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Articles avec #hitchcock (alfred) tag

Jeune et Innocent (Young and Innocent)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1937)

Jeune et Innocent (Young and Innocent)


"Jeune et innocent" est un film complètement jouissif pour qui aime Alfred HITCHCOCK. L'un de ces films "tranche de gâteau" qu'il affectionnait. Sa tonalité est résolument légère mais son efficacité redoutable. Et il offre une sorte de best-of made in English de ce que le réalisateur offrira de mieux dans sa période américaine:

- Un travelling mémorable (c'est le passage le plus célèbre du film) qui part du hall d'un grand hôtel rempli de danseurs et s'approche d'un orchestre de jazz composé de blancs grimés en noirs (car on ne se mélangeait pas à cette époque et Hitchcock s'amuse beaucoup à transgresser la règle avec le clochard Will qui s'est introduit dans l'hôtel grimé en bourgeois pour identifier le coupable) jusqu'au très gros plan révélant le tic des yeux de celui que nous savons être le vrai coupable. Hitchcock utilisera un plan virtuose similaire dans "Les Enchaînés" (1945).

- Le thème du faux coupable charmeur en cavale fait beaucoup penser à "La Mort aux trousses" (1959). Et ce d'autant plus qu'il y a un passage où la fille du commissaire, Erica tombe dans un grand trou et est sauvée de justesse par Robert. La façon dont le visage d'Erica est filmé, les mains qui ont du mal à se tenir, tout fait penser à la scène du Mont Rushmore, la couleur en moins.

- Dans la scène de la plage d'où procède le malentendu qui accuse Robert, Hitchcock filme au ralenti des mouettes comme un présage funeste qui fait penser immanquablement à "Les Oiseaux (1962).

Mais le film ne doit pas être réduit à ces références écrasantes. C'est une délicieuse comédie policière proche de la screwball avec son renversement des rôles masculin et féminin (la référence s'impose d'autant plus que Derrick DE MARNEY qui joue Robert endosse un rôle à la Cary GRANT). C'est l'homme qui s'évanouit et est vigoureusement ranimé par une jeune fille intrépide qui avec sa guimbarde s'avère être le moteur de l'action. leur odyssée offre à Hitchcock le plaisir savoureux de caricaturer de nombreuses institutions britanniques (justice, police, famille, piliers de comptoirs) avec en particulier deux flics à la Dupond-Dupont qui m'ont fait beaucoup rire.

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Le passé ne meurt pas (Easy Virtue)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1928)

Le passé ne meurt pas (Easy Virtue)

"Easy virtue", film muet de Alfred HITCHCOCK un peu écourté et abimé par le temps introduit déjà tous ses thèmes de prédilection. Tiré d'une pièce de théâtre de Noël Coward ("Brève rencontre", adapté au cinéma par David LEAN est son œuvre la plus célèbre), il s'agit d'un film de procès. Même lorsque celui-ci semble prendre fin au bout de 20 minutes, il continue implicitement jusqu'au dénouement où il refait surface avec le même plan du juge qu'au début. La structure du film est en effet cyclique et sans issue. La "bonne" société patriarcale y juge une fausse coupable, à l'aune d'apparences accablantes: elle a osé poser pour un peintre qui la courtisait ouvertement et lui a légué sa fortune donc il est forcément son amant et il l'a débarrassé de son mari CQFD. Ce passé la poursuit (thème aussi récurrent chez Alfred HITCHCOCK que celui du faux coupable) jusque sur la Riviera où elle tente de refaire sa vie avec un nouveau prétendant. Mais celui-ci s'avère être un homme faible d'esprit vivant sous la coupe d'une génitrice abusive (combien de marâtres et de mère castratrices chez Alfred HITCHCOCK?) qui rejette l'intruse et finit par percer son secret avec un petit coup de pouce de la presse à scandales. Bref si le thème de la femme de petite vertu (ou jugée comme telle et de ce fait perdue de réputation) est complètement obsolète aujourd'hui, et l'histoire, pas exempte de longueurs en dépit de la brièveté du film, la mise en scène brillante de Alfred HITCHCOCK suffit à relever le niveau et l'actrice principale, Isabel JEANS (ex-épouse de Claude RAINS, le futur mari sous influence matriarcale dans "Les Enchaînés" ^^) (1945) est très émouvante, notamment dans sa réplique finale lorsqu'elle s'offre aux caméras à la sortie du tribunal et qu'elle leur dit "Shoot ! There is nothing left to kill !" ce qui a été traduit par "Allez-y, mitraillez-moi, je suis déjà morte!".

