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Articles avec #durand (jean-baptiste) tag

Miséricorde

Publié le par Rosalie210

Alain Guiraudie (2024)

Miséricorde

J'avais quitté Alain GUIRAUDIE au bord d'un lac en été, je le retrouve dans les sous-bois en automne pour un thriller rural pas piqué des vers mais mené de main de maître avec une science du cadre et des espaces dont il a le secret et qui aboutit à une géographie physique mais aussi mentale au périmètre très identifiable. Alain GUIRAUDIE sait entremêler le désir et la mort comme personne et celles-ci sont partout présentes, tapies dans l'ombre, prêtes à frapper à tout moment. La cueillette des champignons qui sert de prétexte aux rencontres en forêt d'un petit microcosme de gens pas très catholiques ^^ fait penser au supermarché de la drague à ciel ouvert de "L'Inconnu du lac" (2012). Est-ce la forme suggestive des morilles qui met tout ce petit monde en émoi? D'autant que le champignon est lui-même un aliment ambigu, qu'il soit hallucinogène ou mortel. Ce qui est sûr, c'est que la venue au village de Jérémie (Felix KYSYL) pour les obsèques de son ancien patron boulanger cristallise une crise englobant tous les protagonistes. Ce que filme admirablement Alain GUIRAUDIE, en plus de son petit théâtre de verdure où se nouent et se dénouent pulsions et conflits, c'est l'aspect obsessionnel du désir inassouvi. Celui-ci prend la forme d'une route qui serpente et revient toujours à son point de départ: la boulangerie. Un regard insistant de Jérémie sur la photo de son ancien patron en maillot de bain suffit à le faire comprendre. Mais Jérémie est parti et le patron est décédé. Donc le désir se déplace sur les vivants qui font ce qu'ils peuvent avec. Certains le dissimulent sous de l'affection (Martine la veuve jouée par Catherine FROT), d'autres au contraire deviennent agressifs (Vincent le fils de Martine joué par Jean-Baptiste DURAND, le réalisateur de "Chien De La Casse") (2021) ce qui donne aux scènes de bagarre une connotation des plus ambigües, sans parler du cadavre dans le placard (ou plutôt sous les feuilles mortes qui se ramassent à la pelle ^^). Le seul qui l'assume, l'exprime et le montre (lors d'un plan choc à ne pas mettre entre toutes les mains ^^) c'est l'abbé (Jacques DEVELAY), figure centrale du film comme le titre, emprunté aux valeurs chrétiennes, le suggère. Abbé qui est le seul à tenir la dragée haute (c'est le cas de le dire ^^) au flic (Sebastien FAGLAIN), figure récurrente du cinéma de Alain GUIRAUDIE et qui lui aussi fait partie de l'inconscient troublé de Jérémie que tout le monde ou presque vient visiter dans sa chambre au milieu de la nuit quand ce n'est pas lui qui dans un état plus ou moins altéré (prétend-il) vient se frotter dangereusement aux autres corps. Corps non conformes peut-on souligner, autre aspect qui singularise Alain GUIRAUDIE. A l'exception de Jérémie qui fait figure d'Apollon local, ceux qui lui tournent autour sont moches, obèses, vieux, chauves, affligés d'un bec de lièvre bref, absolument pas désirables. Sans montrer un seul ébat érotique (contrairement à "L'Inconnu du lac") (2012) tout au plus quelques plans de corps dénudés dont un en érection, Alain GUIRAUDIE réussit à profondément troubler et déranger tout en évacuant le malaise par le rire que nombre de ces situations provoquent.

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Chien de la Casse

Publié le par Rosalie210

Jean-Baptiste Durand (2023)

Chien de la Casse

La jeunesse rurale en déshérence est décidément un thème porteur en ce moment pour de premiers longs-métrages. Peut-être justement parce que peu traité jusque là. Après avoir vu et apprécié en avant-première "Juniors" (2022) de Hugo P. THOMAS, le concert d'éloges public et critique recueilli par "Chien de la Casse" de Jean-Baptiste DURAND m'a donné envie de le découvrir. L'histoire se déroule dans un petit village médiéval d'Occitanie, théâtre qui ouvre le film et impose aux habitants sa géographie particulière. Les jeunes désoeuvrés y sont comme enfermés dans des logements confinés et un réseau labyrinthique de ruelles, n'ayant à leur disposition pour se retrouver que la petite placette du village. Seules les scènes se déroulant dans la vallée élargissent l'horizon, donnant au film des allures de western moderne. Surtout le film se focalise sur deux amis d'enfance et sur leur relation. C'est dans la richesse et la subtilité de ce double portrait et le talent des deux acteurs à interpréter Mirales et Dog que réside toute l'originalité du film. Si Anthony BAJON fait une fois de plus forte impression, Raphael QUENARD qui accède pour la première fois à un rôle de premier plan est une révélation. Je l'avais remarqué dans "Coupez !" (2021) où il montrait son potentiel comique mais dans le rôle de Mirales il accède à un rôle autrement plus complexe, tout en contradictions. Grande gueule volubile tendant à écraser les autres, dealeur de cannabis à la petite semaine, fringué à la va comme je te pousse et doté d'un accent traînant qui contraste violemment avec la richesse de son vocabulaire, c'est aussi un jeune homme immature et jaloux qui refoule sa véritable personnalité, que ce soit sa culture littéraire, sa sensibilité artistique, sa soif d'amour ou son attirance sexuelle envers son ami Dog. Ce dernier qui passe ses journées à glander et à jouer à la console tout en caressant l'idée d'intégrer l'armée est son contraire, taiseux, mal dégrossi et renfrogné, subissant sans broncher ou presque l'attitude abusive de son ami prêt à se plier en quatre pour le protéger mais capable aussi de l'humilier avec beaucoup de cruauté. Néanmoins une partie de ce comportement odieux s'explique par le fait qu'une fille, Elsa (Galatea BELLUGI) vient s'immiscer entre eux en séduisant Dog lequel cesse alors de jouer le "chien fidèle" de Miralès, au grand désarroi de celui-ci. D'ailleurs le "Chien de la casse" est aussi bien Dog que Miralès avec ses yeux de chien battu contemplant son ami se détacher de lui ou bien jouant avec son propre chien, Malabar (rien que ce surnom souligne à quel point Miralès n'a pas quitté l'enfance). Malabar dont le rôle, assez semblable à celui de Dobby, l'elfe de maison de Harry Potter dans le tome 7 permettra à Dog et de Miralès de sortir de leurs limbes respectives.

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