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Articles avec #hitchcock (alfred) tag

Rebecca

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1940)

Rebecca

"Rebecca", le premier film américain d'Alfred HITCHCOCK adapté du roman éponyme de Daphné du Maurier préfigure "Vertigo" (1958) tourné dix-huit ans plus tard. Dans les deux cas, le fantôme d'une morte quasi déifiée revient hanter les lieux vécus de son vivant et entraver le bonheur d'un couple en empêchant la rivale de prendre sa place (sauf à se confondre illusoirement avec elle). Mais la comparaison s'arrête là. "Vertigo" (1958) est une vaste manipulation psychique à plusieurs niveaux (Scottie est manipulé par la fausse Madeleine et son amant puis il manipule Judy en devenant son pygmalion et nous sommes tous manipulés par Hitchcock, le metteur en scène qui s'en donne à cœur joie). Les plus grands manipulateurs de "Rebecca" sont les normes sociales et les individus leurs victimes.

Au premier plan de ce cruel conte gothique à la fois onirique et romantique, il y a le ténébreux Maxim de Winter (Laurence OLIVIER) et la dame de compagnie (Joan FONTAINE) de l'insupportable Mrs Van Hopper (Florence BATES). Même si selon les paroles de la fée des Lilas "un prince et une bergère peuvent s'accorder quelquefois" il s'agit d'une mésalliance aussitôt condamnée par la bonne société pour qui la nouvelle épouse n'a pas l'étoffe d'une grande dame. Le château des Winter, Manderley se referme sur la jeune femme comme une prison dans laquelle la pression sociale devient insupportable. Rebecca, la première femme a ses initiales gravées partout, "occupe" toujours la plus belle chambre du château et revient sans cesse dans les conversations comme un mètre-étalon qu'il est impossible d'égaler. Face à ce fantôme envahissant, omniprésent, qui se nourrit de la dévotion féroce de la gouvernante, Mrs Danvers (Judith ANDERSON) et des silences de Maxim qui est enfermé dans son douloureux secret, la jeune mariée, privée d'identité propre (elle n'a ni nom, ni prénom à elle), naïve, maladroite et totalement ignorante des codes sociaux de l'aristocratie n'arrive pas à trouver sa place ou plutôt à occuper la place qui devrait lui revenir. Et lorsqu'elle y parvient enfin grâce à la libération de la parole de Maxim, cela a un prix, la perte de son innocence.

Mais à l'arrière-plan de ce drame, tel un écho, il s'en joue un autre qui donne toute sa profondeur tragique à ce grand film. Il s'agit de la relation impossible entre Rebecca et Mrs Danvers. Deux personnages au comportement détestable mais qui s'avèrent au final surtout autodestructeurs. Si une relation hétérosexuelle entre un homme riche et une jeune fille pauvre pouvait se concevoir (dans la lignée de "Cendrillon"), l'inverse n'a pas d'équivalent (où est le conte où une jeune fille riche épouse un jeune homme pauvre?) et si en plus on ajoute le facteur supplémentaire de l'orientation sexuelle, on rentre dans l'inconcevable. Pourtant, la visite ultra-érotisée de la chambre de Rebecca ne laisse aucun doute sur l'intensité du désir que Mrs Danvers continue de nourrir à son égard. Un désir qui finira par la consumer, littéralement. Et il apparaît d'autre part que Rebecca qui se jouait des hommes tout en étant incapable d'en aimer un seul était rongée par un cancer.

Ces deux femmes autodestructrices pèsent considérablement sur l'atmosphère de l'histoire car elle tentent d'entraîner dans leur chute Maxim et sa femme. Rebecca a manigancé son suicide de façon à compromettre son mari et à le pousser lui aussi au suicide (la première scène du film montre comment il en réchappe in-extremis). Mrs Danvers quant à elle "travaille au corps" la nouvelle Mrs de Winter pour que, condamnée à échouer dans ses tentatives d'égaler Rebecca, elle finisse par disparaître du paysage.

