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Articles avec #fantastique tag

Harry dans tous ses états (Deconstructing Harry)

Publié le par Rosalie210

Woody Allen (1997)

Harry dans tous ses états (Deconstructing Harry)

C'est l'un des films les plus déconstruits de Woody Allen, le titre en VO s'intitule d'ailleurs "Deconstructing Harry" (en référence également au courant philosophique du déconstructionnisme qui traque les significations sous-jacentes des textes, à l'insu de leur propre auteur). Le montage est haché avec des jump-cuts très fréquents. Le générique donne le ton. Sur fond noir comme tous les Allen mais entrecoupé d'une séquence (Judy Davis sortant furieuse d'un taxi) qui se répète 4 fois! La narration éclatée est elliptique et digressive et on navigue sans arrêt entre deux niveaux de fiction: celle du personnage principal, Harry et celle des personnages et histoires qu'il réinvente à partir de sa vie. Parfois il s'agit d'un copier-collé des événements vécus (on les voit donc deux fois avec des acteurs différents). Parfois il s'agit de la traduction de ses fantasmes qui les font évoluer vers le fantastique (l'apparition de la grande faucheuse comme dans le "Septième sceau" de Bergman, la séquence en enfer.) Tout cela étant aussi une mise en abyme de la personnalité du réalisateur (qui joue Harry, évidemment): son rapport à la création, aux femmes, au judaïsme, à la mort. La narration déstructurée et le personnage en panne se rapprochent de "8 1/2" de Fellini mais avec un fil directeur sorti tout droit des "Fraises sauvages" d'Ingmar Bergman (le voyage pour recevoir un hommage).

En dépit de ses qualités, le film, trop nihiliste et trop sec ne fait pas partie de mes préférés de Woody Allen. On a l'impression que la sophistication du récit lui sert surtout à déverser sa détestation du genre humain. Toutes les femmes y sont hystériques, déloyales ou vénales. Lui-même se dépeint sous les contours d'un personnage médiocre qui ne sait pas ce qu'il veut et sème la pagaille sur son passage. C'est d'ailleurs pour faire le point qu'Harry tente de transformer sa vie en création. Sauf qu'il a du mal à y parvenir comme le montre son personnage-acteur "flou" (joué par Robin Williams). Lui-même étant un personnage de fiction, il devient flou à son tour jusqu'à ce que la pute au grand coeur (bonjour les clichés) ne le ramène sur terre.

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Dracula (Bram Stoker's Dracula)

Publié le par Rosalie210

Francis Ford Coppola (1992)

Dracula (Bram Stoker's Dracula)


Un film est inséparable du contexte dans lequel il a été réalisé. L'adaptation du "Dracula" de Bram Stoker par Francis Ford Coppola, aussi déroutante que fascinante a la force d'une évidence. Se déroulant en 1897, date de la sortie du livre, elle lui est extrêmement fidèle narrativement tout en exacerbant la dimension romantique et sexuelle du mythe vampirique. Le sexe et la mort y sont d'autant plus inextricablement liés que l'époque s'y prête. Les maladies vénériennes du XIX° couvrent l'angoisse de l'épidémie de sida qui fait rage au début des années 1990 lorsque sort le film. D'où l'importance donnée aux maladies du sang, à la contamination et aux plans anachroniques montrant des globules.

Mais le film n'a rien de clinique, bien au contraire, il se singularise par sa mise en scène digne d'un opéra baroque, surchargée d'effets somptueux parfois à la limite du kitsch. Nombre d'entre eux proviennent du cinéma muet auquel Coppola rend un hommage appuyé au détour d'une scène qui montre la projection des vues Lumière. Mais c'est surtout à l'expressionnisme qu'il se réfère. L'ombre démesurée du comte qui se meut de façon autonome rappelle le film de Murnau, de même que le plan menaçant du navire qui contient le mal dans ses flancs, prêt à se répandre. Les ornements et superpositions rappellent quant à eux la mise en scène de Peter Greenaway ainsi que les costumes extravagants.

