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Articles avec #fantastique tag

Toy story 2

Publié le par Rosalie210

John Lasseter et Ash Brannon (1999)

Toy story 2

Le deuxième volet de la saga Toy Story surpasse le premier opus à tous les niveaux. L'animation en images de synthèse a fait des progrès considérables en quelques années permettant à des humains comme Al le collectionneur cupide d'occuper une place importante dans l'histoire. L'univers s'élargit dès la superbe scène d'ouverture intergalactique qui fait de Buzz un virtuel ranger de l'espace avec plein de petits clins d'œil jubilatoires à Star Wars et 2001 l'odyssée de l'espace. Clins d'oeils prolongés avec la scène ou Buzz et sa Némésis Zurg rejouent le "je suis ton père" "Aaaaaaah!" Plusieurs scènes d'action haletantes mettent les jouets en relation avec des espaces démesurés pour eux (tour de 23 étages, immenses rayonnages de la ferme aux jouets, route à traverser, aéroport). Mais ce sont surtout les caractères des personnages et les thèmes du film qui gagnent en profondeur. Woody est confronté à un véritable dilemme existentiel qui dépasse de loin son statut de jouet pour toucher à l'universalité de la condition humaine. D'une part il découvre ses origines et son glorieux passé. Il est l'un des multiples produits dérivés d'une série TV de la fin des années 50, "Woody's Roundup" dont il était la vedette. Il s'agit d'un hommage nostalgique à l'émission pour enfants américaine "Howdy Doody" qui connut un grand succès entre 1947 et 1960 avant d'être éclipsée par la conquête spatiale. D'autre part il doit choisir son avenir entre deux voies possibles. Un destin d'objet de collection de musée vitrifié pour l'éternité ou un destin de sujet qui se sent vivant car l'enfant qui joue avec lui le voit ainsi "la vie ne vaut d'être vécue que si l'on est aimé". Mais choisir d'être vivant et aimé implique aussi l'acceptation du vieillissement ("si vous jouez avec, il ne durera pas"; "Les jouets ne sont pas éternels"), de la perte, de l'abandon et de l'oubli sous un lit, sur une étagère, dans un vide-grenier... ("on n'oublie pas des enfants comme Emily ou Andy, ce sont eux qui nous oublient"; "Crois-tu qu'Andy t'emmènera avec lui à l'université ou en lune de miel?") et enfin la mort (Woody rêve qu'il est jeté à la poubelle et englouti, Jessie qui a été mise dans un carton et donnée à une œuvre de charité a peur de retourner dans le noir etc.) C'est ce questionnement qui donne tout son relief psychologique au personnage du "méchant", le chercheur d'or, Papy Pépite qui vit depuis son premier jour dans une boîte que personne n'a jamais ouvert. Jaloux et aigri de n'avoir jamais été acheté (choisi et aimé par un enfant), il déteste "les jouets frimeurs" et de ce fait est prêt à tout pour forcer Woody à entrer au musée avec lui. En guise de punition, il devra apprendre "la vraie vie d'un jouet" entendez, devenir mortel.

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Toy Story

Publié le par Rosalie210

John Lasseter (1995)

Toy Story

La sortie du premier Toy Story en 1995 a fait date dans l'histoire du cinéma d'animation au même titre que la sortie de Blanche-Neige en 1937. Pour trois raisons:

- Premier long-métrage d'animation entièrement en images de synthèse.
- Premier long-métrage des studios Pixar.
- Premier film d'une série culte (trois films à ce jour, un quatrième en préparation).

Bien sûr ce rôle de précurseur explique que certains aspects du film aient aujourd'hui vieilli (l'animation des humains et du chien Scud). Mais l'essentiel n'est pas là. L'essentiel est que ce film pose aussi bien les bases de l'univers Toy Story que celui des studios Pixar. Dès cet opus, ceux-ci se démarquent des studios Disney (les seconds n'avait pas encore racheté les premiers mais John Lasseter avait travaillé pour Disney comme animateur au début des années 80 et Toy Story a été le fruit de la collaboration des deux studios).