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Agent secret (Sabotage)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1936)

Agent secret (Sabotage)

"Agent secret" (le titre en VO "Sabotage" est bien plus pertinent) fait partie de la période britannique de Alfred HITCHCOCK et a été tourné après "Les 39 marches" (1935) et "Quatre de l'espionnage" (1936). Mais contrairement à ces deux derniers films "Sabotage" est un drame austère d'une noirceur absolue. Si le principal point faible du film réside dans l'écriture bâclée des personnages et une interprétation dans l'ensemble peu convaincante, la mise en scène est déjà au sommet. En témoigne deux scènes restées dans les annales. D'une part celle où le jeune Steve transporte sans le savoir au cœur d'un Londres bondé une bombe dont nous savons à la minute près quand elle doit exploser et où en lui faisant subir divers contretemps (et en insérant sadiquement de nombreux plans d'horloge montrant l'heure qui tourne) Alfred HITCHCOCK joue avec nos nerfs. Cette scène a acquis par ailleurs au XXI° siècle un caractère prophétique: impossible de ne pas penser en voyant le bus exploser aux attentats de juillet 2005 qui avaient notamment soufflé l'étage supérieur d'un autobus à impériale à Tavistock Square et fait 56 morts (dont 14 parmi les passagers du bus)*. Et de l'autre celle de la scène d'explication à table entre Verloc (l'auteur de l'attentat) et son épouse (Sylvia SIDNEY) qui a découvert qu'il était responsable de la mort de son petit frère. La mise en scène (qui pallie le jeu terne des acteurs) suggère si habilement son envie de meurtre à elle et son envie de suicide à lui qu'il devient impossible de savoir qui a accompli le geste fatal. A la limite, ce qui est le plus expressif dans ce passage, c'est le couteau, ou plutôt la caméra qui l'anime. Si le personnage de Verloc (Oskar HOMOLKA) est assez opaque (en dehors de l'argent, on ne comprend pas vraiment ses motivations), celui de son épouse donne une idée assez déprimante de la condition de la femme, celle-ci apparaissant résignée et dépendante. Triste constat.

* Hitchcock pensait qu'il avait eu tort de faire mourir un enfant parce qu'il trouvait que c'était une manipulation détestable des sentiments des spectateurs (qui d'ailleurs ont rejeté le film à l'époque précisément pour cette raison). Mais cela contribue à donner à la scène son caractère réaliste dans lequel on peut reconnaître les sociétés d'aujourd'hui.

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L'Ombre d'un doute (Shadow of a Doubt)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1943)

L'Ombre d'un doute (Shadow of a Doubt)

