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Articles avec #drame tag

Les liaisons dangereuses

Publié le par Rosalie210

Charles Brabant (1979)

Les liaisons dangereuses

On connaît mieux les adaptations cinématographiques du célèbre roman de Choderlos de Laclos que les versions télévisuelles. Charles BRABANT, fondateur de la SCAM (société civile des auteurs multimédia) venu du théâtre et du cinéma fait partie des pionniers de l'ORTF qui considérait la télévision comme un terrain d'expérimentation permettant davantage de liberté d'expression que le cinéma, ce qu'elle était sans doute à cette époque. "Les liaisons dangereuses" a été réalisé pour la première chaîne en 1979 et mêle le roman à un épisode de la vie de son auteur, son emprisonnement durant la Terreur en 1793. Enfermé dans sa cellule de Picpus, il voit apparaître son personnage, Mme de Merteuil dont le visage a été ravagé par la petite vérole. Un dialogue s'engage alors entre eux, nourri d'extraits du roman, l'éclairant au jour des événements révolutionnaires ainsi que la vie de son auteur. Officier d'artillerie, Choderlos de Laclos était bridé dans sa carrière par ses origines d'anobli (donc de "parvenu") et un grand admirateur de Rousseau. Il était également féministe avant la lettre comme Beaumarchais. Tous ces éléments l'ont conduit à jouer un rôle actif dans la Révolution. On lui attribue notamment un rôle clé dans la marche des femmes sur Versailles en octobre 1789, dans la rédaction de la pétition à l'origine de la fusillade du Champ de Mars en 1791 et dans la bataille de Valmy en 1792. Ses opinions fluctuantes (jacobin, il se rallia au bonapartisme comme Noirtier dans "Le Comte de Monte-Cristo") lui valurent son emprisonnement en tant que suspect mais il réussit à être libéré en 1794. Le film est donc autant un portrait de Choderlos de Laclos qu'une adaptation de son roman. L'ensemble dégage beaucoup de théâtralité mais les acteurs sont remarquables, notamment Jean NEGRONI dans le rôle principal, Claude DEGLIAME dans celui de Mme de Merteuil et Jean-Pierre BOUVIER dans celui d'un Valmont plus sombre que dans les versions cinématographiques, véritable prédateur sexuel sans aucune ambiguïté ce qui donne à cette version datée de 1979 des accents modernes. Cécile de Volanges est violée avec pour conséquence une fausse couche montrée dans toute sa crudité et la séduction de Mme de Tourvel relève de la pure vanité sans une once d'amour.

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Les Poings dans les poches (I Pugni in tasca)

Publié le par Rosalie210

Marco Bellocchio (1965)

Les Poings dans les poches (I Pugni in tasca)

Il y a une tendance propre au cinéma italien qui parfois me rebute, c'est la peinture de la décadence d'une famille bourgeoise ou aristocratique. Parfois car j'adore "Les Damnes" (1969) et "Theoreme" (1968). Mais le premier était traversé par l'Histoire, le second par le divin ce qui les élevaient à une sorte de grandeur tragique voire de transcendance. Rien de tel dans le sinistre et étouffant premier long-métrage de Marco BELLOCCHIO "Les Poings dans les poches" (1965) qui dépeint un terrible huis-clos familial. Dans leur villa encombrée par les portraits des aïeux vivent une veuve et ses quatre enfants, la plupart atteints de tares congénitales (cécité, épilepsie, débilité mentale). Repliés sur eux-mêmes et plus ou moins coupés de la société à l'exception de l'aîné, Augusto, ils développent des tendances incestueuses et des troubles morbides, certes très bien mis en scène et illustrés une fois de plus par la musique expressive de Ennio MORRICONE. Alessandro (Lou CASTEL dans son premier rôle) qui est épileptique fomente un plan eugéniste façon programme T4 pour "libérer" son frère jugé "sain" en liquidant le reste de sa famille, y compris lui-même. Néanmoins en étant constamment morbide et implacable, le film ne m'a pas convaincu dans ses allusions explicites aux pulsions de mort d'une certaine jeunesse rebelle, celle de James DEAN et de Arthur Rimbaud voire de Michel Poiccard qui étaient davantage dans l'errance et la flamboyance alors que celle que nous dépeint Marco BELLOCCHIO est juste putride.

