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Articles avec #gobert (fabrice) tag

Mytho

Publié le par Rosalie210

Fabrice Gobert, Anne Berest (2019)

Mytho

"Mytho" est une série de deux saisons de six épisodes d'environ 45 minutes chacun qui détone un peu dans le paysage audiovisuel français. C'est sans doute son étrangeté au carrefour de plusieurs genres (comédie, drame aux lisières du fantastique) et son aspect amoral inconfortable qui explique sans doute le relatif insuccès de sa deuxième saison qui a condamné la réalisation d'une troisième et dernière saison qui aurait sans doute offert une fin à une histoire qui reste en suspens. Dommage car la série est originale à plus d'un titre. Elle commence comme une sorte de "Desperate Housewives" (2004) à la française (on pense aussi à "La Vie domestique" (2013) qui est la transposition en France d'un roman anglo-saxon se déroulant dans les banlieues résidentielles aisées) et se termine presque comme "Scènes de la vie conjugale" (1972) où après s'être désuni, un couple se reforme selon des modalités différentes. L'ancrage dans un univers de banlieue américanisé est assez caractéristique du réalisateur, Fabrice GOBERT, ainsi le lycée de "Simon Werner a disparu…" (2009) également situé en banlieue avait en son centre un gigantesque campus. Autre élément commun, faire surgir l'étrangeté et l'énigmatique du quotidien le plus banal. On suit en effet sur plusieurs années les péripéties de la famille Giannini-Lambert dont la vie en apparence sans histoires suit en réalité des chemins de plus en plus tortueux. La première saison repose toute entière sur un mensonge que la mère, Elvira (Marina HANDS) élabore pour enfin exister aux yeux de sa famille qui la néglige. Mensonge dont on voit d'abord les effets bénéfiques sur les relations familiales et les avantages sociaux qu'elle en tire (non sans effets comiques ni sentiment de jouissance du spectateur qui connaît par ailleurs les autres petits secrets de chaque membre de cette famille composé de membres très individualistes) avant que tout ne se dérègle. La deuxième saison qui se déroule principalement à noël, fête familiale par excellence offre pourtant derrière sa façade lumineuse et colorée de sa banlieue un paysage de désolation qui s'étend bien au-delà de la famille Lambert, donnant à la série une tournure presque inquiétante. Les auteurs (Fabrice GOBERT et la scénariste Anne BEREST) multiplient les références au cinéma de Jacques DEMY et Agnès VARDA, les parents de Mathieu DEMY qui joue Patrick, le mari d'Elvira: le tarot, le cancer, l'errance, le métier de photographe, Nice et son casino, les soeurs jumelles échappées de "La Cité des enfants perdus" (1994), l'effroyable bonheur conjugal, la transidentité et l'homosexualité (tous deux portés par le fils des Lambert, Sam joué par Jérémy GILLET et sur un mode frustré et vachard par le patron d'Elvira joué par Yves JACQUES) et en point d'orgue, le thème de l'inceste qui est lui concentré entre les mains de Lorenzo (Luca Terracciano). Autre actrice dont ils utilisent l'aura, Catherine MOUCHET, la "Thérèse" (1986) de Alain CAVALIER dont la place devient de plus en plus importante au fur et à mesure que sa secte devient le refuge des membres de familles en rupture avec les leurs. A ces influences fortement revendiquées s'en mêlent d'autres, anglo-saxonnes surtout telle que la hache de "Shining" (1980) ou les écarts à la norme et pétages de plomb de "American Beauty" (1999) sans parler de forts relents de "Thelma et Louise" (1991) (mais le road-movie entre filles se fait plutôt dans les sciences occultes que dans le désert américain).

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Simon Werner a disparu...

Publié le par Rosalie210

Fabrice Gobert (2009)

Simon Werner a disparu...

Le premier film de Fabrice Gobert qui se situe au carrefour du teen-movie et du thriller a pour principaux atouts sa mise en scène plutôt bien maîtrisée et son atmosphère qui font penser toutes deux à "Elephant" de Gus Van Sant. Même construction labyrinthique autour d'une énigme centrale, même jeu sur les points de vue différents des mêmes événements qui transforme le film en puzzle, même découpage en chapitre, chacun portant le nom de l'un des lycéens impliqué dans l'intrigue. La musique originale de Sonic Youth, la photographie de Agnès Godard et la photogénie des lieux complète l'ensemble*. 

Néanmoins le film manque de crédibilité (pour ne pas dire de professionnalisme) sur plusieurs aspects cruciaux. Tout d'abord, seuls quelques détails vestimentaires et technologiques renvoient aux années 90, époque à laquelle est censé se situer l'intrigue. Cette reconstitution ne suffit pas à masquer le fait que le film a été tourné en 2009 et sent le "fake" à plein nez (c'est involontaire et c'est là qu'est le problème). Ensuite le jeu des acteurs (pour la plupart débutants à l'époque, y compris Ana Girardot, la "fille de") est inégalement convaincant et ils ne sont globalement pas assez dirigés. Par conséquent, il y a un décalage certain entre une histoire censé être dramatique (la disparition d'un puis de plusieurs élèves, la découverte d'un cadavre) et la désinvolture avec laquelle la plupart de ces jeunes se comportent, continuant à ne se préoccuper que de leurs petit nombril parfaitement insipide (d'autant plus que les dialogues sont affligeants de platitude). J'ai beaucoup de mal à imaginer que de tels événements ne les affecteraient pas davantage, tout comme la vie du lycée dans son ensemble. Enfin la caractérisation des personnages nuit au film. Chacun est enfermé dans son stéréotype et n'en sort pas. C'est particulièrement dommage pour celui du souffre-douleur qui distille une certaine mélancolie et hante le dédale du lycée grâce au fait que son père y possède un logement de fonction. On aurait aimé en savoir plus afin de voir émerger une vraie réflexion sur les affres de l'adolescence mais le film reste à la surface des choses.

* Le lycée François Truffaut de Bondoufle dans l'Essonne où se déroule l'essentiel du film est un "délire" d'architecte construit au début des années 90. Si le bâtiment, perdu au milieu des champs n'est pas adapté à son milieu (les toits-terrasses sous le climat de la région parisienne ce n'est pas l'idéal), il est parfait en tant que décor cinématographique avec ses longs couloirs, ses baies vitrées et son campus central. Un atelier cinéma y a été créé en 2004 auquel j'ai participé la première année et a abouti à la fabrication d'un court-métrage, suivi de nombreux autres que l'on peut trouver sur le site du lycée sous le titre "Bondouflywood" à la rubrique vie culturelle-cinéma.

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