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L'Inconnu du Nord-Express (Strangers on a Train)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1951)

L'Inconnu du Nord-Express (Strangers on a Train)

Quand Patricia Highsmith rencontre Hitchcock cela donne "L'Inconnu du Nord-Express". Deux rails parallèles qui convergent en un même point avant de se dénouer au terme d'une course folle à bord d'un manège qui s'emballe. A bord d'un train, un homme sans histoire (en apparence), Guy Haines rencontre son double inversé, Bruno Antony pour qui il éprouve des sentiments ambivalents (ça c'est pour Highsmith). En dépit de ses réticences, il accepte de déjeuner avec lui, signant tacitement un pacte faustien (ça c'est pour Hitchcock). Bruno propose de tuer l'épouse encombrante de Guy et demande à ce dernier en échange de le débarrasser de son père qu'il déteste. Bien entendu Guy n'assume pas sa part du contrat et tente de fuir Bruno mais son ombre le poursuit.

Les pulsions sexuelles refoulées et transmuées en pulsions meurtrières sont comme souvent chez Hitchcock au cœur du film. Guy a un problème avec les femmes. Il est pris en tenaille entre "la vierge et la putain" c'est à dire une promise frigide et une épouse lubrique qui "ne pense qu'à ça" (avec d'autres, suggérant ainsi que le pauvre Guy ne la satisfait pas). Tout dans la mise en scène suggère son attraction-répulsion pour Bruno, cet "obscur objet du désir" qu'il refoule mais qui revient toujours le hanter quelque part dans un coin de l'image. Bruno quant à lui est piégé au cœur d'un conflit oedipien. Il souhaite tuer son père par procuration pour (inconsciemment) pouvoir coucher avec sa mère abusive selon un schéma très proche de celui de Norman Bates dans "Psychose". Comme Norman, Bruno est un psychopathe qui éprouve une haine meurtrière vis à vis des femmes, surtout lorsqu'elles sont désirables. L'attirance qu'il éprouve pour Guy est carnassière: il veut le dominer, le manipuler, le dévorer et la fin sur le manège avec le va et vient du sabot du cheval et sa position au-dessus de sa victime métaphorise le viol.

Comme il est impossible dans les années 50 d'exprimer directement de telles turpitudes, tout est en effet suggéré par la mise en scène, les lieux et les objets. Le train et le tunnel ("of love") sont une métaphore bien connue de l'acte sexuel comme dans "La Mort aux trousses" mais comme Hitchcock fusionne l'amour et la mort, le "tunnel of love" devient le "tunnel of death" lorsque l'ombre de Bruno recouvre celle de la femme qu'il s'apprête à étrangler. Un acte qui est filmé comme un baiser et vu à travers les lunettes de la jeune femme, métaphore du regard voyeuriste de la mère castratrice (c'est la même métaphore que la longue-vue de "Fenêtre sur cour" dont le personnage principal a la jambe -c'est à dire sa virilité- dans le plâtre). Et de même que Bruno est le double maléfique de Guy (comme Tom l'était de Jonathan dans "L'Ami Américain" autre transposition d'Highsmith), la femme que Bruno pense avoir détruit renaît à travers un double (joué par Patricia Hitchcock, la fille de Sir Alfred qui a droit à deux zooms saisissants), preuve que la mère est indestructible. Quant aux relations entre les deux hommes, la mise en scène suggère combien elle se développe dans le refoulement et la clandestinité avant que leurs pulsions n'explosent dans la scène du manège, celle-ci étant une scène de violence et de plaisir coupable entremêlés débouchant sur la mort, la petite et la grande.

Si en dépit de toutes ses qualités le film n'est pas tout à fait un chef d'œuvre, c'est la faute de l'interprétation, très inégale. Si Robert Walker est excellent dans le rôle de Bruno, Farley Granger est catastrophique dans celui de Guy. Il est totalement inexpressif, ne semble jamais être vraiment concerné par ce qui lui arrive ce qui affadit le film, celui-ci reposant en partie sur ses épaules.

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La mort aux trousses (North by Northwest)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1959)

La mort aux trousses (North by Northwest)

"La mort aux trousses", c'est le festival du leurre. Un simple quiproquo et Roger Tornhill, un homme d'affaires paisible (du moins en apparence) se retrouve pris pour un espion du FBI. Le voilà embringué dans une histoire qui le dépasse avec de dangereux bandits et des policiers à ses trousses sans compter une somptueuse femme fatale qui le vampe d'entrée de jeu. Entre eux, on peut dire que cela "matche" tout de suite et on est frappé par la sensualité qui se dégage de leurs échanges (quoique la main de Philipp Vandamm/James Mason caressant la nuque de Eve Kendall/Eva Marie Saint soit également très suggestive). Démasquer Eve occupe une grande partie du film et donne lieu à de trépidants retournements de situation.

