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Articles avec #film d'histoire ou de memoire tag

Flee (Flugt)

Publié le par Rosalie210

Jonas Poher Rasmussen (2020)

Flee (Flugt)

"Flee" (et heureusement) n'est pas un énième film d'animation sur l'oppression du régime des Talibans en Afghanistan. Ces derniers n'occupent qu'une place périphérique dans le récit, même s'ils sont à l'origine de l'exil d'Amin et d'une partie de sa famille. En matière de violation des droits de l'homme et de traitements inhumains et dégradants, presque tout le monde est renvoyé dos à dos: le régime communiste de Kaboul à l'origine de l'arrestation et de la disparition du père d'Amin ainsi que de l'exil de son grand frère (pour échapper à l'enrôlement dans la guerre qui l'opposait aux moudjahidines soutenus par les USA); la police russe post-soviétique totalement corrompue qui harcèle Amin et sa famille à cause de sa situation irrégulière dans le pays; les passeurs qui les font traverser dans des conditions qui mettent leur vie en danger; les occidentaux qui regardent ces migrants comme des attractions touristiques, les enferment en centre de rétention et les traitent comme des parias; les procédures de demande d'asile qui obligent à trafiquer les faits etc.

Toutes ces péripéties proviennent du récit d'Amin, brillant universitaire d'origine afghane réfugié au Danemark que le réalisateur a rencontré lorsqu'il est arrivé dans son village alors âgé de 16 ans et avec lequel il est devenu ami. 20 ans plus tard, Jonas Poher Rasmussen a l'idée de le faire parler et de transformer ce témoignage en film d'animation, ponctué d'images d'archives live fournissant des repères historiques. L'animation elle-même est de deux sortes: réaliste dans les moments calmes, elle se transforme en esquisse lorsqu'on touche à la mémoire traumatique d'Amin, c'est à dire aux épisodes de fuite et d'arrestation (en cela, j'ai pensé à un autre récit de réfugiés de guerre transposé en animation "Josep") (2020) et aussi bien sûr à "Valse avec Bachir" (2007) pour la confession d'un traumatisme qui remonte peu à peu à la surface). Peu à peu, Amin est amené à se défaire de la version officielle de sa vie, telle qu'il l'a donnée à son arrivée au Danemark en tant que réfugié mineur isolé et telle qu'il nous la donne au début du film. En effet, même une fois à l'abri, on découvre que celui-ci est resté prisonnier de son passé qu'il a tenu secret et que celui-ci l'empêche de se projeter dans l'avenir. Hormis dans le domaine de sa carrière, Amin a tellement peur d'être trahi (comme il l'a été à plusieurs reprises) qu'il est devenu paranoïaque et répugne à s'engager. Ce réflexe de dissimulation recouvre une autre dimension de la personnalité d'Amin, son homosexualité, taboue en Afghanistan, qui colore son ressenti mais qu'il ne peut ouvertement exprimer qu'à son arrivée au Danemark. Enfin, le film est une réflexion sur le poids des liens familiaux: l'entraide s'avère être un facteur décisif dans la réussite de l'entreprise mais la séparation également. Quant à l'intégration, on voit bien comment elle est entravée par ces mêmes liens qui font passer la famille (et sa survie) avant tout autre engagement sans parler du sentiment de dette que Amin ressent envers ceux qui se sont sacrifiés pour lui.

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Le Crabe-Tambour

Publié le par Rosalie210

 Pierre SCHOENDOERFFER (1977)

