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Articles avec #drame tag

Dune

Publié le par Rosalie210

David Lynch (1983)

Dune

Je ne connaissais pas du tout "Dune", ni le roman, ni le film de David LYNCH. Mais l'énorme battage médiatique autour de la nouvelle version de Denis VILLENEUVE sortie tout récemment et le fait que plusieurs membres de mon entourage l'ont vu m'a rendu nécessaire le fait d'avoir une idée de ce que c'était. Mais entre David LYNCH et Denis VILLENEUVE, j'ai vite fait mon choix. Parce que même si on lit partout que "c'est son oeuvre la moins personnelle", je connais et apprécie assez le cinéma de David LYNCH pour être capable d'affirmer que ce film porte sa signature et que cela donne un résultat assez fascinant.

Je suis d'accord avec beaucoup de choses qui ont été dites à propos du film: qu'il était "malade", "bancal", "kitsch" et "elliptique". Je peux comprendre que les puristes du roman n'y retrouvent pas forcément leurs petits. David LYNCH lui-même n'a pas eu la totale maîtrise de son film puisque le montage lui a échappé afin que la durée totale du film ne dépasse pas 2h (2H10 exactement) format standard de l'époque alors qu'il aurait voulu une version de 3h30. Mais il n'est pas le premier cinéaste à la tête d'un mastodonte qui voit ses ambitions charcutées par la production (même s'il faut saluer le côté visionnaire du producteur Dino DE LAURENTIIS qui lui a confié le projet et a ensuite continué à le soutenir pour "Blue Velvet") (1985). En son temps Erich von STROHEIM a subi les mêmes déboires, ça n'a pas empêché ses chefs d'oeuvre mutilés de passer à la postérité. Tel quel, malgré ses passages explicatifs destinés à remplacer les parties manquantes, le film se suit très bien. Le prologue, très pédagogique permet de cerner d'emblées des enjeux qui ressemblent à une transposition SF de la guerre du pétrole (déjà au coeur des convoitises en 1965 au temps du roman). L'exploitation d'une "épice" poison qui permet d'acquérir de super pouvoirs mais qui ne se trouve que dans une planète désertique faisant l'objet de rivalités entre puissances, la population locale étant spoliée et obligée de vivre souterrainement en attendant le futur "messie" qui les délivrera du joug de leurs oppresseurs, cela ressemble beaucoup à la géopolitique du Moyen-Orient d'hier... et d'aujourd'hui. Sur cette intrigue qui a conservé toute son actualité (la guerre des ressources faisant plus rage que jamais) se greffe un mysticisme new-age qui aurait pu prêter à sourire au premier degré mais sur lequel David LYNCH a lâché ses monstres. Si bien que les rêves éveillés (et prophétiques) de Paul (Kyle MacLACHLAN), les fulgurances traversant l'esprit des personnages dont on écoute la voix intérieure, leurs mantras mêlés à la très belle et planante musique du groupe Toto et de Brian Eno se mélangent à des cauchemars de corps difformes et mutants. J'ai vu furtivement passer des images très organiques qui m'ont renvoyé à "Eraserhead" (1976 , "Elephant Man" (1980) ou encore à "Twin Peaks" (1992). Impossible de ne pas ressentir un profond dégoût devant les Harkonnen, clan dégénéré dominé par un baron au visage suintant et pustuleux particulièrement répugnant et aussi libidineux que Jabba the Hutt (à qui il m'a fait penser). Sauf que l'objet de son désir se porte sur le seul beau mec du clan, une sorte d'Alex Delarge au sourire sadique interprété par un STING se dévoilant en très petite tenue (au départ il ne devait même rien porter du tout mais la censure ne l'a pas permis). Si le clan rival des Atréides est en revanche tout ce qu'il y a de propre sur lui (d'ailleurs le baron crache sa bave de crapaud sur dame Jessica d'où mon association avec Jabba), certains plans ramènent à cet aspect fondamentalement organique du cinéma de Lynch. Je pense en particulier au plan récurrent de la naissance d'Alia, la petite soeur de Paul pas très éloigné des plans de foetus d'agneau de "Eraserhead" (1976) (bon appétit!) Et puis il y a l'émissaire de la guilde intergalactique, ces navigateurs qui grâce à l'épice peuvent "replier l'espace" c'est à dire voyager sans se déplacer. Pur amas d'organes dans un aquarium, celui-ci possède une bouche baveuse filmée en gros plan qui ressemble à un vagin. Si l'on ajoute à cela des décors grandioses rétro-futuristes steampunk (ce qui est la meilleure façon de bien vieillir) évoquant d'immenses cathédrales sacrées et profanes (les cathédrales industrielles du XIX° siècle) on obtient un résultat fascinant, réévalué par la suite et qui non seulement a gagné avec le temps son statut de film culte mais aussi a réintégré de plein droit son statut de film 100% lynchien.