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Avoir vingt ans dans les Aurès

Publié le par Rosalie210

René Vautier (1972)

Avoir vingt ans dans les Aurès

« La place d’un homme, dans un pays puissant, est d’être avec les plus faibles, avec ceux d’en face »
(René Vautier dans un entretien avec Antoine de Baecque, 2001)

Cette citation en forme de manifeste définit bien qui était Rene VAUTIER. Un cinéaste engagé contre toutes les formes de domination occidentales, auteur du premier film anticolonialiste, "Afrique 50" et dont l'oeuvre majeure "Avoir 20 ans dans les Aurès", tourné 10 ans après la fin de la guerre d'Algérie est tout comme celle de son compatriote italien Gillo PONTECORVO, communiste lui aussi un jalon majeur de la représentation de cette guerre de décolonisation au cinéma. Et ce alors que sa véritable nature était niée par l'Etat français qui a maintenu jusqu'en 1999 la fiction d'une Algérie comme morceau du territoire français où auraient eu lieu des opérations de maintien de l'ordre. Remettre en question cette version, c'était s'exposer à des mesures de rétorsion donnant une tout autre image de la France que celle des pays des droits de l'homme Rene VAUTIER a donc subi une violence d'Etat (censure, prison) doublée de celle des extrémistes d'extrême-droite (il a notamment contribué à révéler le rôle joué par Jean-Marie Le Pen pendant la guerre).

"Avoir 20 ans dans les Aurès" est une fiction qui se base sur des centaines de témoignages d'anciens appelés, une méthode qui a été par la suite reprise, par exemple par l'excellent "Warriors : L'impossible mission" (1999) sur la guerre de Bosnie. L'histoire a quant à elle sans doute inspiré celle de "L'Ennemi intime" (2007): des soldats innocents (ou variante, insoumis) transformés en bourreaux après avoir été plongés dans la réalité de la guerre. Leur endoctrinement par le lieutenant Perrin (Philippe LEOTARD), la perte des repères moraux lié à l'état de guerre et le phénomène grégaire ont pour effet d'effacer les individualités et les responsabilités, permettant le passage à l'acte violent (meurtres, tortures, viols, pillages). Cette partie du film pour intéressante qu'elle soit est cependant trop intellectualisée, les discours l'emportant sur le langage cinématographique. L'unité de lieu et d'action a également tendance à brouiller la frontière entre les flashbacks et le présent du film, rendant la progression dramatique confuse. La deuxième partie, basée sur le récit d'un déserteur est plus percutante cinématographiquement parlant. On y voit le seul membre du groupe n'ayant pas renoncé à ses convictions pacifistes, Noël (Alexandre ARCADY le futur réalisateur) s'enfuir dans le désert avec le condamné qu'il était chargé de surveiller dans le but de gagner la Tunisie (pays où le film a été tourné et qui a également été impliqué dans la guerre comme le rappelle d'atroces archives de massacres). Une errance bouleversante à la fin terrible qui frappe l'esprit.

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Pour une femme

Publié le par Rosalie210

Diane Kurys (2012)

Pour une femme

Le générique de début de "Pour une femme" convoque avec nostalgie les précédents films de Diane Kurys à résonance autobiographique ("Diabolo Menthe", "La Baule Les Pins", "Coup de foudre") à l'aide d'un pêle-mêle de photographies épinglées sur un tableau en liège au beau milieu des informations relatives au film. La chanson que Yves Simon avait composé pour "Diabolo Menthe" accompagne les images, les reliant au film que nous allons découvrir, lui aussi présent à l'aide de photos: celles de la fiction mais également celles des véritables parents de Diane Kurys dont elle raconte librement l'histoire afin d'interroger la sienne. Le film navigue en effet entre deux périodes: l'après-guerre et les années 80. C'est Sylvie Testud qui interprète Diane Kurys à l'écran dans la seconde période qui s'ouvre sur la mort de la mère et se termine sur celle de son père, Michel (Benoît Magimel). Classiquement, c'est en rangeant des papiers qu'elle tombe sur une mystérieuse photo représentant sa mère (Mélanie Thierry), sa grande soeur (qui n'avait alors que trois ans) et le frère de son père, Jean qui vivait alors avec eux à Lyon (Nicolas Duvauchelle). Elle décide alors d'enquêter sur son histoire familiale ce qui lance un flashback dans lequel elle évoque la rencontre de ses parents dans un camp d'internement pendant la guerre, son père ayant pu le quitter à temps grâce à une relation en sauvant au passage sa mère qu'il ne connaissait pourtant pas en la faisant passer pour sa fiancée. Une situation inextricable par la suite, Léna n'ayant pas d'atomes crochus avec Michel mais se sentant redevable envers lui. Le passé les poursuit pourtant alors que bien intégrés et naturalisés, Michel voit ressurgir son frère Jean qu'il n'a pas vu depuis neuf ans et qui a réussi à fuir l'URSS. Tout les oppose, lui, petit commerçant sans histoire qui pense combler sa femme avec les biens matériels des 30 Glorieuses et Jean, mystérieux et dangereux, rongé par sa soif de venger leurs parents et toutes les victimes de la Shoah. 