Remarquable de maîtrise, "L'Ombre d'un doute" réalisé en 1943 est considéré comme le premier film véritablement américain de Alfred HITCHCOCK. C'est en effet une passionnante réflexion sur le manichéisme propre à cette société pour qui le bien et le mal doivent être strictement séparés et ce dernier, éradiqué. Evidemment comme le bien et le mal cohabitent en réalité en chacun de nous, il faut trouver des boucs-émissaires sur lesquels le projeter (les sorcières de Salem, les vilains des comics, les communistes, les musulmans etc.) Ensuite on envoie les gardiens de l'ordre moral (religieux, armée, super-héros) nettoyer la ville/le pays/le monde jusqu'au prochain épisode. Car le problème est qu'on s'ennuie vite sans méchant à l'horizon. La vie perd tout son sens. C'est la réflexion de la jeune Charlie (Teresa WRIGHT) allongée sur le lit de sa chambre dans la maison proprette de la petite ville de Santa Rosa si représentative de l'American Way of life. Il faut dire que le scénariste Thornton WILDER a été chercher l'inspiration du côté de Sally Benson, auteure du roman adapté au cinéma par Vincente MINNELLI sous le titre "Le Chant du Missouri" (1944). Pour rappel, le livre et le film ont pour théâtre une petite ville américaine rose bonbon où tout le monde se connaît et où il ne se passe jamais rien. Comment grandir en vivant ainsi sous cloche? Alors Charlie convoque en esprit son "jumeau maléfique" (même si "L'Ombre d'un doute" n'est pas un film fantastique, il flirte avec le genre d'aucuns l'ayant comparé à "Nosferatu le vampire") (1921) qui dans un montage parallèle saisissant (plan large sur la ville, puis de plus en plus rapproché jusqu'à la fenêtre de la chambre) est lui aussi en train de réfléchir allongé sur son lit à plusieurs centaines de kilomètres de là. Mais il l'entend et il arrive, précédé par les panaches de fumée noire évocateurs crachés par la locomotive (Charles LAUGHTON s'en est sans doute inspiré pour "La Nuit du chasseur") (1955). Le loup est entré dans la bergerie d'une famille américaine typique à la "Mary Poppins" (1964) (père banquier, mère au foyer, trois enfants) pour y semer le trouble en y introduisant le sexe et la mort, l'un et l'autre étant indissolublement liés. Le sexe y est en effet mortifère, l'oncle Charlie (Joseph COTTEN) ayant des pulsions meurtrières vis à vis des femmes qui préfigurent celles de Norman Bates ou du serial killer de "Frenzy" (1972) même si il y rajoute un motif crapuleux qui ne figure pas chez eux. Sa cible privilégiée semble être en effet la riche veuve d'un certain âge c'est à dire un substitut de sa mère (ou de sa sœur, femme au foyer qui vit des revenus de son mari) et le fait qu'il transfère ce trouble sur sa nièce en lui offrant une bague ayant appartenu à l'une de ses victimes supposée confirme le caractère incestueux de leur relation. En acceptant cette bague, Charlie accepte aussi le jeu dangereux que son oncle lui propose. Car en étant aussi fusionnels (ce n'est évidemment pas par hasard qu'ils ont le même surnom), elle peut deviner tout ce que son oncle cherche à lui cacher et dont elle a sans doute besoin pour devenir adulte. A ses risques et périls cependant car en devenant son objet de désir elle devient aussi la cible de ses pulsions meurtrières. La manière dont évolue leur relation fait penser aux femmes qui une fois la lune de miel passée découvrent les zones d'ombre de leur séducteur et se mettent à éprouver de la répulsion en lieu et place de l'attirance (c'est dire à quel point les contraires se touchent). C'est pourquoi il s'agit sans doute du film où la tentative de meurtre ressemble le plus à une scène d'amour. Lorsque Charlie se débarrasse de cette relation trouble, elle sort définitivement de l'adolescence pour embrasser son destin d'adulte qui est de reproduire le schéma maternel et sociétal en devenant l'épouse d'un gardien du maintien de l'ordre et en ne se posant plus de questions.

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Mais qui a tué Harry? (The Trouble with Harry)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1955)

Mais qui a tué Harry? (The Trouble with Harry)

