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Articles avec #drame tag

Mignonnes

Publié le par Rosalie210

Maïmouna Doucouré (2019)

Mignonnes

"Mignonnes" est le premier long-métrage de Maïmouna Doucouré qui s'était déjà fait remarquer dans le domaine du court-métrage. Elle s'est basée sur sa propre enfance et des témoignages d'autres jeunes filles pour bâtir le récit d'une pré-adolescente dont la personnalité en construction est prise entre le marteau (son milieu familial traditionaliste qui opprime les femmes dans le patriarcat) et l'enclume de la société occidentale consumériste qui transforme le corps féminin en objet sexuel dès le plus jeune âge. D'un côté le puritanisme religieux qui exige des femmes soumission et pudeur, de l'autre l'hypersexualisation de gamines à peine pubères qui reproduisent les chorégraphies obscènes qu'elles regardent sur les réseaux sociaux et adoptent des tenues et comportements provocants.

Cette dichotomie entre deux extrêmes m'a paru bien simpliste et l'absence de réactivité face à la dérive de ces filles, invraisemblable. Certes, on comprend que leurs parents sont démissionnaires mais il est étonnant que personne ne s'offusque de leur tenue ou de leur comportement dans le collège qu'elles fréquentent. Il faut attendre la fin du film pour voir enfin des adultes choqués par le triste spectacle de ces quatre gosses paumées et intoxiquées par la culture du viol ambiante. C'est bien tard. On ne peut pas faire de toute une société, surtout à l'heure de #MeToo la complice unanime de ces dérives même si elles existent, bien évidemment. Autrement dit Maïmouna Doucouré 
me semble manquer de recul et de nuances sur son sujet. A cette immaturité assez flagrante (à moins qu'il ne s'agisse d'un calcul pour faire le buzz), il faut ajouter le manque de substance. Son film est plus un court-métrage étiré qu'un long-métrage avec beaucoup de scènes répétitives sans véritable progression dramatique. Et pour cause, les deux modèles proposés à Amy sont des impasses et la régression dans l'enfance n'est pas une solution. Pour densifier le propos, il aurait fallu développer les personnages des partenaires de danse de Amy qui sont à peine ébauchés. Leur donner aussi un peu plus d'humanité car telles quelles, elles nous sont montrées comme des coquilles vides suscitant plus le rejet que la sympathie. Elles ont beau former un groupe, ce sont de féroces individualistes qui se servent les unes des autres pour exister et ne connaissent que le rapport de forces comme mode de communication. La manière dont est traitée Yasmine, la seule fille ayant un corps non conforme par rapport à l'image sexy donnée par les clips de twerk dont le groupe s'inspire est éloquente. Pour Amy c'est pousse-toi de là que je m'y mette (à la limite du geste meurtrier bref no limit), pour les autres c'est une simple variable d'ajustement. J'ose espérer que la jeunesse est plus diverse que ce qu'en montre cette réalisatrice qui se veut féministe mais qui par son approche binaire est surtout maladroite et tombe dans les clichés qu'elle veut dénoncer.

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Bronco Apache (Apache)

Publié le par Rosalie210

Robert Aldrich (1954)

Bronco Apache (Apache)

"Bronco Apache" avait-il 15 ans d'avance comme l'affirme son réalisateur Robert ALDRICH? Pas si sûr car son grand succès (le premier du réalisateur) est le fruit d'un compromis entre la radicalité révisionniste du réalisateur et le formatage du système hollywoodien conçu par et pour la civilisation dominante. De ce fait le film est pétri de contradictions voire ambigu. D'un côté "Bronco Apache" qui date de 1954 se situe dans la mouvance des westerns pro-indiens qui étaient minoritaires à l'époque. "La Flèche brisée" (1950) de Delmer DAVES et "La Porte du Diable (1950)" de Anthony MANN avaient ouvert la voie à une vision plus positive du peuple indien ainsi que les deux premiers volets de la trilogie de la cavalerie de John FORD. Plus original encore et propre à la personnalité de Robert ALDRICH, le fait de centrer l'intrigue sur un Apache insoumis menant des actions de guérilla, moins "bankable" que l'indien pacifique, assimilé ou victime. Cette rugosité est l'aspect le plus saisissant du film, lui conférant par moments des accents de véracité qui m'ont fait penser à "La Bataille d'Alger" (1965) de Gillo PONTECORVO. Je pense aux actions de guérilla terroristes ou bien au passage où Massaï (Burt LANCASTER) se retrouve pris à partie dans une ville du Far West, scène dans laquelle la haine raciste se déchaîne contre lui. Les divisions entre indiens sont également bien mises en lumière.