A partir de ce canevas qui aurait pu être passionnant, Diane Kurys réalise un film hélas décevant, trop lisse, trop convenu, aux airs de déjà (mille fois) vu autour du triangle amoureux et de l'adultère. Le résultat est illustratif, déroulant un programme parfaitement prévisible, jusqu'au final. Dommage. 

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La Divine Croisière

Publié le par Rosalie210

Julien Duvivier (1928)

La Divine Croisière

Comme tant d'autres films muets, "La Divine Croisière" fut considéré comme perdu durant des décennies et amputé quasiment de moitié après une première jugée désastreuse. Cependant une copie quasi-complète du film parvint jusqu'à nous. Puissant et déconcertant à la fois, "La Divine Croisière" est un film inclassable qui évoque le cinéma de Fritz LANG, Frank BORZAGE, Sergei EISENSTEIN, Abel GANCE ou encore Ingmar BERGMAN bien plus que celui de son réalisateur, Julien DUVIVIER. C'est peut-être l'envie d'expérimenter qui l'a poussé sur cette voie inhabituelle et hybride tant sur la forme que sur le fond. Sur la forme, l'aspect documentaire, celui de la vie et des rites d'un petit village breton côtoie des fulgurances quasi fantastiques et des emballements (celui des éléments et des foules) alternant rapidement plans d'ensembles et gros plans, comme dans "Le Cuirasse Potemkine" (1925). Sur le fond, on est au croisement du réalisme social avec au centre du récit un conflit entre un armateur et ses employés, du film de mutinerie, de la robinsonnade et enfin du surnaturel à connotation religieuse. Cette hybridité se retrouve jusque dans l'attelage hétéroclite parti à la rescousse de l'équipage de la Cordillière porté disparu. A bord du "Maris Stella" ("L'Etoile des mers"), on retrouve outre les marins, un curé, un petit garçon embarqué clandestinement et une femme, Simone Ferjac, guidé comme Jeanne d'Arc par une apparition divine. A l'opposé de cette équipée mystique, l'équipage de la Cordillière a perdu le nord en se laissant entraîner par une crapule, Mareuil qui a neutralisé le capitaine, Jacques de Saint-Ermont, lequel n'est autre que celui que Simone aime: amour et foi se mêlent comme chez Frank BORZAGE pour faire des miracles! L'ambiance fiévreuse du film tient en haleine et procure son lot de moments forts tels que le meurtre commis par Mareuil, l'assaut de la demeure de l'armateur par les gens du village, la fiesta alcoolisée sur le pont qui aboutit au naufrage, l'incendie sur l'île déserte ou encore l'enlisement de Mareuil dans les sables mouvants. Un film aussi puissant et habité qu'une toile du Caravage.

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Moi, Daniel Blake (I, Daniel Blake)

Publié le par Rosalie210

Ken Loach (2015)

Moi, Daniel Blake (I, Daniel Blake)

