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Articles avec #drame tag

Phantom Thread

Publié le par Rosalie210

Paul Thomas Anderson (2017)

Phantom Thread

Après avoir vu "Phantom Thread", j'avoue que je suis perplexe. Je m'attendais à un mélange de "Saint-Laurent" et de "Les Vestiges du jour" mais j'ai été déçue sur les deux tableaux. Certes "Phantom Thread" est un film maîtrisé, aux cadres bien composés mais je l'ai trouvé long, pesant, académique et trempé dans le formol. J'ai été étonnée qu'il n'y ait à ce point aucune sensualité ni aucun charme qui se dégage du travail de création de Reynolds Woodcock, couturier inventé de toutes pièces présenté comme génial mais dont les robes années cinquante destinées au gotha ressemblent à des meringues ou bien lorsqu'elles sont en forme de fourreau, leurs courbes sont cassées par un hideux mantelet à col rigide. D'ailleurs Woodcock est ravi que sa muse ait peu de formes. Le mot muse relève davantage de la note d'intention que de ce que l'on perçoit dans le film: celui-ci ne montre pas en quoi Alma a inspiré le travail de création de Reynolds, sa place est plutôt en cuisine. La relation amoureuse est en effet à l'avenant de ce personnage sec comme une trique qui ne semble pouvoir lâcher-prise qu'en se faisant du mal. Il trouve de ce point de vue chaussure à son pied avec Alma, jeune femme au visage d'ange mais au coeur d'ogre qui va réussir à lui ouvrir l'appétit en mettant un peu de souffre dans son omelette ^^ (la meilleure scène, mais il faut attendre presque deux heures de film pour la voir). J'ai eu à plusieurs reprises l'impression que Paul Thomas Anderson (alias PTA pour les intimes) essayait de faire du Hitchcock (la soeur envahissante et castratrice de Reynolds a de faux airs de Mme Danvers dans "Rebecca", le personnage-pygmalion fait penser à "Vertigo") tout en recherchant à s'en émanciper en surprenant avec des idées originales. Mais tout cela est sans enjeu, mécanique, froid et la relation de co-dépendance sado-masochiste entre Reynolds Woodcock et Alma, trop alambiquée pour sonner juste, en dépit de comédiens impeccables. C'est d'ailleurs avec ce film que Daniel Day-Lewis a tiré sa révérence envers le monde du cinéma, lui que j'avais découvert chez James Ivory, cinéaste américain autrement plus fin et sensible dans sa description de la riche société corsetée anglaise (mais qui n'a jamais eu les faveurs de la critique européenne contrairement à PTA).

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37°2 le matin

Publié le par Rosalie210

Jean-Jacques Beineix (1986)

37°2 le matin

J'étais curieuse de revoir "37°2 le matin" découvert en salle durant mon adolescence et qui avait été un marqueur de cette période (comme pour beaucoup de gens de ma génération) en raison de son succès immédiat puis de son statut de "film culte" et aussi parce que la bande originale était devenue "virale" alors même que internet n'existait pas. Si je l'ai beaucoup écoutée, je n'ai jamais fait partie des afficionados du film et J'avoue qu'après ce nouveau visionnage mes impressions sont plus que jamais mitigées. Je n'ai pas fait un rejet total mais certains aspects du film m'ont fortement déplu.

