Pendant des années, je n'ai eu envie de revoir ce film que pour une seule séquence: celle des souvenirs de Rogue qu'Harry consulte dans la pensine. Il faut dire que lorsque j'avais lu le livre, je m'étais directement jetée sur le chapitre correspondant, Rogue étant mon personnage préféré. Et si l'adaptation cinématographique sabre des éléments essentiels comme la cause de la rupture entre Lily et Rogue, il s'agit d'un moment poignant où Alan Rickman déploie plus que jamais son talent et son charisme. En dehors de cette séquence, il y a peu de choses à sauver dans le dernier opus de la saga qui est particulièrement maladroit voire par moments, grotesque. Je pense en particulier aux tirades ridicules du pauvre Neville qui balance un prêchi-prêcha pénible à Voldemort et se déclare fou de Luna (où ont-ils été chercher cela? Pas dans le livre en tout cas) et aux interminables scènes où Daniel Radcliffe se démène en tous sens avec l'expressivité d'un bout de bois et une crédibilité proche du niveau 0. J'adore en particulier les articles qui ont qualifié son baiser avec Ginny de "frigide" car c'est exactement le mot qui qualifie son jeu. Si l'on ajoute que Ralph Fiennes n'a jamais réussi à incarner Voldemort de façon convaincante, il n'est guère étonnant que leur combat final tombe complètement à plat. Sur le plan visuel il y a quelques bonnes idées comme celle des chevaliers de pierre (et l'idée de faire de Maggie Smith leur commandante en chef est plus que plaisante) mais la bataille de Poudlard est sans relief, traitée comme un passage obligé, de même que d'autres morceaux de bravoure de la saga. Preuve quand même qu'un bon acteur peut changer la donne, la prestation des Malefoy pourtant peu présents à l'écran est marquante. Il suffit de quelques plans bien sentis pour que l'on comprenne la déchéance du père rejeté par son propre fils. Jason Isaacs et Tom Felton font passer bien plus de choses en quelques secondes que Daniel Radcliffe durant tout le reste du film. Ce qui laisse entrevoir la tragédie shakespearienne qu'il aurait pu être si tout le casting avait pu être à ce niveau.
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A l'image des critiques assez contrastées, cet avant-dernier opus de la saga d'Harry Potter toujours réalisé par David Yates est assez inégal. Si certaines séquences sont réussies, le réalisateur a bien du mal à relier harmonieusement l'ensemble et à lui donner du rythme sans parler du sens, pas toujours très clair pour ceux qui n'ont pas lu les livres (Bill Weasley qui jaillit de nulle part comme fiancé de Fleur on ne sait pas pourquoi, Lupin qu'on retrouve marié à Tonks également sans explications etc.). Il n'est pas aidé par une adaptation qui en scindant le tome 7 en deux films étire inutilement l'intrigue principale c'est à dire la quête des horcruxes. Certes, il est méritoire d'avoir voulu restituer les aspects erratiques et contemplatifs du livre. Contrairement à ce que j'ai lu ici et là, il ne s'agit pas d'une faiblesse, bien au contraire. Rowling veut s'ancrer dans un certain réalisme anti-héroïque en montrant que la quête des héros (qui s'inspire de celle des résistants prenant le maquis pendant la seconde guerre mondiale) est faite de doutes, de tensions, d'ennui, de découragement. Elle montre aussi que paradoxalement, c'est le manque de contrôle de Harry sur les événements et son acceptation qui est un facteur essentiel de sa victoire finale. Seulement Rowling mêle à cette errance des aspects qui sont évacués par l'adaptation cinématographique, en premier lieu les doutes de Harry sur Dumbledore dont la biographie fait voler en éclats l'aura de sainteté. Cette simplification abusive des enjeux jointe à la prestation toujours aussi faible des jeunes acteurs désormais seuls à l'écran explique en partie l'ennui profond que l'on ressent devant les séquences de cavale en dépit de la beauté des paysages traversés.
