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Articles avec #film d'histoire ou de memoire tag

Pour une femme

Publié le par Rosalie210

Diane Kurys (2012)

Pour une femme

Le générique de début de "Pour une femme" convoque avec nostalgie les précédents films de Diane Kurys à résonance autobiographique ("Diabolo Menthe", "La Baule Les Pins", "Coup de foudre") à l'aide d'un pêle-mêle de photographies épinglées sur un tableau en liège au beau milieu des informations relatives au film. La chanson que Yves Simon avait composé pour "Diabolo Menthe" accompagne les images, les reliant au film que nous allons découvrir, lui aussi présent à l'aide de photos: celles de la fiction mais également celles des véritables parents de Diane Kurys dont elle raconte librement l'histoire afin d'interroger la sienne. Le film navigue en effet entre deux périodes: l'après-guerre et les années 80. C'est Sylvie Testud qui interprète Diane Kurys à l'écran dans la seconde période qui s'ouvre sur la mort de la mère et se termine sur celle de son père, Michel (Benoît Magimel). Classiquement, c'est en rangeant des papiers qu'elle tombe sur une mystérieuse photo représentant sa mère (Mélanie Thierry), sa grande soeur (qui n'avait alors que trois ans) et le frère de son père, Jean qui vivait alors avec eux à Lyon (Nicolas Duvauchelle). Elle décide alors d'enquêter sur son histoire familiale ce qui lance un flashback dans lequel elle évoque la rencontre de ses parents dans un camp d'internement pendant la guerre, son père ayant pu le quitter à temps grâce à une relation en sauvant au passage sa mère qu'il ne connaissait pourtant pas en la faisant passer pour sa fiancée. Une situation inextricable par la suite, Léna n'ayant pas d'atomes crochus avec Michel mais se sentant redevable envers lui. Le passé les poursuit pourtant alors que bien intégrés et naturalisés, Michel voit ressurgir son frère Jean qu'il n'a pas vu depuis neuf ans et qui a réussi à fuir l'URSS. Tout les oppose, lui, petit commerçant sans histoire qui pense combler sa femme avec les biens matériels des 30 Glorieuses et Jean, mystérieux et dangereux, rongé par sa soif de venger leurs parents et toutes les victimes de la Shoah. 

A partir de ce canevas qui aurait pu être passionnant, Diane Kurys réalise un film hélas décevant, trop lisse, trop convenu, aux airs de déjà (mille fois) vu autour du triangle amoureux et de l'adultère. Le résultat est illustratif, déroulant un programme parfaitement prévisible, jusqu'au final. Dommage. 

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Les Chariots de feu (Chariots of fire)

Publié le par Rosalie210

Hugh Hudson (1981)

Les Chariots de feu (Chariots of fire)

Une curiosité que ce film britannique du début des années 80, éclipsé dans la mémoire collective par la musique de Vangelis PAPATHANASIOU, sa composition la plus célèbre avec celle de "Blade Runner" (1982). Autre atout du film, sa reconstitution minutieuse de l'université de Cambridge au début des années 20 ainsi que des JO de Paris de 1924. Le résultat est d'une qualité indéniable, on s'y croirait! On peut ajouter enfin un casting tout à fait réussi puisant dans le vivier anglais, fertile en talents. Les jeunes acteurs de premier plan sont épaulés par des vétérans parmi lesquels se détache Ian HOLM dans le rôle de Sam Mussabini, l'entraîneur de Harold. Néanmoins "Les Chariots de feu" est plombé par son caractère édifiant. Les valeurs du sport sont béatement glorifiées dans une perspective aussi bien religieuse que patriotique ce qui révèle à la fois une idéalisation de l'Empire britannique en tant que puissance et creuset et une imprégnation de l'idéologie thatchérienne du dépassement de soi et de la réussite individuelle. Même si le personnage de Harold Abrahams doit lutter pour s'intégrer dans un milieu chrétien conservateur antisémite et raciste, ses exploits sportifs transforment sa destinée en "sucess story" à l'américaine. Cependant, Harold reste néanmoins un personnage humain plein de rage et de doute alors que son comparse, Eric Liddell, presbytérien intégriste s'efface au profit d'une querelle entre patriotisme et religion se résumant à courir pour Dieu (sauf le dimanche) ou pour son pays. Difficile aujourd'hui d'adhérer à un discours aussi propagandiste, y compris pour le sport dont on connaît les dérives et les dévoiements y compris dans le cadre de l'olympisme.