Le Crabe-Tambour

C'est le premier film que je vois de Pierre SCHOENDOERFFER et ce qui m'a frappé tout de suite, c'est à quel point il respire le vécu: un vécu de marin, de soldat et de reporter de guerre nourri aux mêmes livres d'aventures que l'acteur Bernard GIRAUDEAU qui avait été mécanicien dans la marine nationale (celle-ci joue un rôle central dans "Le Crabe-Tambour"). D'ailleurs le père de Bernard Giraudeau qui était militaire avait été envoyé en mission en Indochine et en Algérie alors que Pierre SCHOENDOERFFER avait été fait prisonnier à la fin de la première de ces deux guerres de décolonisation avant de partir documenter la seconde. Enfin les deux hommes outre une carrière dans l'armée et au cinéma étaient eux-mêmes devenus romanciers, les livres de Pierre SCHOENDOERFFER ayant servi de support à ses deux films les plus célèbres, "La 317ème section" (1964) et donc "Le Crabe-Tambour". Deux films entretenant une relation étroite au travers de l'itinéraire des frères Willsdorff inspirés par l'histoire des frères Guillaume, le premier tué en Algérie à la tête de son commando, le second devenu lieutenant de vaisseau. Dans la fiction, l'adjudant Willsdorff (Bruno CREMER), central dans "La 317ème section" qui se déroule en Indochine est juste mentionné sur un journal dans "Le Crabe-Tambour" lorsqu'il meurt en Algérie. Dans "le Crabe-Tambour", on découvre au travers de flashbacks l'existence de son frère, le lieutenant Willsdorff (joué par Jacques PERRIN qui dans "La 317ème section" était le sous-lieutenant que Bruno Cremer secondait) ayant également traversé les deux guerres avant de devenir capitaine de pêche sur un chalutier au large de Terre-Neuve.

C'est donc vers cet homme devenu un fantôme hantant les souvenirs de ceux qui l'ont croisé que vogue le navire d'escadre Jauréguibbery. A son bord un commandant taciturne, dissimulant sa maladie et son infirmité sous son code d'honneur (Jean ROCHEFORT alors à contre-emploi), son confident, le médecin du bord (Claude RICH) et enfin le chef-mécanicien, un vieux loup de mer breton friand d'histoires bigoudènes (Jacques DUFILHO). On est pris dans une expérience immersive puissante oscillant entre le documentaire (de nombreuses scènes sont saisissante de réalisme et minutieusement documentées: vie à bord d'un navire de guerre en mission d'assistance à la Grande pêche sur les bancs de Terre-Neuve, transfert et soins des marins-pêcheurs blessés et malades, découpe du poisson en haute-mer etc.) et le mythe à la manière d'un roman de Emile Zola. La manière dont la mer est filmée par Raoul COUTARD, compagnon de route de Pierre SCHOENDOERFFER sur les théâtres de guerre et chef-opérateur de la nouvelle vague (c'est le cas de le dire) en fait un être vivant, actrice du film à part entière tous comme les bateaux qui ressemblent à de grands animaux marins. Quant au code d'honneur des militaires qui est lui aussi central dans le film, il m'a fait penser avant même que je ne le découvre à celui de Arthur HARARI, "Onoda, 10 000 nuits dans la jungle" (2021). Je ne savais pas encore (et Arthur Harari non plus puisqu'il ne l'a découvert qu'a postériori) que "Le Crabe Tambour" s'ouvre justement sur une référence directe au véritable Onoda qui venait alors à peine de se rendre en 1974 après trente ans passés dans une réalité parallèle à continuer une guerre officiellement terminée en 1945 au nom de la parole donnée et des engagements pris et non révoqués, le lien d'homme à homme étant plus important que les décisions de l'Etat.

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Diplomatie

Publié le par Rosalie210

Volker Schlöndorff (2014)

Diplomatie

Diplomatie repose sur un dispositif particulièrement efficace, tiré de son origine théâtrale: une unité de lieu (la suite de l'hôtel Meurice où le gouverneur allemand von Choltitz avait établi son QG), une unité de temps (la nuit de la libération de Paris du 24 au 25 août 1944) et une unité d'action autour d'un enjeu clair: le sauvetage de la capitale de la destruction ordonnée par Hitler. Le dialogue tendu à huis-clos entre von Choltitz et le consul de Suède Raoul Nordling parvient à captiver et Volker Schlondörff réussit également à éviter le théâtre filmé, d'une part en collant aux basques des acteurs (Niels Arestrup et André Dussollier, tous deux excellents qui reprennent les rôles qu'ils interprétaient déjà sur les planches) et de l'autre en n'oubliant jamais le troisième protagoniste de l'histoire: Paris. Le générique de début qui à l'aide d'images d'archives relate la destruction de Varsovie rappelle que la seconde guerre mondiale fut une guerre d'anéantissement dans laquelle des villes entières furent rasées au nom de la guerre totale. Plus discrètement, la fenêtre ouverte sur la ville pendant la joute verbale de Choltitz et Nordling reflète l'évolution de leur négociation: de silencieuse et plongée dans la pénombre, elle s'éclaire et s'anime peu à peu. Enfin, de nouvelles images d'archives montrent les rues de la capitale transformées en champ de bataille lors de l'arrivée de la division Leclerc.