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La Peau douce

Publié le par Rosalie210

François Truffaut (1964)

La Peau douce

"La Peau Douce" est un film qui est longtemps resté dans l'ombre de la filmographie de François TRUFFAUT alors que c'est l'un de ses plus réussis et l'un de ses plus personnels. Comme quoi on peut raconter l'histoire la plus banale du monde -un adultère bourgeois- en la rendant passionnante si l'on sait s'y prendre.

Sur deux points au moins "La Peau Douce" est un chef d'oeuvre. Sa mise en scène d'une précision chirurgicale d'abord qui transforme un drame bourgeois en thriller hitchcockien. Et ça commence quasiment dès le début avec la scène haletante dans laquelle Pierre (Jean DESAILLY) entame une course contre la montre pour prendre un avion pour Lisbonne. Quand on sait que sa future maîtresse, Nicole (Françoise DORLÉAC) l'attend à bord, c'est tout l'enjeu du film qui est contenu dans cette seule scène tournée pied au plancher. Des scènes de tension semblables, on en retrouve avec la grande séquence du séjour à Reims dans laquelle Pierre s'empêtre dans ses mensonges et ne parvient pas à concilier sa vie mondaine et sa vie secrète. Ou encore vers la fin, quand, sur les conseils d'une amie de son épouse, il tente de lui téléphoner pour lui avouer la vérité mais toute une mécanique bien huilée fait qu'il la rate de quelques secondes comme s'il y avait une sorte de "fatum" sur ses épaules.

Cependant, cet engrenage qui transforme un drame bourgeois en tragédie n'aurait pas été possible sans le caractère du personnage principal, artisan de son propre malheur. Pierre s'avère être la médiocrité même, incapable de prendre des décisions, incapable de communiquer franchement. Il dit oui à tout sans le penser ce qui le met dans des situations impossibles engendrant déception, frustrations et amertume. A force d'être incapable de gérer les situations, il finit par se comporter grossièrement avec l'un de ses collègues dont il n'arrive pas à se débarrasser, son épouse à qui il ne parle pas tout en laissant traîner des indices compromettants ou sa maîtresse dont il jouit sur l'instant avec une ardeur fétichiste (très beaux plans à l'appui) mais qui le reste du temps l'embarrasse. Tous deux qui ont une sensible différence d'âge ne vivent pas sur la même planète et n'ont en réalité rien à se dire. D'ailleurs Pierre appelle significativement Nicole "ma poupée", veut qu'elle porte des robes, des talons et des bas (et non des jeans) pour lui faire plaisir et n'éprouve qu'à une seule reprise le besoin de lui dire qu'il l'aime: quand il la pense loin de lui (c'est un écrivain après tout). Dès qu'il réalise sa méprise, il jette son télégramme à la poubelle. Tout cela finit par se payer cash et quand la parole ne peut pas sortir, on sait que le seul soulagement sera celui d'une explosion fatale.

 

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Drunk

Publié le par Rosalie210

Thomas Vinterberg (2020)