Du côté du positif, on ne peut pas continuer comme certains le font avec mépris à caricaturer Jean-Jacques Beineix en simple "faiseur de publicités". Comme "Diva", "37°2 le matin" est doté d'une âme qui s'exprime dans une soif d'absolu*, soif qui ne peut s'étancher que dans l'art (lyrique dans "Diva", littéraire dans "37°2 le matin") et dans la passion amoureuse fiévreuse et tragique (même si dans "Diva" elle se consume sur les planches et non dans les coulisses). De plus, l'esthétique du film conserve un réel potentiel de séduction: la bande originale composée par Gabriel Yared est toujours aussi envoûtante et le jeu des couleurs à dominante jaune et bleu (ou rose et bleu pour le ravalement des façades des chalets de Gruissan), pas très éloigné des filtres utilisés par Jean-Pierre Jeunet ou de Percy Aldon est agréable à l'oeil (et puis le bicolore était à la mode à l'époque, Jeanne Mas chantait "En rouge et noir" ^^). Enfin les acteurs sont charismatiques, en particulier la tornade Béatrice Dalle qui crevait l'écran en emportant tout sur son passage. Ce film plus que d'autres m'a d'ailleurs fait réaliser le travail que le temps a effectué sur les visages et sur les voix (pas seulement de Béatrice Dalle ou de Jean-Hugues Anglade mais aussi de Vincent Lindon qui avait déjà du flair pour les films décalés à gros potentiel). 

Néanmoins "37°2 le matin" outre son scénario que l'on peut trouver erratique voire absurde (mais pas plus que dans certains films de la nouvelle vague ou de Bertrand Blier!) donne une représentation de l'amour "made in années 80" purement physique où chacun se tirait la bourre à qui irait le plus loin dans la monstration frontale des scènes de sexe et de nudité en titillant la fibre voyeuriste du spectateur sans pour autant tomber dans le porno. La scène inaugurale est donc bien longuette et alors qu'elle se voulait provocante en 1986, elle est juste ringarde en 2022. Alors qu'on cherche aujourd'hui à davantage représenter la diversité en matière de sexualité et d'une manière plus originale, on y voit ce qu'il y a de plus plat et formaté dans la chose: un homme qui s'agite sur une femme qui bien sûr en redemande avec orgasme simultané en prime. Tout ça en guise de présentation des personnages, on peut dire que le ton est donné. Plus encore que Béatrice Dalle, Jean-Hugues Anglade, visiblement fou de son corps se montre à poil toutes les 5 minutes et on se demande ce que ce zizi fièrement exhibé apporte à l'histoire. Mais ce que je trouve le plus pénible dans le film, c'est la confusion entre amour et hystérie. Entre le personnage de Clémentine Célarié qui est nymphomane et saute sur tout ce qui bouge et celui de Béatrice Dalle dont les accès de sauvagerie se muent en folie furieuse, les femmes sont dépeintes comme des furies dangereuses et incontrôlables. Betty est d'ailleurs un étrange collage fantasmatique entre une apparence extérieure de pin-up ou de poupée gonflable et un âge mental d'environ deux ans, l'âge où l'intolérance à la frustration provoque des crises de colère envoyant les objets à terre, provoquant griffures et morsures. Pas très progressiste tout ça pour un film qui se voulait tendance voire avant-gardiste et paraît aujourd'hui bien daté.

* Elle ne doit pas être étrangère au caractère excessif du film.

 

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Drive My Car

Publié le par Rosalie210

Ryusuke Hamaguchi (2021)

Drive My Car

A plusieurs reprises, Ryusuke Hamaguchi filme dans "Drive My Car" en plan aérien les autoroutes avec leurs embranchements complexes, de préférence la nuit. Le film est construit un peu comme cela tant dans son scénario que dans sa mise en scène: comme une autoroute remplie de bifurcations que l'on prend sans même sans rendre compte tant le récit se déploie de façon fluide et logique, à l'image de la conduite pleine de délicatesse de Misaki. Par ailleurs, "Drive My Car" m'a renvoyé à plusieurs autres films. Le début et son atmosphère entre chien et loup m'a fait penser à la plus belle scène de "Burning" de Lee Chang Dong et pour cause: les deux oeuvres puisent à la même source, celle des nouvelles de Haruki Murakami. C'est aussi leur limite d'ailleurs car ces récits distillent une certaine perversion "chic" un peu poseuse (dans les deux cas, il est question de relation à trois mais jamais frontale). 