La pièce de théâtre comme le film prennent cependant de grandes liberté avec la vérité historique. Nordling et Choltitz se sont rencontrés plusieurs fois et avaient besoin d'un interprète, supprimé dans la fiction parce que cela aurait alourdi la dramaturgie. L'action de Nordling qui jouait le rôle d'intermédiaire entre les allemands et la Résistance a été considérablement simplifiée alors que la décision de von Choltitz d'épargner la ville n'a pas seulement été motivée par l'intervention de Nordling. D'autres acteurs firent pression sur le général qui par ailleurs étant sur le terrain, avait conscience de l'inutilité voire de l'aspect contre-productif d'un tel acte, sans parler du fait qu'il n'aurait pas eu les moyens de l'accomplir (en tout cas pas comme cela est présenté dans le film). Enfin von Choltitz savait que la guerre était perdue et espérait ainsi que cet acte effacerait son ardoise, lui qui avait participé à de nombreux crimes commis par l'armée allemande à l'est. De même que le scénario évacue le fait que Nordling avait des intérêts dans la capitale et n'oeuvrait pas seulement pour la beauté du geste, il n'est jamais fait mention de la différence de traitement entre l'ouest et l'est, là où les nazis déployèrent toute l'étendue de leur barbarie au nom de la lutte contre le judéo-bolchévisme (et de leur théorie raciale du sous-homme slave).

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Molière ou la vie d'un honnête homme

Publié le par Rosalie210

Ariane Mnouchkine (1978)

Molière ou la vie d'un honnête homme

"Molière ou la vie d'un honnête homme" qui totalise quatre heures (en version cinéma avec deux époques de deux heures, il existe aussi une version en épisodes télévisés de cinq fois une heure) est l'équivalent cinématographique du haut-relief de l'Arc de Triomphe "La Marseillaise" de François Rude: ces deux monuments historiques avec leurs visages si expressifs saisis dans la pierre/le nitrate d'argent sont traversées par un souffle épique saisissant et intense sur lesquels le temps n'a pas de prise. D'ailleurs s'il y a une chose qui définit la fresque monumentale que Ariane Mnouchkine a consacrée au prince de la comédie à la fin des années 70 c'est paradoxalement sa légèreté et son dynamisme. Ce "Molière" est une ode au mouvement avec de nombreuses scènes d'itinérance utilisant une diagonale qui accentue la profondeur de champ dans des paysages superbes. Dans ces scènes en particulier, le vent joue un rôle essentiel. D'ailleurs, l'une de celles qui m'était le mieux resté en mémoire montre le théâtre de la troupe Dufresne jouant en plein air emporté par le vent, poursuivi par la troupe de Molière jusqu'au bord d'un précipice. Ce n'est pas non plus un hasard si le crasseux et obscurantiste maître d'école rejette les grands principes de la circulation qui venaient alors d'être découvert par Harvey à l'échelle de l'homme (la circulation sanguine) et par Galilée à l'échelle de l'univers (la rotation des planètes autour du soleil).