Toute cette flamboyance est mise au service du thème de la passion qui est centrale dans le film. La scène inaugurale en ombres chinoises montre le chevalier Vlad tournant le dos à la passion religieuse et guerrière des chrétiens trucidant les Ottomans et se damnant par amour pour son épouse Elisabetha qui en se suicidant a été excommuniée. La passion amoureuse a fait de lui un vampire condamné à aspirer l'énergie vitale des vivants pour l'éternité. C'est pourquoi seule une réincarnation de son épouse défunte peut briser la malédiction en l'aidant à mourir en paix. Et à la différence de Murnau (où elle se sacrifie) et de Stoker (où elle est agressée), Mina tombe passionnément amoureuse de Dracula et réciproquement. C'est cette dimension qui m'a particulièrement marquée. Ce n'est pas pour rien que l'on dit de quelqu'un qui tombe amoureux qu'il est "mordu". En effet quel contraste entre la fiancée prude de Jonathan Harker (dont la fadeur est liée également à l'interprétation peu expressive de Keanu Reeves) et l'amante enflammée et luxurieuse de Dracula, semblable à ses maîtresses vampires. Winona Ryder nous offre là l'un de ses plus beaux rôles. Il en est de même pour Gary Oldman, lui aussi tout en dualités et métamorphoses. Vieux papy cynique et desséché, singe en rut, rats, ombre et vapeur, toutes ces apparences soulignent son inhumanité. Mais en retrouvant son amour perdu, il devient un jeune dandy au charme envoûtant dont la délicatesse et la mélancolie touchent au coeur.

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La Forme de l'Eau (The Shape of Water)

Publié le par Rosalie210

Guillermo del Toro (2017)

La Forme de l'Eau (The Shape of Water)

"La Forme de l'Eau" mérite sa réputation par sa richesse narrative et formelle nourrie de multiples références sans que pour autant le film n'y perde en originalité et en personnalité. La filiation avec "Le Labyrinthe de Pan", l'œuvre phare de Guillermo Del Toro est très forte. Le fantastique et l'atmosphère onirique de conte servent dans les deux cas à protéger une innocente de la brutalité de la guerre et de ses suites (espagnole dans "Le Labyrinthe de Pan", froide dans "La Forme de l'Eau"). Celle-ci est incarnée à chaque fois par un ogre terrifiant, incarnation la plus brutale du mâle alpha tueur et tortionnaire. Dans les deux cas aussi, l'eau enveloppe et protège comme à l'intérieur d'un ventre maternel (de manière littérale dans "La Forme de l'Eau", symbolique dans "Le Labyrinthe de Pan" où l'héroïne s'appelle Ofelia) alors que le corps des ogres est mutilé (les doigts putrescents de Strickland équivalent à la joue entaillée de Vidal avec l'élément liquide en plus). Ces différents niveaux de réalité sont représentés spatialement de façon verticale (surface/monde souterrain dans "Le Labyrinthe de Pan", premier étage où flottent en apesanteur Elisa et son voisin/cinéma au rez-de-chaussée qui nourrit l'imaginaire/laboratoire bunkerisé qui contient les forces obscures qui nourrissent l'imaginaire en surface).

"La Forme de l'Eau" bien que se situant dans les années 50-60 au temps de la guerre froide nous parle d'une guerre bien actuelle. Guillermo Del Toro est d'origine mexicaine et son film est traversé par la barda. Il s'offre la jouissance (et nous la offre) de la revanche des opprimés sur l'oppresseur. D'un côté les minorités ethniques latinos et noire, les handicapés, les homosexuels, les femmes et même un espion soviétique déserteur réunis sous la bannière du dieu "freak" homme-poisson. De l'autre le mâle wasp, incarnation aux USA du blanc dominateur qui affirme que dieu est humain et a un visage proche du sien. Celui qui tue, torture, harcèle, humilie mais qui incarne en surface l'american way of life bien propre sur lui avec sa maison, sa femme, ses enfants et sa Cadillac. C'est par l'objet de sa puissance phallique et destructrice qu'il nous est présenté, la première rencontre avec Elisa se fait dans les toilettes lorsqu'il pose son gourdin-taser sur le lavabo (principe masculin contre principe féminin). Sa bouche carnassière concassant des bonbons est aussi un leitmotiv marquant. C'est aussi toute sa faiblesse qui nous est montrée lorsqu'il s'avère incapable de concevoir qu'il s'est fait rouler dans la farine par ces femmes de ménage qu'il méprise. Son incapacité à sonder le mystère et la grandeur de l'autre lui est fatal.