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La petite prairie aux bouleaux

Publié le par Rosalie210

Marceline Loridan-Ivens (2002)

La petite prairie aux bouleaux

"La petite prairie aux bouleaux" est la traduction française du mot allemand Birkenau lui-même dérivé du polonais Brzezinka. La petite ville polonaise qui se trouvait là a été rasée par les allemands en 1941 pour laisser la place à un camp de concentration situé à 3 km du premier camp construits par eux dès l'invasion de la Pologne, celui d'Auschwitz. A partir de 1942, c'est dans l'enceinte de ce camp que des fermes sont reconverties en chambres à gaz avant la construction de cinq grands crématoires "intégrés" qui à leur apogée durant l'été 1944 et l'extermination des juifs hongrois pouvaient tuer 12 mille personnes par jour. Néanmoins, les cadences et les quantités de tueries étaient telles qu'ils ne pouvaient plus les absorber et une partie des corps ont dû être brûlés en plein air. C'est de cet épisode que proviennent les quatre seules photos qui témoignent visuellement du génocide. C'est également lui qui est au coeur du premier film de Marceline LORIDAN-IVENS. Elle-même rescapée de Birkenau où elle fut internée pendant deux ans alors qu'elle avait une quinzaine d'années, elle travailla longtemps dans l'ombre de son compagnon, le documentariste Joris IVENS. Mais ce qu'elle documente dans "La petite prairie aux bouleaux", c'est l'impossibilité de combler le fossé entre histoire et mémoire, surtout lorsque celle-ci est de nature traumatique. Son double à l'écran, interprété par Anouk AIMEE revient à Paris où elle fut arrêtée une soixantaine d'années plus tôt pour une cérémonie de commémoration de la libération des camps d'extermination. Elle y retrouve d'anciennes camarades de déportation mais découvre que ses souvenirs ne coïncident pas avec les leurs. Troublée, elle décide de retourner sur les lieux de sa captivité et de tenter de retrouver les traces oubliées de ce passé. Sur son chemin, elle croise d'autres témoins. D'abord un juif polonais qui tente de faire revivre la mémoire du quartier juif de Cracovie, celui-ci ayant été englouti avec la Shoah avant que Steven SPIELBERG ne l'exhume en venant y tourner "La Liste de Schindler" (1993). Et un jeune photographe allemand, petit-fils de SS (August DIEHL) qui traque également l'invisible à l'aide notamment de relevés cartographiques. L'entreprise est d'autant plus forte que c'est la première fois qu'un film a reçu l'autorisation de tourner à l'intérieur du camp. Peu à peu, on découvre qu'Oskar et Myriam sont les deux facettes de la même pièce. Lui a hérité du fardeau de culpabilité de son grand-père puisque son père n'a pas pu le supporter et en est mort et elle éprouve la culpabilité du survivant, le voile d'oubli jeté sur les souvenirs les plus éprouvants où elle a dû servir les bourreaux dans leur entreprise d'extermination en creusant les fosses où ont été brûlés les corps près des crématoires. Ce témoignage brut, parfois maladroit aussi dérange, bouleverse, questionne et reste longtemps en mémoire.

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Partir, revenir

Publié le par Rosalie210

Claude Lelouch (1985)