Mais ce qui frappe l'esprit lorsqu'on regarde "Molière", c'est également l'importance de la terre (ou plus précisément de la boue) qui elle aussi est du voyage. En dépit de l'indéniable parfum de liberté et d'aventure picaresque qui accompagne la troupe mue également par une circulation du désir sur lesquels les dévots jettent l'opprobre faute de pouvoir le contrôler, la pénibilité, la dureté de cette époque ne nous est pas cachée. En parcourant les campagnes de France, les acteurs croisent des vagabonds mais aussi des paysans affamés qui mangent la viande crue de leurs chevaux. L'ombre de la grande faucheuse n'est jamais très loin, que ce soit au travers de la répression (morale et politique) d'un carnaval transformé en rébellion contre la religion et la pression fiscale (superbe morceau de bravoure là aussi) ou bien des maladies qui s'acharnent particulièrement sur les femmes et les enfants. Lorsque la troupe de Molière s'installe à Versailles et devient dépendante du roi, la sédentarisation s'accompagne elle aussi d'un paradoxe: c'est à la fois le temps de la gloire (les succès qui s'enchaînent) et le début de la fin avec la description de la mort au travail sur le corps de Molière qui se consume sous les différentes pressions dont il fait l'objet (haine des courtisans dont il raille les travers mais surtout des dévots redoutablement influents). Tout est prêt pour l'ultime scène-choc, celle de l'agonie de Molière après la quatrième représentation du "Malade imaginaire" sous l'égide du "King Arthur" de Purcell dans laquelle la troupe court encore mais n'avance plus: elle fait du sur-place, elle s'enlise alors que le maquillage de Molière se défait, non cette fois sous le poids de l'échec lorsqu'il essayait de se couler dans des habits qui n'étaient pas faits pour lui mais sous celui des fluides qui s'échappent de son corps et de sa mémoire qui rembobine les images marquantes de sa vie. Cette façon de travailler la matière organique comme de faire cohabiter harmonieusement les contraires d'une époque aussi glorieuse que miséreuse, aussi obscurantiste qu'éclairée est la marque des grands.

En effet "Molière", porté par la prestation très puissante de Philippe Caubère (qui ne s'est jamais tout à fait remis de son expérience avec Ariane Mnouchkine) est aussi un témoignage du génie de cette metteuse en scène et de son théâtre du Soleil dont les deux représentations que j'ai pu voir dans les années 90 (l'une d'Iphigénie d'Euripide dans un théâtre à l'antique construit en plein air au bord de la Garonne et l'autre du Tartuffe à la Cartoucherie transposé dans un pays oriental qui faisait alors référence à la guerre civile en Algérie et annonçait l'obscurantisme des islamistes radicaux) ont laissé en moi une empreinte ineffaçable.

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Pleure, ô pays bien-aimé (Cry, The Beloved Country)

Publié le par Rosalie210

Zoltan Korda (1952)

Pleure, ô pays bien-aimé (Cry, The Beloved Country)

Film sobre et poignant à la fois, "Pleure, ô mon pays bien-aimé" a été produit et scénarisé par Alan Paton d'après son roman éponyme, fruit de son expérience vécue lors des premières années de l'Apartheid en Afrique du sud. Deux personnages au moins ont hérité d'une part de lui-même: le directeur de la maison de redressement pour jeunes délinquants, poste qu'il occupait dans les années 30 et Arthur Jarvis, fils d'un propriétaire terrien travaillant au rapprochement entre noirs et blancs. Tout dans le film (dont la réalisation par Zoltan Korda, réalisateur d'origine hongroise est au service de l'histoire) respire la véracité. Les scènes dans les townships sont d'ailleurs proches du documentaire.

Contrairement aux attentes qu'un spectateur occidental peut avoir sur un tel sujet, le film n'évoque pas frontalement l'Apartheid. Il en montre plutôt les ravages sur la communauté noire qui comme dans la plupart des autres pays colonisés par les occidentaux a vu son mode de vie traditionnel dévasté. Avec les mêmes conséquences avilissantes un peu partout liées à la dissolution des liens tribaux et familiaux: l'alcool, la drogue, la délinquance, la criminalité, la prostitution, la misère etc. Stephen Kumalo, vieux pasteur ("umfundisi" en zoulou) très respecté parti à Johannesburg tenter de retrouver sa soeur, son frère et son fils ne peut que constater, impuissant, leur déchéance morale et aller de souffrance en souffrance. L'autre axe majeur du film est de montrer l'absurdité de la ségrégation. Un terrible événement va rapprocher le pasteur de James Jarvis, propriétaire terrien qui dans leur campagne éloignée ne s'étaient jamais adressés la parole. Jarvis et Kumalo ne seront d'ailleurs jamais aussi proches de leurs fils qu'en éprouvant la douleur de leur perte. Enfin, bien que peuplé d'hommes d'église, le film n'est ni larmoyant, ni édifiant. Bien que profondément humaniste, il dresse un constat parfaitement lucide sur la médiocrité ordinaire des comportements humains, notamment au travers du portrait de John Kumalo, le frère de Stephen, un homme égoïste et amoral agissant dans son seul intérêt.

