Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Articles avec #dupontel (albert) tag

L'Ennemi intime

Publié le par Rosalie210

Florent Emilio Siri (2007)

L'Ennemi intime

Surnommé le "Platoon" français, "L'Ennemi intime" va pourtant chercher son titre et sa réflexion dans le documentaire de 2003 en deux parties de Patrick Rotman consacré à la guerre d'Algérie et plus précisément au processus par lequel de jeunes appelés français se sont transformés au sein de l'armée en bourreaux. Néanmoins la référence hollywoodienne est tout à fait pertinente et ce pour plusieurs raisons:

- Bien que catalogué film de guerre, tout dans ce film rappelle le western, au point d'ailleurs que la similitude avec "Fureur Apache" de Robert Aldrich m'a sauté aux yeux mais également avec d'autres westerns crépusculaires des années 1970 comme ceux de Sam Peckinpah. On peut aussi faire le rapprochement avec certains des derniers films de John Ford ("L'Homme qui tua Liberty Valance") et ceux de Sergio Léone. Le réalisateur Florent-Emilio Siri a travaillé à Hollywood et connaît donc bien son affaire.

- Ensuite parce que la parallèle effectué entre la guerre du Vietnam et celle d'Algérie est pertinent. Ce sont des conflits contemporains dont les causes sont différentes mais la nature similaire. C'est à dire des guerres asymétriques opposant une armée de métier (celle de la puissance impérialiste) à une guérilla (celle du pays occupé). Des guerres par ailleurs non assumées comme telles. Dans le cas du Vietnam, les soldats US étaient juste censés prêter main-forte à l'armée du Vietnam du sud contre celle du nord et surtout contre les communistes armés du sud (les Vietcongs). Une stratégie de l'endiguement datant de 1947 et se manifestant par des interventions indirectes. Dans le cas de l'Algérie comme le rappelle le film, le mot guerre n'est même pas employé car depuis 1848, l'Algérie a été annexée à la France. Celle-ci maintient donc dans son discours et en décalage total avec la réalité que l'Algérie est un morceau du territoire national qui relève du ministère de l'intérieur et que les soldats sont censés aller y maintenir l'ordre contre des terroristes et non y faire la guerre. Le même déni de langage touche d'ailleurs les armes employées ("bidons spéciaux" au lieu de napalm dont une scène montre les effets dévastateurs). Ce type de guerre est par ailleurs impossible à gagner pour la puissance occupante car la technologie s'avère inopérante face à un ennemi invisible qui a l'avantage du terrain et peut se fondre dans la population civile (le film montre à deux reprises combien cette confusion peut avoir des conséquences funestes). Par conséquent ces conflits lorsqu'ils ne trouvent pas de solution politique immédiate aboutissent à un enlisement (le fameux "bourbier"). Et c'est l'impuissance à identifier l'ennemi qui conduit à une montée paroxystique de la violence tels que des massacres de villages entiers, des séances de torture jusqu'à ce que mort s'ensuive ou l'emploi d'armes de destruction massive.

- Enfin la comparaison avec les films Hollywoodiens est également intéressante en ce qu'elle rappelle que les américains ont immédiatement regardé en face leur histoire avec une série de films importants traitant de la guerre du Vietnam dès les années 70 alors que la France s'est voilé la face et a imposé une chape de plomb sur le sujet pendant des décennies. Une attitude guère étonnante au vu de la censure ayant frappé "Les Sentiers de la gloire" (1957) qui critiquait l'Etat-major de l'armée française pendant la première guerre mondiale ou de la question sensible du régime de Vichy. "La Bataille d'Alger" (1966) de Gillo Pontecorvo a été interdit en France jusqu'en 2004 soit deux ans avant "Indigènes" et trois ans avant "L'Ennemi intime".

