"Harold professeur de danses" ou "Lui professeur de danses" est l'un des nombreux courts-métrages burlesques (environ 160!) tourné par Harold LLOYD avec Snub POLLARD pour la plupart d'entre eux sous la direction de Alfred J. GOULDING pour la Rollin Film Company fondée par Hal ROACH. Si Harold Lloyd était surnommé "l'homme aux lunettes d'écailles", son partenaire n'avait pas encore de signe caractéristique lorsqu'il fut recruté par Hal Roach aux studios Essanay où il avait tourné quelques courts-métrages avec Charles CHAPLIN entre 1915 et 1916. Dès son arrivée à la Rollin Film, Snub Pollard eut l'idée de se faire une "kaiser moustache" mais par inadvertance, il se la colla à l'envers et garda cet attribut jusqu'à la fin de sa carrière.
Dans "Harold professeur de danses", les deux hommes sont des SDF pourchassés par la police à la suite d'un larcin. Leur route croise celui d'une danseuse vamp (Bebe DANIELS, la partenaire féminine habituelle du duo) qui est elle aussi pourchassée mais par des admirateurs. Telle un aimant, celle-ci attire les deux hommes dans un cours de danse où ils sont pris à tort pour les nouveaux professeurs ce qui donne lieu à la meilleure scène du film. Celle où ils font une démonstration de leurs talents, bien émoustillés par le gynécée qui s'ébat autour d'eux (ce qui explique sans doute leur costume préhistorique). On voit au passage la différence d'amplitude physique et d'abattage entre Snub Pollard qui se contente d'un périmètre étroit et Harold Lloyd qui occupe tout l'espace, danse, séduit, détrousse le directeur au passage après l'avoir aspergé de morceaux de banane et même échappe un temps à la poursuite en descendant le long d'un immeuble comme une préfiguration de "Monte là-dessus !" (1922).
Harold Lloyd est à tort considéré comme moins important que Chaplin et Keaton. Pourtant "From hand to mouth", l'un de ses meilleurs courts-métrages comiques réalisé en 1919 a une parenté avec l'un et l'autre. D'une part il rappelle fortement le "Kid" et "Une vie de chien". Ici Lloyd ne joue pas au col blanc mais au SDF affamé qui cherche toutes sortes d'expédients pour assouvir son appétit aidé d'une gamine (Peggy Cartwright qui a commencé sa carrière bébé dans "Naissance d'une nation" en 1915!) et d'un chien. D'autre part la géniale scène de course-poursuite finale où Lloyd entraîne à sa suite de plus en plus de policiers ressemble beaucoup au style Keaton, de même que celle où il poursuit à vélo le gang qui a enlevé la riche héritière.
C'est le premier film d'Harold Lloyd avec Mildred Davis qui remplaçait alors Bebe Daniels partie travailler avec Cecil B. DeMille.
Ce court-métrage d'Harold Lloyd se distingue par son petit côté surréaliste. Il interprète l'employé d'un théâtre qui perd la boule à cause d'une actrice et commet bourde sur bourde. Par exemple il oublie d'ouvrir le rideau au moment de la représentation ou s'invite sur scène à côté de l'acteur pour lui disputer la jeune femme. Cette négation/transgression des conventions théâtrales s'accompagne de sympathiques tours de passe passe qui estompent la frontière entre le vrai et le faux: bar en trompe l'oeil, tuyau sans gaz, cage entourant un escalier fantôme prétexte à un gag illusionniste particulièrement bien millimétré, patate chaude du serpent que l'on se repasse de main en main etc. Bref le spectacle est à plusieurs niveaux et il faut admirer la virtuosité et l'inventivité des numéros.
Court-métrage d'une dizaine de minutes dont l'effet comique principal repose sur le contraste entre Harold Lloyd, jeune homme d'apparence frêle et bien élevé et le milieu de rustres dans lequel il se produit. D'un côté la bourgeoisie urbaine de la côte est, de l'autre le Far West, ses saloons minables et ses hors-la-loi. Les efforts méritoires d'Harold pour "s'encanailler" (ou plutôt se mettre à la hauteur du dangereux bandit qui a échangé son identité avec lui) se soldent par de piteux échecs. Heureusement celui-ci reçoit des renforts qui l'aident à en venir à bout.