Le postulat de Toy Story repose sur des jouets qui prennent vie dès que les humains leur tournent le dos. Des jouets attachants dotés d'une véritable complexité humaine. En dépit de leur apparence colorée, ils se comportent comme les employés consciencieux d'une entreprise soucieuse d'accomplir sa mission: se mettre au service de leur petit propriétaire, Andy. Leur plus grande peur est d'être oubliés, remplacés, jetés au rebut. Une angoisse d'anéantissement qui traverse toute la série Toy story. Dans le premier, le pic d'angoisse a lieu lors des anniversaires et des noël d'Andy. Chaque jouet est à l'affût de celui qui pourrait le détrôner et tout particulièrement Woody le cow-boy, jouet préféré d'Andy et qui de ce fait est celui qui a le plus à perdre. L'arrivée de Buzz l'éclair provoque la jalousie de Woody qui rêve de se débarrasser de l'intrus. Non sans l'avoir auparavant remis à sa place car Buzz est persuadé d'être un véritable ranger de l'espace et non un simple jouet. Ce qui donne lieu à un dialogue parmi les plus brillants du film " Tu viens d'où? Singapour? Hong-Kong?", "De Gamma 4", "Moi de Playschool", "Moi de Mattel ou plutôt de la petite société qu'ils ont absorbé." Mais son conflit avec Buzz va l'entraîner "du côté obscur" incarné par Sid, un gamin sadique qui fait exploser ses jouets ou les transforme en mutants hybrides.

Derrière l'univers enfantin, on voit poindre toute une série de thèmes traités de façon adulte: peur de l'abandon et de ne plus être aimé, maltraitance, préjugés, perte des illusions et de l'innocence etc. Le tout est emballé dans des décors et scènes plus réussis les uns que les autres: l'inquiétante maison de Sid et sa moquette sortie de Shining, la pizzéria "Pizza planet" et ses petits extra-terrestres fatalistes attendant d'être choisis par le grappin magique, la course-poursuite finale qui fait penser à Indiana Jones (tout comme le globe terrestre qui roule sur Buzz), le raid militaire des soldats en plastique... Quant à Woody et Buzz, ils instaurent le "buddy movie" au sein du cinéma d'animation grâce à leurs caractères complémentaires (cool pour le souple Woody et inflexible et déterminé pour le rigide Buzz) qui regardent dans la même direction: celle de la frontière à repousser. Comme les studios Pixar: vers l'infini et au-delà!

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La tortue rouge

Publié le par Rosalie210

La tortue rouge

Lenteur. Solitude. Silence. Sagesse. Simplicité. Epure. Contemplation. Amour. Symbiose.

Au début pourtant, l'homme réchappé du naufrage et échoué sur l'île déserte veut faire comme tous ceux qui en sont passé par là (dans la culture occidentale du moins). Il veut construire un radeau pour quitter l'île. Il s'acharne. Il recommence, encore et encore. Mais une mystérieuse force le ramène toujours sur le rivage après avoir détruit l'embarcation. Cette force, il finit par le découvrir, c'est une immense et mystérieuse tortue rouge. L'homme la voit comme son ennemie et lorsqu'elle vient à sa rencontre, il la frappe, la retourne et la laisse pour morte. C'est alors qu'il réalise qu'elle est venue le sauver, lui qui se mourrait de désespoir. Plein de remords, il essaye de la ranimer. Alors le miracle se produit: la tortue devient femme. L'homme cesse de lutter, il lâche prise et laisse les flots emporter son radeau. Plus jamais il ne tentera d'aller contre les éléments ou de les dominer ou de les transformer. Il se laissera porter, il contemplera, il acceptera. La tortue métamorphosée deviendra sa compagne et la mère de leur enfant. Elle restera avec lui jusqu'à la fin. Puis elle retournera à la mer.

Ce conte philosophique d'une limpidité absolue et d'une beauté à couper le souffle nous parle de la condition humaine et du rapport de l'homme à l'univers. Il est le fruit de trois sensibilités au carrefour de l'orient et de l'occident. Celle du réalisateur néerlandais Michael Dudok de Wit auteur de plusieurs courts métrages sur les cycles de la vie. Celle du studio animiste (à tous les sens du terme) japonais Ghibli dont c'est la première collaboration avec des éléments extérieurs. Et enfin celle de Pascale Ferran coscénariste qui dans Lady Chatterley magnifiait déjà la symbiose homme/nature.