Drive My Car

Par la suite, j'ai beaucoup pensé à mon film préféré de Pedro Almodovar "Parle avec elle" quand Oto, l'épouse du metteur en scène Yusuke Kafuku lui dit qu'elle souhaite prendre le temps de lui parler, non pas "après la corrida" mais le soir quand il rentrera... un après qui ne viendra jamais, illustrant dans les deux cas l'impossible communication ayant dressé un mur entre deux personnes qui pourtant sont attachées l'une à l'autre, la peur de faire face à l'autre et ensuite les regrets lorsqu'il est trop tard. Ironie de l'histoire, Yusuke Kakufu dont l'introduction (qui dure tout de même quarante minutes!) souligne l'incapacité à communiquer dans l'intimité, aime monter des pièces de théâtre d'auteurs étrangers où il fait appel à des acteurs s'exprimant dans des langages différents (japonais, mandarin, coréen et même langue des signes), traduits sur un écran au fond de la salle. Après "En attendant Godot" de Samuel Beckett (où il joue également), il est invité à mettre en scène "Oncle Vania" de Anton Tchékhov à Hiroshima, lieu lourdement symbolique s'il en est comme le sont les pièces qui reflètent ses états d'âme mais aussi ses préoccupations et même ses fantasmes (le recrutement du jeune amant de sa femme en lieu et place du rôle qu'il devait interpréter lui-même, celui de Vania). Un enregistrement des dialogues de la pièce par Oto qu'il écoute en boucle dans sa voiture (avec des silences lors des passages où Vania s'exprime) souligne bien le paradoxe d'un lien qui se perpétue par delà la mort via le truchement de l'art(ifice) puisque le vrai dialogue n'a pu avoir lieu. De façon plus générale, la relation entre Yusuke et Oto, fondée sur le non-dit a quelque chose de mortifère et de vampirique (outre le fait que le seul enfant qu'a produit leur union est un enfant mort, Oto se voit dans un rêve comme une lamproie -le poisson-vampire par excellence- et elle trouve l'inspiration des scénarios qu'elle écrit pour la télévision en faisant l'amour avec Yusuke, autrement dit en avalant sa substance).

Drive My Car

Ce n'est donc pas sur les planches ou sur cassette et encore moins dans le passé que Yusuke trouvera la résilience dont il a besoin pour continuer à vivre mais bien dans la réalité présente. En effet "Drive My Car" déjoue (mais en partie seulement*) son caractère élitiste (qui a facilité, ne nous voilons pas la face, les critiques dithyrambiques que le film a reçu lors de la projection à Cannes en mode "ah je ris de me voir si belle en ce miroir") grâce à la relation avec sa conductrice, Misaki, issue d'un milieu social opposé au sien, fruste et quasi-mutique (et que ça fait du bien dans un film où on s'écoute quand même beaucoup parler!), mais qui a 23 ans, soit exactement l'âge qu'aurait eu la fille de Yusuke et Oto si celle-ci avait vécu. Le rapprochement entre ces deux pôles opposés est particulièrement souligné dans la mise en scène (de celle des escaliers qui marque le fossé entre eux à celle, prévisible, dans laquelle l'évocation de leurs souffrances respectives les amène à se prendre dans les bras). Et ce qui se tisse entre ces deux personnages m'a cette fois-ci renvoyé à "Gran Torino" de Clint Eastwood et à cette relation filiale d'adoption entre un vétéran américain de la guerre de Corée et un jeune coréen qui passe par la transmission d'une voiture, non une Gran Torino mais une Saab 900 rouge qui symbolise Yusuke (d'où sa difficulté à accepter le lâcher-prise c'est à dire de se laisser conduire). C'est avec Misaki, et avec elle seulement que Yusuke va entreprendre un voyage sur un coup de tête au bout duquel il va tomber le masque pendant qu'elle va pouvoir enfin au contraire reconstruire son visage sur lequel perce même enfin un embryon de sourire.