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Evolution

Publié le par Rosalie210

Kornél Mundruczó et  Kata Wéber (2021)

Evolution

"Evolution" est d'abord un tour de force technique: trois plans-séquence d'environ 30 minutes chacun pour suivre le parcours de trois générations d'une même famille juive germano-hongroise (inspirée de l'histoire de celle de la co-réalisatrice, Kata Wéber qui a également écrit le scénario d'après sa propre pièce de théâtre) victime puis hantée par la Shoah. La première partie est éprouvante et sidérante puisqu'elle se déroule dans le huis-clos d'une chambre à gaz au moment de la libération de Birkenau par les soviétiques. Elle n'est pas réaliste puisque les nazis les avaient détruites avant de prendre la fuite afin d'effacer les preuves les plus évidentes de leurs crimes. Elle montre -métaphoriquement- comment en dépit des efforts de nettoyage du site (entendez par là, d'effacement de la mémoire), celle-ci ressurgit au travers de vestiges humains incrustés dans des murs friables, enfouis dans un sol qui se dérobe et finit par révéler une enfant survivante, Eva. Enfant qui dans le deuxième volet est devenue une vieille femme sénile écrasée par le poids des souvenirs, enfermée dans son appartement de Budapest avec sa fille Léna qui ne supporte plus le fardeau familial et souhaite refaire sa vie à Berlin en faisant jouer le privilège que confère désormais le fait d'être juif puisqu'il permet d'accéder à l'entraide communautaire. Mais encore faut-il le prouver et quand on a passé sa vie à falsifier ses origines pour survivre, ce n'est pas simple. Le règlement de compte mère-fille passe par un déluge de paroles conçu pour faire éprouver au spectateur un sentiment d'étouffement faisant écho à la première séquence jusqu'à ce que celui-ci ne devienne, dans une nouvelle saillie surréaliste, un déluge d'eau. Enfin la dernière partie qui se déroule une dizaine d'années plus tard a pour personnage principal Jonas, le fils de Léna devenu un adolescent berlinois bien décidé à se construire librement, c'est à dire en dehors de l'héritage familial et trouve pour cela une âme soeur qui refuse tout comme lui les assignations culturelles et religieuses. Grâce au naturel de ce jeune couple, on échappe à la lourdeur de la démonstration qui semblait poindre (le retour de l'antisémitisme en relation avec les conflits du Moyen-Orient).

La démarche du film n'est pas sans faire penser à "Maus" qui essayait également de faire comprendre le poids que représente le fait d'être un enfant de survivant. Si selon moi le film ne parvient pas tout à fait à atteindre ses objectifs (j'ai trouvé que la deuxième séquence était un peu brouillonne et longuette et que la troisième frôlait la démonstration sans heureusement y tomber comme je l'ai dit), ce cinéma très dynamique, sensoriel et imagé mérite d'être découvert.

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Le Tambour (Die Blechtrommel)

Publié le par Rosalie210

Volker Schlöndorff (1979)

Le Tambour (Die Blechtrommel)

" Il était une fois un peuple crédule qui croyait au père noël mais en réalité le père noël était le préposé au gaz".