Jean-Pierre Jeunet a récemment accusé Guillermo Del Toro d'avoir copié des séquences entières de "Délicatessen" dans "La Forme de l'Eau". Les ressemblances sautent en effet aux yeux. Le visuel de "La Forme de l'Eau" en tons bleu-vert-jaune comme à l'intérieur d'un aquarium et l'esthétique rétro rappellent "Délicatessen", du moins chez Elisa et son voisin. La scène où leurs pieds dansent en rythme avec la TV alors qu'ils sont assis sur le canapé existe à l'identique dans "Délicatessen" de même que celle de l'inondation de la salle de bain pour se créer une bulle d'amour avec l'âtre aimé face à l'hostilité du monde extérieur. Mais outre qu'il devrait être flatté d'être une source d'inspiration, lui-même n'est pas parti de rien comme le disait un article du magazine Utopia consacré à "Délicatessen" et daté de 1991 "C'est tout pompé sur l'immense Brazil! Mais c'est bien pompé, ça c'est sûr!". Guillermo Del Toro était d'ailleurs le premier à rappeler tout ce que lui et Jeunet devaient à Terry Gilliam, l'initiateur de cette esthétique rétro-futuriste et de ce ton à la fois romantique, onirique et joyeusement désespéré.

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Nosferatu le vampire (Nosferatu, eine Symphonie des Grauens)

Publié le par Rosalie210

Friedrich Wilhelm Murnau (1922)

Nosferatu le vampire (Nosferatu, eine Symphonie des Grauens)

Toute vie commence dans le sang qui accompagne la naissance et lorsque la mort est violente, elle se termine aussi dans le sang. Le sang symbolise à la fois la vie et la mort, le bien et le mal, la pureté et la souillure, le sacrement et le crime, il réunit dans une union étrange tous les contraires. Le sang est comme la couleur rouge, ambivalent : rouge clair, il est la vie, la force, le jour, l’action, la libération, rouge sombre, il prend le visage de la mort, du mystère, de la nuit, de la passion et de l’oppression.

Le plus puissant des mythes lié au sang est celui du vampire. Son origine remonte à la nuit des temps mais ses caractéristiques modernes ont été fixées par le livre de Bram Stoker, "Dracula" paru en 1897. Celui-ci ajoute en effet à toutes les ambivalences liées au sang celle de l'espèce, thème alors central dans la (pseudo)science du XIX°. Dracula est en effet mi-bête assoiffée de globules rouges, mi-aristocrate au "sang bleu". Et le film de Murnau, jalon essentiel de l'histoire du cinéma en est l'une des illustrations les plus fidèles même si pour une question de droits les noms et les lieux ont été changés. Quoique dans la version française en noir et blanc, les noms et lieux d'origine ont été depuis rétablis (sauf que l'épouse de Jonathan s'appelle Nina et non Mina).

La version de Murnau de 1922 n'est pas la première de l'histoire du cinéma mais c'est la plus ancienne qui a été conservée. Elle a tellement marqué les esprits que "Nosferatu" est devenu aussi célèbre que "Dracula" et a eu droit à un remake spécifique par Werner Herzog en 1979. Ce mot désigne en ancien slave "celui qui apporte la peste" (le terme de vampire serait lui apparu au XVIII° en Serbie et signifie chauve-souris, d'où l'équivalence fréquente avec cet animal). Car le vampire de par son pouvoir de contamination est celui qui propage la maladie, surtout lorsque celle-ci empoisonnait le sang (la peste bubonique débouchait sur une septicémie dans la plupart des cas). C'est ce qui conduira à la réactivation du mythe au temps du sida avec le "Dracula" de Francis Ford Coppola, très proche de Stoker et de Murnau. Et ce d'autant mieux que le vampire symbolise aussi bien la mort que le désir sexuel, la morsure étant un déplacement de l'acte sexuel lorsque celui-ci ne peut être montré directement. Chez Murnau qui était homosexuel, ce thème est sous-jacent mais bien présent étant donné que son vampire se repaît surtout de sang frais masculin (notamment celui des marins).