L'alliance d'un terreau documentaire solide* et d'un sens hollywoodien du spectacle aboutit donc à un film tout à fait remarquable, jalon essentiel du traitement de la guerre d'Algérie par la fiction en France au moment du paroxysme de sa cruauté c'est à dire en 1959 dans les maquis du FLN renommés par l'armée française "zones interdites" pour que les soldats puissent tirer sur tout ce qui bouge. L'extrême cruauté d'un conflit qui conduit d'anciens frères d'armes de la seconde guerre mondiale à choisir des camps opposés et à s'entretuer est soulignée de même que le processus de haine aveugle qui s'empare des recrues face aux atrocités commises par le FLN dont le film ne nous cache aucun détail tout comme il n'occulte rien de celles que les soldats français imposent aux locaux, pas seulement pour des raisons rationnelles (obtenir des renseignements) mais aussi pour se venger selon la loi du talion**. La descente aux enfers de l'idéaliste lieutenant Terrien (Benoît Magimel) s'oppose au cynisme désabusé du beaucoup plus expérimenté sergent Dougnac (Albert Dupontel) mais aboutit dans les deux cas à les briser en tant qu'être humain.

* Même si pour des raisons de lisibilité d'un conflit complexe, des simplifications ont été opérées. Par exemple les habitants du village de Teida massacrés au début du film sont présentés comme des harkis alors que cet épisode s'inspire du massacre du village de Melouza par le FLN en représailles contre le fait que ses habitants soutenaient un mouvement indépendantiste rival du FLN, le MNA dirigé par Messali Hadj.

** La manière dont la conscience individuelle est broyée par les mécanismes de la guerre est au cœur du film et explique comment d'anciens résistants qui avaient subi la torture ont pu l'infliger à leur tour, cette inversion des rôles conférant au FLN le statut de résistants.

Voir les commentaires

Bernie

Publié le par Rosalie210

Albert Dupontel (1996)

Bernie

Affreux, sale et méchant" ce premier film de Dupontel? Oui et non en fait. Oui, il est beaucoup question de la saleté dans ce film, physique, environnementale, morale, sociale. L'un des personnages le dit d'ailleurs "Dans la vie il faut se salir. Mon grand-père était une saleté, mon père était une saleté, je suis une saleté". Et Bernie qui a commencé sa vie dans un vide-ordure en connaît un rayon sur la question. Bien que les pire "saletés" ne soient pas forcément ceux que l'on croit.

Mais lorsqu'on aborde à fond un sujet -ce qui est le cas ici, Dupontel n'est pas le genre à faire les choses à moitié-, son contraire n'est jamais loin. Vu de l'extérieur Bernie est un asocial, voire un psychopathe à la violence incontrôlable mais vu de l'intérieur, c'est un innocent, un bébé imperméable aux notions de bien et de mal, déconnecté du réel. La violence du film, n'est d'ailleurs absolument pas réaliste, elle a -comme dans la séquence du cambriolage de "Neuf mois ferme"- un caractère burlesque affirmé. On est dans l'outrance, le grotesque. La quête de Bernie ne consiste pas à retrouver ses racines (pourries forcément) mais à les repeindre aux couleurs de l'arc-en-ciel -ce que font tous les enfants avec leur "roman familial"- quitte à forcer un peu (beaucoup?) le destin. Le tuyau d'évacuation des déchets devient une forêt vierge symbolisant la (re)naissance de Bernie à travers le vagin de sa mère. C'est ainsi qu'il faut comprendre le transformateur électrique de la fin. Ce qui y rentre est sordide, ce qui en sort est sublime.

Alors bien sûr, le film est brut de décoffrage, inégal, de mauvais goût. Il ne peut que diviser. Mais tout imparfait qu'il est, il marque la naissance d'un point de vue puissant, engagé sur le monde. Une relecture façon comédie trash de la "lutte des classes" teintée d'anarchisme.  

Voir les commentaires

Au revoir là-haut

Publié le par Rosalie210

Albert Dupontel (2017)

Au revoir là-haut

Une prise de risque payante: 20 ans après ses débuts comme réalisateur, Dupontel confirme tout le bien que je pense de lui en réalisant un grand film, plus accessible, complexe et ambitieux que ses œuvres précédentes mais sans abdiquer une once de sa personnalité: chapeau!