« Mais qui a tué Harry ? » est le film le plus décalé de Alfred HITCHCOCK, une farce macabre teintée d’humour noir british et de surréalisme. La photographie est lumineuse, le ton badin, la musique de Bernard HERRMANN (dont c’était la première collaboration avec Alfred HITCHCOCK), guillerette. On se promène dans les bois, on chasse, on flirte, on joue, on dessine, on lit. Tout cela serait parfaitement anodin s’il n’y avait pas ce cadavre encombrant dans le champ de la caméra que les personnages ne considèrent pas plus qu’un vulgaire bout de bois mais qui leur colle aux basques tel un sparadrap dont ils n’arrivent pas à se débarrasser. "La Corde" (1948) manifestait déjà ce goût de la mise en scène macabre et de l’humour noir. Mais si une partie des personnages se délectait de la situation, une autre partie la vivait à son insu. Dans « The trouble with Harry », le cadavre est exposé à la vue de tous mais ne suscite que de l’indifférence. On se croirait dans une partie de Cluedo puisque tout le monde s’avoue coupable à un moment ou à un autre. L’arme évoquée peut être aussi bien un fusil, une bouteille qu’un talon de chaussure. Cet aspect interchangeable des instruments comme des suspects montre qu’il s’agit de coupables « pour rire » : l’investissement émotionnel étant nul, la culpabilité l’est aussi. Alfred Hitchcock démontre par l’absurde qu’il ne peut y avoir de sens sans implication émotionnelle. Lorsqu’on la retire, tout devient futile et vain. Il y a même quelque chose d’angoissant et de malsain à voir ce petit monde de carte postale champêtre s’agiter ainsi au-dessus d’un cadavre. Ce n’est pas prenant faute de suspense et d’émotion mais cela se déguste comme un bonbon un peu acide et c’est l’occasion d’apprécier une facette inattendue de Alfred HITCHCOCK ainsi que l’adorable Shirley MacLAINE dans son premier rôle important au cinéma.

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La Taverne de la Jamaïque (The Jamaica Inn)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1939)

La Taverne de la Jamaïque (The Jamaica Inn)

"La Taverne de la Jamaïque" est le dernier film britannique de Alfred HITCHCOCK et sa première adaptation d’un roman de Daphné du Maurier avant les deux chefs d’œuvre que sont "Rebecca" (1939) et "Les Oiseaux" (1962). Si "La Taverne de la Jamaïque" est loin d’atteindre ce niveau (le scénario est peu palpitant et le rythme laborieux) il s’agit d’un des rares films tournés par Hitchcock qui se situe dans une autre époque (les autres sont "Le Chant du Danube" (1934) et "Les Amants du Capricorne") (1949). L’atmosphère expressionniste y est particulièrement travaillée pour faire ressortir dualités et faux-semblants. La taverne biscornue s’oppose en tous points au manoir aristocratique néo-classique de Sir Humphrey Pengallan (Charles LAUGHTON). Pourtant derrière cette façade respectable, l’âme de ce dernier s’avère aussi tordue que l’escalier et les murs du repaire des bandits. De l’aveu même de Alfred Hitchcock, Pengallan, faux juge de paix et vrai commanditaire des crimes commis par les bandits est un avatar du « Dr Jekyll et Mr Hyde », sa duplicité étant soulignée par le jeu outrancier de Charles LAUGHTON. Hitchcock éprouve un plaisir sadique à jeter Maureen O HARA (dont c’était le premier rôle important) dans les pattes de ce monstre libidineux et de ses sbires. Il est d’autant plus dommage que Hitchcock n’ait pas offert au personnage joué par Charles LAUGHTON un pendant digne de ce nom. Jem Treharne (Robert NEWTON), le bandit sauvé par Mary Yellard du lynchage s’avère en effet être un officier de justice tout ce qu’il y a de plus plan-plan. Heureusement qu’il y a Mary pour incarner la lumière face aux ténèbres. La scène où elle hisse un tissu enflammé en haut d’un mât pour empêcher un bateau de s’échouer est particulièrement évocatrice.