Reste tout de même quelques séquences très réussies, en premier lieu celle du conte des trois frères réalisée en animation d'ombres chinoises. Ensuite celles qui tournent autour du manoir Malefoy en raison de l'atmosphère terrifiante qui y règne et de l'excellence de l'interprétation y compris de Tom Felton qui est le seul des acteurs adolescents à parvenir à nous faire ressentir qu'une tragédie pèse sur ses épaules. Enfin l'infiltration du ministère si elle traîne trop en longueur a le mérite d'offrir des séquences à la Brazil et de nous débarrasser de Rupert Grint, Emma WATSON et surtout de Daniel Radcliffe, véritable boulet de la franchise. En effet grâce au polynectar ce sont d'autres acteurs qui jouent les rôles d'Harry, Ron et Hermione et cela fait très bizarre de voir Harry exprimer enfin des émotions au lieu de nous fixer avec ses yeux de veau et sa raideur de bûche.
"Harry Potter et le Prince de sang-mêlé" est le film de la saga que je préfère (si j'excepte le Cuaron qui reste indétronable à mes yeux). Il est très supérieur au cinquième film "Harry Potter et l'ordre du phénix" et ce pour plusieurs raisons:
- Le travail sur la lumière de Bruno Delbonnel, le directeur de la photographie "d'Amélie Poulain" donne à l'image un relief et une élégance qui lui manquait. Souvenirs coulants comme de l'encre de Chine, tableaux vivants travaillés en contre-jour, jeu sur les couleurs et le noir et blanc, le résultat final est somptueux. Pour ne prendre qu'un exemple, les scènes de Pensine de cet opus écrasent toutes les autres sur le plan de l'esthétique de l'image.
-Autre gros atout de cet opus, son scénario et son montage qui alternent avec réussite des moments de comédie légère et des moments extrêmement sombres, les uns succédant aux autres dans une même séquence ce qui assure un rythme soutenu à l'ensemble. Les exemples abondent: Ron ensorcelé par le philtre d'amour de Romilda Vane se comportant de façon hilarante juste avant d'être empoisonné, la boutique de farces des frères Weasley jouxtant des boutiques saccagées par la guerre, l'enterrement cocasse et arrosé d'Aragog précédent l'évocation de souvenirs douloureux ou le flirt insouciant des uns cohabitant avec le spleen des autres.
-Enfin au niveau des personnages, le film -tout comme le livre- introduit des changements. Il étoffe considérablement le rôle de Drago en révélant une facette de lui fragile, sombre et tourmentée. Comme Dudley dans le tome précédent, Drago est confronté à la mort ce qui entraîne une évolution de son caractère jusqu'ici immuable. Il est en effet autant marqué par l'arrogance de son père que par l'amour de sa mère. Laquelle privilégie le sauvetage de son fils à l'idéologie et à Voldemort. Rogue et Dumbledore qui deviennent des personnages de tragédie sont particulièrement magnifiés dans un film qui leur offre des scènes à l'ambiance shakespearienne dans lesquelles Michael Gambon et Alan Rickman peuvent déployer un peu plus leur talent. C'est aussi le livre où Dumbledore apparaît vulnérable et affaibli, en proie à des tourments personnels qui ne seront révélés que dans le livre suivant. Enfin si le piètre jeu de Daniel Radcliffe ne rend pas crédible une seconde sa haine pour Rogue ou son attirance pour Ginny (d'autant que Bonnie Wright n'est pas très convaincante non plus), il est mieux dirigé que d'habitude. Et le nouveau venu, Jim Broadbent est excellent dans le rôle d'Horace Slughorn, le premier serpentard que l'histoire présente comme positif.
Avec l'adaptation du tome 5 de la saga Harry Potter commence le règne sans partage de David Yates. Il réalisera en effet tous les films ultérieurs et a récemment remis le couvert pour le premier opus du spin-off des "Animaux fantastiques".
On comprend pourquoi ce réalisateur donne toute satisfaction aux producteurs et aux fans. Comme Christopher Colombus, c'est un élève appliqué qui produit des films parfaitement impersonnels calibrés pour ne pas faire de vagues. Une impression renforcée par les effets numériques qui gomment toutes les aspérités de l'image. Par conséquent l'adaptation du tome 5 est non seulement fade et décevante mais elle caricature tellement le livre qu'elle finit par le trahir.