Mais c'est dans la scène la plus célèbre du film que Hitchcock s'amuse le plus à leurrer le spectateur. Il s'agit bien entendu du moment où Cary Grant est poursuivi par un avion en rase campagne. Hitchcock joue à déjouer toutes les attentes du spectateur. Il fait surgir une Cadillac noire comme dans les polars urbains et nocturnes, il fait entrer dans le champ un homme qui se tient face à Tornhill de part et d'autre de la route comme dans un duel au soleil et tout ça pour détourner l'attention du vrai danger qui provient de là où on ne l'attend pas c'est à dire de nulle part. Car l'avion sulfateur, engin agricole utilitaire ne suscite lui aucune réminiscence cinéphilique chez le spectateur. Du moins avant la sortie du film.

Ce jeu de dupes fonctionne à plein régime tout au long du film dont le rythme ne faiblit pas un instant. Parsemé d'aventures trépidantes et de morceaux de bravoure devenus cultes, ce thriller ludique brasse tous les thèmes hitchcockiens (le faux coupable, la trahison de la femme aimée) mais avec une tonalité légère et une fin heureuse où la métaphore du train entrant dans le tunnel suggère de façon limpide les ébats des héros. On est aux antipodes d'un "Vertigo" et sa sexualité mortifère.

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Les Enchaînés (Notorious)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1946)

Les Enchaînés (Notorious)

« Amour et espionnage : d’un genre a priori conventionnel, Hitchcock tire une œuvre ultrapersonnelle », écrivait Jacques Lourcelles dans son Dictionnaire du Cinéma. Il faut dire qu'avec sa propension à filmer les scènes d'amour comme des scènes de mort et vice versa, Hitchcock n'a eu aucune difficulté à fusionner les deux genres. En résulte un fabuleux jeu de masques sur lequel repose une grande partie du suspense de l'histoire.

Prenons par exemple le personnage de Devlin, l'agent du contre-espionnage américain joué par Cary Grant. Son nom ("Devil Inside") est un indice d'un mal intérieur qui le ronge et l'empêche de faire confiance et de tomber amoureux. Les premières images de lui nous le présentent de dos, comme une énigme indéchiffrable. La première étreinte avec Alicia (Ingrid Bergman) conclue un geste qui avait commencé comme une gifle. Et que penser de ce verre de lait qu'il lui offre et qui ne peut que nous renvoyer à "Soupçons" où Cary Grant jouait déjà un homme mystérieux dont on ne savait s'il était amoureux ou meurtrier. Cette scène préfigure celle où Alicia découvre que son mari et sa belle-mère empoisonnent régulièrement son café après l'avoir démasquée à cause d'indices laissés (involontairement?) par Devlin.

Alicia est en effet prise au piège de ce jeu de masques. Dès le début du film, on la découvre prisonnière de son image de gourgandine et de sa filiation avec un père nazi. Pour échapper à ce carcan, elle boit ce qui renforce encore sa réputation de fille perdue. La scène où elle conduit en état d'ivresse nous laisse entrevoir son attitude suicidaire. Qui se confirme lorsqu'elle tombe amoureuse de Devlin qui la rejette et la méprise puis en devenant l'épouse-espionne d'un ancien nazi, prenant tous les risques (jusqu'au sacrifice) pour se racheter à ses yeux.

Quant à Alex Sébastian, l'ancien nazi, il apparaît surtout comme une victime. De sa femme mais aussi de sa mère qui le domine et le manipule comme une large palette de héros hitchcockiens. A l'opposé de l'image que l'on peut se faire des nazis, il s'avère faible et vulnérable.

Dans cette histoire pleine de faux-semblants et de secrets, les portes et les clés pour les ouvrir jouent un rôle essentiel. Ce sont ces objets ainsi que les boissons qui occupent le devant de la scène, en cristallisent les enjeux et font l'objet d'une mise en scène virtuose.