Cette phrase digne d'un conte grinçant symbolise le nazisme vu à hauteur d'enfant et ce d'une manière autrement plus dérangeante que dans le gnan-gnan "Jojo Rabbit". En effet, Oskar, le personnage principal et narrateur du film (qui est l'adaptation partielle du roman de Gunther Grass) met mal à l'aise tant il est difficilement identifiable. Officiellement âgé de 3 ans lorsqu'il décide de ne plus grandir, sa taille est celle d'un petit garçon (plutôt de 5-6 ans) mais son visage, son regard perçant et son comportement sont en discordance avec son apparence. Même s'il n'en a pas toutes les caractéristiques (David Bennent alors âgé de 12 ans souffrait de troubles de croissance), Oskar est plus proche du nain que de l'enfant et sa difformité renvoie à la monstruosité mais aussi au grotesque du nazisme dont il incarne ce qu'il rejette, à savoir le sous-homme. L'une des meilleures scènes du film illustre parfaitement la discordance entre la doctrine et la réalité. Oskar que sa petite taille permet de se glisser partout fait dérailler une cérémonie nazie dont il finit par changer la nature (de rectiligne et phallique, elle devient circulaire et féminine) en émettant des fausses notes sur son tambour. Son autre arme est sa voix qui lui permet de briser les objets en verre et par là même, de semer le chaos. Un écho assez évident au pogrom de "La Nuit de Cristal" de 1938 qui est relaté dans le film au travers du saccage de la boutique de l'ami d'Oskar, Markus le vendeur de jouets (interprété par Charles Aznavour). Enfin, le choix du lieu n'est pas anodin et permet de relier petite et grande histoire: de même que Dantzig est écartelé entre l'Allemagne et la Pologne, Oskar a deux pères et ne sait pas lequel est son géniteur. Le premier est le cousin et l'amant polonais de sa mère et l'autre est son mari, un commerçant allemand qui lui assure la sécurité matérielle. Mais Oskar qui refuse de devenir adulte* les renvoie dos à dos et précipite leur perte à tous deux. Il n'est pas plus tendre avec sa mère puisqu'il aurait voulu ne pas naître (il se réfugie souvent sous les jupes de sa grand-mère) ce qui donne lieu aux scènes les plus dérangeantes autour du détraquement de la nourriture**, du sexe, de la gestation et de la filiation. On peut également souligner que le film lui-même oscille entre deux genres, le film historique et le conte baroque surréaliste à tendance horrifique lorgnant vers le "Freaks" de Tod Browning, le "Huit et demi" de Federico Fellini ou certaines oeuvres de Luis Bunuel. Bref "Le Tambour" est une oeuvre très riche sur le fond et décapante sur la forme, sans doute la meilleure de son auteur.

* Bien que se situant à l'opposé de "Le Tambour" quant à son public (il est interdit aux moins de 16 ans), "Kirikou et la sorcière" partage un certain nombre de similarités qui d'ailleurs permettent de mieux comprendre le film de Volker Schlöndorff qui peut paraître nébuleux à première vue. C'est un conte ou on trouve un enfant qui s'enfante tout seul (Oskar hésite à naître puis décide de ne plus grandir), qui est d'une taille minuscule mais d'une sagacité bien supérieure à celle des adultes et qui de ce fait est en marge de sa communauté.

** Il faudrait que Blow Up, l'émission d'Arte consacre un numéro à l'anguille au cinéma, surtout quand celle-ci permet d'avoir la Palme d'Or.

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L'aigle vole au soleil (The Wings of Eagles)

Publié le par Rosalie210

John Ford (1957)

L'aigle vole au soleil (The Wings of Eagles)

