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Articles avec #guy (alice) tag

Sage-femme de première classe/La naissance des enfants

Publié le par Rosalie210

Alice Guy (1902)

Sage-femme de première classe/La naissance des enfants

"Sage femme de première classe" est une version XXL (pour l'époque) de "la Fée aux choux", premier film de l'histoire du cinéma réalisé par une femme et l'un des tous premiers relevant de la fiction. XXL car il dure 4 fois plus longtemps que les versions de 1896 (qui s'est autodétruite) et de 1900 qui étaient de 1 minute, il comporte plus de personnages (deux femmes, un homme et six bébés contre une femme et deux bébés dans la version de 1901 et deux hommes, une femme et un bébé dans la version de 1896) et il est plus élaboré avec deux plans fixes se succédant dans deux décors différents, celui de la devanture de la marchande de bébés et celui de l'arrière cour où se trouve le potager dans lequel elle les "cueille" dans les choux pour les vendre, la césure ayant d'ailleurs lieu au milieu du film (soit à la fin de la deuxième minute, le film en comportant quatre au total). Le titre "La Fée aux choux" par lequel le film est parfois désigné provient des confusions qu'a pu faire Alice Guy à la fin de sa vie sur les différentes versions de son travail. S'il n'y a en effet pas de fée dans cette version, le magasin de la marchande de bébés se nomme bien "La Fée aux choux" et se base sur la légende selon laquelle les petits garçons naissent dans les choux et les petites filles dans les roses. Les bébés sont pour la plupart de véritables nouveaux nés que l'on voit d'ailleurs gigoter et que l'on imagine facilement brailler à pleins poumons vus qu'ils sont étendus sur un drap après avoir été "cueillis". Mi conte de fée, mi folklore populaire, cette illustration d'une croyance surannée ne manque pas de charme.

Par ailleurs il existe une polémique sur les premières années d'activités de Alice Guy, un autoproclamé historien du cinéma allant jusqu'à lui dénier la maternité des films qu'elle aurait réalisé entre 1896 et 1902 ce qui revient à l'accuser de mythomanie (aurait on osé remettre ainsi en cause l'autobiographie d'un pionnier masculin du cinéma?). Il considère à partir d'arguments technicistes fallacieux dont on sait qu'ils sont le carburant des négationnistes* de tout poil que "Sage-femme de première classe" est son premier film et qu'elle l'aurait copié sur des versions plus anciennes réalisées par des hommes qui lui auraient -bien évidemment- tout appris (c'est sûr que le sujet n'indique pas du tout qu'il est réalisé par une femme ^^^^^). Nul n'est prophète en son pays et Alice Guy est aujourd'hui mieux reconnue aux USA (plus à l'aise que nous sur le révisionnisme historique*, surtout quand il ne les concerne pas ^^) qu'en France où sa redécouverte est très récente.

* Il convient de ne pas confondre négationnisme et révisionnisme (confusion entretenue par les négationnistes eux-mêmes qui se prétendent historiens alors qu'il s'agit d'imposteurs). Le négationnisme dénie des faits historiques avérés notamment en refusant de croire ceux qui en ont été les acteurs ou les témoins (sur la base de critères subjectifs avoués ou non tels que le racisme, l'antisémitisme ou le sexisme). Pierre Vidal-Naquet les désigne comme étant "les faussaires de l'histoire". Le révisionnisme remet en cause l'interprétation des faits historiques admise jusque là à partir de nouvelles sources. Par exemple c'est l'accès aux archives allemandes sur le régime de Vichy qui a permis à l'historien américain Robert Paxton en 1973 de remettre en cause la thèse de la connivence Pétain-De Gaulle (dite de "l'épée et du bouclier") qui était alors admise en France comme étant la vérité historique.

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La Fée aux choux

Publié le par Rosalie210

Alice Guy (1896 et 1900)

Il existe (au moins) trois versions de "La Fée aux choux". L'originale qui date de 1896 n'a pas été conservée et c'est bien dommage car elle fermerait le bec à ceux qui sans preuves lui dénient son rôle dans l'histoire du cinéma. Celle de 1900 ou 1901 (photo) et enfin celle de 1902 ou 1903, plus élaborée et qui a pour titre "Sage-femme de première classe" ou "La naissance des enfants".