Mais de l'autre tout ce qui est proprement aldrichien dans le film est absorbé par la culture dominante. L'invisibilisation des minorités s'effectue par la censure financière qui conduit à mettre en avant des stars, lesquelles sont blanches à l'image de leur public. "Bronco Apache" est un parfait exemple de whitewashing. Quel que soit le charisme et les qualités physiques de Burt LANCASTER, le fait est que sa présence à l'écran est liée au fait qu'il a produit le film et que son nom pouvait fédérer un large public héritier des "blackfaces". Cette convention implicitement raciste consistant à faire interpréter un représentant des minorités par un blanc est particulièrement problématique. Pas seulement parce que le résultat grotesque (yeux bleus, couches de fond de teint apparentes) plombe quelque peu le propos du film mais parce que les minorités invisibilisées délégitiment aujourd'hui systématiquement tout film dans lequel un acteur mainstream s'empare d'un rôle "typé" (handicapé, transsexuel ou ethnique comme le montre l'exemple récent de Scarlett JOHANSSON dans "Ghost in the Shell") (2017)". Le décentrage culturel reste encore en effet largement un voeu pieux. Et puis que penser de la fin, imposée par les studios au réalisateur? La logique de Massaï était suicidaire mais cohérente, il se retrouve domestiqué et acculturé par la civilisation blanche au travers du rôle joué par sa femme, laquelle soit-dit en passant est interprétée par Jean PETERS. Le discours contestataire de Robert ALDRICH et la mascarade hollywoodienne ne font décidément pas bon ménage dans ce film.

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Un mauvais fils

Publié le par Rosalie210

Claude Sautet (1980)

Un mauvais fils

"Un mauvais fils" est le film qui marque une rupture dans la filmographie de Claude SAUTET. Rupture par rapport à ses films des années 70 en ce qu'il se centre sur la génération des trentenaires et non plus des quinquagénaires (la sienne) dont il sonde avec l'hypersensibilité et la finesse qui le caractérise le mal de vivre. Il trouve logiquement en Patrick DEWAERE tout juste sorti de "Série noire" (1979) l'interprète idéal. Claude SAUTET savait sonder (et révéler) l'âme de ses acteurs et il est le premier à véritablement faire tomber le masque de Patrick Dewaere puisque c'est pour ce rôle qu'il a rasé sa moustache et livré un jeu sobre, dénué de tout artifice.

"Un mauvais fils" raconte la relation conflictuelle entre René, un père "Ducon Lajoie" aigri, rancunier et incapable de communiquer (joué par Yves ROBERT) et Bruno, un fils fragile qui après avoir passé plusieurs années en prison tente de se sortir de l'enfer de la drogue et de se réinsérer. Tâche d'autant plus difficile que la période minutieusement décrite en toile de fond n'est pas propice, la France traversant alors une crise économique et sociale profonde. Mais le film n'est pas misérabiliste car en dépit de ses maladresses, Bruno révèle peu à peu ses qualités humaines dans l'adversité: sa détermination, sa persévérance, son endurance et son aspiration à aimer et à être aimé. Il trouve aussi un père de substitution en la personne de Adrien Dussart (Jacques DUFILHO dont Claude Sautet révèle là aussi une facette inattendue) mélomane efféminé amoureux des lettres qui est l'antithèse du rugueux René et qui le prend sous son aile. C'est par son intermédiaire qu'il rencontre Catherine (Brigitte FOSSEY) autre jeune toxicomane en rupture de père, bref une alter ego dont il s'éprend en dépit de sa froideur apparente. La scène des aveux, tout en retenue est particulièrement belle. Mais le retour à la vie (aux émotions) est délicat à gérer pour des personnes souffrant d'addictions. C'est sur cette délicate ligne de crête qu'évolue Bruno alors qu'en dépit des apparences, le lien avec son père biologique n'est pas coupé et se manifeste par des désordres physiologiques (vomissements, chute accidentelle) qui peuvent faire espérer un retour à l'équilibre. Le message du film est donc porteur d'espoir sur une possible réconciliation entre les générations, celle des durs à cuire des 30 glorieuses et celle des enfants perdus de la crise.