Partir, revenir

"Une histoire romanesque pour piano, orchestre et caméra", tel se présente "Partir, revenir", le 27eme film de Claude LELOUCH qui entrecroise littérature, musique et cinéma. L'histoire du film qui traite de la persécution des juifs sous l'occupation en France, thème récurrent (et autobiographique) de la filmographie de Claude LELOUCH est traitée selon un double filtre: celui de la mémoire et celui de l'écrit. Le récit est en effet fondé sur les souvenirs de l'unique rescapée d'une famille juive déportée, Salomé Lerner (Monique LANGE, elle-même romancière) qui présente son livre dans l'émission Apostrophes en 1985 avec Bernard PIVOT et Bernard-Henri LEVY dans leurs propres rôles. Pour entrer dans sa tête et montrer ses mots en images, Claude LELOUCH utilise deux procédés. Tout d'abord le plan-séquence en caméra subjective où une voiture dévale à toute vitesse une route déserte sous la pluie avec des tournants brusques et des montées et descentes en montagnes russes. Une belle métaphore de la vie accidentée et tumultueuse de Salomé. Puis un concert d'Erik BERCHOT lui aussi dans son propre rôle interprétant un concerto de Rachmaninov dirigé par Michel LEGRAND (qui a ajouté un mouvement supplémentaire). Salomé Lerner assiste au concert et croit reconnaître en Erik BERCHOT la réincarnation de son frère disparu, Salomon (évidemment interprété par le même acteur) qui était lui aussi pianiste. L'éternel retour "lelouchien" est présent tout au long du film par des valses tourbillonnantes incarnant les jours heureux mais également les germes de l'horreur à venir (comme dans "Les Miserables" (1995) qui reprend aussi le thème de la traque des juifs et de la trahison de leurs protecteurs) mais également par une sorte de roue de la fortune qui tourne mal, à l'image du château de conte de fées dans lequel la famille Lerner s'est réfugié. Si le point de départ de la fuite de la famille Lerner a une motivation parfaitement mesquine (se débarrasser de voisins bruyants), ce sont ensuite les passions tristes qui vont enclencher l'engrenage fatal, lequel se retourne ensuite comme un boomerang sur celui ou celle qui l'a provoqué. L'ombre du film de Henri-Georges CLOUZOT, "Le Corbeau" (1943) plane alors que la fracture dans la vie de Salomé s'incarne dans la transformation impressionnante de celle qui l'interprète jeune, Evelyne BOUIX, revenue des enfers tel le fantôme d'Hamlet pour demander des comptes à son ancienne concierge et à ses anciens logeurs. L'occasion pour Annie GIRARDOT de briller encore dans un rôle intense sous les yeux de Francoise FABIAN et d'hommes quelque peu dépassés (Jean-Louis TRINTIGNANT et Michel PICCOLI) alors que Richard ANCONINA joue lui les funambules d'un casting étincelant.

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Une aussi longue absence

Publié le par Rosalie210

Henri Colpi (1960)

Une aussi longue absence

Comment expliquer que "Une aussi longue absence" qui a reçu la Palme d'or et le prix Louis Delluc en 1961 soit tombé dans l'oubli? Il a été sans doute "ringardisé" par l'irruption de la nouvelle vague dont les films sont passés à la postérité. Aujourd'hui, il mérite d'être redécouvert et réévalué à la hauteur des prix obtenus à l'époque.

"Une aussi longue absence" possède un titre qui n'est pas sans évoquer "Un long dimanche de fiançailles" (2004). Si les deux films n'ont sur la forme rien en commun, il n'en va pas de même du fond puisque dans les deux cas, les séquelles de la guerre sont mises en lumière à travers la séparation d'un couple dont l'époux ou le fiancé est porté disparu. Mais alors que l'héroïne du film de Jean-Pierre JEUNET mue par son intuition part activement à sa recherche, Thérèse Langlois (Alida VALLI) se résigne sans pour autant véritablement le remplacer. Jusqu'au jour où une quinzaine d'années après la fin de la guerre, elle croit reconnaître son mari en la personne d'un clochard amnésique qui passe régulièrement devant son café en chantant des airs d'opéra. Pas à pas, elle tente d'apprivoiser cet homme taiseux, solitaire et privé de mémoire dans l'espoir de finir par susciter chez lui des réminiscences de son passé.