Le festival de Cannes adore les films sociaux ce qui est un paradoxe quand on regarde la bulle mondaine et élitiste qui leur attribue généreusement la palme d'or. Une façon de conjurer la vacuité accompagnant ce type d'événement? Toujours est-il que comme pour les films primés des frères Dardenne, le jury a eu le nez creux. "Moi Daniel Blake" est un excellent film qui complète très bien l'autre palme d'or de Ken LOACH, "Le Vent se leve" (2006). Surtout il fait partie des rares films qui réussissent à jeter un pont entre les deux bords de la fracture sociale qui mine nos vieilles démocraties et à mettre en lumière les contradictions entre les injonctions performatives de la mondialisation libérale et l'héritage de d'Etat-providence né de la grande Dépression et de la seconde guerre mondiale. Daniel Blake, homme de l'ancien temps n'ayant pas réussi à s'adapter au nouveau ce que souligne son illectronisme a un gros pépin de santé qui l'empêche de continuer à travailler. Son parcours du combattant face à l'inhumaine et absurde machine administrative pour faire reconnaître son invalidité et toucher ses indemnités révèle les méthodes écoeurantes utilisées par l'Etat pour priver les personnes devenues "improductives" de leurs droits et ainsi à défaut de pouvoir purement et simplement le supprimer, torpiller l'Etat-providence de l'intérieur. Beaucoup de scènes du film valent aussi pour la France et parleront à tous. Outre l'illectronisme qui donne lieu à des scènes tragi-comiques, qui ne s'est pas heurté à des personnes incompétentes mais intronisées comme expertes par les autorités pour remettre en cause les avis des médecins n'allant pas dans leur sens? Qui n'a pas déjà attendu des heures au téléphone que quelqu'un veuille bien prendre en charge leur appel? Qui n'a pas eu la désagréable impression d'être suspecté de fraude aux allocations juste pour le fait de réclamer ses droits? Qui ne s'est pas retrouvé dans un dédale kafkaïen de démarches absurdes dans lequel le respect du protocole est mis au dessus des besoins les plus élémentaires comme ceux d'être écouté et respecté? Sans parler de l'infantilisation des chômeurs, fliqués et menacés de sanction au moindre faux pas. Ken LOACH décortique impitoyablement la machine à broyer les pauvres, que les quelques manifestations de solidarité et les associations caritatives ne parviennent pas à enrayer, d'autant que les employés humains sont impitoyablement fliqués eux aussi alors que les subventions aux associations se réduisent. La force du film tient aussi à la caractérisation du personnage principal qui incarne une attention aux autres et un amour du travail bien fait qui rend d'autant plus insupportable son oppression et son sentiment d'impuissance grandissant. Le fait de mépriser ces valeurs en détruisant les gens qui les portent au profit d'ectoplasmes renvoie l'image d'une société pas seulement à deux vitesses mais profondément malade. La galère de la jeune femme en situation de précarité qu'il tente d'aider est hélas représentative de nombre de cas actuels au Royaume-Uni, particulièrement depuis la mise en oeuvre du Brexit.

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Le Ravissement

Publié le par Rosalie210

Iris Kaltenbäck (2023)

Le Ravissement

Un premier film maîtrisé, subtil et passionnant. Il y a plusieurs histoires ou disons plusieurs points de vue dans "Le Ravissement" à l'image de son titre polysémique. Ravissement signifie en effet rapt, enlèvement mais aussi extase, transport de joie. Bien que le film s'appuie sur un fait divers et possède dans sa première partie une dimension documentaire sur le métier de sage-femme, son réel propos consiste justement à lui échapper quand l'héroïne créé sa propre fiction, "se fait un film" car elle se persuade que seul le mensonge peut lui permettre de concrétiser ses désirs et de parvenir à exister. Lydia est montrée comme une laissée-pour-compte dans une société atomisée. Son travail consiste à mettre au monde les enfants des autres mais personne ne s'intéresse à elle et à ce qu'elle ressent. Or elle se retrouve seule après avoir rompu avec son compagnon infidèle qui en dépit de leur longue relation n'avait pas fondé de famille avec elle. Et elle perd sa meilleure amie, Salomé quand celle-ci tombe enceinte, se centre sur sa famille et décide au final de déménager. Ayant perdu les deux seules personnes qui lui tenaient lieu de famille, Lydia part à la dérive et sur un coup de tête, s'approprie le bébé de son amie. Le fait qu'elle débite ce mensonge pour un amant de passage à qui elle fait croire qu'il est le père et qu'il tombe aussitôt dans le panneau s'avère aussi troublant que la mystification de "Cyrano de Bergerac" (1990). Sauf que ce n'est pas l'éloquence qui est le passeport vers la conquête amoureuse mais le fait d'être mère. C'est d'autant plus facile pour Lydia qu'elle a accouché le bébé, l'a prénommé et le garde régulièrement pour soulager Salomé qui fait un baby-blues (mais on peut tout à fait imaginer qu'il s'agit de l'interprétation de Lydia). Les agissements de Lydia sont montrés pour ce qu'ils sont, une folie dont l'issue ne peut être que dramatique mais un film n'est pas un reportage, il n'est pas là pour enregistrer froidement les faits. Il n'est pas non plus un tribunal amené à condamner ou à innocenter. Il nous montre par quel cheminement Lydia est passé pour en arriver là et interroge tout autant notre société individualiste et la place qu'elle accorde aux femmes. Hafsia HERZI, magnifique est un choix tout à fait pertinent qui apporte une dimension supplémentaire aux questionnements du film. Car après avoir été le support de fantasmes masculins dans ses films tels que ceux de Abdellatif KECHICHE ou des clients de "L'Apollonide, souvenirs de la maison close" (2010), celle-ci s'est émancipée, a accédé à la réalisation et travaille la question féminine de façon intime pour d'autres réalisatrices.