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Proxima

Publié le par Rosalie210

Alice Winocour (2019)

Proxima

Non, les hommes ne viennent pas de Mars et les femmes de Vénus. Ils viennent tous de la Terre et le rêve d'aller dans l'espace comme tous les rêves n'est pas l'apanage d'un genre. Mais la société assigne des rôles distincts à chacun dès la naissance et les maintient ensuite avec le formatage éducatif, la propagande (matraquage publicitaire par exemple pour des jouets ou des activités genrés) et la censure (pression sociale normative, autocensure).

C'est ainsi qu'avec un réalisme minutieux conjugué à des convictions féministes fortes que j'avais déjà beaucoup apprécié dans "Augustine" (2012), Alice WINOCOUR réalise un portrait remarquable de femme en quête de réalisation de soi porté par une actrice (Eva GREEN) enfin débarrassée de tout artifice. Bien que le film narre la trajectoire d'une femme astronaute donc exceptionnelle, il peut parler à beaucoup de femmes en prise avec la difficulté de concilier travail et/ou aspirations personnelles et enfants. Il met en effet en évidence les inégalités entre hommes et femmes à compétences égales, exacerbées par le fait que la conquête spatiale comme jadis le western est un domaine très masculin et très machiste. Le plafond de verre que doit briser Sarah pour s'accomplir est constitué des remarques méprisantes de certains de ses collègues, de la charge mentale qui pèse sur ses épaules consistant à jongler entre les besoins de sa fille et l'exigente préparation au départ dans l'espace (dont on découvre au passage les différentes étapes dignes d'un entraînement à une compétition sportive de haut niveau) et de la culpabilité qui en résulte. Comment pleinement se concentrer lors d'une réunion alors que votre enfant (à peine toléré dans la salle) ne cesse de vous perturber? Comment répondre à la fois à ses besoins affectifs et aux pressions de l'équipe de préparateurs qui menace de vous remplacer si vous n'êtes pas à la hauteur? A ces questions, le film apporte des réponses basées sur les témoignages de véritables femmes astronautes qui étaient aussi des mères et dont on voit des photos à la fin du film. Un aspect documentaire qui se retrouve aussi dans la description des entraînements des spationautes (Thomas Pesquet fait d'ailleurs une brève apparition dans le film) mais qui n'occulte pas l'aspect intimiste de cette expérience spatiale du point de vue féminin qui est aussi un apprivoisement de la séparation voire de la mort puisque littéralement Sarah "va au ciel".

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Une femme dans la tourmente (Midareru)

Publié le par Rosalie210

Mikio Naruse (1964)

Une femme dans la tourmente (Midareru)

Cela a été souligné dans de nombreuses critiques, Mikio Naruse, le quatrième grand cinéaste de l'âge d'or du cinéma japonais aux côtés de Kurosawa, Mizoguchi et Ozu est beaucoup plus méconnu que ses trois contemporains en France. Pourtant il a réalisé 89 films dont 22 muets (hélas presque tous perdus) entre 1930 et 1967, date de son décès. "Une femme dans la tourmente" est l'un de ses derniers films et il est proposé durant tout le mois d'août sur Arte replay en streaming gratuit.

"Une femme dans la tourmente" est un film magnifique qui expose au grand jour les contradictions de la société japonaise prise en étau entre tradition et modernité dans les années 60. Le film commence par dresser le portrait socio-économique d'une petite classe moyenne de commerçants en voie de disparition avec le triomphe des grandes surfaces aux prix cassés et au marketing agressif. Une thématique des 30 Glorieuses que l'on retrouve dans tous les pays développés sous influence américaine à cette époque (le poujadisme en France par exemple). Là-dessus se greffe le portrait d'une famille japonaise en crise au travers de la relation tourmentée liant Reiko, une veuve de guerre qui gère l'épicerie de sa belle-famille en mémoire de son défunt mari et Koji, son jeune beau-frère rebelle que l'on a comparé à James Dean dans "La Fureur de vivre". La mutation du commerce pousse les belles-soeurs de Reiko à se débarrasser de l'intruse alors que le comportement dissolu de Koji dissimule les sentiments qu'il éprouve pour elle. Un drame intimiste qui infléchit le film de façon décisive quand, délogée de sa place, Reiko décide de retourner chez ses parents et Koji de la suivre. Le voyage en train qui ne semble jamais finir permet à Mikio Naruse d'affiner la relation complexe qui lie ces deux personnages et que l'on retrouve dans d'autres de ses films. Une relation faite d'attraction-répulsion (voire de sado-masochisme) où le poids des normes sociales joue un rôle déterminant. Reiko a tout de la femme japonaise traditionnelle soumise voire masochiste puisqu'elle se dévoue pour une belle-famille qui l'exploite puis la rejette quand ils n'ont plus besoin d'elle. Et bien que n'ayant été mariée que six mois, elle s'interdit d'aimer un autre homme en mémoire d'un mari dont elle transporte la photo partout. Si on ajoute le lien de parenté avec Koji et la différence d'âge (taboue au Japon) on comprend mieux les tourments de Reiko qui si elle finit par tomber son masque social une fois parvenue au bout du voyage n'en reste pas moins inaccessible au grand désespoir de Koji qui comprend qu'il n'y a nulle place pour eux dans ce monde.