Ce qui frappe l'esprit dans ce film, c'est d'abord le paysage dans lequel s'inscrivent les personnages. Celui de Puteaux, ville de la banlieue parisienne ayant encore des airs de village en 1960 et des bords de Seine avec en arrière-plan, l'île Seguin et les usines Renault. Un paysage qui reflète l'état d'esprit des personnages avec l'église délabrée proche du café de Thérèse et les bateaux qui ne cessent de passer sur le fleuve, lieu d'élection du clochard sans racines. Toute la mise en scène repose sur le passage progressif de cet homme d'une vague silhouette informe en arrière-plan à un visage (celui de Georges WILSON) vu en gros plan au fur et à mesure que Thérèse parvient à se rapprocher de lui. Hélas, c'est pour découvrir qu'il porte une blessure ayant fait des dégâts sans doute irréversibles dans son cerveau. Seuls les sens semblent encore faire réagir cet homme: un goût, la musique, la danse. Mais sans pouvoir les relier au moindre souvenir. La fin néanmoins laisse entrevoir qu'il lui reste peut-être quelque chose: un immense traumatisme. Beau et triste comme les trois petites notes de musique que l'on entend au générique et à la fin, chanson écrite par le réalisateur Henri COLPI (qui fut le monteur de Alain RESNAIS ce qui explique sans doute que Marguerite DURAS ait écrit le scénario) et composée par Georges DELERUE.

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Music Box

Publié le par Rosalie210

Costa-Gavras (1989)

Music Box

"Music box" est un film aux enjeux dramatiques très puissants qu'il ne faut pas prendre qu'au sens littéral. Comme "Incendies" (2010) de Denis VILLENEUVE d'après la pièce de Wajdi Mouawad, tragédie historique et tragédie familiale sont inextricablement mêlées, la seconde libérant ses effets dévastateurs avec une génération de décalage par rapport à la première en raison d'un exil nord-américain qui a fait momentanément table rase du passé. Mais comme on peut également le constater avec les lois d'amnistie, s'il est possible et même nécessaire dans l'immédiat de refouler le passé pour se reconstruire hors du champ de la conscience, tôt ou tard, celui-ci finit par ressurgir. Dans le film de COSTA-GAVRAS, cela se matérialise dans une scène extrêmement forte (celle qui donne son titre au film) où la véritable identité d'un proche est révélée. Il est remarquable d'ailleurs que ce soit d'un objet insignifiant en apparence que sortent les preuves irréfutables des crimes commis par Michael Laszlo alors que la grosse machine judiciaire déployée auparavant pour le confondre semble avoir échoué. Je dis "semble" car en fait, les témoignages bouleversants des victimes survivantes du tortionnaire nazi font leur chemin dans la tête de la fille de Michael Laszlo, Ann (Jessica LANGE dont le visage peu à peu défait reflète les tourments qui la tenaillent). Celle-ci, en avocate chevronnée prend en charge l'affaire de son père avec une redoutable efficacité, usant de toutes les ressources procédurales avec talent pour le disculper. Mais si son personnage social semble sans faille, il n'en va pas de même de sa personnalité intime, peu à peu assaillie par le doute. Car non seulement les témoignages sont bouleversants mais ils sont concordants et l'amènent à s'interroger sur le personnage que prétend être son père, y compris auprès d'elle et de son frère, ce personnage qui lui a permis d'obtenir la nationalité américaine et qu'il risque de perdre si l'on prouve ses crimes. C'est pourquoi en parallèle, elle mène une enquête sur lui et bien que celle-ci reste longtemps cantonnée à l'arrière-plan, elle finit par porter ses fruits. Ann illustre alors parfaitement la phrase de Peter Sichrovsky "Les enfants des nazis portent le poids des sentiments de culpabilité que leurs parents n'ont pas voulu accepter". Le scénario original de Joe ESZTERHAS (qui s'inspire de sa propre histoire) s'intitulait à l'origine "Les péchés des pères". Pour qu'ils ne retombent pas sur leurs enfants et les enfants de leurs enfants (le film souligne l'antisémitisme du père mais aussi du beau-père d'Ann et la façon dont son jeune fils l'absorbe insidieusement), s'affranchir de cette monstrueuse filiation s'avère une nécessité vitale, quel qu'en soit le prix à payer.