Drunk

Je n'avais plus regardé de film de Thomas VINTERBERG depuis son percutant "Festen" (1998). "Drunk" aborde lui aussi un sujet délicat et il le fait avec beaucoup d'humanité. Du début à la fin, tous les paradoxes de l'alcool sont explorés et c'est bien parce que les facettes lumineuses et sombres du produit ne sont jamais séparées que le film atteint cette puissance. De façon assez ironique, le lieu central du film est une école dans laquelle derrière une apparence respectable l'alcool coule à flots et sans entraves. Chez les élèves mais aussi chez leurs enseignants quadragénaires gagnés par le mal de vivre. L'un d'eux attire particulièrement le regard avec ses grands yeux tristes: c'est Martin (Mads MIKKELSEN) qui voit sa vie lui échapper: il est en difficulté dans son travail et sa famille l'ignore. Alors en dépit de ses réticences (liées peut-être à un passé déjà agité par la substance) il se laisse tenter avec trois de ses amis (dont Tommy joué par Thomas BO LARSEN déjà vu dans "Festen") (1998) par l'expérience consistant à vivre au quotidien avec de plus en plus d'alcool dans le sang. Et c'est le début de l'engrenage. L'alcool réenchante sa vie, anime ses cours, le rend créatif et alerte. Et il est rappelé combien les substances psychotropes ont pu jouer un rôle créatif (même s'il n'est pas mentionné au profit d'Hemingway, on pense à Rimbaud). Combien leur effet désinhibant peut être magique en stimulant les capacités, augmentant la confiance en soi, l'initiative et la prise de risques. Mais dans le même temps, l'addiction finit par produire ses effets ravageurs, détruisant la vie sociale, la vie intime, la vie tout court. La fin est particulièrement admirable, faisant se succéder une scène de deuil et une scène inoubliable de danse en apesanteur dans un lâcher prise total après la libération de la parole.

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Un Couteau dans le Coeur

Publié le par Rosalie210

Yann Gonzalez (2018)

Un Couteau dans le Coeur

Pure coïncidence: le jour même où je découvre enfin "Le Voyeur" (1960) de Michael POWELL, Arte propose en replay sur son site de streaming "Un couteau dans le coeur". Quel est le rapport? "Le Voyeur" (1960) est non seulement l'un des films matriciels du slasher (sous-genre du film d'horreur plutôt anglo-saxon dont s'est inspiré par exemple Brian DE PALMA pour certains de ses films) mais également du giallo, cousin italien du slasher mêlant horreur, polar et érotisme et dont les deux maîtres sont Dario ARGENTO et Mario BAVA. Tous deux sont d'ailleurs passés du statut de réalisateurs de cinéma de genre bis/exploitation/underground à la reconnaissance du statut d'auteur-créateur avec à la clé une consécration cinéphilique au plus haut niveau (exactement comme pour le slasher d'ailleurs, par exemple, j'ai découvert le cinéma de John CARPENTER en regardant des épisodes de Blow-up sur Arte et celui-ci est régulièrement cité aujourd'hui comme une référence ce qui n'était pas le cas à ses débuts). Les deux ex(?) sous-genres ne sont d'ailleurs pas étanches, Brian DE PALMA et Dario ARGENTO se disputant par exemple la paternité de certaines de leurs idées de mise en scène.

Ce préambule est nécessaire pour comprendre que "Un couteau dans le coeur" ne sort pas de nulle part mais est un hommage du réalisateur, Yann GONZALEZ au giallo tout comme Julia DUCOURNAU dans "Titane" (2020) rend un hommage appuyé au slasher. Et il est salutaire que le festival de Cannes soutienne les films de genre français, sous-développés par rapport à leurs homologues américains et italiens afin de sortir de la dualité drame social ou sentimental auteuriste/comédie commerciale dans lequel a tendance à s'enfermer le cinéma français (heureusement il y a de nombreuses exceptions!)

Néanmoins "Un couteau dans le coeur" est un film avant tout maniériste ("à la manière de") autrement dit un exercice de style qui a bien du mal à exister par lui-même. Il y a de bonnes idées de mise en scène (le film est "tenu" de ses premières à ses dernières images et ne manque pas de créativité), des éclairages particulièrement soignés avec une dichotomie ville nocturne glauque/forêt lumineuse et magique habilement exploitée. De plus chacun de ces univers est incarné par une actrice du même âge ayant eu des débuts au cinéma assez comparables: Vanessa PARADIS et Romane BOHRINGER (dont on apprécie la rencontre). En revanche le film pèche au moins sur deux points: sa direction d'acteur très approximative et des dialogues souvent affligeants. Résultat: les scènes de tournage des films porno gay ne sont pas assez déjantées en dépit d'un excellent Nicolas MAURY, les scènes de meurtre, pas assez effrayantes et les scènes New Age et sentimentales sombrent dans un ridicule achevé d'autant que certaines idées semblent à moitié assumées: quitte à parler de forêt enchantée et de métamorphose, autant aller jusqu'au bout! En bref, "Un couteau dans le coeur" si l'on en accepte les codes est un film qui ne manque pas d'intérêt mais qui reste clairement inabouti.