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Le Procès Paradine (The Paradine Case)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1947)

Le Procès Paradine (The Paradine Case)

"Le Procès Paradine" aurait pu être un grand Hitchcock. On reconnaît d'ailleurs par moments l'empreinte du cinéaste. Il y a du "Vertigo" (1958) dans le duel à distance que se livrent la blonde épouse de l’avocat Anthony Keane et la brune et vénéneuse Mrs Paradine qui l’a fait chavirer en un seul regard. Il y a du "Rebecca" (1939) dans le passage gothique de la visite au manoir et dans l’allure de veuve noire de Mrs Paradine qui détruit tous les hommes qui ont le malheur de croiser son chemin. Il y a du "Les Amants du Capricorne" (1949) dans l’opposition de classe traversant le triangle amoureux du mari, de la femme et de l’amant, ce dernier étant le valet de chambre du premier. Le mépris de classe est également bien perceptible chez l'avocat Anthony Keane qui s'acharne à vouloir faire accuser le valet en lieu et place de Mrs Paradine. Il y a enfin le goût pour les expérimentations formelles telles que le plan circulaire qui tourne autour de Mrs Paradine lors de l’entrée et de la sortie de son amant du tribunal comme si elle avait des yeux derrière sa tête permettant de le voir.

Mais le film souffre de son caractère procédural et surtout d'une trop grande emprise du producteur David O. SELZNICK (avec lequel Alfred HITCHCOCK était en conflit, c'est d'ailleurs le dernier film sur lequel ils ont travaillé ensemble) qui impose un académisme étouffant, dans le choix du casting notamment. Gregory PECK, abonné aux rôles d’avocat ne fait pas british et n’arrive pas non plus à nous faire croire à son soudain envoûtement amoureux, lequel apparaît par conséquent assez ridicule. Louis JOURDAN qui joue le valet est aussi expressif qu’une huître et rend son personnage incompréhensible (il est également sans doute mal écrit). Alida VALLI la séductrice manipulatrice est belle mais trop hiératique pour susciter une quelconque émotion. Ann TODD qui joue l'épouse est transparente. Heureusement qu’il y a Charles LAUGHTON (qui a l'air de s'ennuyer ferme) pour secouer de temps à autre la torpeur de l'ensemble.

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Une Femme disparaît (The Lady Vanishes)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1938)

Une Femme disparaît (The Lady Vanishes)

"Une femme disparaît", l'avant-dernier film de la période anglaise de Alfred HITCHCOCK est un parfait mélange de thriller d'espionnage, de vaudeville et de screwball comédie, semblable à une version en huis-clos de "Les 39 marches" (1935), les allusions au contexte géopolitique en plus.

Le film commence par un travelling aérien sur une maquette d'un village des Balkans assez fantomatique dans lequel se retrouvent coincés par une avalanche un groupe de voyageurs cosmopolites obligés de passer la nuit dans un hôtel surpeuplé. Toute allusion au déclenchement imminent d'une nouvelle guerre mondiale n'est qu'une coïncidence fortuite ^^^^. Mais en dépit de cet arrière-plan dramatique, c'est la comédie qui domine le début du film avec un exposé de situations cocasses voire piquantes dans lesquelles se retrouvent une partie des protagonistes. D'un côté Charters et Caldicott (Basil RADFORD et Naunton WAYNE), deux gentlemen anglais puritains obligés de dormir dans la chambre de la bonne qui se met à l'aise comme s'ils n'étaient pas là. Et de l'autre, Iris (Margaret LOCKWOOD), une jeune femme qui s'est résigné à faire un mariage de raison et voit débarquer sans prévenir dans sa chambre Gilbert (Michael REDGRAVE), le malotru qu'elle a fait déloger parce qu'il faisait du tapage nocturne juste au-dessus d'elle. Ce préambule posé, Alfred HITCHCOCK entre dans le vif du sujet avec un voyage en train aux allures de thriller psychologique. Le coup qu'Iris reçoit sur la tête juste avant le départ altère sa vision du monde qui se teinte d'onirisme expressionniste. C'est pourquoi lorsqu'elle se réveille après avoir fait la sieste, qu'elle constate que la vieille dame qui l'accompagnait, Mrs Froy (Dame May WHITTY) a disparu et que tous les passagers du compartiment ainsi que le Dr Hartz (Paul LUKAS) et le serveur du wagon-restaurant soutiennent que cette dame n'a jamais existé, le spectateur est amené à douter des perceptions d'Iris et à croire qu'elle nage en pleine paranoïa. Elle-même finit par s'y perdre. Néanmoins, Alfred HITCHCOCK parsème assez d'éléments pour qu'une autre version l'emporte, celle qui calque le comportement des passagers du train sur celui des futurs protagonistes de la guerre: un gang de comploteurs affiliés à une puissance étrangère hostile (Hartz se réfère à l'Allemagne nazie alors que l'un de ses complices, Doppo est une allusion à l'alliance avec l'Italie fasciste), un soi-disant pacifiste qui ne pense qu'à sa réputation et sa promotion et le duo isolationniste Charters et Caldicott pour qui seul compte le match de cricket qu'ils risquent de rater (ces personnages symbolisant autant aux démocraties européennes qu'aux USA). Pour que ce petit monde sorte de son aveuglement, il leur faudra affronter l'épreuve de balles bien réelles avec une scène d'action digne d'un western. Et c'est ainsi qu'à l'image de l'opiniâtre Iris (la seule à "y voir clair") et de son principal allié Gilbert, Alfred HITCHCOCK tel un prestidigitateur fait apparaître sous la couverture d'un simple divertissement une vérité grinçante sur ce qui se trame alors en Europe et dans le monde.