"Au revoir là-haut" est d'abord un film historique précieux de par sa justesse, son caractère de film engagé et sa capacité à éclairer notre présent à l'aide du passé. Les premières minutes dans les tranchées sont saisissantes de réalisme (on les a comparées au début du soldat Ryan et elles feront date) tandis que l'anomie (perte des repères légaux et moraux) permise par les guerres permet d'identifier en pleine lumière la violence économique et sociale, plus sournoise en temps de paix. Dans la lignée des "Sentiers de la gloire" auquel on pense plus d'une fois, on voit des officiers aristocrates avides de gloire envoyer à la mort ou tuer eux-même la chair à canon de leur propre camp. Le personnage d'Henri d'Aulnay-Pradelle joué par Laurent Lafitte est en réalité un véritable dégénéré qui une fois la paix revenue fait son beurre sur le commerce de charognes (vraies ou fausses). Le tout avec la complicité hypocrite de l'Etat qui après avoir sacrifié 1,5 millions d'hommes pour un résultat nul prétend honorer leur mémoire. Trois victimes (une orpheline de guerre et deux vétérans, l'un traumatisé moralement, l'autre gueule cassée, tous deux victimes du dernier raid insensé de Pradelle et qui se sont sauvés l'un l'autre) vont unir leurs souffrances et se venger. Une vengeance à la "Robin des bois" typique de Dupontel qui n'est pourtant pas l'auteur de cette histoire, c'est dire si elle lui va comme un gant. Il est d'ailleurs à noter que si Louise, l'orpheline et Albert, le vétéran traumatisé joué par Dupontel sont issus des "branches basses" (jolie expression employée dans le film), Edouard est lui issu de la grande bourgeoisie mais c'est un artiste en révolte contre son père, grand banquier joué par Nils Arestrup dont le gendre n'est autre que... Pradelle. Le personnage de Madeleine (Emilie Dequenne) étant lui-même bien plus complexe et cynique que ce que sa façade de soeur éplorée laisse croire.

Mais le film n'est pas que cela. Il est profondément romanesque, comme chez Dumas ou chez Sue, avec des rebondissements qui nous tiennent en haleine. Il contient aussi des aspects burlesques, cartoonesques et poétiques, marque de fabrique de Dupontel qui s'harmonisent parfaitement avec le reste. La mort de Pradelle (mi ange de la mort, mi loup de Tex Avery) par exemple fait penser à celle de Lee Van Cleef dans "Le Bon, la Brute et le Truand" alors que les somptueux masques d'Edouard ne sont pas sans rappeler ceux des films de Franju ("Les yeux sans visage" pour le masque blanc, "Judex" pour le masque d'oiseau etc.)

Voir les commentaires

Enfermés dehors

Publié le par Rosalie210

Albert Dupontel (2006)

Enfermés dehors

Comédie burlesque, plans et scènes cartoonesques, réalisation nerveuse en forme de trip hallucinogène, le tout oscillant entre réalité sociale et poésie urbaine, voilà le cocktail explosif concocté par Dupontel. A défaut d'être grand public, ce film brut de décoffrage explore plusieurs voies et offre de beaux moments.

L'hommage au burlesque muet est évident. Le héros est un SDF candide comme Chaplin mais son goût des cascades, notamment en hauteur le rapproche plutôt d'Harold Lloyd. Ces cascades prennent un caractère complètement déjanté qui fait penser aux cartoons, lesquels ne sont finalement qu'une extension du burlesque hors des limites physiques. Le héros s'en prend plein la figure et se relève presque sans une égratignure, certains gags prenant un caractère répétitif comme la dévastation de l'épicerie ou la collision avec le scooter. Enfin beaucoup de scènes drôles ou poétiques flirtent avec le surréalisme et l'absurde comme le commissariat improvisé dans le squat ou les petits spectacles de rue que Marie improvise pour sa fille séquestrée par ses grands-parents. Mais la plus belle idée provient des affiches publicitaires qui prennent vie sous substance psychotrope. Dupontel s'appuie sur la présence au casting de membres de deux troupes maniant cette forme d'humour, l'une française et l'autre britannique: les Deschiens (Yolande Moreau et Bruno Lochet) et les Monty Pythons (Terry Gilliam et Terry Jones).

Cet amalgame ne tourne pas à vide car il est trempé dans la rage. Celle de l'injustice sociale: le héros enfile un costume de policier et devient un justicier qui attaque les possédants pour venir en aide aux plus faibles. La rage du groupe Noir Désir également dont les morceaux ("En route pour la joie", "Seven minutes", "Oublié") innervent le film.   

Voir les commentaires

Le Bruit des glaçons

Publié le par Rosalie210

Bertrand Blier (2010)

Le Bruit des glaçons

Ce que j'aime chez Bertrand Blier, c'est moins son humour noir et son goût pour les situations surréalistes que son romantisme fulgurant. Dans "Le bruit des glaçons" c'est encore plus évident que dans ses autres films.