Cette œuvre minimaliste, distanciée et silencieuse ne peut pas plaire à tout le monde mais elle recèle tant de beauté qu'elle doit être découverte

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Lego Batman le film (The Lego Batman Movie)

Publié le par Rosalie210

Chris McKay (2017)

Lego Batman le film (The Lego Batman Movie)

Un dessin animé hystérique et épuisant qui use et abuse d'un gloubiboulga de références à la pop culture. Les personnages Batman ne suffisant pas à remplir le vide intersidéral de cette soupe abrutissante on a fait appel aux autres super-héros et aux méchants d'autres sagas cultes du catalogue Warner du Seigneur des Anneaux à Harry Potter, tout aussi peu et mal exploités. L'histoire est décousue, l'esthétique laide, la morale hyper-convenue. Quant à l'humour il oscille entre le caca-prout-prout et les clins d'œil parodiques à la Schrek (personnellement, je déteste ça). En dehors des geek ou des super fans de Batman qui collectionnent tous les opus de leur héros, s'abstenir y compris si on a des enfants. Voilà de quoi leur refiler la migraine (d'autant qu'ils ne comprendront pas les 3/4 des références).

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Liliom

Publié le par Rosalie210

Fritz Lang (1934)

Liliom

Quatre ans après Frank Borzage, Fritz Lang adapte à son tour la pièce de théâtre du dramaturge hongrois Ferenc Molnar. Le film fait un peu figure d'OVNI dans sa carrière car c'est aussi le seul film qu'il a réalisé pendant son séjour en France après avoir fui l'Allemagne et avant qu'il ne rejoigne les Etats-Unis. L'influence du réalisme poétique français se fait d'ailleurs sentir, notamment sur le jeu des acteurs et les décors.

La version de Lang possède trois qualités principales. Tout d'abord l'interprétation de Charles Boyer est en tous points remarquable et donne beaucoup de charme, d'énergie et d'humanité à Liliom, ce voyou "irrécupérable" entouré d'anges gardiens prêts à tout pour le sauver de la damnation (Liliom signifie "dur à cuire" en magyar). Deuxième atout, le regard plus que critique que Lang porte sur la justice qu'elle soit terrestre ou divine (la deuxième étant montrée comme un clone de la première). Enfin le film bénéficie d'un sens du rythme qui fait que l'on ne s'ennuie jamais.

Le film de Lang est beaucoup plus connu des cinéphiles et du public que celui de Borzage. Il est sympathique, charmant, divertissant. Néanmoins il reste un film mineur dans sa filmographie car trop léger. La pièce d'origine est bien trop faible pour convaincre, surtout un spectateur d'aujourd'hui. Englué dans ce matériau de base, Lang n'a pas réussi à y imprimer suffisamment sa personnalité pour le transcender.

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Interstella 5555:The Story of the Secret Star System (Intāsutera fō faibu)

Publié le par Rosalie210

Interstella 5555:The Story of the Secret Star System (Intāsutera fō faibu)

Les parents et les critiques des années 70-80 étaient totalement à côté de la plaque lorsqu'ils descendaient en flamme les dessins animés japonais. Outre d'incontestables réflexes protectionnistes ("face aux japonais, il fallait rusé. La production française redémarre. Enfin!" titrait Télérama, soulagé d'avoir trouvé une parade.) voire racistes ("nippon ni mauvais" dans un abominable article du journal de Spirou intitulé "Japoniaiseries"), il y avait une incompréhension foncière vis à vis de ces oeuvres. Heureusement, un partenariat créatif allait à l'encontre de ces préjugés et jugements à l'emporte-pièce exactement à la même époque. Il s'agissait de Ulysse 31, fruit de la rencontre entre Jean Chalopin et la société japonaise TMS. Le résultat: une expérience hybride, celle de l'Odyssée d'Homère dans l'espace et des personnages aux traits occidentaux mêlés à des extras-terrestres à la peau bleue, Thémis et Noumaïos tous deux créés par Shingo Araki, le character design star de la TMS. Et un dessin animé devenu une référence dans l'univers des séries animées.