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Pas de printemps pour Marnie (Marnie)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1964)

Pas de printemps pour Marnie  (Marnie)

"Un certain degré de cinéphilie encourage parfois à préférer dans l'œuvre d'un metteur en scène son grand film malade à son chef-d'œuvre" (François Truffaut à propos de Pas de printemps pour Marnie). Sauf que tous les chefs d'oeuvre d'Hitchcock sont de "grands films malades" ou plutôt de "grands films sur des malades" déguisés en thrillers où le metteur en scène ne cache pas sa jubilation à manipuler le spectateur et le spectateur, son plaisir à être manipulé (oui, oui, lorsqu'il est sublimé, le sado masochisme a du bon ^^^^^).

Pas de printemps pour Marnie est donc le dernier grand film/chef-d'oeuvre d'Hitchcock. C'est aussi l'un des films de lui que je préfère. Il conclut en beauté une période de créativité exceptionnelle, fruit de la collaboration de toute une équipe (on a tendance à l'oublier). Peu après le tournage, son directeur de la photographie Robert Burks et son monteur George Tomasini moururent. Quant au compositeur Bernard Herrmann, véritable signature sonore de cette époque glorieuse, il cessa de travailler pour Hitchcock à la suite de divergences d'opinion sur son film suivant "Le rideau déchiré."

Comme Psychose, Hitchcock entraîne le spectateur sur une fausse piste, celle du thriller pour mieux basculer dans son véritable sujet qui est le drame psychologique: "La vie n'est qu'un thriller, une enquête qu'on mène chaque jour sur soi-même pour tenter d'élucider ses propres zones d'ombre." (Jean-Christophe Grangé)

La virtuosité de la mise en scène éclate dans les scènes de suspense. Celle, muette, où Marnie pille le coffre dans la pièce de droite alors qu'à sa gauche la femme de ménage avance inexorablement et risque de la découvrir. Celle qui suit où Marnie essaye de s'éclipser sans bruit en enlevant ses chaussures mais l'une d'elles glisse de sa poche et tombe sur le sol. Celle où la caméra plonge et zoome vers la porte d'entrée pour révéler l'entrée de Strutt chez les Rutland dans un cadrage identique à celui du début du film où il découvre qu'il a été volé. Va-t-il démasquer Marnie?

Mais les aspects techniques ne constituent pas le seul intérêt du film (sinon ce serait juste un exercice de style). Ils accompagnent une histoire à tiroirs et des personnages complexes aux motivations troubles. Pas de printemps pour Marnie est un film psychanalytique, un des plus freudiens d'un cinéaste fasciné par les profondeurs tourmentées de l'âme humaine. L'héroïne (remarquablement interprétée par Tippi Hedren qui alterne moments de glaciation et moments de crise où elle régresse à l'état infantile) est un "cas clinique" dont le traumatisme d'enfance non soigné perturbe toute sa vie adulte. Hitchcock multiplie les signes et les symboles de sa névrose: le premier plan du film montrant un sac fermé en gros plan symbolise la frigidité de Marnie, sa phobie de la couleur rouge renvoie au sang du meurtre et du viol etc. Mais son mari, Mark (joué par Sean Connery) n'est pas moins intéressant. Dès leur première rencontre, son ambivalence (il est à la fois un prédateur, un protecteur et un sauveur) est mise en lumière "Sophie est un jaguarondi. Je l'avais dressée/A quoi faire?/A me faire confiance/C'est tout?/C'est beaucoup pour une chatte sauvage." Marnie (que l'on peut assimiler aux chevaux qu'elle vénère) devient son nouveau trophée de chasse "Vous m'avez prise au piège comme un animal/C'est vrai, j'ai attrapé l'indomptable. Je vous ai prise et je ne vous lâche plus." On sent chez lui une excitation à dominer cette femme qui lui résiste (très perceptible lors de la scène de viol) qui peut s'apparenter à de la perversion. Richissime et beau gosse, il peut avoir toutes les femmes qu'il désire or il jette son dévolu sur celle qui le fuit et hurle à son approche. En même temps il manifeste une patience et une persévérance à toute épreuve aussi bien pour apprivoiser le "fauve" que pour percer son mystère et l'aider à guérir.

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Soupçons (Suspicion)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1941)

Soupçons (Suspicion)

En fait plus que "Soupçons" le film aurait pu s'appeler Indécision. C'est ce qui fait à la fois son imperfection et son intérêt.