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Fenêtre sur cour (Rear Window)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1954)

Fenêtre sur cour (Rear Window)

"Une femme qui est au-dessus de moi, ça me coupe tout" ^^. Cette citation que j'ai lue un jour dans un bouquin de psycho me fait toujours penser à L.B. Jeffries (James STEWART) cloué dans son fauteuil roulant, visuellement autant que psychologiquement dominé par Lisa Fremont (Grace KELLY). Heureusement que pour compenser cet état d'impuissance, il y a la pulsion scopique optimisée par les jumelles et l'objectif qui sont autant de phallus portatifs se substituant à la jambe plâtrée de L.B. Jeffries. "Fenêtre sur cour" est sans doute à ce jour le plus grand métafilm de l'histoire du cinéma en ce qu'il ne se contente pas d'une réflexion désincarnée sur les mécanismes du septième art (et ses dérivés télévisuels, les fenêtres étant autant de petites lucarnes par où épier la vie des autres), il lie ces mécanismes à la sexualité dans toutes ses déclinaisons possibles. Comme le dit Lisa en fermant les rideaux "d'autres attractions vont suivre". "Fenêtre sur cour" est donc autant un traité sur le cinéma que sur la sexualité et les relations amoureuses. Jeffries et Lisa forment un couple sulfureux pour l'époque, non seulement parce que les stéréotypes de genre y sont inversés mais également parce qu'il s'agit d'un couple libre comme le montrent tous les coups d'œil-caméra ultra significatifs du détective Doyle (Wendell COREY) sur la toilette de nuit apportée par Lisa chez Jeffries. Un passage qui en dit long sur le bouillonnement hormonal de Lisa caché derrière son apparence de mannequin sur papier glacé (Grace KELLY atteignant la perfection de la blonde hitchcockienne). C'est l'angoisse typiquement masculine de la dévoration (la photo de l'accident de Jeffries est particulièrement évocatrice avec le pneu détaché de la voiture de formule 1 en train de lui foncer dessus) qui ratatine littéralement Jeffries sur son siège, celui-ci essayant pitoyablement de donner le change avec ses soi-disant exploits d'aventurier photographe qu'une femme ne pourrait pas supporter. Trouillard du sentiment et de l'engagement, il l'est aussi vis à vis de la sexualité qu'il transfère donc dans un voyeurisme exacerbé. A défaut de s'épanouir dans sa vie personnelle, il observe celle des autres, des jeunes mariés accaparés par la passion physique pas encore émoussée aux vieux couples sans enfant en passant par la nymphette croqueuse d'hommes et "Mademoiselle Cœur solitaire", une vieille fille mélancolique. Chacun est une histoire à lui tout seul, d'où la fragmentation de l'écran par les fenêtres qui est aussi signifiante que les champs-contrechamps. Le spectateur s'identifie à Jeffries en voyant par ses yeux tous ces petits fragments d'histoire et en se faisant ses propres films à partir d'eux (par exemple Sébastien Ortiz a écrit un livre entier sur "Mademoiselle Cœur Solitaire" en 2005 extrapolant à partir des 7 minutes de film qui lui sont consacrés). Evidemment la variante meurtrière de l'amour ne pouvait échapper à Alfred HITCHCOCK et c'est l'intrigue autour du représentant de commerce qui prend le dessus sur toutes les autres, transformant le film en polar dont Lisa est l'héroïne et Jeffries le metteur en scène. Un troisième personnage a une importance capitale dans l'histoire, il s'agit de l'infirmière Stella (Thelma RITTER) qui nous livre ses réflexions sur le voyeurisme mis en abyme par le film: "L'intrusion dans la vie privée est répréhensible et il n'y a pas de fenêtres dans les pénitenciers. Autrefois on brûlait les yeux avec un fer rougi à blanc. Ces bikinis affriolants en vaudraient-ils la peine? (…) Nous sommes une race de voyeurs. Les gens feraient mieux de s'occuper de ce qui se passe chez eux." 