C'est exactement dans cette démarche de partenariat créatif transnational que s'inscrit Interstella 5555. Un rêve d'enfant devenu réalité selon les propres mots des Daft Punk qui ont découvert Albator à l'âge de 5 ans. Leur musique électro (l'album Discovery) alliée aux images du mangaka Leiji Matsumoto connu pour ses space-opera poétiques et énigmatiques (Outre Albator, on peut citer Galaxy Express 999, deux oeuvres qui allient futur hypothétique et passé fantasmé) débouche sur un dessin animé musical assez fascinant. Un bijou d'un peu plus d'une heure où se mêlent galaxies, vaisseaux spatiaux, limousines et show-business décadent. Les thèmes abordés sont ultra-contemporains: double identité, choc des cultures, ravages du star-system et du culte de la réussite, mondialisation, exploitation des peuples dominés par des capitalistes sans scrupules, dégâts de la surconsommation... Les Crescendolls portent bien leurs noms. Ce sont des poupées désincarnées, manipulées par un magnat de l'industrie du disque qui leur a fait subir un lavage de cerveau et s'apprête à les jeter dans la fosse aux lions après les avoir sucés jusqu'à la moëlle. Mais c'est sans compter sur un desperados solitaire, héros au vaisseau en forme de guitare prêt à sacrifier sa vie pour sauver celle de la bassiste du groupe dont il est amoureux. Le design des personnages est reconnaissable au premier coup d'oeil (la fille longiligne type sylvidre, le nabot, le beau gosse romantique...) tout comme les touches d'humour et la profonde mélancolie qui se dégage de l'ensemble. Bref c'est magique et percutant.

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Liliom

Publié le par Rosalie210

Frank Borzage (1930)

Liliom

Plastiquement, Liliom est un film superbe. Bien que parlant, il se situe dans le prolongement des œuvres muettes du cinéaste très influencées par l'expressionnisme allemand. Les décors stylisés, dépouillés et géométriques sont à la limite de l'abstraction. On a le plus souvent affaire à deux plans. Le premier plan quasi vide évoque une scène de théâtre. Le second plan visible par une grande ouverture montre les lumières et les formes circulaires ou elliptiques de la fête foraine nocturne. Cet irréalisme des décors contribue à créer une atmosphère onirique voire féérique renforcée par des lumières contrastées en clair-obscur. Il permet d'effectuer en douceur le basculement de la dimension terrestre vers la dimension céleste. Celle-ci passe du deuxième au premier plan lorsque le train du grand huit visible au fond de l'image change de direction, se rapproche et passe soudain par l'ouverture, traversant la chambre pour emporter l'âme du défunt.

Mais si la forme enchante voire éblouit, le contenu n'est pas à la hauteur et tourne rapidement à vide. On aurait pu presque s'en passer tout comme des paroles, bien inutiles tant le film est proche de l'esthétique du muet et du cinéma expérimental. Borzage a adapté une pièce de théâtre du dramaturge hongrois Ferenc Molnar publiée en 1909 qui raconte l'histoire de Julie, une domestique naïve qui tombe éperdument amoureuse d'un séduisant mais veule bonimenteur de foire, Liliom. Quoiqu'il lui fasse subir, elle l'accepte avec le même air de mouton résigné. Julie incarne pour Liliom l'espoir d'échapper à une vie qui à l'image du carrousel où il travaille tourne en rond. Il lorgne vers la ligne de fuite des rails, vers une nouvelle vie en Amérique, vers la rédemption par l'amour. Mais Liliom est un personnage minable, un velléitaire bouffi d'orgueil qui refuse les offres d'emploi honorables qu'il ne trouve pas assez bien pour lui. Il se fait entretenir par Julie puis se compromet avec un voleur. Mais de cela aussi il est incapable et préfère lâchement se supprimer. Qu'un personnage aussi médiocre se voit offrir par l'au-delà une seconde chance alors que personne d'autre n'a eu ce privilège défie l'entendement. La manière dont il l'utilise laisse pantois tout comme la façon dont son acte est interprété ("non ce n'est pas un échec.") Et Julie et sa fille d'en rajouter sur le thème "Il me frappe mais ça ne fait pas mal." (C'est merveilleux quoi!) Où quand Borzage mélange amour absolu et maltraitance et tente de le justifier. Bref, c'est daté, daté et cet aspect ne passe plus aujourd'hui. A sa sortie ce drame fantastique atypique connut un échec critique et public retentissant et les passages religieux furent censurés dans certains pays ce qui faillit compromettre la carrière de Borzage.

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Excalibur

Publié le par Rosalie210

John Boorman (1981)