En distordant la réalité par un jeu d'ombres et de lumière, des accélérations et des ralentis quasi hypnotiques, des images positives et négatives, des filtres jaunes et bleus (dans la version allemande), Murnau nous immerge dans ce festival d'ambivalences. Son film appartient au courant expressionniste et exprime le surnaturel mais il a aussi quelque chose de naturaliste. Il est claustrophobique lorsqu'il nous enferme dans le manoir du comte ou sur le bateau (convoyeur bien connu de la peste). Et en même temps, il s'ouvre sur des horizons plus large et même dans une dimension cosmique. Les règnes animaux et végétaux ressentent l'approche du mal et le reproduisent. Le comte symbolise les ténèbres mais il est tué par la lumière symbolisée par Nina-Ellen, l'épouse de Jonathan-Hutter qui se sacrifie pour établir l'équilibre du monde menacé par les forces obscures. Murnau comme le reste de la société allemande a été traumatisé par l'hémorragie de sang jeune et vigoureux provoquée par la première guerre mondiale alors qu'une nouvelle peste se profilait, le parti nazi ayant été fondé en 1920 soit deux ans avant la sortie du film.

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Mary et la fleur de la sorcière (Meari to majo no hana)

Publié le par Rosalie210

Hiromasa Yonebayashi (2017)

Mary et la fleur de la sorcière (Meari to majo no hana)

Pour quelqu'un qui n'a jamais vu un film des studios Ghibli ce film enchantera. Les autres tout en appréciant ses qualités techniques lui trouveront un goût de réchauffé et resteront sur leur faim devant un scénario brouillon qui ouvre plusieurs pistes sans les approfondir. Il est dommage que le premier film des studios Ponoc ("aube d'un nouveau jour") fondé par des anciens des studios Ghibli se démarque si peu des œuvres de la maison-mère. "Mary et la fleur de la sorcière" ressemble en effet à un pot-pourri des films de Miyazaki (certains diront que c'est un hommage et d'autres un pastiche). On retrouve en effet dans le film la sorcière, le balai et le chat noir de "Kiki la petite sorcière", les graines magiques et la forêt de "Mon voisin Totoro", la cité et les robots du "Château dans le ciel", la sorcière du "Voyage de Chihiro" et du "Château ambulant", les préoccupations humanistes et écologistes de "Nausicaa de la vallée du vent" etc. On pense également lors de la scène du miroir au précédent film de Hiromasa Yonebayashi réalisé dans le cadre des studios Ghibli, "Souvenirs de Marnie" qui était toutefois plus original et plus sensible. Enfin, l'exploration de l'école de magie Endor fait penser à Poudlard, l'école des sorciers de "Harry Potter" et ce bien que le film soit inspiré d'un livre (non traduit en français) de Mary Stewart "The Little Broomstick".

L'aspect le plus intéressant du film réside dans son questionnement relatif à la biotechnologie et à la bioéthique. Les dirigeants d'Endor effectuent des expériences sur le vivant, aboutissant à des métamorphoses plus monstrueuses les unes que les autres. La magie-technologie mal utilisée et qui échappe au contrôle de ses instigateurs n'est pas une nouveauté et une fois de plus, la destruction du laboratoire fait penser à celle de la cité du "Château dans le ciel". Mais lorsque Mary aide les animaux à s'échapper après leur avoir rendu leur forme initiale, on pense à l'arche de Noé et aussi aux "Yeux sans visage" de George Franju où l'héroïne (dont le père effectuait lui aussi des "expériences") libérait des animaux en cage. Une direction qui est à peine esquissée mais qui pourrait donner une véritable structure et une personnalité aux futurs films de ce studio qui en manque cruellement.

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Cro Man (Early Man)

Publié le par Rosalie210

Nick Park (2018)

Cro Man (Early Man)

Tout d'abord un film des studios britanniques Aardman est un gage de qualité. Dans le domaine de l'animation en volume, ce sont des maîtres. Les mouvements en stop motion sont réalisés à la main avec beaucoup de précision. Les figurines sont également artisanales avec une armature en fil métallique recouvert d'une pâte à modeler spéciale plus résistante. Le résultat est parfaitement maîtrisé et dégage beaucoup de charme.