* Le personnage du jeune amant de Oto, Takatsuki sonne par exemple faux. En effet il est dépeint comme un impulsif qui séduit et cogne à tour de bras mais se fend d'une interminable auto-analyse dans la voiture de Yusuke typique de ce cinéma très cérébral. C'est pourquoi autant je suis d'accord avec le prix qu'il a reçu à Cannes (qui aurait pu être également celui de la mise en scène), autant la Palme d'or aurait été surdimensionnée pour un film qui, aussi virtuose, élégant et profond soit-il s'adresse avant tout à l'élite intellectuelle et bourgeoise européenne dont il adopte la plupart des codes.

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Un long dimanche de fiançailles

Publié le par Rosalie210

Jean-Pierre Jeunet (2004)

Un long dimanche de fiançailles

"Un long dimanche de fiançailles" est l'un des rares films de Jean-Pierre Jeunet que je n'avais pas encore revu. Maintenant, je me dis que c'est le destin d'avoir gardé ce film en réserve pour pouvoir rendre hommage à Gaspard Ulliel dont c'était le premier rôle majeur, couronné par le César du meilleur espoir masculin. On peut d'ailleurs saluer la qualité et la variété de la distribution qui certes, reprend une bonne partie du casting de "Delicatessen" et de "Le Fabuleux destin de Amélie Poulain" (de Audrey Tautou à André Dussollier en passant par Dominique Pinon, Ticky Holgado, Jean-Claude Dreyfus ou Urbain Cancelier) mais en ajoute pas mal de nouveaux, venus d'autres horizons comme Albert Dupontel, Denis Lavant, Clovis Cornillac, Jean-Pierre Daroussin, Julie Depardieu, Jodie Foster, Jean-Paul Rouve, Michel Vuillermoz ou bien alors des nouveaux venus à l'aube d'une belle carrière: outre Gaspard Ulliel, l'étoile montante Marion Cotillard confirmait son talent en obtenant le César du meilleur second rôle alors qu'elle n'apparaît que huit minutes dans le film (mais dans un rôle de justicière qui redouble celui de Mathilde la détective).

Cette densité de talents au mètre carré se retrouve dans l'intrigue et dans l'image. L'histoire, adaptée du roman de Sébastien Japrisot mêle deux récits (le passé de la guerre en couleurs sombres, le présent de l'après-guerre en sépia) et est originale en ce sens que c'est une femme (handicapée qui plus est) qui en est le centre et le moteur. La première guerre mondiale et ses horreurs* est évoquée en effet en fonction des progrès de l'enquête que Mathilde mène en 1920, seule contre tous ou presque à croire que son fiancé a survécu sur la foi d'une intuition intime (que l'on peut comparer à la quête de Tintin à la recherche de Tchang dans "Tintin au Tibet" alors que tout le monde le croit mort). L'obstination de ce petit bout de femme à découvrir la vérité l'amènera à croiser d'autres destins et à recouper leurs témoignages pour en démêler le vrai du faux. La scène cruciale de l'Albatros, l'avion allemand qui tire sur Manech alors qu'il grave les lettres de son amour à Mathilde (MMM) sur le tronc d'un arbre calciné est ainsi revue plusieurs fois, la version de cet épisode variant selon les témoins (français ou allemand, depuis la tranchée ou dans le no man's land à la manière d'un "Râshomon"). Quant aux lieux, ils sont superbement reconstitués avec tout le savoir-faire méticuleux d'un réalisateur attentif au moindre détail. Et si le récit tient en haleine avec un sens du rythme qui n'est plus à démontrer et des rebondissements perpétuels, il ménage des pauses solitaires et mélancoliques dans lesquelles les deux éternels fiancés pensent l'un à l'autre dans le désert, l'un en gravant ses lettres d'amour éternel dans le bois au milieu de l'enfer et l'autre en jouant du tuba face à la mer.

* La première guerre mondiale a fait l'objet de nombreuses oeuvres marquantes auquel le film de Jeunet fait référence, des BD de Jacques Tardi (dès les premières images, j'ai reconnu le cadavre du cheval pendouillant dans un arbre) jusqu'aux "Sentiers de la gloire" de Stanley Kubrick (les exécutions pour l'exemple).