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Sur la route de Madison (The Bridges of Madison County)

Publié le par Rosalie210

Clint Eastwood (1995)

Sur la route de Madison (The Bridges of Madison County)

"Sur la route de Madison" est un film d'interstices. Ceux par lesquels Francesca (Meryl STREEP) observe Robert Kincaid (Clint EASTWOOD) lorsqu'elle l'accompagne sur le pont couvert de Roseman qu'il s'apprête à photographier. L'histoire non conventionnelle de Francesca et de Robert, deux amants d'âge mûr, est elle-même un interstice entre les fondations de l'Amérique profonde WASP, blanche et puritaine des années 60 dont le film est une subtile critique. L'espace de 4 jours, Francesca entrevoit un autre possible à travers sa morne vie de desperate housewife de l'Iowa. Son american Dream s'est mué en désillusion, celle d'une vie sans perspectives autre que celle de la dissolution de son individualité dans le devoir conjugal et familial. Une vie cloîtrée passée à servir mari et enfants pour lesquels la mère se confond avec les murs de la maison. Une vie à rêver d'un ailleurs impossible, incarné par le voyageur et observateur infatigable et bienveillant du monde qu'est Robert Kincaid et à travers lui Clint EASTWOOD. Car le film est aussi une brèche dans son intimité. A des années lumières de son image masculiniste, on découvre l'homme libre, ouvert d'esprit, contemplatif, sensuel bref féminin. Cette part de féminité jusque là enfouie s'incarne aussi bien dans la manière de magnifier les paysages filmés en lumière naturelle que dans le surgissement de la musique noire alors même que la ségrégation était toujours en vigueur. Et enfin dans le personnage de Francesca qui incarne à lui seul l'amour que Clint EASTWOOD porte aux femmes. Ronde et sensuelle jusqu'au bout des ongles, Francesca est indissociable de la nature (lumière, vent, eau) dont elle est habituellement coupée. Cet instant de grâce durant lequel elle retrouve sa puissance perdue à un parfum d'éternité. Le fait qu'elle y renonce pour retourner à son esclavage est symbolique des tares de l'american way of life alors que Clint EASTWOOD incarne l'artiste marginal qui l'a révélée à elle-même. Révélation qu'elle lègue à sa mort à ses enfants, deux quadragénaires dévitalisés, en espérant sans doute quelque peu faire changer les choses alors que le passage du temps n'entraîne que la reproduction du même triste modèle.

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L'Homme irrationnel (Irrational Man)

Publié le par Rosalie210

Woody Allen (2015)

L'Homme irrationnel (Irrational Man)

"L'Homme irrationnel" forme un diptyque avec le précédent long-métrage de Woody Allen, "Magic in the moonlight" avec lequel il partage nombre de caractères communs: la délocalisation littorale, l'importance de la lumière magnifiée par le chef opérateur Darius Khondji, le rôle principal confié à un acteur de premier plan qui n'avait pas encore joué pour le cinéaste et la même partenaire féminine, Emma Stone. Néanmoins "Magic in the moonlight" est plus facilement définissable que "L'Homme irrationnel" car c'est une comédie romantique solaire épousant la personnalité faussement cynique et véritablement charmeuse de Colin Firth. "L'Homme irrationnel" comporte également une base romantique mais le scénario est panaché avec une comédie policière très semblable à "Meurtre Mystérieux à Manhattan" (des gens qui s'ennuient dans leur petite routine mènent une enquête qui s'avèrent criminelle sur un citoyen a priori au-dessus de tout soupçon). Enfin le personnage d'Abe (Joaquin Phoenix) appartient à la veine dostoievskienne de Woody Allen, le dénouement du film étant d'ailleurs décalqué sur celui de "Match Point" avec la notion de hasard qui joue un rôle clé dans le basculement des destins.