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La Corde (Rope)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1948)

La Corde (Rope)

"La Corde" est un tour de force technique mais contrairement à l'acte commis par Brandon et Phillip (et à la vision de Alfred HITCHCOCK lui-même qui qualifiait son film de simple "truc"), il n'a rien de gratuit. Difficile de faire plus oppressant, plus irrespirable que "La Corde". La mise en scène est à l'image du titre et de l'acte commis, elle nous enserre et nous étouffe avec son huis-clos et son illusion de filmage en temps réel. Illusion créée par les raccords de plans-séquence (impossible de faire autrement à l'époque) mais aussi par les changements de luminosité perceptibles à travers la grande baie vitrée. Plus on avance dans le film, plus l'atmosphère s'assombrit, rétrécissant encore plus l'espace vital des protagonistes jusqu'à le réduire à celui du coffre à secret autour duquel ils gravitent tous. Un double secret, sexualité et mort étant indissolublement liés chez Alfred HITCHCOCK sans parler du double sens du "cadavre dans le placard". Ce qui est dissimulé dans ce coffre-placard, c'est autant le non-dit de l'homosexualité du couple dominant-dominé Brandon-Phillip (John DALL et Farley GRANGER) et de leur professeur Rupert (James STEWART) qu'une victime des théories raciales nazies pour lesquels les êtres supérieurs autoproclamés ont le droit de supprimer les improductifs inférieurs. Le tout justifié philosophiquement par une interprétation erronée de la pensée nietzschéenne.
Cependant la "Corde" a aussi une dimension ludique de par son suspense haletant. Le spectateur ayant vu le crime se dérouler sous ses yeux se demande quand celui-ci sera découvert.Alfred HITCHCOCK joue sur cette attente et ne cesse de tendre un peu plus la corde tantôt avec la mise en scène perverse, macabre et provocante de Brandon, tantôt avec les réactions apeurées de Philip qui parvient difficilement à se contrôler, tantôt à l'aide de la mise en scène du film lui-même, que ce soit par les mouvements de caméra (l'apparition "surprise du chef" de Rupert dont on sait qu'il est le seul qui peut découvrir le secret) ou la science du cadre et de la profondeur de champ en plan fixe (la servante qui va et vient entre la cuisine et le coffre dont elle débarrasse le dessus pendant que les autres discutent en hors-champ avant de s'apprêter à l'ouvrir, une gestion de l'espace-temps que l'on retrouve à l'identique par exemple dans "Pas de printemps pour Marnie") (1964). Il est également intéressant de souligner que Rupert comprend tout bien avant d'ouvrir le fameux coffre car il partage les secrets de Brandon et Phillip. Mais il fait tout pour retarder le moment où il devra regarder la vérité en face et assumer ses responsabilités dans le crime commis par ses anciens élèves.

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