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Le Choix des armes

Publié le par Rosalie210

Alain Corneau (1981)

Le Choix des armes

La première fois que j'ai vu ce film, c'était dans le cadre d'un cycle consacré à Catherine Deneuve et j'avais trouvé que ce n'était pas le meilleur choix pour lui rendre hommage. Bien que le "Le Choix des armes" dépasse son genre pour atteindre une véritable profondeur, il traite d'un univers d'hommes tout juste "coloré" par la présence de l'actrice dont le rôle quelque peu potiche (^^) se résume selon ses propres termes à "obéir" (à son mari) mais surtout à symboliser (au choix) la douceur, l'innocence, la rédemption, le paradis pour Noël Durieux, le personnage de Yves Montand, ancien truand devenu "gentleman farmer" à la tête d'un haras. Lorsque Serge, un ancien membre de sa bande s'évade de prison avec un jeune chien fou du nom de Mickey (Gérard Depardieu), ce n'est pas seulement son passé qui vient frapper à sa porte. C'est aussi son avenir, incarné par Mickey, cet écorché vif aux accès de violence imprévisible qui aurait l'âge d'être son fils. Celui-ci l'arrache à son confort bourgeois pour le plonger au coeur de la misère sociale des cités de banlieue, dépeintes avec un naturalisme impressionnant ce qui était à l'époque une nouveauté*. D'ailleurs le film en lui-même est hybride, conciliant un polar à l'ancienne avec l'esprit de bande composée de personnages charismatiques élégamment vêtus et se comportant selon un code d'honneur et un polar plus moderne âpre, urbain, chaotique faisant une large place aux paumés, aux marginaux, aux "rebuts" de la société incluant également Dany, l'ami de Mickey père de famille (joué par Richard Anconina alors peu connu) et Ricky le drogué (Jean-Claude Dauphin). Ce même choc social et culturel des générations se retrouve du côté de la police avec d'un côté le placide commissaire Bonnardot (Michel Galabru) et de l'autre le fougueux inspecteur Sarlat (Gérard Lanvin) dont les actes irréfléchis ont des conséquences aussi tragiques que ceux de Mickey de l'autre côté de la barrière. Mais le coeur du film se retrouve dans la confrontation entre Noël et Mickey, joué par un Gérard Depardieu habité dont la composition est tout bonnement hallucinante. Complètement fou furieux au début, son personnage devient peu à peu poignant et tragique au fur et à mesure qu'il est approfondi. C'est dans cette confrontation (qu'on retrouve jusque dans le choix du montage alterné) qu'il faut chercher le sens du titre "Le Choix des armes" qui est polysémique. On peut l'interpréter comme un retour au choix de recourir à la violence lorsque celle-ci frappe à nouveau Noël de plein fouet ou bien à l'inverse, comme la décision d'y renoncer pour mettre fin au cycle infernal de la vengeance. En cherchant par exemple à comprendre cette jeune génération privée de repères, en assumant ses responsabilités vis à vis d'elle, en retissant du lien (aussi bien social que filial). La parole est une arme. L'éducation également comme le laisse entendre la fin de ce film très noir mais où perce une lueur d'espoir.

* Cette confrontation générationnelle de personnages issus d'un même milieu d'origine mais dont les plus anciens se sont embourgeoisés et les plus jeunes au contraire précarisés m'a fait penser au film de Robert Guédiguian "Les Neiges du Kilimandjaro".