Excalibur

Les plus belles légendes s'appuient toujours sur un fond de vérité. Même si son existence historique n'est pas attestée, on situe l'existence du roi breton (c'est à dire anglais) Arthur au VI° siècle après JC. La mise par écrit des éléments essentiels de sa légende (Uther Pendragon, Merlin, Excalibur, Mordred, Avalon...) s'effectue au XII° siècle par Geoffroy de Monmouth, puis par Chrétien de Troyes qui y ajoute Lancelot et le Graal et Robert de Boron qui évoque l'épreuve de l'enclume par laquelle Arthur, simple palefrenier obtint le trône. Le XII° correspond au triomphe de la culture chevaleresque féodale dont les rites et les valeurs sont portés par le cycle arthurien. Mais c'est plutôt sur les romans arthuriens modernes que s'est appuyé John Boorman pour construire son film. La mort d'Arthur de Thomas Malory (1470) et plusieurs oeuvres de fantasy du XX° siècle jusqu'à Tolkien. On ressent dans le film les lointains échos du Seigneur des anneaux que Boorman avait le projet d'adapter. Ce projet échoua mais il réutilisa certaines idées pour Excalibur. D'autre part, les contraintes de durée l'obligèrent à fusionner certains personnages (Arthur et le roi pêcheur, Perceval et Galahad) et à faire des ellipses. Mais le film gagne en clarté ce qu'il perd en détails.

Outre ce substrat littéraire très riche, outre une esthétique picturale flamboyante qui doit autant aux préraphaëlites qu'à Gustav Klimt, outre une interprétation collégiale remarquable composée de jeunes visages en 1980 appelés à faire une grande carrière par la suite (Gabriel Byrne, Helen Mirren, Liam Neeson...), outre une bande originale digne des meilleurs films de Kubrick (ou comment friser la grandiloquence sans y tomber avec O Fortuna pour l'un et Ainsi parlait Zarathoustra pour l'autre) l'aspect qui me fascine le plus dans le film de Boorman est sa profonde compréhension des enjeux de la fusion entre culture barbare et chrétienté qui façonna la civilisation occidentale du Moyen-Age. Cette fusion eut en effet un prix, celle du sacrifice du paganisme au profit du christianisme. Ce n'est pas un hasard si le personnage le plus marquant du film de Boorman est Merlin le magicien et philosophe qui prophétise à Morgane que pour leur espèce, "les jours sont comptés. Le dieu unique chasse les dieux multiples." Le thème musical de la mort de Siegfried extrait du crépuscule des Dieux de Wagner sur fond de soleil couchant ne dit pas
autre chose. C'est en effet dans la dernière partie du film consacrée à la quête du Graal que la christianisation de la légende est la plus évidente. Perceval devient Jésus. Il trouve le Graal après ce qui ressemble à son baptême dans la rivière et lorsqu'il en fait boire le contenu à Arthur celui-ci ressuscite et part vaincre Mor(t)dred en traversant des paysages printaniers (un symbole majeur de la résurrection). Boorman dont le cinéma a un caractère panthéiste magnifie la nature en filmant de somptueux paysages reflétants les états d'âme des protagonistes (terre aride de la quête, forêt des tourments...)

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Le bal des vampires (The Fearless Vampire Killers)

Publié le par Rosalie210

Roman Polanski (1967)

Le bal des vampires (The Fearless Vampire Killers)

Honnêtement, je trouve que ce film culte de ma jeunesse a un peu vieilli et qu'il manque de rythme, surtout au début. Le mythe du vampire a été depuis bien dépoussiéré et réactualisé. Mais il faut reconnaître à Polanski le mérite d'avoir été le premier à mélanger avec réussite le fantastique et le burlesque. Le fantastique car le film se situe dans un univers réaliste d'où surgissent des événements surnaturels. Et le burlesque à cause de son duo comique composé d'un savant illuminé sosie d'Einstein et de son assistant Alfred, homme-enfant timide et extrêmement maladroit (joué par Roman Polanski lui-même). À ce duo comique répond un autre duo, parodique, celui du comte von Krolock (dont le nom peut se lire comme "crocs vissés") écho du comte "Nosferatu" Orlok de Murnau, sosie de Christopher Lee dans les Dracula de la Hammer et son serviteur bossu aux dents plantées de travers Koukol (cou/col). Les sources de comique sont nombreuses et issues de la veine slapstick: coups de pied, chutes, vitesse accélérée, détournements d'objets (un cercueil devient une luge, deux épées un crucifix, un saucisson un bâton etc.) sans parler de quelques traits d'humour bien sentis se moquant du folklore vampirique et de ses sous-entendus (l'aubergiste juif qui n'a pas peur du crucifix, le vampire homosexuel qui tente de "draguer" Alfred au sens propre...)