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Les Misérables

Publié le par Rosalie210

Claude Lelouch (1995)

Les Misérables

"Les Misérables" librement adaptés par Claude LELOUCH, c'est une fresque historique courant sur un demi-siècle qui n'est pas sans rappeler le roman-feuilleton populaire* avec ses personnages archétypaux et ses situations ne cessant de faire retour. La structure cyclique du film est d'ailleurs symbolisée par une scène de bal en introduction (en 1900) et en conclusion (cinquante ans plus tard) dans lesquelles la caméra tourbillonne avec les personnages qui dansent. La transposition du roman dans la première moitié du XX° siècle permet de superposer les moments clés de l'intrigue du roman avec les événements les plus dramatiques de cette période, tout particulièrement ceux de la seconde guerre mondiale, les misérables devenant les juifs persécutés. On y croise plusieurs Fantine, Thénardier, Javert, Cosette et Valjean (mais un seul monseigneur Myriel, l'impérial Jean MARAIS). Ils ne sont pas toujours représentés par les mêmes acteurs et à l'inverse, un même acteur peut jouer deux rôles à la fois (Jean-Paul BELMONDO joue d'abord le rôle d'un bagnard, puis celui de son fils qui dans son enfance a été une Cosette exploitée par un Thénardier après la mort de sa mère). Pour complexifier encore cette structure, Henry Fortin (le personnage joué par Jean-Paul BELMONDO) se fait lire des extraits du roman de Victor Hugo et se projette dedans (en Jean Valjean bien sûr). Il faut dire que le film de Claude LELOUCH est également un hommage au cinéma dont on fêtait alors le centenaire. Il est précisé que Henry Fortin est né quasiment avec lui et on le voir regarder enfant des adaptations muettes du roman de Hugo avant qu'adulte, il n'assiste à la projection de celle de Raymond BERNARD. Son père avait sans le savoir croisé lors du bal ouvrant le film Robert HOSSEIN qui avait été le dernier avant lui à endosser le rôle de Valjean au cinéma. Les images avant la lettre puisque Fortin est longtemps analphabète. Enfin ce film choral (une caractéristique du cinéma de Lelouch) est intrinsèquement lié à la prestation saluée d'un César du second rôle de Annie GIRARDOT. En fait, celle-ci lors d'une scène bouleversante où elle semble dépassée par ses émotions ouvre la possibilité de faire bifurquer le récit dans une direction inattendue. Cela ne se concrétise pas hélas, la suite la faisant rentrer dans le rang de son rôle de Mme Thénardier de l'occupation (après Nicole CROISILLE pour la Thénardier de la Belle Epoque, leurs époux respectifs étant joués par Philippe LEOTARD et RUFUS). Mais rien que pour ce moment de grâce, et celui qu'elle a ensuite imprimé lors de la cérémonie des César, le film acquiert un supplément d'âme, épaulé par un Michel BOUJENAH qu'on aurait aimé voir plus souvent dans un tel registre dramatique.

* Même si Victor Hugo ne goûtait guère le roman-feuilleton, son roman finit par être publié en épisodes dans "Le Rappel" co-fondé par lui-même, vingt ans après sa première parution en recueil.

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Une vie cachée (A Hidden Life)

Publié le par Rosalie210

Terrence Malick (2019)

Une vie cachée (A Hidden Life)