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Le Comte de Monte-Cristo

Publié le par Rosalie210

Josée Dayan (1998)

Le Comte de Monte-Cristo

Au vu de ce que j'en avais entendu dire, je n'avais pas envie de voir la mini-série de Josee DAYAN car je me doutais bien qu'elle trahissait le roman de Alexandre Dumas. Et ce, sans avoir l'excuse des contraintes de durée qui rendent les long-métrages de cinéma si frustrants. Comme d'autres adaptations avant celle-ci, le souci prioritaire semble avoir été d'offrir un divertissement prestigieux et politiquement correct c'est à dire calibré pour plaire au grand public selon la mode du moment avec le gratin des acteurs français de l'époque, la plupart hélas sous-employés. Pourquoi s'en priver, l'opération s'est avérée être un succès et aujourd'hui encore, cette version est citée comme une référence. Pourtant, il y a de quoi redire. Déjà dans la construction dramatique. Certes, l'idée des flashbacks pour condenser la première partie du roman et ainsi dynamiser le récit est pertinente. Encore faut-il être capable de le faire avec rigueur. Ce n'est pas le cas et plusieurs informations cruciales sont escamotées. Danglars et Fernand ne sont pas présentés, tout juste montrés et le spectateur qui ne connaît pas le roman devra attendre le dernier épisode pour connaître la raison de la trahison de Fernand. Quand à celle de Danglars, elle n'est jamais expliquée. On retrouve ce problème plus tard dans le récit avec par exemple le personnage d'Héloïse de Villefort jouée par Helene VINCENT dont l'explication des agissements meurtriers est privée du sens que lui donne le roman, sens pourtant lourd de significations. La relation filiale avec l'abbé Faria si importante pour la construction du personnage de Monte-Cristo est négligée, comme d'ailleurs globalement tout l'aspect intimiste du roman. Josee DAYAN et son scénariste Didier DECOIN ne prennent pas la peine de construire des personnages crédibles et laissent les acteurs en roue libre. Pauvre Jean ROCHEFORT qui semble errer comme une âme en peine dans la série et qui n'évoque en rien le personnage de félon qu'il est censé interpréter mais plutôt celui d'un pathétique cocu en puissance. Car j'en viens à ce qui est pour moi le pire défaut de cette adaptation: avoir transformé la tragédie en une assez grotesque pantalonnade. Toute la grandeur du roman disparaît au profit d'un mauvais goût assumé porté par le choix d'un acteur aux antipodes du personnage solitaire, spectral, ascétique et mystérieux de Monte-Cristo. A la place on a un Gerard DEPARDIEU qui sort de 18 ans d'incarcération dans un cul de basse-fosse au pain sec et à l'eau parfaitement imberbe et bien peigné, nanti d'un tour de taille conséquent et d'un ventre rebondi qui rend risible la scène dans laquelle ses geôliers se plaignent du poids du sac qu'ils ont à jeter du haut du château d'If. Un Gerard DEPARDIEU faisant du Gerard DEPARDIEU c'est à dire fort en gueule, jouisseur au point de se chercher un cuisinier personnel en la personne d'un Bertuccio revu et corrigé (Sergio RUBINI aurait tellement mieux convenu dans le rôle de son maître!) et une maîtresse inventée de toutes pièces (Florence DAREL), pauvre cruche à la voix de crécelle venant piquer sa crise de jalousie dès qu'une autre femme l'approche. Mercédès (Ornella MUTI) est traitée de la même manière écervelée ce qui explique sans doute la consternante fin où les deux amoureux se retrouvent à barboter joyeusement dans l'eau comme si rien ne s'était passé. Ne parlons même pas des piètres déguisements que revêt le comte, l'homme cherchant plus à se faire reconnaître qu'à se cacher. De temps en temps, il se rappelle quand même qu'il doit se venger alors les scènes du roman viennent laborieusement se rappeler à notre souvenir à l'aide de fastidieuses explications. Là où dans le roman on a un maître en manipulation qui a ourdi sa vengeance durant des années en ne laissant rien au hasard et la déroule comme une horloge suisse, le Monte-Cristo de Dayan semble découvrir les secrets de ses ennemis par hasard, au détour d'un chemin. Comme dans d'autres versions, Haydée est évacuée en deux-trois scènes parce qu'elle n'entre pas dans les cases du politiquement correct et plus surprenant, l'intrigue du fils illégitime de Villefort est amputé de toute sa dimension sociale, tout cela au profit d'amourettes sans substance. Abaisser ce grand roman à un tel niveau de médiocrité, il fallait le faire!