En dépit de ces différents emprunts qui pouvaient faire crainte une redite, le film est bien plus réussi que ce que les critiques ont pu en dire. Jill (Emma Stone) représente à la perfection un comportement féminin très répandu, celui de l'infirmière dévouée qui croit que son amour pourra sauver une "âme en perdition". Mélange de narcissisme et d'altruisme, ce comportement aveugle l'amène à côtoyer un faible (comme dans "Match Point") qui cache son impuissance derrière son aura "d'artiste maudit" (il est prof de philo mais il est filmé comme tout droit sorti d'un tableau romantique). Cette coquille vide ne trouve que le meurtre comme remède à son impasse existentielle ce qui en fait un vampire insatiable. Ajoutons que si Jill est attirée par le monstre, c'est qu'elle-même s'ennuie dans sa vie plan-plan de grande bourgeoise. Le monde sans dieu et dépourvu de sens de Woody Allen s'exprime une fois de plus derrière des apparences attrayantes.

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Au nom de la terre

Publié le par Rosalie210

Edouard Bergeon (2019)

Au nom de la terre

L'un des plus gros succès français de l'année 2019 n'est pas une comédie mais une tragédie qui met crûment en lumière une réalité dont la majeure partie de la population a peu conscience: l'épidémie de suicides chez les agriculteurs qui est l'un des multiples signes du mal profond qui ronge nos sociétés. Si on nous répète souvent qu'une femme meurt tous les 2 jours 1/2 sous les coups de son conjoint, on ne dit pas qu'il en va de même chez les agriculteurs. A partir de l'histoire de son propre père et grâce au soutien de Guillaume Canet qui l'interprète très justement dans le film (il a lui-même des racines terrienne, son père élevait des chevaux), Edouard Bergeon brise le tabou et raconte de façon limpide une tragédie vécue à huis-clos. Celle d'un homme broyé entre le marteau et l'enclume. Le marteau c'est l'héritage familial, incarné par un père (Rufus) dont le savoir-faire artisanal désormais obsolète s'est mué en mépris accablant pour son fils. Une fracture générationnelle entre le paysan et l'exploitant agricole entrepreneur qui reflète les mutations du secteur depuis les 30 Glorieuses en France. Fils qui par ailleurs s'est senti obligé de reprendre la ferme familiale alors que son rêve était d'élever des chevaux dans le Wyoming. L'enclume ce sont les exigences du système productiviste qui obligent les agriculteurs à s'endetter jusqu'au cou pour produire à la chaîne avec une multitude d'intrants* et à grande échelle une matière première de faible qualité et à bas prix, système qui les exploitent jusqu'à ce qu'ils y laissent la peau. Il n'y a pas que la nature qui est malade de ce système, ceux qui sont chargés de nourrir les hommes s'empoisonnent avec leurs propres produits phytosanitaires. C'est toute la chaîne du vivant qui est atteinte. Heureusement, la porte de sortie, c'est le fils (soit le réalisateur lui-même) à qui le père enjoint de ne pas reproduire le même modèle et d'aller voir ailleurs.

* Depuis que l'exploitation agricole a été avalée par le système capitaliste elle n'est plus qu'un maillon de l'agro-industrie qui génère des milliers d'emplois et de bénéfices dans la construction d'engins agricoles, les biotechnologies, les engrais, la distribution, le marketing ou les industries agroalimentaire alors que l'exploitant qui produit la matière première à faible valeur ajoutée dépend des cours et des exigences de la PAC (politique agricole commune de l'UE) qui le subventionne en échange d'une productivité maximale.

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Light of my life

Publié le par Rosalie210

Casey Affleck (2019)