Alors que je n'ai pas toujours été convaincue par le positionnement surplombant et le ton grandiloquent des films de Terrence MALICK (je pense particulièrement à "Les Moissons du ciel" (1978) et à "The Tree of Life") (2010) ainsi que par ses choix d'acteurs (je ne suis pas du tout sensible à Richard GERE et à Brad PITT), "Une vie cachée" m'a bouleversée. C'est bien simple, avec ce film, Terrence MALICK atteint l'équilibre parfait entre le ciel et la terre. La signature si reconnaissable du réalisateur atteint des sommets avec une photographie époustouflante de beauté et un paysage édénique, celui du village de St Radegund situé près de Salzbourg dans les Alpes autrichiennes (et non loin de Linz, le lieu de naissance de Hitler). L'ode à la nature passe aussi par l'utilisation du grand-angle et les voix intérieures. Mais les questionnements existentiels s'y ancrent dans les faits historiques et dans les comportements humains, les plus nobles comme les plus vils. Ils s'incarnent au travers du "chemin de croix" emprunté par Franz et son épouse qui à rebours de leur communauté, refusent de signer le pacte avec le diable (c'est à dire de se soumettre à Hitler) et en payent le prix. Lui par fidélité à sa foi, elle par amour pour lui. J'ai pensé très fort à la phrase de Viktor Frankl (lui aussi autrichien) "Tout peut être enlevé à l’homme sauf une chose : la dernière des libertés humaines – le choix de son attitude face à un ensemble de circonstances – pour décider de son propre chemin." C'est en ce sens qu'il faut comprendre les propos de Franz lorsqu'il dit et répète qu'il est un homme libre, alors même que Terrence MALICK montre toutes les formes de pressions, d'humiliations et de violences qu'il subit, d'abord dans son village, puis en prison*. Ses interlocuteurs se heurtent tous à sa foi inébranlable qui lui interdit toute compromission avec "l'Antéchrist". Son parcours singulier, fruit d'un choix singulier fait par contraste tomber tous les faux-semblants, particulièrement ceux qui sont liés à la religion. En effet, Terrence MALICK montre d'un côté des autorités religieuses s'accommodant (à l'image de toutes les autres formes d'autorité) du totalitarisme et un troupeau prêt à suivre aveuglément n'importe quel berger, par conformisme, par endoctrinement (la patrie ayant remplacé Dieu) mais aussi par peur. Il montre également la haine des villageois envers le mouton noir, celui qui ne suit que sa conviction intime, haine qui touche particulièrement la femme de Franz après l'arrestation de son mari et s'étend jusqu'à leurs enfants, ostracisés par ceux des autres familles. De l'autre, il montre en quoi l'indépendance d'esprit et une vie intérieure riche élève celui qui les possède au dessus des bas instincts, rendant son esprit incorruptible. Voir les chefs nazis qui se croient tout-puissants et leurs complices représentant les institutions incapables de faire plier un simple petit fermier a quelque chose de profondément satisfaisant. J'ai pensé à Sophie Scholl qui manifestait la même résistance inébranlable.
Le coup de grâce est asséné à la fin du film par l'extraordinaire confrontation entre August DIEHL et Bruno GANZ qui a joué tour à tour l'ange et le diable (et a eu le temps de passer chez Terrence MALICK avant de trépasser) et par une allusion flagrante à l'un des plus célèbres films anti-nazis, "Le Testament du Docteur Mabuse" (1932) de Fritz LANG.

* Comme dans la novlangue de George Orwell, le sens du mot liberté s'est restreint dans le III° Reich à la simple liberté physique d'aller et de venir, occultant le sens figuré du mot.

Au vu du nombre de gens qu'elle a pu toucher, j'ajoute exceptionnellement la présentation du film que j'ai faite sur Facebook:

Je viens de voir un film magnifique sur Arte (disponible pendant encore 3 jours): "Une vie cachée" de Terrence Malick. A part "Le nouveau monde" et "La ligne rouge" (deux films qui ont en commun avec "Une vie cachée" d'être basé sur des faits historiques), je n'avais pas été jusqu'ici très sensible à son cinéma. Comme ses autres films, "Une vie cachée" est d'une très grande beauté esthétique et rempli de questions existentielles. Mais comme il s'ancre dans les faits historiques, il témoigne également de ce qu'il y a de plus noble mais aussi de plus vil en chaque homme. Témoigne est le mot qui convient puisque le film raconte l'histoire d'un martyr du christianisme sous le III° Reich. Pas exactement un objecteur de conscience car ce n'est pas le combat que Franz refuse, c'est de devoir faire allégeance à Hitler. Malick montre l'échec de toutes les tentatives pour faire plier Franz qui ne dévie pas d'un pouce de sa trajectoire, laquelle rappelle celle de Sophie Scholl. Il montre la vilénie humaine sous les traits des autorités toujours prêtes à courber l'échine (par calcul mais aussi par peur), mais aussi sous celle des meutes humaines, ces hommes et ces femmes qui tournent le dos à leur conscience individuelle pour se fondre dans la masse et hurler avec les loups. L'hommage à Fritz Lang est aussi transparent que le rideau de "Le Testament du docteur Mabuse" qui apparaît à la fin du film est opaque. Bref tout dans "Une vie cachée" m'a fait penser à une phrase que j'aime particulièrement, "Tout peut être enlevé à l’homme sauf une chose : la dernière des libertés humaines – le choix de son attitude face à un ensemble de circonstances – pour décider de son propre chemin." (Viktor Frankl)

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Bon voyage

Publié le par Rosalie210

Jean-Paul Rappeneau (2003)