Il faut dire que le tome 5 est beaucoup plus difficile à adapter que les précédents en raison de sa longueur et de sa complexité. S'il est plutôt mal-aimé c'est en raison de sa richesse, de ses subtilités et du comportement désagréable de Harry, en pleine crise d'adolescence. Tous aspects qui n'existaient pas dans le tome 4, plus axé sur l'action que sur la réflexion. Le tome 5 qui dresse le portrait saisissant d'un ado révolté rejeté de partout accentue la foncière ambivalence qui caractérise chacun de nous. Des membres de l'Ordre du Phénix poursuivant le même objectif (Sirius et Rogue) peuvent se haïr au point de chercher à s'entretuer, les êtres bafoués (Rogue et Kreattur) par le mépris de ceux qui se réclament du bien (James et Sirius) peuvent basculer dans les ténèbres. Parallèlement le livre dresse un panorama approfondi des mécanismes du totalitarisme au travers de la paranoïa du ministre de la magie, Cornelius Fudge (inspiré par Chamberlain célèbre pour s'être couché devant Hitler) ainsi qu'au travers de la figure fascistoïde de Dolorès Ombrage, nouvelle dame de fer en collants roses dont les méthodes coercitives et le sadisme n'ont rien à envier au 1984 de George Orwell.
Tout cela étant jugé trop complexe et mature pour le grand public, le film choisit de simplifier au maximum le livre. En rendant seulement comique le personnage d'Ombrage on ne prend plus au sérieux les aspects politiques du livre. D'autre part, le public étant jugé trop bête pour saisir l'implicite, on souligne lourdement les sentiments. Par exemple dans le livre, lorsque Harry est possédé par Voldemort il pense qu'il va mourir et qu'ainsi il retrouvera Sirius. Le lecteur doit alors comprendre par lui même que l'élan d'affection d'Harry pour son parrain brûle Voldemort au point de l'obliger à lâcher prise. Dans le film, Harry dit qu'il possède l'amour et l'amitié ce que Voldemort n'aura jamais. Or JK Rowling déteste tant les paroles creuses que dans le livre lorsque Dumbledore veut consoler maladroitement Harry, il augmente sa fureur. Harry finit par tout casser dans son bureau et se retient de lui sauter à la gorge. Un aspect trop dérangeant savamment gommé. Daniel Radcliffe, plus raide et inexpressif que jamais contribue à rendre le film insipide et inoffensif.
On associe aujourd'hui l'œuvre d'Ingmar Bergman ainsi que l'opéra en général à un certain élitisme. Historiquement, rien n'est plus faux. Le singspiel, genre d'où est issu "La flûte enchantée" se rapproche de l'opéra-comique français de par son mélange des genres (de la farce au drame) tout en puisant son inspiration dans le folklore allemand. C'est justement pour reconnecter l'œuvre de Mozart à ses racines populaires que Bergman a eu l'idée de ce film prévu au départ pour être diffusé à la télévision suédoise. Cette volonté de vulgarisation explique aussi la traduction du livret en suédois, les nombreux plans sur les spectateurs au profil varié (à l'inverse de ce que l'on observe dans une salle d'opéra habituellement) ou les coupes effectuées dans l'histoire. En effet si la musique est célébrissime, l'histoire est des plus absconse, sans doute peuplée de références maçonniques auquel le non-initié ne comprend rien. L'implication politique est d'ailleurs ce qui différencie le singspiel de l'opéra-bouffe ou de l'opérette. Bergman rend les enjeux de l'histoire limpides avec un combat du bien contre le mal et met aussi en valeur l'aspect ludique et enfantin de l'opéra à travers l'oiseleur Papageno notamment qui est assez irrésistible. Il rend également hommage au monde du théâtre en filmant régulièrement ses coulisses ce qui donne lieu à des scènes assez cocasses notamment pendant l'entracte. Son film fusionne ainsi harmonieusement trois arts: le théâtre, l'opéra et le cinéma. En effet de nombreux plans cinématographiques (zooms avant et arrière, champs et contrechamps, plongées et contre-plongées etc.) contredisent l'impression de théâtre filmé qui s'en dégage au premier abord.