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Diva

Publié le par Rosalie210

Jean-Jacques Beineix (1981)

Diva

Je ne suis pas spécialement fan de Jean-Jacques Beineix et de l'esthétique années 80 qui l'accompagne mais j'aime bien "Diva" son premier film qui a acquis le statut de film culte. Celui-ci a en effet relativement bien vieilli comparativement à d'autres oeuvres de cette époque et je pense que c'est lié au fait que "Diva" est un alliage réussi d'éléments contradictoires. En effet la réalisation tape-à-l'oeil (la critique a suffisamment taillé en pièces les films de Beineix en raison de leur parenté avec l'esthétique du clip et de la publicité pour que je n'aie pas besoin de développer davantage cet aspect) est contrebalancée par un travail d'épure qui par moments, touche, n'ayons pas peur des mots, la grâce (pour le dire autrement, il y a une âme derrière l'image). Chaque passage où l'on écoute l'air extrait de "La Wally" chanté par Wilhelmenia Wiggins Fernandez (la diva du titre qui fascine Jules, l'improbable facteur mélomane héros de l'histoire) s'accompagne de mouvements de caméra planants, épousant le rythme lent et hypnotique de la musique. Il y a aussi l'univers tout aussi hypnotique de l'allié de Jules, Gorodish qui pratique la philosophie zen dans son loft quasi vide plongé tout entier dans le "grand bleu" de "La Vague" de Hokusai (le travail très pop art sur les couleurs primaires, jaune, rouge et bleu et les jeux de lumières et de mouvements oscillatoires d'une sculpture associée au bleu renforcent l'effet d'hypnose ressenti, un peu comme l'atmosphère de "Blade Runner").

Le motif de la vague a aussi selon moi un autre sens. "Diva" rend à sa manière -décalée- hommage aux courants qui l'ont précédé: le réalisme poétique et la nouvelle vague. Côté Carné, le film met en avant des décors de studio et une galerie d'acteurs typés inconnus à l'époque mais que le film allait hisser au rang de stars: Gérard Darmon, Dominique Pinon et surtout Richard Bohringer. Côté Godard (outre les couleurs primaires), je ne peux pas m'empêcher de penser à une parodie du début de "Le Mépris" quand j'entends les répliques de Dominique Pinon dans le film "j'aime pas Beethoven", "j'aime pas les ascenseurs", "j'aime pas ta gueule"* et son comparse qui finit par lui dire "mais t'aime rien alors?" (sans parler de l'actrice asiatique qui joue Alba, la compagne de Gorodish et qui je trouve joue comme Bardot).

Enfin "Diva" a une parenté qui m'a sauté aux yeux lorsque je l'ai revu avec le cinéma de Leos Carax et particulièrement ses deux premiers films, "Boy meets Girl" et "Mauvais Sang" (dans la manière de filmer des marginaux, les quais déserts de Paris, des intérieurs désaffectés, de mener un thriller, de décrire des couples improbables incarnant le "modern love") ainsi qu'avec celui de Jean-Pierre Jeunet. Et pas seulement en terme d'esthétique (des décors en studio à la Trauner façon "Le jour se lève") mais aussi en terme de "gueules de cinéma". Ainsi les répliques de Dominique Pinon font penser au court-métrage "Foutaises", le prototype du "Fabuleux destin de Amélie Poulain" où celui-ci alterne entre les "j'aime" et les "j'aime pas". Alors "cinéma du look" comme cette "nouvelle-nouvelle vague" (incluant aussi évidemment Luc Besson) a été qualifiée ou bien cinéma "d'atmosphère-atmosphère, est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère!"

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Toni

Publié le par Rosalie210

Jean Renoir (1935)

Toni

Ce n'est pas du tout à Marcel Pagnol que j'ai pensé pensé en regardant les premières images de "Toni"* (sauf peut-être à "Angèle"), mais à "L'arrivée d'un train en gare de la Ciotat" des frères Lumière. Une affiliation qui a du sens, de même que celle que la Nouvelle Vague établira plus tard avec le cinéma de Jean Renoir. En effet, dès les premières images donc, on est saisi par le caractère naturaliste, presque documentaire du film qui a été tourné en extérieurs et qui montre l'arrivée d'immigrants espagnols et italiens venus travailler dans le sud-est de la France alors que la crise des années 30 bat son plein. Le film offre une chronique précise de l'âpreté de la vie de ces hommes et de ces femmes du monde ouvrier et paysan qui semblent enfermés dans leur condition (au point que la fin du film reprend presque à l'identique les premières images comme s'il s'agissait de boucler la boucle).