 

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Le Voyeur (Peeping Tom)

Publié le par Rosalie210

Michael Powell (1960)

Le Voyeur (Peeping Tom)

J'avais beaucoup, beaucoup entendu parler de ce film et pourtant je ne l'avais jamais vu. C'est maintenant chose faite et j'ai tout de suite pensé après l'avoir vu que, bien qu'étant contemporain de "Psychose" (1960), il était le chaînon manquant entre le cinéma de Alfred HITCHCOCK et celui de Brian DE PALMA pour qui il est d'ailleurs une référence (tout comme pour d'autres réalisateurs de cette génération, Martin SCORSESE par exemple qui est un grand admirateur du cinéma de Michael POWELL). Alfred HITCHCOCK est un grand réalisateur de la pulsion scopique qui est un des ressorts majeurs du cinéma (en ce sens beaucoup de ses films sont aussi des méta-films comme "Fenêtre sur cour") (1954) et l'oeil en gros plan qui ouvre "Le Voyeur" fait aussitôt penser à celui de "Vertigo" (1958). Cependant, "Le Voyeur" préfigure non seulement le cinéma de Brian DE PALMA par son côté trash exacerbé par l'utilisation de la caméra subjective* mais aussi les oeuvres les plus tardives de ce même Alfred HITCHCOCK comme "Frenzy" (1972) dans lequel les meurtres de femmes sont filmés crûment et où l'on retrouve la même actrice, Anna MASSEY. Pourtant rien ne laissait prévoir que Michael POWELL, réalisateur de films raffinés avec son compère Emeric PRESSBURGER allait se lancer sur le terrain des futurs "slashers" et autres "snuff movies". Ni que l'époux de Romy SCHNEIDER dans la série des Sissi, Carl BOEHM allait tenir le rôle du tueur à la caméra (rôle que l'on aurait bien vu interprété par Dirk BOGARDE mais celui-ci avait décliné l'offre). Ceci étant, Carl BOEHM est parfait car après tout il joue le rôle d'un fils à papa (lequel lorsqu'il apparaît dans les images d'enfance de Mark est joué par Michael POWELL, la mise en abyme tourne à plein régime) avec une apparence de gendre idéal, sauf qu'à la différence des Sissi il est mentalement dérangé, ayant été lui-même objet du voyeurisme malsain de son père. On pourrait parler de dédoublement de personnalité, tout comme son appartement et le film lui-même. Il y a un côté "Blue Velvet" (1985) dans "Le Voyeur". D'un côté le tournage d'un film de studio tout ce qu'il y a de plus classique, un salon cosy, un jeune homme de bonne famille avec un certain standing social. De l'autre, le laboratoire caché, sombre, saturé de couleurs violentes dans laquelle ce même jeune homme développe et projette les images interdites qu'il a filmées sur son propre appareil, celles que l'inconscient censure et qui l'obsèdent: le sexe et la violence*. Ce dédoublement n'est pas seulement une réflexion sur le cinéma, il est tout autant une peinture sociologique sur l'hypocrisie du puritanisme british. Ainsi la boutique dans laquelle Mark fait des extras en photographiant des filles dénudées se présente comme un magasin de journaux et les clients repartent avec le vrai objet de leur désir emballé dans une enveloppe où est ironiquement écrit qu'il s'agit de "livres éducatifs". Pas étonnant qu'à sa sortie, le film ait été rejeté: il était trop avant-gardiste, trop dérangeant... et totalement "visionnaire".

* L'ouverture de "Blow Out" (1981) ressemble à celle du film de Michael POWELL sauf qu'on ne voit pas la mire de l'appareil qui filme à l'intérieur des douches une scène avatar de "Psychose" (1960).

* La caméra au pied transformé en arme meurtrière étant un évident substitut phallique.

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Marché noir (Koshtargah)

Publié le par Rosalie210

Abbas Amini (2020)

Marché noir (Koshtargah)

"Marché noir" a reçu Le Prix du Jury lors du festival du Film Policier -Reims Polar pour sa 38ème édition, édition qui a également récompensé un autre polar iranien "La Loi de Téhéran" (2021) avec le Grand Prix.

"Marché noir" évoque l'économie parallèle qui s'est développée en Iran autour du trafic des devises, principalement des dollars américains. La première séquence du film est extrêmement prometteuse car le film commence directement par une scène de crime. La tension est là d'emblée avec la pression croissante de la famille des trois hommes disparus qui ne cesse de s'accroître sur les épaules du personnage principal. Il s'agit d'Amir, jeune homme au passé aussi chargé que ses tatouages qui est devenu l'homme de confiance du meurtrier, un patron véreux pour aider son père qui travaille comme gardien dans son abattoir. Abattoir qui comme on l'apprend très vite n'est qu'une couverture dissimulant un marché noir de transactions financières menacé par les descentes policières mais aussi par les règlements de comptes entre les trafiquants.