Bon voyage

J'ai trouvé le film absolument virtuose sur le plan de la mise en scène. Tel un chef d'orchestre, Jean-Paul RAPPENEAU mène tout son petit monde sur un rythme allegro-presto et pourtant, tout s'y écoule de façon parfaitement limpide, jusqu'au plus petit rôle. Parce qu'il ne faut pas sous-estimer la difficulté que représente le fait de maintenir ce rythme trépidant tout au long du film tout en restant lisible. Si on regarde plus en détail, on s'aperçoit que le scénario est bien structuré avec plusieurs sous-intrigues impliquant un ou plusieurs personnages qui reviennent en leitmotiv tout au long du film: les gangsters, les espions, les scientifiques, les politiciens etc. Car oui, "Bon voyage" ressemble à une partition de musique avec sa soliste star (Isabelle ADJANI qui n'a pas l'âge du rôle certes mais qui en a l'aura et qui joue la fausse ingénue manipulatrice avec brio), ses duettistes (Gregori DERANGERE et Yvan ATTAL, Virginie LEDOYEN et Jean-Marc STEHLE), ses triangles amoureux (Gregori DERANGERE, Isabelle ADJANI et Gerard DEPARDIEU, Gregori DERANGERE, Yvan ATTAL et Virginie LEDOYEN ) sans parler de la petite musique distillée par le moindre petit rôle incarné par des acteurs de caractère (Michel VUILLERMOZ, Edith SCOB) avec en arrière-plan, le choeur d'une reconstitution historique sachant rendre à merveille le chaos de l'exode de l'élite française à Bordeaux en mai-juin 1940. Chapeau!

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Missing/Porté disparu (Missing)

Publié le par Rosalie210

Costa-Gavras (1982)

Missing/Porté disparu (Missing)

Le film Missing, l'un des meilleurs Costa-Gavras, palme d'or au festival de Cannes en 1982 est une adaptation du livre de Thomas Hauser "The Execution of Charles Horman: An American Sacrifice" sorti quatre ans auparavant. Il évoque le destin authentique d’un jeune Américain de gauche « disparu » au Chili dans les jours tumultueux qui ont suivi le coup d’État militaire du 11 septembre 1973. Il retrace également l’enquête, douloureuse et compliquée, à laquelle se livrèrent sur place le père du « disparu », Ed, et l’épouse, Joyce (renommée Beth dans le film à sa demande), jusqu’à découvrir enfin que Charles avait été exécuté par les militaires chiliens, avec la complicité des autorités américaines, parce qu’il en savait trop sur la participation de celles-ci à l’organisation du putsch du général Pinochet. 

La réussite de Costa-Gavras réside dans le fait d'avoir su convertir ces événements historico-politiques en expérience humaine sensible. On n'est pas prêts d'oublier le cauchemar dans lequel sont plongés les civils, confrontés sans cesse à des visions d'horreur et à un stress intense. Costa-Gavras rend palpable le régime de terreur instauré par Pinochet avec une bande-son riche en coups de feu, en crissements de pneus, en vrombissements de pales d'hélicoptères. Il montre aussi visuellement la violence s'abattant sur des femmes attendant à un arrêt de bus parce qu'elles portent des pantalons (un signe d'émancipation abhorré par le fascisme réac, de même que les cheveux longs pour les hommes) ou bien frappant au hasard des personnes embarquées de force dans des voitures sous les yeux de leurs enfants. Les exactions prennent également des tournures symboliques comme la scène où Beth assiste à la course éperdue d'un magnifique cheval blanc poursuivi par les soldats. Un autre animal-totem subit également leur brutalité, le canard qui servait de modèle à Charles pour ses dessins de BD. Les écrits sont d'ailleurs une cible, les scènes d'autodafés, "crimes contre l'esprit" étant nombreuses. Jack Lemmon qui déploie toute sa puissance de jeu humaniste (et a reçu un prix d'interprétation mérité à Cannes) nous fait vivre de l'intérieur la descente aux enfers de son personnage d'américain conservateur découvrant l'hypocrisie et le cynisme des autorités de son pays: un voyage de l'autre côté du miroir qui lui permet par contraste de découvrir la vraie valeur de son fils, de Beth (Sissy Spacek) mais aussi la sienne, cette part de lui-même qu'il a transmis inconsciemment à Charles et qu'il avait toujours dénigré jusque là. Bouleversant.

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