Il existe (au moins) trois versions de "La Fée aux choux". L'originale qui date de 1896 n'a pas été conservée et c'est bien dommage car elle fermerait le bec à ceux qui sans preuves lui dénient son rôle dans l'histoire du cinéma. Celle de 1900 ou 1901 (photo) et enfin celle de 1902 ou 1903, plus élaborée et qui a pour titre "Sage-femme de première classe" ou "La naissance des enfants".

" Si j'étais née en 1873 (…)./Si j'avais travaillé pour Gaumont pendant 11 ans (…]./Si j'avais été la seule femme metteur en scène du monde entier pendant 17 ans, /Qui serais-je?/Je serais connue,/Je serais célèbre/Je serais fêtée/Je serais reconnue./[…] Qui suis-je?/Méliès, Lumière, Gaumont?/Non./ Je suis une femme. (préface de l'autobiographie de Alice Guy, Autobiographie d'une pionnière du cinéma par Nicole-Lise Bernheim).

Si dans l'histoire des Arts, le premier roman est l'œuvre d'une japonaise, Le Dit du Genji de Murasaki Shikibu, l'un des premiers films de fiction de l'histoire du cinéma mondial est "La Fée aux choux" de Alice Guy qui est entrée dans le milieu du cinéma en devenant la secrétaire de Léon Gaumont en 1895 (alors patron d'un laboratoire de photographie avec le destin que l'on sait). La première version de la "Fée aux choux" se situe certes après "L'Arroseur arrosé" des frères Lumière mais elle précède de quelques semaines les premières réalisations de Georges Méliès. Alice Guy a inventé d'abord en France puis aux USA une bonne partie de l'art cinématographique (y compris la colorisation, la superproduction, le making-of et le clip sonore, ancêtre du parlant), se partageant les meilleurs acteurs américains dans les années 10 avec D.W. Griffith et n'hésitant pas contrairement à lui à tourner un film à 100% afro-américain, lui aussi le premier de l'histoire, "A Fool And His Money" en 1912. Elle a également eu un rôle important comme productrice. Elle a été à la tête des productions Gaumont jusqu’en 1907, embauchant des assistants comme Ferdinand Zecca et Louis Feuillade et elle a fondé aux USA la société de production Solax en 1910. "La Fée aux choux" est une métaphore de ce qu'elle a représenté pour le cinéma qu'elle a aidé à mettre au monde en France et aux Etats-Unis avant que celui-ci ne devienne un big business dont les femmes productrices et réalisatrices se sont retrouvées exclues (grosso modo au début des années 20). L'histoire du cinéma, elle aussi accaparée par les hommes tout comme la cinéphilie a parachevé l'œuvre d'emprise du patriarcat sur le septième art en l'oubliant malgré tous les efforts d'Alice Guy pour retrouver ses films et prouver qu'elle en était bien la réalisatrice. Ainsi alors que Georges Méliès bénéficiait d'une réhabilitation dès 1925 dans l'anthologie de Georges-Michel Coissac, elle n'y était même pas mentionnée. George Sadoul a attribué ses films à d'autres, Henri Langlois l'a négligée, Henri Toscan du Plantier, directeur de la Gaumont de 1975 à 1985 ne savait même pas qui elle était, ignorant l'histoire de sa propre société. Aujourd'hui, sa réhabilitation est en marche, surtout aux Etats-Unis où Martin Scorsese, un grand admirateur de la cinéaste au même titre que Georges Méliès lui a remis un prix honorifique en 2011 et a écrit une nouvelle préface pour la réédition de son autobiographie (à quand un "Huguette Cabret"? ^^^^) et en 2018, un documentaire a été diffusé à Cannes hors-compétition "Be natural, the untold story of Alice Guy-Blaché". Mais il n'a pas été distribué en France où l'accès à ses œuvres reste plus difficile. Néanmoins dans les années 80, un téléfilm "Elle voulait faire du cinéma" retraçait déjà son parcours avec (faut-il s'en étonner?) Christine Pascal dans son rôle et un prix Alice Guy est décerné depuis 2018 au meilleur film français réalisé par une femme.

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