"Marché noir" est un polar efficace et bien structuré autour de son axe principal (le crime sera-t-il découvert? Amir finira-t-il par craquer?) Néanmoins il y a quelques grosses ficelles scénaristiques (on a du mal à croire à la naïveté du patron qui vient se jeter dans la gueule du loup et à celle d'Amir qui l'a attiré en pensant que la famille des défunts veut seulement lui parler). D'autre part, Amir est un personnage bien peu consistant. Il semble subir tout ce qui lui arrive, être ballotté au gré des événements, tiraillé entre son père avec lequel il a une relation conflictuelle (mais à peine ébauchée) et Asra, parente de l'un des défunts, tenace et perspicace (seul personnage féminin important du film qui d'ailleurs a le dernier mot mais qui méritait lui aussi d'être davantage creusé) sans avoir de volonté propre.

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More

Publié le par Rosalie210

Barbet Schroeder (1969)

More

"More" est le premier film de Barbet SCHROEDER, ce réalisateur franco-suisse multifacettes (acteur, réalisateur, producteur, scénariste, technicien, il sait tout faire!) très lié à ses débuts au cinéma de la nouvelle vague (il est notamment le co-fondateur avec Éric ROHMER de la société les Films du losange). Cependant, ce n'est pas du tout à ce courant cinématographique que "More" fait penser mais à un mélange de films de contre-culture "nouvel Hollywood" et aux premiers films de Wim WENDERS. "More" revêt en effet dans certaines de ses séquences (au début notamment) un caractère sociologique documentaire avant-gardiste sur les milieux hippies français. En même temps, un autre film se superpose au premier qui m'a fait beaucoup penser à "Faux mouvement" (1975) par sa déconstruction du bildungsroman avec le nazisme pour toile de fond. Stefan (Klaus GRÜNBERG), le personnage principal est un jeune homme qui part à l'aventure pour apprendre la vie. Rapidement, il se construit un paradis artificiel à Ibiza dans lequel il se retire comme dans une bulle avec Estelle (Mimsy FARMER), une jeune américaine dont il est tombé amoureux. Tous deux vivent leur rêve utopique de bonheur absolu sur une île presque déserte et encore préservée (en 1968) où il fait toujours beau, où la mer est toujours bleue, perchés dans une extase édénique permanente. Sauf que Barbet SCHROEDER nous montre l'envers du décor: une descente aux enfers au fur et à mesure que la dépendance de Stefan aux drogues dures s'accroît. Estelle, sorte de sirène qui attire les hommes au fond des eaux n'est elle-même qu'une marionnette dans cette histoire. Elle est en effet la créature de Wolf (Heinz ENGELMANN), sorte de Parrain local, baron de la drogue qui possède une partie du patrimoine immobilier de l'île. Et Wolf n'est autre qu'un ancien nazi réfugié dans l'Espagne franquiste, terre d'accueil bien connue des amis d'Hitler. Et c'est ainsi que soudain il se met à faire froid et la musique (signée des Pink Floyd) devient de plus en plus funèbre.

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Nuages épars (Midaregumo)

Publié le par Rosalie210

Mikio Naruse (1967)

Nuages épars (Midaregumo)

"Nuages épars" est le dernier film de Mikio NARUSE qui avait déjà intitulé deux de ses précédents films "Nuages flottants" (1955) et "Nuages d été" (1958). Il raconte de façon elliptique et épurée* une histoire d'amour impossible entre deux êtres frappés par le malheur et liés l'un à l'autre par ce même malheur. Il oscille de façon admirable entre les scènes intimistes (dont les plus belles ont lieu dans la nature ou sont en rapport avec elle) qui montrent tous les mouvements contradictoires des personnages et des scènes dans lesquelles on observe comment la société japonaise broie le moindre écart de conduite en faisant d'eux des parias: elle parce qu'elle a perdu son mari, lui parce qu'il a entaché l'image de sa société en étant à bord du véhicule qui l'a tué. Il fait également une large place au hasard et au destin pour mettre en lumière l'étrange danse qui se noue entre ces personnages tourmentés jusqu'à l'autodestruction qui voudraient à la fois fuir, oublier leur passé et en même temps tomber dans les bras l'un de l'autre pour "se réparer". Leur relation est empreinte d'un lourd sentiment de culpabilité, d'une lancinante douleur, d'un profond besoin de consolation mais aussi d'une expiation quelque peu masochiste, surtout pour lui qui s'accuse d'un crime qu'il n'a pas commis. Le poids du passé n'apparaît pas seulement au travers de flashbacks mais aussi par le retour en fin de parcours des motifs du traumatisme initial qui semblent bloquer toute issue. Un double suicide évoqué au détour d'une scène dans un lac, le nom du personnage masculin, Mishima, son brutal accès de fièvre qui l'incite à "partir" et sa mutation programmée dans une zone infestée par le choléra font planer de lourds nuages noirs sur son avenir**.