Le mélange de comédie et de western est une spécialité d'Harold Lloyd. Deux ans plus tard, il figurera dans un autre court-métrage du même genre (mais bien plus drôle): "Pour le cœur de Jenny" (également appelé "Viré à l'ouest"). L'index révolver qu'il utilise pour jouer préfigure le style de Chico Marx dans les films où il apparaît avec ses frères.
Court-métrage d'une dizaine de minutes, "The Marathon" est une course-poursuite entre prétendants d'une jeune fille de bonne famille dans laquelle Harold, modeste jeune homme va semer la zizanie. Pour échapper à la colère du père et de ses rivaux, il imagine des stratagèmes hilarants. Le plus réussi de tous étant sans conteste la scène du miroir brisé qui à inspiré Max Linder deux ans plus tard pour "7 ans de malheur". La similitude des deux scènes est frappante, celle du film de Lloyd étant juste moins développée que celle de Linder, format court oblige. Ajoutons que la paternité de cette scène de miroir ne revient ni à Lloyd ni à Linder. On en trouve déjà une version embryonnaire dans "Charlot chef de rayon" réalisé par Chaplin pour la Mutual en 1916.
"Harold à la rescousse" est l'un des premiers courts-métrages d'Harold Lloyd dans son personnage de "l'homme aux lunettes d'écaille". Il s'agissait de le tester auprès du public américain pour voir si celui-ci allait mordre à l'hameçon. Bien entendu la réponse fut oui et Lloyd devint le troisième grand comique burlesque américain de cette période avec Chaplin et Keaton.
"Harold à la rescousse" est une comédie irrésistible par son rythme échevelé, la variété de ses gags et sa justesse d'observation. En endossant frauduleusement le costume du maître-nageur pour faire tomber toutes les filles à ses pieds, Lloyd caricature avec jubilation un emploi qui dans le film consiste plus à se faire mousser qu'à sauver son prochain. Le vrai maître-nageur de l'histoire est d'ailleurs vieux, gros et antipathique ce qui ne l'empêche pas d'avoir du succès. S'y ajoute une séquence vaudevillesque hilarante où Lloyd en véritable sale gosse intervertit les panneaux accrochés aux portes des cabines de douche et de déshabillage ce qui crée toutes sortes de quiproquos mettant en péril la paix des ménages
L'image la plus célèbre d'Harold Lloyd après celle où il est suspendu à une horloge est celle où ses cheveux se dressent sur sa tête. Elle provient du "Manoir hanté" qui en dépit de son titre n'est pas qu'une histoire de fantômes. C'est avant tout un court-métrage burlesque qui progressivement glisse dans le fantastique ou plutôt dans l'illusion du fantastique car après-coup, toutes les apparitions trouvent une explication rationnelle. Il y a l'oncle avide d'hériter du manoir qui cherche à faire déguerpir les jeunes gens en les effrayant. Il y a aussi l'intervention aggravante des serviteurs noirs, crédules et morts de peur selon les clichés racistes en vigueur à l'époque.
Il n'y a pas que le fantastique qui est déjoué dans ce film que l'on pourrait renommer "La perte des illusions" et ce à plusieurs niveaux. Les tentatives de suicide de Lloyd qui se soldent toutes par un échec jouent beaucoup sur l'illusion (le pistolet est factice, le lac est peu profond, le tramway change de direction au dernier moment etc.) D'autre part le mariage en prend pour son grade. Ainsi le jeune premier élégant joué par Harold Lloyd déploie une énergie considérable pour demander la main d'une fille qui pendant ce temps se console dans les bras d'un autre. Ce n'est pas mieux avec l'héritière du manoir qui a besoin d'un mari juste pour pouvoir hériter. L'avocat débarque alors avec un kit prêt à l'emploi: Lloyd (attrapé dans la rue alors qu'il allait tenter une énième fois de se suicider), des alliances, un prêtre et un livre de cuisine (la vision de la femme est tout aussi cliché que celle des noirs). Seule l'épreuve de la nuit dans le manoir transforme le mariage d'intérêt en vrai couple.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.