Ainsi aux antipodes de l'image que l'on peut s'en faire, Bergman est un formidable passeur de culture et un magnifique peintre du monde de l'enfance. Je peux en témoigner, l'ayant découvert vers l'âge de 10 ans avec une autre œuvre diffusée pour la télévision à l'époque où je n'avais pas accès au cinéma: "Fanny et Alexandre". Un film-testament où il recrée son enfance entre lanterne magique et ténèbres.
Visuellement c'est bluffant, scénaristiquement beaucoup moins. Beaucoup de bruit pour rien en quelque sorte. 10 ans d'élaboration qui font ainsi pschitt c'est dommage.
Pourtant l'idée de transposer "Akira", œuvre post apocalyptique culte dans un univers steampunk à la Jules Verne avait de quoi susciter de grands espoirs. De fait le résultat technique est grandiose. La société victorienne est reconstituée avec beaucoup de minutie, les machines sont plus fascinantes les unes que les autres et il y a de grands morceaux de bravoure où on en prend plein les mirettes, notamment à la fin lors de (l'auto)destruction de la tour steam qui entraîne la glaciation d'une partie de Londres.
Le problème, c'est que toute cette débauche visuelle a été réalisée au détriment de l'histoire et des personnages. Le conflit intra-familial autour de l'utilisation des innovations technologiques était pourtant une excellente idée, une sorte de réactualisation de la tragédie des Atrides à l'ère de la vapeur. Hélas, les personnages ne sont pas cohérents, leurs motivations sont floues ce qui introduit la confusion. Le grand-père semble s'opposer à la récupération de ses inventions pour des intérêts politiques ou économiques mais sa quête de puissance est tout aussi démente que celle de son fils. Quant au petit-fils, il apparaît surtout comme un pion que s'échangent les deux patriarches et leurs camps respectifs (bonnet blanc et blanc bonnet tellement les inventeurs artisanaux semblent aussi cupides et mesquins que les riches industriels). Les autres personnages, trop nombreux, sont tout aussi mal ficelés. Scarlett par exemple nous est présentée comme une insupportable fille à (très riche) papa avant de se transformer sans transition en courageuse héroïne. Les questions éthiques sont traitées de façon tout aussi superficielles. Bref le travail de fond est bâclé ce qui fait de cet animé une énorme usine à gaz sans âme.
"La vie est belle" est l'œuvre somme de Capra, celle qui condense à la fois tout son savoir faire et toutes ses convictions. Le film est en effet à la fois engagé et tourmenté.
Engagé tout d'abord. L'image de la cloche de la liberté rappelle "Pourquoi nous combattons" la série de sept films de propagande commandés par le gouvernement des États-Unis à Capra durant la Seconde Guerre mondiale pour expliquer aux soldats américains la raison de l'engagement des États-Unis dans la guerre. Mais le combat dont il s'agit ici est celui du petit entrepreneur face au "Big Business". Un combat qui trouve sa source dans le rêve américain mis en péril par les trusts. Le petit entrepreneur c'est Capra lui-même qui décide de monter sa propre société de production "Liberty Films" face à l'emprise grandissante des Majors sur la production. George Bailey (James Stewart) est le double de Capra, lui qui se bat dans le film pour empêcher l'agence de construction et de prêt de son père de tomber entre les griffes du magnat local Potter, cynique et malhonnête.
Tourmenté ensuite. Capra est un humaniste et un idéaliste mais ses films n'ont rien de naïf. Bien au contraire ils témoignent d'une connaissance approfondie de l'âme humaine. George Bailey comme tous les héros de Capra est une figure christique, sacrificielle qui par son altruisme sauve sa communauté. Son sens des responsabilités l'amène à sacrifier son ambition personnelle et ses rêves d'évasion égoïstes. Mais Capra nous rappelle ce qu'il en coûte d'être un homme bien. A chaque étape de sa vie, la facture de ses renoncements s'alourdit et un jour, elle explose, conduisant George au bord du suicide. Avant d'en arriver là, plusieurs scènes admirables nous montrent un George ambivalent quant à sa famille vue à la fois comme une source d'affection et comme une prison. On le voit tirer à boulets rouges sur une ruine qui pourtant deviendra sa maison, éprouver des sentiments contradictoires pour Mary (Donna Reed) qui l'attire autant qu'il la rejette et plus tard houspiller ses enfants jusqu'à lâcher qu'il n'aurait pas dû les avoir.