De plus leurs films, comme ceux des studios Pixar possèdent plusieurs niveaux de lecture. Les enfants peuvent apprécier cette histoire certes classique de David contre Goliath mais pleine d'inventivité et d'humour (souvent absurde comme le canard géant carnivore, la mésange vocale, les insectes à mandibules rasoir ou les chenilles à crampon) et de tendres portraits (celui du lapin est irrésistible). Les adultes eux peuvent être sensibles (ou non, les critiques sont partagés mais personnellement, j'adhère) au sous-texte de critique sociale. Ainsi les premières images de "Cro Man" font penser à celles de la période préhistorique de "2001 l'odyssée de l'espace" et les dernières à "Shaolin soccer". La fusion de l'homme de cro-magnon et du ballon rond produit un effacement de l'espace-temps exactement comme dans le film de Kubrick où le plan de l'os était prolongé par celui d'un satellite spatial. Et le sens est évidemment le même. Kubrick et Nick Park se moquent du comportement de "primate" des grandes puissances que ce soit au travers de la conquête spatiale ou de l'univers du foot. Ainsi dans "Cro-Man", la civilisation de l'âge du bronze, convaincue de sa supériorité s'empare de la vallée de celle de l'age de pierre et en chasse ses habitants ou tente de les réduire en servitude. Mais elle est minée de l'intérieur par la corruption et la cupidité (Lord Noz est un nouvel Harpagon amoureux de son coffre-fort), l'individualisme (les membres de l'équipe jouent "perso") et l'exclusion (les femmes sont bannies du jeu). Trois défauts qui se retournent contre eux lorsque l'équipe de l'âge de pierre présente son équipe mixte (il y a des femmes mais aussi un sanglier faisant office d'animal domestique, Crochon) et soudée.

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Paddington

Publié le par Rosalie210

Paul King (2014)

Paddington

Paddington est un monument national au Royaume-Uni, l'équivalent de notre Astérix en France. L'ironie étant qu'Astérix incarne plutôt le chauvinisme du petit village gaulois replié sur lui-même qui résiste encore et toujours à l'envahisseur alors que Paddington, l'ourson péruvien incarne l'étranger à qui une famille londonienne va offrir l'asile avant de l'adopter comme un des sien alors "qu'il n'est pas de la même espèce". On comprend pourquoi l'adaptation cinématographique la plus réussie d'Astérix ("Mission Cléopâtre") fait dialoguer les cultures et les personnages de diverses origines, noyant ainsi l'indigeste poisson gaulois dans le cosmopolitisme.

Il y a au moins deux allusions à des faits historiques majeurs dans "Paddington". La première fait référence aux voyages d'exploration du XIX° siècle, prélude à la conquête coloniale. Sauf qu'au lieu de ramener un spécimen empaillé de ses découvertes au muséum d'histoire naturelle, le géographe Montgomery Clyde préfère fraterniser avec la famille ours bipède et capable d'apprendre l'anglais qu'il a rencontré dans la jungle péruvienne. Il est d'ailleurs radié pour cela de son club de géographie et c'est sa fille, la méchante du film (jouée par Nicole Kidman) qui incarne le rôle de taxidermiste d'espèces rares. La deuxième fait allusion aux kindertransport, une opération de sauvetage de milliers d'enfants juifs d'Europe centrale et orientale recueillis par des familles britanniques, des pensions ou des fermes peu de temps avant le début de la seconde guerre mondiale. La Chambre des communes avait approuvé un décret permettant aux réfugiés de moins de dix-sept ans de pouvoir s'installer dans le pays à la condition d'y trouver un lieu d'accueil et de déposer cinquante livres en garantie pour un éventuel billet de retour chez eux. L'ami des Brown, l'antiquaire M. Gruber (joué par Jim Broadbent) est l'un de ces anciens enfants réfugiés.

Rien qu'avec un tel substrat, le film ne pouvait déjà que sortir du tout venant. Si on ajoute qu'il est bon enfant, charmant et élégant ce qui n'est pas si fréquent, on ne peut que vivement le conseiller comme un spectacle de qualité qui ravira petits et grands.

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King Kong

Publié le par Rosalie210

Peter Jackson (2005)

King Kong

Le film de Peter Jackson est un remake high tech et XXL du chef-d'oeuvre de 1933 de Marian Caldwell Cooper et Ernest Beaumont Schoedsack. En fait le mot hommage serait plus approprié que celui de remake. Jackson a respecté le découpage du film d'origine (pas de transition entre la capture de Kong et son exhibition contrairement au film de 1976 par exemple), repris de nombreuses scènes quasiment à l'identique (comme celle où Naomi Watts vole une pomme ou joue devant la caméra du bateau, la scène finale...), inclus des allusions à son équipe (par exemple à travers le personnage de réalisateur-aventurier joué par Jack Black qui est un mélange d'Orson Welles et de Marian Caldwell Cooper ou celui de Naomi Watts qui succède à tout le casting féminin envisagé pour le film de 1933).