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Les Chariots de feu (Chariots of fire)

Publié le par Rosalie210

Hugh Hudson (1981)

Les Chariots de feu (Chariots of fire)

Une curiosité que ce film britannique du début des années 80, éclipsé dans la mémoire collective par la musique de Vangelis PAPATHANASIOU, sa composition la plus célèbre avec celle de "Blade Runner" (1982). Autre atout du film, sa reconstitution minutieuse de l'université de Cambridge au début des années 20 ainsi que des JO de Paris de 1924. Le résultat est d'une qualité indéniable, on s'y croirait! On peut ajouter enfin un casting tout à fait réussi puisant dans le vivier anglais, fertile en talents. Les jeunes acteurs de premier plan sont épaulés par des vétérans parmi lesquels se détache Ian HOLM dans le rôle de Sam Mussabini, l'entraîneur de Harold. Néanmoins "Les Chariots de feu" est plombé par son caractère édifiant. Les valeurs du sport sont béatement glorifiées dans une perspective aussi bien religieuse que patriotique ce qui révèle à la fois une idéalisation de l'Empire britannique en tant que puissance et creuset et une imprégnation de l'idéologie thatchérienne du dépassement de soi et de la réussite individuelle. Même si le personnage de Harold Abrahams doit lutter pour s'intégrer dans un milieu chrétien conservateur antisémite et raciste, ses exploits sportifs transforment sa destinée en "sucess story" à l'américaine. Cependant, Harold reste néanmoins un personnage humain plein de rage et de doute alors que son comparse, Eric Liddell, presbytérien intégriste s'efface au profit d'une querelle entre patriotisme et religion se résumant à courir pour Dieu (sauf le dimanche) ou pour son pays. Difficile aujourd'hui d'adhérer à un discours aussi propagandiste, y compris pour le sport dont on connaît les dérives et les dévoiements y compris dans le cadre de l'olympisme.

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Tatami

Publié le par Rosalie210

Guy Nattiv, Zar Amir Ebrahimi (2024)

Tatami

"Tatami" qui a été présenté au festival de Venise dans une section parallèle est le reflet de la coopération inédite d'un cinéaste israélien, Guy NATTIV et de l'actrice franco-iranienne Zar AMIR EBRAHIMI, récompensée à Cannes pour "Les Nuits de Mashhad" (2021). C'est un huis-clos en noir et blanc très prenant, immersif, donnant l'impression de tournage en temps réel, moins pour ce qu'il se passe sur la scène que pour ce qui se déroule en coulisses. Pendant que l'arène sportive voit s'affronter en duel les meilleures judokas pour le titre de championne du monde, les autorités iraniennes poursuivent leurs manoeuvres géopolitiques jusque dans l'enceinte du Dojo afin d'empêcher leur judokate de rencontrer la championne israélienne. Pour cela, ils veulent l'obliger à déclarer forfait, usant de moyens de pression de plus en plus brutaux, sous les yeux de la wjf (world federation judo), longtemps passive. Le spectateur voit Leila (Arienne MANDI) se battre comme une lionne sur le tatami et en même temps contre le rouleau compresseur du régime. Sa coach (jouée par Zar AMIR EBRAHIMI elle-même), elle aussi soumise à une intense pression essaye de gagner du temps, louvoyant entre une certaine résistance passive et la tentation de la reddition au grand dam de Leila ce qui rajoute un élément de tension supplémentaire. 

L'histoire est fictive mais inspirée par des faits réels survenus aux mondiaux de Tokyo qui entrainèrent la suspension de la fédération iranienne des compétitions organisées par la wjf. Le sportif iranien concerné, Saeid Mollaei avait dû s'incliner en demi-finale et en petite finale sous les menaces du régime le visant lui et sa famille afin qu'il ne rencontre pas le champion israélien. La posture officielle de Téhéran consiste en effet à nier l'existence de cet Etat. Saeid Mollaei avait fini par fuir le pays.

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