* C'est ce qui le différencie du mélodrame sirkien avec lequel il est souvent comparé.

** Et même si Yumiko se décide à le rejoindre comme il le lui a proposé et comme la fin ouverte du film peut le laisser envisager, elle risque de subir le destin final de l'héroïne de "Nuages flottants (1955) qui elle aussi est un grand film du genre "ni avec toi ni sans toi".

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Le Lien (The Touch/Beröringen)

Publié le par Rosalie210

Ingmar Bergman (1970)

Le Lien (The Touch/Beröringen)

Je n'avais jamais entendu parler de ce film de Ingmar BERGMAN avant que Arte ait la bonne idée de le diffuser. Il faut dire qu'en France, pour une raison que je ne m'explique pas, beaucoup de films classiques de très grands réalisateurs étrangers sont inaccessibles car peu diffusés, non édités en DVD zone 2, non disponibles en VOD... Les exemples abondent comme "Le Limier" (1972) de Joseph L. MANKIEWICZ, "Leo the Last" (1970) de John BOORMAN, "Le Gouffre aux chimères" (1951) de Billy WILDER, "Les Quatre filles du Dr. March" (1933) de George CUKOR, "Boule de feu" (1941) de Howard HAWKS etc.

Si "Le Lien" n'est sans doute pas le meilleur film que Ingmar BERGMAN ait réalisé, il est loin d'être inintéressant. Tourné en partie en langue anglaise, il raconte l'histoire la plus banale qui soit: une bourgeoise (Bibi ANDERSSON) qui s'ennuie ferme avec son mari insipide (Max von SYDOW) prend un amant déraciné, solitaire et tourmenté qui lui en fait voir de toutes les couleurs (Elliott GOULD). Tenir 1h50 sur une histoire d'adultère n'est pas spécialement enthousiasmant. Néanmoins, l'incapacité de l'amant à créer du lien, que ce soit avec un lieu ou avec une personne, son imprévisibilité, son instabilité, sa violence amène le réalisateur à évoquer en creux les séquelles de la Shoah à long terme sur ceux qui en ont été victimes, leurs descendants et les sociétés qui en ont été complices (comme la société suédoise). Est-ce ce lourd contexte qui explique que la relation entre Karin et David soit à ce point difficile? Leur passion est douloureuse, empreinte d'incommunicabilité, de violence et de frustrations, y compris sexuelles (leurs étreintes ne semblent jamais aboutir à une quelconque satisfaction*). Et on ne peut pas dire que les symboles qui les environnent soient plus positifs: statue de vierge en bois rongée par les insectes, serpent qui se mort la queue, appartement(s) de David soulignant son déracinement par leur dépouillement. Bref aucune réconciliation ne semble possible. Karin rompt certes avec son bonheur conjugal factice (souligné ce qui est inhabituel chez Ingmar BERGMAN par une esthétique publicitaire avec notamment une musique guillerette célébrant les joies d'être une femme au foyer pleine d'ironie) mais pour embrasser le destin de David: une vie d'exil et de solitude.

* Le nom marital de Karin, Vergerus est récurrent dans l'univers de Ingmar Bergman. Il est notamment associé au terrifiant évêque protestant qui tyrannise Alexandre dans "Fanny et Alexandre" (1982).