Light of my life

Casey AFFLECK me fait aussitôt penser à Gerry (2002), film expérimental de Gus VAN SANT où il jouait aux côtés de Matt DAMON. Or il se trouve qu'il y a une filiation contemplative et minimaliste entre ce film et "Light of my life", sa deuxième réalisation avec ses deux minuscules humains errants dans de grands espaces aussi majestueux qu'hostiles. Pour le reste "Light of my life" est une variation sur le film de Alfonso CUARÓN, "Les Fils de l'homme" (2006) car il s'agit d'un récit dystopique et post-apocalyptique avec de fortes résonances bibliques. Le récit s'ouvre d'ailleurs sur un plan-séquence de 12 minutes dans une tente où le père (Casey AFFLECK) et sa fille Rag âgée de 11 ans sont filmés en plongée un peu comme s'ils étaient à l'abri dans un utérus. Le père brode un conte à partir de l'histoire de l'arche de Noé ce qui est assez approprié à un monde qui a vu sa moitié féminine éradiquée par un mystérieux virus. Avec la même conséquence que pour le film de Cuaron, il n'y a quasiment plus d'enfants et donc plus d'avenir, les cadres politiques, sociaux, technologiques et moraux ont explosé comme en temps de guerre et ont laissé place à la loi de la jungle et au chaos. Ceci étant et contrairement au film de Cuaron, le contexte est presque entièrement laissé hors-champ pour donner toute la place aux échanges entre un père et sa fille vivant leur lien fusionnel dans un immense no man's land, les deux acteurs portant le film sur leurs épaules. Les amateurs d'action et de SF risqueront d'être déçus sauf s'ils aiment M. Night SHYAMALAN. La fin violente de "Light of my life" fait penser quelque peu à celle de "Signes" (2002) dans le sens où les repères moraux du spectateur sont brouillés, l'ennemi étant désigné comme tel et éradiqué avant même qu'il ait eu le temps de manifester la moindre animosité. On peut alors se poser légitimement des questions sur le genre d'avenir que le père prépare pour sa fille, lui qui n'a cessé au nom de la survie de lui apprendre à fuir, à se cacher, à dissimuler son identité, à voler, à attaquer (et à tuer le cas échéant) et à considérer tout autre que lui comme hostile a priori. Des questions abordées dans un film récent, "Leave No Trace" (2018) auquel celui de Casey Affleck fait également penser.

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Macadam cowboy (Midnight cowboy)

Publié le par Rosalie210

John Schlesinger (1969)

Macadam cowboy (Midnight cowboy)

Les illusions brisées du rêve américain incarnées par un texan benêt déguisé en John Wayne qui espère profiter de sa belle gueule pour se faire entretenir par des femmes riches et un SDF souffreteux et infirme d'origine italienne qui détrousse les nigauds entre deux quintes de toux. Ces deux épaves humaines s'échouent dans un New-York glacial et sordide où ils tentent de survivre en s'accrochant l'un à l'autre comme à une bouée de sauvetage. Leur rêve commun, aller en Floride ("Il me semble que la misère serait moins pénible au soleil"). Le film s'inscrit dans un passage de relai entre le classicisme hollywoodien et la contre-culture du nouvel Hollywood. On le compare à "Easy rider" en raison de ses personnages de marginaux et de sa fuite en avant mais il comporte aussi un caractère underground, les Inrocks n'hésitant pas à le considérer comme un remake informel de "Flesh", le premier volet de la trilogie que Morrissey et Warhol ont consacré à la prostitution masculine (en partie justement en réaction à "Macadam cowboy" qu'ils trouvaient trop formaté et pour cause puisque c'était le premier film mainstream a évoquer ce sujet alors sulfureux). Morrissey réalise tout de même un film en super 8 dans le film de John Schlesinger et les deux quidam sont invités à une soirée dans laquelle trônent les proches de Warhol dont Viva, son égérie (filmée à la même époque par Agnès Varda dans "Lions, Love and lies"). Si les flash mentaux censés éclairer la psyché et le passé des protagonistes sont trop nébuleux pour apporter quelque chose d'autre qu'une signature arty, la déconstruction des mythes de l'Amérique WASP justifie à elle seule le statut de film culte de "Macadam cowboy" ainsi qu'une réelle finesse psychologique qui rend le film bouleversant, particulièrement sur la fin. Le personnage de Joe Buck (John Voight) qui au départ se réduit au cliché du self made man parti de rien (ou plutôt du fin fond de la plonge) mais qui est persuadé de pouvoir réussir financièrement par le sexe avec son physique d'étalon et sa défroque de cowboy macho s'affine progressivement jusqu'à la scène clé issue de la soirée underground où sa partenaire sexuelle lui suggère qu'il est sans doute un gay qui s'ignore. Et voilà comment Joe quitte enfin le chemin mensonger de clip publicitaire dans lequel il ne cessait de s'enliser pour "Walk on the wild side" avec son compagnon de route moribond, Rico (Dustin Hoffman) qu'il arrache symboliquement à son enfer de crasse et de solitude, jetant son costume de cowboy à la poubelle au passage comme une vieille peau morte. Cet inexprimable lumière qui pointe à la fin du film alors que pourtant Rico agonise, cela compense tout ce que le film peut avoir par ailleurs de bancal ou d'imparfait.

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