Mais si le film a un côté bouffon, il n'est pas léger pour autant car sur le fond il est extrêmement noir. La sexualité est par exemple montrée sous son angle le plus mortifère, ainsi la scène du bain de Sarah (la flamboyante Sharon Tate qui devait mourir assassinée deux ans plus tard dans des circonstances atroces) fait penser à Psychose avec ses pulsions voyeuristes et meurtrières teintées d'impuissance. De même l'aubergiste finit dans une tombe avec le cadavre de son employée qu'il a vampirisée jusqu'à la moelle. Et quand le professeur quitte le château, loin d'avoir éradiqué le mal, il l'emporte avec lui ce qui mondialise la contamination. L'enfer est pavé de bonnes intentions.

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Your name (Kimi no na wa)

Publié le par Rosalie210

Makoto Shinkai (2016)

Your name (Kimi no na wa)

Une jeune fille, Mitsuha. Elle s'ennuie dans ses montagnes, au coeur du Japon rural marqué par des traditions ancestrales. Elle rêve de vivre à Tokyo dans la peau d'un jeune garçon "branché".
Un jeune garçon, Taki. Il vit à Tokyo et se sent à l'étroit dans sa vie partagée entre le lycée et son petit boulot de serveur de restaurant. Il rêve de grands espaces.
Les rêves complémentaires de ces deux adolescents qui ne se connaissent pas vont entrer en résonance deux à trois fois par semaine, permettant à chacun d'investir temporairement la peau de l'autre de façon imprévisible. Mitsuha devient Taki et Taki devient Mitsuha ce qui donne lieu à toutes sortes de quiproquos amusants et à des interrogations sur l'identité de genre (ou quand la transmigrations des âmes permet d'aborder la thématique transgenre). Puis chacun retrouve son identité habituelle sans conserver la mémoire de ce qui lui est arrivé. Cependant les interrogations de l'entourage et les traces laissées par les épisodes de "possession" vont finir par mettre en contact les deux jeunes gens via leur portable. Ils commencent alors à correspondre pour ajuster au mieux leurs comportements dans les moments où ils échangent leurs identités.

Puis un jour, tout contact est rompu, la mémoire du portable est effacée et les échanges d'âme s'arrêtent brutalement. Taki qui se souvient du paysage où vit Mitsuha décide d'enquêter pour la retrouver ainsi que son village. C'est là que les choses se corsent: il découvre qu'elle ne vit pas dans la même temporalité que lui mais dans un passé récent. Le jour où le contact a été rompu, le fragment d'une comète s'est écrasé sur son village, anéantissant une grande partie de ses habitants (allusion à peine voilée à la catastrophe de Fukushima.) A la manière de Retour vers le futur, Taki décide alors de remonter le temps pour prévenir Mitsuha et la sauver à temps ainsi que les habitants du village. Cet élément n'est pas seulement fantastique, il relève des croyances shinto traditionnelles. Le "musubi" (noeud, lien) est la divinité protectrice de la région où vit Mitsuha. Mitsuha et Taki sont liés l'un à l'autre malgré l'espace et le temps qui les séparent comme les deux branches d'une comète qui ne cessent de fusionner et de se scinder, comme une tresse (l'art pratiqué par la grand-mère de Mitsuha) qui se fait et se défait. Un lien spiritualo-charnel qui se renforce encore quand Taki boit l'offrande que Mitsuha a faite au Musubi (du saké fabriqué à partir du riz mâché par sa salive) lui permettant de retourner dans le passé alors que Mitsuha est partie le chercher à Tokyo. La tâche est d'autant plus compliquée que ces moments de fusion/croisements restent intermittents (crépuscule, rames de métro qui se croisent...) Lorsque les deux branches se séparent, leur mémoire s'efface à nouveau au point qu'ils ne se souviennent plus du nom de l'autre (ils se souviennent juste qu'ils cherchent quelqu'un/quelque chose qui leur est cher). D'où le titre: Your Name.

Derrière la romance compliquée par les problématiques transgenre et les paradoxes spatio-temporels, on comprend ce qui a pu faire de ce film sur le temps et la mémoire un méga-hit au Japon au point de dépasser en nombre d'entrées de nombreux films Ghibli. Les dichotomies du film (masculin/féminin, passé/présent, urbain/rural, tradition/modernité, souvenir/amnésie etc.) dessinent l'image de deux facettes du Japon. D'un côté la nostalgie de la culture ancestrale immémoriale s'appuyant sur un rapport puissant à la nature et aux forces cosmiques. De l'autre, la civilisation urbaine high-tech contemporaine avec les menaces qu'elle fait courir sur "l'autre Japon." Seule la mémoire du lien entre ces deux Japon peut permettre au deuxième de sauver le premier au lieu d'être englouti avec lui.

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