Le combat d'Eros contre Thanatos en est le sujet principal. L'ouverture, abrupte comme souvent chez Blier donne le ton "Je suis votre cancer, je me suis dit que ce serait bien si on faisait un peu connaissance". D'un bout à l'autre du film Albert Dupontel et son pendant féminin Myriam Boyer jouent un rôle des plus originaux, celui du démon intérieur chargé de tourmenter sa proie sans répit avant de l'achever. La proie de Dupontel c'est Charles Faulque (Jean Dujardin), un écrivain qui a fichu sa vie en l'air et semble en panne de tout sauf de vin blanc. Dupontel pense qu'achever Faulque n'est qu'une formalité mais il se heurte à un os: Faulque a encore des désirs qui le tiennent en vie. Un surtout: il éprouve une puissante attirance pour Louisa sa bonne entre deux âges ("Laissez-moi aimer cette femme avant de mourir") mais il ne parvient pas à le lui avouer. Pire encore, l'intensité et l'objet hors-norme de ses désirs et sentiments (comme dans "Tenue de soirée" et "Trop belle pour toi") le panique et le fait fuir (dans l'alcool, la maladie, les liaisons sans âme etc.) Louisa c'est l'ombre de Charles, la servante dévouée, discrète mais dont les yeux perçoivent tout. Louisa c'est Anne Alvaro et quand on a dit ça on a tout dit. Anne Alvaro interprète la passion qui consume, qui dévore comme personne. Elle est bouleversante dans son rôle de madone sacrificielle prête à déverser des torrents d'amour pour vaincre ce cancer qui la dévore et dévore l'homme qu'elle aime. Pas étonnant que l'étouffant huis-clos finisse par prendre de la hauteur et au final, le large. 

Voir les commentaires

9 mois ferme

Publié le par Rosalie210

Albert Dupontel (2013)

9 mois ferme

Une des meilleures comédies françaises de ces dernières années. Albert Dupontel a une vraie personnalité et une excellente maîtrise du langage cinématographique (le plan-séquence inaugural a été remarqué de même que les séquences tordantes du vol filmées et montées à la Jeunet). La durée est resserrée au maximum pour éviter les longueurs, la narration est enlevée, le ton est incisif, parfois vachard, parfois tendre et n'hésite pas à s'aventurer sur des terrains risqués (humour noir, gore, absurde à l'image de ce dialogue hilarant "Vous avez raison, je vais ouvrir l'œil! Ah ben non, surtout pas, fermez-les de peur qu'il vous les bouffe.") L'interprétation est remarquable du premier au dernier rôle. Sandrine Kiberlain révèle des qualités comiques insoupçonnées (qui ont complètement changé l'image que j'avais d'elle) Dupontel est excellent tout comme Benoît Marié en avocat bègue. Les caméos de Jean Dujardin parlant la langue des signes (un hommage à "The Artist"?) et de Terry Gilliam, le "père spirituel" de Dupontel qui joue un cannibale (Meatson!!) aux mains tatouées "Love" et "Eat" (Des références fortuites au "Silence des agneaux" et à la "Nuit du chasseur"? Mon œil!) sont à mourir de rire. Et soulignons que Dupontel connaît ses classiques en faisant jouer une authentique juge, Michèle Bernard-Requin, célèbre pour ses prestations dans les films de Raymond Depardon. Il aurait eu d'ailleurs l'idée du scénario de "9 mois ferme" après avoir vu "10eme chambre -Instants d'audience". Un scénario primé aux César tout comme la formidable prestation de Sandrine Kiberlain. Cette filiation tout comme celle de Gilliam permet de comprendre que derrière la farce il y a un esprit critique qui s'exprime sur les dysfonctionnements d'une institution kafkaïenne prête à dénicher des coupables idéaux plutôt que d'enquêter sérieusement ou de juger impartialement. Le cas social délinquant multirécidiviste fait un parfait criminel ce qui économise temps et argent.

Le seul tout petit reproche que j'aurais à faire à ce film, ce sont ses 5 dernières minutes. La chute est un peu bâclée. Mais ce n'est pas grave tant le reste est parfait.

Voir les commentaires

<< < 1 2