Jamais je n'aurais regardé ce film s'il n'avait été réalisé par John Ford. Le sujet en effet ne m'attirait pas du tout. Mais avec un tel réalisateur aux manettes, ça ne pouvait être que bien. Plus que bien même, c'est un excellent film d'autant que l'alchimie avec John Wayne (brillant une fois de plus) fait encore une fois merveille. On s'attend à un biopic édifiant sur la personnalité héroïque et résiliente de Frank "Spig" Wead (qui était un ami du réalisateur lui-même haut gradé dans la marine) ou bien d'un film de guerre bien nationaliste mais John Ford déjoue nos attentes. Tout d'abord il tourne en dérision la rivalité entre l'armée de terre et la marine en s'inscrivant dans la plus pure tradition de la comédie burlesque muette avec pugilat, lancer de tarte à la crème et comique de répétition (l'entrée en scène des forces de l'ordre venus mater la baston entre les troupes de Wead et celles de son homologue de l'armée de terre). Tout cela tourne au concours de bistouquettes ce qui n'est pas très glorieux pour l'armée d'autant qu'elle apparaît assez bornée face aux idées novatrices de Frank Wead qui veut doter dans les années qui suivent la première guerre mondiale l'US Navy d'une force aéronavale alors que lui-même n'a pas le brevet de pilote (cascades hasardeuses assurées qui font encore une fois désordre). Ensuite, après un accident domestique, Frank Wead se retrouve paralysé des pieds à la tête et sa rééducation, longue et laborieuse ne lui permet pas de retrouver totalement sa mobilité puisqu'il doit marcher avec des cannes: ce n'est pas vraiment l'image traditionnelle de la virilité. D'autant qu'il doit alors troquer ses rêves d'action et d'aventure pour le papier et le stylo afin d'écrire des scénarios à la manière de Miyazaki qui à cause de sa myopie n'a jamais pu devenir pilote et a donc transposé son désir d'évasion dans la création artistique (c'est évidemment aussi le cas de John Ford que la guerre a éborgné). Et alors qu'il a repris du service après Pearl Harbor, un nouvel ennui de santé sur la fin l'oblige à prendre sa retraite anticipée et à quitter ses hommes en larmes assis dans une chaise qui le transfère du porte-avion sur un navire militaire. Enfin, la plus grande souffrance de cet homme réside dans le fait d'avoir sacrifié sa vie de famille à son travail dans l'armée et à sa passion pour l'aviation. Sa femme utilise la métaphore des tiroirs encastrés façon poupées russes pour lui signaler qu'elle est la dernière roue du carrosse (Maureen O'Hara, habituée à jouer les épouses de John Wayne pour John Ford). Un plan magnifique de cadre dans le cadre dont John Ford a le secret montre Frank noyé dans l'ombre au premier plan et sa femme éclairée au second, tous deux terrassés par la douleur de la perte d'un enfant mais isolément l'un de l'autre comme si le premier n'était qu'une ombre dans le foyer. Plus tard il sera une image furtive sur un écran pour ses filles et non un père réel, au point qu'elles finiront par ne plus le reconnaître. Sa chute dans les escaliers due à la précipitation en entendant l'une d'elle crier peut être comprise comme une tentative de se racheter mais aussi comme un aveu d'impuissance puisqu'il ne parviendra jamais à les rejoindre et devra se contenter lui aussi de les voir en photo. Derrière le rire, omniprésent et la générosité incarnée par Carson (Dan Dailey) qui joue le rôle du pote indéfectible, infirmier, rééducateur, bouclier humain, clown de service etc. et un personnage auto-parodique, celui de Dodge (Ward Bond), le film est poignant et profondément humain. Voilà donc une pépite méconnue de la filmographie du cinéaste et de son acteur fétiche qu'il faut absolument redécouvrir.

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La Passante du Sans-Souci

Publié le par Rosalie210

Jacques Rouffio (1981)

La Passante du Sans-Souci

Je n'avais pas revu ce film, le dernier de Romy SCHNEIDER depuis mon enfance. L'actrice y est bouleversante, consumant ses dernières forces dans un double rôle où elle n'en finit pas d'expier les relations troubles de sa mère avec Hitler. Les enfants de bourreaux (et de leurs complices) sont en effet aussi des victimes. Ils sont écrasés par le poids de la culpabilité que leur géniteur ou génitrice n'a jamais assumé et il est alors d'autant plus compliqué pour eux de transmettre la vie. Car quel héritage transmettre quand celui-ci est criminel? Romy SCHNEIDER n'avait pas par hasard eu pour premier mari un ancien déporté juif allemand. Pas par hasard donné des prénoms hébreu à ses enfants. Ce n'était pas par hasard qu'elle s'était donnée au point de se faire mal dans les scènes les plus barbares de "Le Vieux fusil" (1975), autre film où elle joue une victime d'Hitler. Pas par hasard enfin qu'elle a porté "La Passante du Sans-Souci" à bout de bras, contactant le réalisateur Jacques ROUFFIO pour lui demander d'adapter le roman de Joseph Kessel et demandant à ce que son partenaire soit Michel PICCOLI avec lequel elle avait travaillé plusieurs fois pour Claude SAUTET. Mais ses problèmes de santé, le suicide de son premier mari en 1979 et surtout la mort de leur fils peu de temps avant le tournage ont eu sa peau puisqu'elle a été retrouvée morte un mois et demi environ après la sortie du film.