Le respect et l'admiration que le réalisateur voue à cette œuvre est indéniable, néanmoins le résultat, meilleur que la version "Tahiti douche" de 1976 laisse quand même un peu perplexe. Certes, la reconstitution du New-York en crise des années 30 est hyper-soignée, l'écosystème de Skull Island est considérablement développé mais il manque à tout cela un véritable sens. Le film de 1933 était contemporain de la crise et de la colonisation sur lesquelles il portait un regard critique. Celui de 2005 utilise ces thèmes révolus comme un simple décor et n'apporte rien de nouveau. Le film de 1976 avait eu au moins le mérite de tenter une réactualisation avec les préoccupations des années 70 (crise pétrolière et écologie). Il y a aussi une tendance à la surenchère lourdingue (un travers très contemporain) à tous les niveaux: plus de personnages, plus de bébêtes, plus de scènes d'action, plus d'effets spéciaux (pas toujours finalisés d'ailleurs).

Finalement l'aspect le plus intéressant du film, le seul quasiment par lequel il diverge intelligemment de l'original et acquiert une personnalité propre, c'est dans la relation entre Ann et Kong. Ni marionnette hurlante (en 1933), ni midinette stupide (en 1976), la Ann 2005 (bien servie par Naomi Watts) est un personnage sensible qui résiste à la pression mercantiliste de son entourage notamment en nouant un lien privilégié avec Kong. Certes l'attachement à un géant velu qui la protège peut passer pour une métaphore machiste (la fille sans défense qui cherche la sécurité dans les bras d'un monstre hyperviril). Mais il n'y a pas que ça, d'ailleurs son attachement perdure quand Kong devient une victime traquée et martyrisée. Celui-ci en dépit de sa sauvagerie et de sa dangerosité s'humanise dès qu'il est en sa présence. Les scènes de contemplation en haut du rocher/de la tour sont "beautiful." Dommage que cet aspect ne soit pas davantage approfondi. 

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Kiki la petite sorcière (Majo no takkyūbin)

Publié le par Rosalie210

Hayao Miyazaki (1989)

Kiki la petite sorcière (Majo no takkyūbin)

Kiki, film enchanteur et vivant comme toutes les œuvres de Miyazaki est aussi l'un des plus subversifs. Pourtant son thème principal est archi-classique. Il s'agit du passage à l'âge adulte avec ses rituels comme l'adoubement avec la remise du balai ou le voyage initiatique à la manière du grand tour d'Europe qu'effectuaient les jeunes gens de bonne famille à l'époque moderne. S'y ajoute un récit d'apprentissage, d'émancipation et d'intégration. L'aspect intemporel et universel de cette histoire est renforcé par le fait que la ville est une synthèse architecturale de nombreuses villes d'Europe voire des USA (San Francisco) et que plusieurs époques se télescopent des années 30 (le ballon dirigeable) aux années 60 (la télévision noir et blanc).

Mais là où l'histoire devient originale et profondément moderne c'est dans le renversement des rôles sexués. Miyazaki remplace en effet le héros habituel de ce genre de récit (en littérature comme au cinéma) par une héroïne. Il ne pouvait s'agir d'ailleurs que de que cette figure féministe avant l'heure qu'est la sorcière. Dans son livre "Ame de sorcière ou la magie du féminin" Odile Chabrillac écrit que la magie est aussi (et avant tout) "un parcours de vie, un chemin initiatique, que l’on peut souhaiter investiguer" et que "se réapproprier leur histoire, leurs savoirs, leurs pouvoirs, c’est autoriser chaque femme à retrouver sa puissance, en faisant d’elle une digne héritière des guérisseuses et des sages-femmes d’antan. C’est ouvrir de nouveaux possibles, dans tous les champs (politique, artistique, écologique, philosophique, humain surtout), c’est oser se revendiquer différente, puissante et néanmoins bienfaisante".