L'intervention du surnaturel a pour but de nous éclairer autant que de sauver George. A la différence d'un film réaliste où il est impossible à l'homme d'avoir une vision globale des conséquences de ses actes sur autrui, George découvre la valeur humaine de ce qu'il a accompli et par conséquent la source du vrai bonheur. Comme le disait Stephan Zweig dans "Le Monde d'hier", "Toute ombre est fille de la lumière et seul celui qui a connu la clarté et les ténèbres a vraiment vécu." C'est parce qu'il a échappé de peu au néant qu'il peut éprouver un telle euphorie à la fin du film.
Comparativement à "Lego Batman" qui mélangeait tout et n'importe quoi dans un climat complètement hystérique, "La Momie" 2017 est un modèle d'épure. Bien sûr c'est du cinéma commercial où les grands studios hollywoodiens (ici Universal) recyclent à l'infini leurs vieilles recettes (la première version de "La Momie" chez Universal date de 1932 et son inventeur est Louis Feuillade en 1913). Le scénario n'a ni queue ni tête et sombre parfois dans le ridicule mais les scènes d'action valent largement le détour notamment celle de l'avion en chute libre. Et puis il y a Tom Cruise. Tom et Cruise. Jeckyll et Hyde (même si c'est Russell Crowe qui le joue). Le film est un parfait condensé de sa personnalité à multiples facettes: apparence lisse et solaire dissimulant une attirance (morbide) pour les forces obscures (Kubrick en avait génialement tiré parti dans "Eyes wide shut"), sens poussé de l'autodérision (comme dans "Entretien avec un vampire"), fuite en avant à 200 à l'heure contre le temps qui passe (comme dans les "Mission: impossible"). Comme le dit Télérama "La star hante chaque plan, chaque cascade". Si vous êtes allergique à cet acteur passez votre chemin mais sinon on passe plutôt un bon moment. Outre la/les inévitables suites que ce reboot va générer, les studios iront-ils jusqu'à reprendre Tom Cruise pour les autres monstres de leur catalogue qu'ils veulent relifter? (Dracula, Frankenstein, le Loup-garou...)
"Les Enfants Loups" est le film de la maturité pour Mamoru Hosoda et celui qui a permis à un plus large public de le découvrir en France. Il s'agit d'une superbe fable qui reprend les thèmes de ses précédents longs-métrages: le temps qui passe et la nécessité de faire des choix pour se construire (comme dans son premier film, "La Traversée du temps"); l'opposition entre ville et campagne, tradition et modernité (comme dans "Summer Wars" son deuxième film). On le compare avec justesse aux "Souvenirs goutte à goutte" d'Isao Takahata à cause de son réalisme et de son caractère intimiste en forme de tranches de vie. Mais des similitudes avec l'œuvre animiste de Miyazaki existent également, notamment avec "Mon voisin Totoro".