"La Passante du Sans-Souci" est donc un film qui projette les derniers feux d'une actrice exceptionnelle et qui annonce son destin funeste en la faisant doublement mourir. Sans Romy SCHNEIDER, le film aurait sans doute été relégué aux oubliettes. Non seulement la mise en scène est assez conventionnelle mais elle est encore alourdie par une démonstration cherchant à établir mécaniquement un parallèle entre la montée du fascisme des années 30 et une résurgence de l'antisémitisme au début des années 80. Le manque de recul sur la deuxième période explique sans doute cette comparaison forcée et donc erronée. Certes, des attentats ont bien visé au début des années 80 la communauté juive de France (celui de la rue Copernic, celui du restaurant Jo Goldenberg entre autres) mais ils n'émanaient pas des anciens nazis réfugiés en Amérique que l'on retrouve et que l'on juge à cette période (comme Klaus Barbie ou l'enquête ouverte en 1979 par les USA pour repérer, dénaturaliser et expulser ou extrader leurs ressortissants d'origine immigrée ayant violé le droit international) mais des conflits israélo-arabes au Moyen-Orient et plus précisément de la guerre civile qui faisait alors rage au Liban. Par conséquent il faut prendre l'histoire du film dans sa partie contemporaine avec beaucoup de pincettes.

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Le Procès de Jeanne d'Arc

Publié le par Rosalie210

Robert Bresson (1961)

Le Procès de Jeanne d'Arc

Film court (1h05) de Robert BRESSON qui frappe par sa concision mais aussi son extrême précision:
- Précision documentaire: le film est pour l'essentiel basé sur les minutes du procès de 1431 conservées à la BNF.
- Précision de la mise en scène: très épurée, celle-ci est pour l'essentiel une confrontation entre Jeanne d'Arc et l'évêque de Beauvais Pierre Cauchon, allié aux anglais qui veulent la mettre à mort. En dépit de son inculture, de sa peur de la mort et de sa solitude face à un aéropage d'hommes hostiles, Jeanne d'Arc tient tête à l'évêque et la mise en scène fait en sorte qu'ils soient sur un pied d'égalité. Le film acquiert de ce fait une dimension universelle et intemporelle: on y voit une jeune fille résister à toutes les pressions et accusations au nom de convictions profondes et inébranlables. Sa foi en Dieu et dans le roi Charles VII son lieutenant sur terre ébranle le pouvoir d'intermédiaire de l'Eglise et celui des anglais qui ont des prétentions dynastiques sur le trône de France. Autre temps, autres lieux, j'ai pensé à "Sophie Scholl - Les derniers jours" (2005) qui est également un mano à mano entre un représentant du pouvoir oppresseur et une résistante vouée à la mort mais qui triomphe par sa force morale.
- Précision des mots: dans une langue simple et directe, Jeanne déjoue les pièges tendus par Cauchon (principalement lorsqu'il tente de prouver son hérésie ou l'entraîner sur le terrain de la sorcellerie) pressé par les anglais d'en finir (le hors-champ sonore et visuel laisse entrevoir l'ambiance haineuse autour du procès). Cauchon la presse de questions courtes et incisives et elle lui répond du tac au tac sans se démonter et sans se laisser perturber par l'ambiance hostile à son égard.
- Précision des images enfin: comme nombre d'autres héroïnes bressonnienne, Jeanne est habitée par la grâce et celle-ci illumine son visage. Sa posture la fait d'ailleurs souvent ressembler à une icône alors que la scène de fin ressemble à une assomption: Jeanne s'évanouit en fumée plus qu'elle ne brûle et les colombes que l'on voir passer sont comme des témoignages de son salut.

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