Ainsi en attribuant à une jeune fille ayant des pouvoirs des préoccupations dévolues habituellement aux garçons (trouver sa place dans le monde, se réaliser professionnellement, s'affirmer, devenir indépendante) Miyazaki en chantre du féminisme offre aux filles japonaises (mais aussi occidentales) un magnifique récit d'émancipation auxquelles elles peuvent s'identifier. Et il ne s'arrête pas là puisque les deux femmes adultes qui aident Kiki à se réaliser sont de la même trempe. Osono la figure maternelle enceinte jusqu'aux yeux qui tient la boulangerie porte la culotte face à un conjoint complètement effacé. Quant à Ursula, elle est une artiste-peintre un peu marginale qui vit seule dans la forêt. Elle symbolise une Kiki un peu plus âgée, trouvant son inspiration dans le cosmos c'est à dire exactement là où Kiki puise son pouvoir magique (l'énergie du ki qui relie l'homme à l'univers).   

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Princesse Mononoké (Mononoke Hime)

Publié le par Riosalie210

Hayao Miyazaki (1997)

Princesse Mononoké (Mononoke Hime)

Eblouissant poème visuel porté par la sublime musique de Joe Hisaishi, récit épique foisonnant où s'affrontent les hommes entre eux mais surtout les hommes et les dieux, "Princesse Mononoké" est également une réflexion philosophique de haut niveau sur la complexité des relations entre l'homme et la nature. La difficulté que rencontre aujourd'hui le développement durable à concilier le progrès économique, la justice sociale et le respect de l'environnement est parfaitement retranscrite par le clairvoyant Miyazaki.

L'histoire de "Princesse Mononoké" se déroule dans un Japon médiéval en proie à une mutation irréversible. Celle où l'homme jusque là soumis à la nature cherche à en devenir le maître. Il y a quelque chose de prométhéen dans cette problématique car la forêt dépeinte par Miyazaki est le refuge des dieux. Ceux-ci prennent la forme d'animaux géants aux capacités exceptionnelles. Comme dans "King Kong" qui bien qu'occidental a un imaginaire proche, l'assaut des hommes leur est fatal. Tout au long du film, on voit ces êtres surnaturels agoniser ou se consumer de haine, dévorés de l'intérieur par des vers géants.

Leur principal antagoniste est le village des forges qui incarne l'industrialisation et le progrès technique par lequel l'homme s'élève au-dessus de sa condition initiale au prix de l'abattage des arbres. Qui voudrait aujourd'hui vivre dans les ténèbres de l'ignorance? (cela me fait penser au film de Solveig Anspach "Haut les cœurs" où une femme enceinte atteinte d'une cancer -jouée par Karin Viard- disait haut et fort qu'elle "remerciait la science et emmerdait la nature"). De plus le village des forges incarne aussi le progrès social. Il est dirigé par une femme, Dame Eboshi qui a ouvert sa porte à tous les exclus de l'ère féodale (lépreux, vachers, prostituées) soigne les premiers et donne aux seconds de grandes responsabilités aussi bien dans la production économique que dans la défense du village.

C'est pourquoi, et c'est l'une des grandes forces du film, Miyazaki, à l'image du héros Ashitaka se refuse à choisir un camp. Il recherche le dialogue, l'équilibre, la cohabitation pacifique. Et pour cause, à l'image de San, fille de la forêt élevée par une louve mais qui est humaine, ces deux mondes en conflit sont en réalité inextricablement liés. Lorsque Dame Eboshi décapite le dieu-cerf qui est le principe d'équilibre entre la vie et la mort pour offrir l'immortalité à l'empereur, ce qui reste de l'entité divine détruit aussi bien la forêt que les constructions humaines (une image évidente de l'apocalypse). Quant à Dame Eboshi, elle paye ce geste de la perte d'une part d'elle-même puisque elle y laisse un bras. A l'inverse, les efforts de San et d'Ashitaka pour réunifier le dieu-cerf sont récompensés par la guérison du mal qui gangrenait leur corps. Mais en dépit de leur amour qui les lie, chacun vivra dans son monde sans pouvoir espérer les réunir. Et tout est à reconstruire. Si la civilisation repart de zéro, la fragilité de la renaissance de la forêt est telle qu'elle reste ambiguë: le petit Kodama est-il un rescapé ou le premier rejeton d'une ère nouvelle?

 

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