L'intrigue du roman d'origine, centrée sur un personnage masculin criminel n'offrait aucune ambiguïté. Hitchcock fut tenté dans un premier temps de respecter cette intrigue convenue au point de tourner une fin en tous points conforme au roman. Il changea d'avis sous la pression de la RKO qui ne voulait pas que l'image de Cary Grant soit abîmée par un rôle trop sombre. Il réalisa au final un film truffé d'incohérences, bancal mais profondément hitchcockien situé entre "L'Ombre d'un doute" et "Pas de printemps pour Marnie". Un mélange de film policier manipulateur à grosses ficelles et de fine analyse psychologique.

Contrairement au roman, le film est centré sur le personnage de Lina (Joan Fontaine), une riche aristocrate à lunettes et coiffure stricte sous la coupe d'un père castrateur. C'est alors que Johnnie-Cary s'impose à elle, un irrésistible séducteur aux 73 conquêtes qui la fait chavirer autant qu'il l'effraie. Le conflit intérieur s'exprime par exemple lorsqu'elle repousse son baiser en refermant brusquement son sac (un symbole du sexe féminin verouillé identique à celui de Marnie) avant qu'elle ne se ravise en entendant son père évoquer son avenir tout tracé de vieille fille. Cette dynamique se poursuit tout au long du film. Lina épouse Johnnie en cachette contre l'avis de ses parents mais le poison du doute s'insinue en elle et ne la lâche plus, l'empêchant de l'aimer. Sous l'emprise persistante de son père, elle se persuade que Johnnie ne l'a épousée que pour sa fortune et veut se débarrasser d'elle, développant à son égard une paranoïa aiguë, alimentée par ses mensonges et manquements.

La fin de ce drame de l'incommunicabilité aurait pu être tragique mais Hitchcock la retourne comme un gant, la rendant cathartique. N'est-il pas selon Truffaut le spécialiste des scènes d'amour filmées comme des scènes de mort et des scènes de mort filmées comme des scènes d'amour? C'est d'autant plus facile qu'Hitchcock s'appuie sur les zones d'ombre de Cary Grant dont le charme léger dissimule les tourments, notamment sa méfiance vis à vis des femmes dont il mettra des décennies à se débarrasser.

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Psychose (Psycho)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1960)

Psychose (Psycho)

"On ne s'évade jamais vraiment. On est tous pris à notre propre piège." Celui de l'enfermement dans la prison mentale de la névrose ou de la psychose. Tout souligne cet enfermement: les stries du générique, les lattes des stores, les lignes blanches de la route, la pluie dense, les cercles des phares et des lunettes du policier, le trou dans le mur permettant au regard voyeur de s'immiscer, le pommeau de douche et ses lames d'eau, le siphon et l'œil mort qui fixe la caméra. Tout souligne la névrose et la psychose. La musique de Bernard Herrmann hachée, syncopée comme autant de coups de poignard évoque la pulsion irrépressible avant de se changer en fuite en avant lyrique et angoissée. Celle de Marion (Janet Leigh) qui sur un coup de tête s'enfuit avec de l'argent volé poursuivie par les tourments de la culpabilité. Celle de Norman surtout (Antony Perkins) qui dès qu'il désire une femme est saisi de pulsions meurtrières car il a ingéré sa mère castratrice. Le Bates Motel est une métaphore de la psyché torturée de Norman. Le manoir sur(plombant) est son surmoi, le motel est son moi alors que le cloaque du marais représente son ça. Même étagement dans le manoir avec la chambre de la mère en surmoi, celle de Norman en moi et le cellier en ça. Norman qui vit à l'écart du monde et dont le développement s'est arrêté au stade du petit garçon. Norman qui a figé le temps, muséifié les lieux et momifié sa mère pour rejouer éternellement leur relation dévoratrice. Antony Perkins a d'ailleurs été bouffé par un rôle qu'il a vécu de l'intérieur, qui l'a hanté au point qu'il l'a poursuivi toute sa vie. Il n'est pas le seul tant Psychose hante le cinéma mondial depuis 1960 de Brian de Palma à Gus van Sant. Ajoutons qu'Hitchcock ne joue pas seulement avec nos attentes, nos peurs et nos nerfs mais aussi avec la censure américaine. La scène de la douche réussit le tour de force de ne rien montrer tout en donnant l'illusion de tout voir.

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