Toutefois "Les Enfants Loups" n'a rien d'une redite. Le film développe une histoire originale traitée avec beaucoup de sensibilité et de finesse. Son sujet central n'est pas la maternité ou l'éducation comme on peut le lire ici et là mais la complexité de l'identité humaine. L'hybridité d'Ame et de Yuki, mi-humains, mi-loups est métaphorique et peut s'interpréter de plusieurs façons. Comme une double identité/culture, une mixité, un métissage lié au fait qu'ils sont issus d'un couple humain/loup-garou (lequel est lui-même hybride comme le centaure ou la sirène) qu'il faut cacher pour ne pas être rejeté de la société. Mais également comme une mise en lumière de la double nature de l'homme mi animale, mi spirituelle mise en péril par la civilisation moderne. Selon John Knight, l’un des meilleurs experts des loups japonais, l’attitude de la population japonaise envers le loup reflète son attitude à l’égard de la nature. Longtemps sacralisés, les loups ont été éradiqués à la fin du XIX° parallèlement à l'expansion urbaine du premier miracle japonais et à son occidentalisation. Le bétonnage de la nature va de pair avec celui des émotions. Les grandes villes surpeuplées comme Tokyo ont coupé le contact avec la nature et se montrent particulièrement inadaptées et intolérantes vis à vis de tout ce qui peut s'apparenter à l'animalité de l'homme. Pour survivre, la mère doit se retrancher dans son appartement avec ses enfants, menacés par les voisins et les services sociaux. Elle n'a aucun recours comme on peut le voir dans la scène ou partie pour faire soigner Ame, elle ne peut choisir entre un service pédiatrique et une clinique vétérinaire. La campagne apparaît certes comme un milieu rude et délaissé mais dans lequel il est possible de s'intégrer et de s'épanouir pleinement. Au delà des enfants loups, chacun peut composer avec sa double nature: Hana le prénom de la mère signifie "fleur", elle est aidée par un vieux paysan revêche qui ressemble à un loup solitaire etc. C'est donc là que les enfants peuvent choisir ce qu'ils veulent devenir. De caractères opposés, on les voit grandir et se tourner vers des destins complètement différents. Yuki, jeune fille bouillonnante doit apprendre à canaliser ses émotions animales pour s'intégrer au monde des humains. Ame au contraire doit larguer les amarres humaines et se séparer de sa mère pour intégrer le monde animal.
On le voit la réflexion est riche, subtile et les graphismes sont magnifiques. Un film majeur de l'animation japonaise des dix dernières années.
On colle à E.T. l'étiquette de "film pour enfants" mais c'est avant tout un grand film humaniste. Steven Spielberg a pris à contrepied la majeure partie des œuvres de science-fiction où les extraterrestres jouent le rôle de bouc-émissaire en endossant la part monstrueuse en nous que nous ne voulons pas assumer.
L'extraterrestre est le plus souvent une variante de la peur de l'autre. Il est associé au thème fantasmatique de l'invasion que ce soit dans la "Guerre des mondes" de H.G. Wells ou la série des années 60 "Les Envahisseurs" (génialement détournée par les Inconnus dans les années 80 pour dénoncer la peur des migrants, la soucoupe volante devenant un couscoussier puis un bol de riz). Spielberg retourne complètement ce schéma. E.T. n'entre dans la maison que parce qu'il y est invité par Elliott qui l'abrite ensuite dans sa chambre, au milieu de ses peluches. Il y a bien des scènes d'invasion dans le film mais les prédateurs sont des hommes adultes chargés d'espionner la maison d'Elliott puis de l'envahir pour s'emparer de force de l'extraterrestre. Des adultes dont l'inhumanité est soulignée par l'absence de visage. Le haut de leur corps est coupé par une caméra qui filme à hauteur d'enfant (et E.T. est lui-même à cette hauteur) puis celui-ci est dissimulé par un casque de cosmonaute.
Le visage étant le principal vecteur des émotions, on en déduit que Spielberg oppose des adultes mutilés par leur perte de contact avec elles (le symbole des clés accrochées à la ceinture d'un des chercheurs est à ce titre révélateur ainsi que celui des armes dans la version de 1982 et des talkies walkies dans la version retouchée de 2002) à des enfants encore intacts, capables de se connecter aussi bien à leur intériorité qu'au monde qui les entoure. Le thème des enfants extralucides face à des adultes aveugles a souvent été traité au cinéma des Ailes du désir de Wim Wenders (seuls les enfants voient les anges) à Mon voisin Totoro d'Hayao Miyazaki (seuls les enfants voient les esprits de la forêt). Comme chez le réalisateur japonais, capacité d'empathie et respect de la nature sont indissociables. Elliott ressent toutes les émotions de E.T. et libère les grenouilles sur le point de faire les frais du cours de dissection. C'est bien lui Adam, l'homme créé à l'image de Dieu que Michel-Ange a immortalisé au plafond de la chapelle Sixtine par des doigts qui se touchent, iconographie reprise par l'affiche et mêlée à la magie des débuts du cinéma (la lune de Méliès).
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.