- Les bestioles qui déclament chaque vers sont inspirées de l'œuvre du sculpteur Jephan de Villiers que Jean-Pierre Jeunet admire et collectionne. Jeunet les a fabriquées avec des débris végétaux ramassés dans la forêt (bois, feuilles, plumes, noyaux, bogues, écorces, graines…) dans la lignée des photographies contenues dans le livre du sculpteur "Bestioles ou bestiaire pour un enfant roi" et c'est Romain Segaud qui les a animées. Tant de créativité à partir de ce que nous offre la nature et le monde magique de l'enfance, source d'inspiration majeure de Jeunet n'inspire qu'une chose, un total respect!

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Le Manège

Publié le par Rosalie210

Jean-Pierre Jeunet, Marc Caro (1980)

Le Manège

"Le Manège" est le deuxième court-métrage du tandem Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro. Il a obtenu le césar du meilleur court-métrage d'animation en 1981. Il faut dire que les films d'animation pour adultes français n'étaient pas légion à l'époque, il s'agissait d'un créneau marginal et où il était difficile de s'imposer comme le montre l'exemple de René Laloux. Mais Jeunet et Caro qui se se sont rencontrés au festival d'Annecy ont en commun une grande passion pour cette forme de cinéma très visuelle et ouvrant sur un imaginaire débridé. C'est en artisans qu'ils abordent la fabrication du "Manège" qui recourt au procédé de l'animation en volume et stop motion. Jeunet fabrique les squelettes métalliques articulés des personnages, anime et réalise, Caro modèle les corps, les visage et décore le manège miniature qui est au centre de l'histoire. Le court-métrage se distingue également par sa superbe photographie signée d'un autre ami de Jean-Pierre Jeunet promis à un très bel avenir, Bruno Delbonnel. Celui-ci créé une atmosphère nocturne pluvieuse, dense et oppressante où les personnages (pâles et falots) semblent toujours sur le point de se faire engloutir par les ténèbres.

Outre son aspect artisanal et sa photographie, "Le Manège" se distingue aussi par ses contrastes. Il se situe dans le même univers que celui d'Amélie Poulain (un Paris vieillot de carte postale avec sa station de métro art nouveau et son manège de chevaux de bois) mais il en explore le côté sombre. Le tour de manège et l'attraction du pompon rouge semblent un instant marquer une rupture avec cette ambiance pesante et poisseuse mais ce n'est qu'un leurre comme le montre un final particulièrement grinçant.

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Delicatessen

Publié le par Rosalie210

Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet (1991)

Delicatessen

Charcuterie et poésie au menu tout est dit. Mais quel film, quelle pépite que ce premier long-métrage de Jeunet et Caro que je ne me lasse pas de voir et de revoir. C'est comme si Brazil de Terry Gillam avait rencontré Le Jour se lève de Marcel Carné dans les vignettes BD d'un Métal Hurlant. Et ce qui enchante c'est cette créativité débridée alliée à une précision millimétrée, le tout baignant dans une image aux teintes jaune-orangée signée Darius Khondji.

Nous sommes dans un univers rétrofuturiste situé quelque part entre la seconde guerre mondiale et un futur post apocalyptique. Une sorte de décor steampunk à la sauce Front populaire avec un panel de "gueules" d'ordinaire reléguées aux rôles de troisième couteaux mais qui ici dévorent l'image d'autant plus qu'elles sont filmées très souvent en courte focale. Toutes sont affublées de métiers surréalistes. C'est Jean-Claude Dreyfus le boucher spécialiste du découpage d'humains en rondelles, Ticky Holgado en M. Tapioca recycleur d'objets loufoques, Rufus en frère Kube fabricant de boîtes à meuh!, Howard Vernon en M.Potin éleveur d'escargots, le tordant couple bourgeois Interligator (Sylvie Laguna et Jean-François Perrier) dont l'épouse invente des dispositifs plus complexes les uns que les autres pour tenter de se suicider et enfin l'homme à tout faire en sursis, Louison (Dominique PINON) un ancien clown qui enchante tout ce qu'il touche à commencer par Julie (Marie-Laure Dougnac), la douce fille de l'ogre Dreyfus. A cet inventaire déjà fourni viennent s'ajouter les troglodistes, espèce de résistants végétariens vivants dans les égouts et leur pire ennemi, le facteur (Chick Ortega), un fasciste à grosses bottes et révolver mis KO par deux enfants farceurs (quelle belle idée!)

Le film est un quasi huis-clos, se concentrant sur sa micro-société répartie dans les différents étages de l'immeuble. Un immeuble qui est bien plus qu'un décor. Comme chez Terry Gillam, l'obsession pour les conduits et les tuyaux en fait un organisme vivant. De même que les nombreux objets qui grincent, couinent, crient en parfaite synchronisation. L'immeuble fonctionne comme une souricière mais il est si délabré qu'il suffit d'une salle de bains remplie d'eau (qui fait penser au Testament du Dr Mabuse de Fritz Lang) pour provoquer le déluge salvateur.

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