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Léon Morin, prêtre

Publié le par Rosalie210

Jean-Pierre Melville (1961)

Léon Morin, prêtre

On est en France. C'est la guerre. Les hommes manquent à l'appel. Ils sont morts, prisonniers, assignés au travail forcé en Allemagne, ou planqués dans le maquis pour ceux qui le refusent le service du travail obligatoire. Leurs femmes, restées à l'arrière sont en manque. En manque d'amour. En manque de sexe (et oui le film "Benedetta" de Paul Verhoeven a mis en lumière que la masturbation féminine se pratiquait de tout temps, dans tous les milieux, y compris religieux, et faisait feu de tout bois si je puis dire ^^). Elles en sont d'autant plus vulnérables. C'est le cas de Barny, cette admirable jeune veuve jouée par Emmanuelle Riva découverte dans le non moins admirable "Hiroshima mon amour" de Alain Resnais. Elle a perdu son mari, juif et communiste. Elle doit protéger sa fille qui en dépit de son prénom, France, n'en est pas moins "demi-juive" donc en danger. C'est pour cette raison qu'elle la fait baptiser car le certificat de baptême est un talisman contre la barbarie nazie et leurs supplétifs français particulièrement zélés. Révoltée contre l'ambiguïté de cette Eglise catholique qui de fait est la complice de toutes les puissances tyranniques depuis son alliance avec l'Empire romain ("l'alliance du trône et de l'autel"), elle va crier sa révolte auprès d'un vicaire. Malheur à elle: il est jeune, beau, diablement (oui, diablement) intelligent, "moderne" et persuasif: c'est Jean-Paul Belmondo au faîte de sa jeunesse, de son talent et de son charisme. Le Jean-Paul Belmondo magnétique de "A bout de Souffle" (film dans lequel il a croisé Jean-Pierre Melville qui par amitié pour Jean-Luc Godard y faisait une courte apparition: la transfusion était en marche). Il voit sa détresse, sa solitude, sa frustration, cachée derrière son cynisme de pacotille. Il comble donc son vide intérieur en la faisant venir chez lui puis en allant chez elle pour lui prêter des livres et l'entretenir de la foi, obtenant sans peine sa conversion. Evidemment il n'aurait rien fait de tel s'il y avait eu un homme à la maison. Il pousse même "le vice" jusqu'à faire d'elle sa confidente lorsqu'il lui raconte ses souvenirs d'enfance, jusqu'à l'effleurer de sa soutane en passant près d'elle jusqu'à ce que chauffée à blanc de désir pour lui, elle trébuche et que "l'ayant prise en défaut", il n'ait plus qu'à lui faire expier ses "péchés". Le besoin le plus naturel de l'être humain, dénaturé, sali, transformé en instrument de pouvoir. La présence d'une autre femme, tentatrice déclarée, elle, confirme en effet que ce qui se joue dans le film est une lutte de pouvoir à travers le désir sexuel qu'il faut dompter en soumettant la femme. Ce qui ne veut pas dire que l'homme, Léon Morin n'est pas aussi une victime de la haute idée qu'il se fait de sa fonction de prêtre* (tout est une question de virgule, celle du titre). Certes, il vit dans le dénuement, prend des risques pour sauver des vies, critique le dévoiement de l'Eglise catholique, bref, il veut revenir à la "pureté" (utopique) du christianisme des origines. Mais ce prêtre trop lisse, sans défauts comme le souligne Barny apparaît en réalité comme un redoutable manipulateur. Manipulateur de jeunes femmes trop seules (donc en situation de faiblesse) mais aussi manipulateur de lui-même, comme le majordome Stevens de "Les Vestiges du jour" à qui il m'a fait penser, ce prêtre laïc qui sacrifie tout à sa fonction vécue comme un sacerdoce. Pour quelqu'un qui prêche l'amour à longueur de journée, le bilan paraît bien amer, à l'image du vide et de la solitude qui le cernent de toutes parts. A l'image de ces cloisons et de ces perchoirs plus ou moins visibles selon les plans (grilles, portes, escaliers, chaire, hache, couteau etc.) qui rendent la distance entre elle et lui infranchissable. Mais comme il le dit à Barny "on se reverra. Pas dans ce monde ci, dans l'autre". Sauf que la seule réalité tangible dans lequel on est sûr que l'amour peut s'exprimer c'est ce monde ci. Ce monde organique qui dégoûte tant l'homme occidental. L'autre (monde) reste juste une promesse, une promesse invérifiable... et qui ne mange pas de pain.

* S'il avait été intègre, soit il aurait renoncé à toute forme de rapprochement avec la jeune femme, soit il aurait renoncé à la prêtrise.

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