Sur cette toile de fond, l'histoire se resserre sur les protagonistes de l'histoire (tirée de faits réels) et leur tragédie intime. Le film adopte alors une scénographie de théâtre en plein air et donne à voir deux types de personnages: ceux qui se consument pour leur passion et ceux qui en profitent. Le tout dans un style qui annonce le néo-réalisme italien** (acteurs non-professionnels, tournage en décors naturels, son en prise directe, utilisation de la musique populaire, refus absolu du pittoresque, couleur locale et autre folklore, mise en scène sèche et dépouillée qui déjoue les effets mélodramatiques mais non clinique pour autant grâce notamment à la sensualité de certaines scènes comme celle de la guêpe). Le résultat a l'allure d'une tragédie grecque avec une ronde de passions à sens unique (Fernand aime Marie qui aime Toni qui aime Josépha, séductrice plus naïve que méchante et victime de deux salauds) dont il est impossible de s'échapper comme le montre la course de Toni sur le pont, fauché en plein vol.

* Alors que le film a été réalisé avec certains de ses acteurs (Blavette, Delmont, Andrex) et techniciens et produit par lui.

** Luchino Visconti travaillait en tant qu'assistant sur le tournage et a reconnu sa dette envers Renoir dans son premier film, "Ossessione" (1942).

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Capitaine Conan

Publié le par Rosalie210

Bertrand Tavernier (1996)

Capitaine Conan

J'ai eu il y a quelques années un "faux départ" avec "Capitaine Conan". Enthousiasmée par "La Vie et rien d'autre" (mon film préféré de Bertrand Tavernier) j'ai voulu enchaîner avec le DVD de son autre grand film sur l'après-guerre (de la première guerre mondiale) mais j'ai baissé les bras au bout de cinq minutes, découragée par l'argot des tranchées dont j'étais loin de connaître tous les termes qui plus est débité à une cadence infernale.

Il serait pourtant vraiment dommage de se laisser arrêter par cet obstacle (gênant surtout au début, après, on s'y habitue ou alors on prend un lexique pour s'aider). Les films historiques de Bertrand Tavernier, saisissants de réalisme et de dynamisme comme s'ils étaient une sorte de reportage de terrain "pris sur le vif" font partie des meilleurs qui existent par le fait d'être capable de donner vie et chair au passé, par le fait qu'il s'agit d'un cinéma humaniste, un cinéma filmé à hauteur d'homme, sans aucun manichéisme. Une scène en particulier illustre bien "l'esprit Tavernier" dans "Capitaine Conan": celle de l'armistice du 11 novembre 1918 qui est totalement démythifié. On y voit des soldats torturés par la dysenterie dont certains partent se cacher derrière le premier obstacle venu pour se soulager plutôt que d'écouter un discours officiel aux allures de pétard mouillé, au sens propre d'ailleurs puisqu'il pleut des cordes. D'ailleurs cette armistice n'en est pas un pour Conan et ses hommes que l'on envoie en Roumanie traquer le Bolchévik. Et même s'ils avaient été démobilisés, la guerre aurait de toute façon continué dans leur tête et dans leur corps.

Car ce que le film de Bertrand Tavernier montre d'une façon admirable, c'est comment la "culture de guerre" c'est à dire la sauvagerie vécue au quotidien imprègne des hommes au point qu'ils ne peuvent plus revenir à la civilisation une fois celle-ci terminée. La décision d'envoyer le corps franc du capitaine Conan terroriser les roumains plutôt que de les faire revenir en France est d'un cynisme révoltant. Un redoutable commando dont la France a bien su se servir en temps de guerre comme champions du combat au corps à corps mais dont elle cherche ensuite à se débarrasser en temps de paix quand ces comportements deviennent ceux de hors la loi, délinquants et criminels en se défaussant de ses responsabilités et en "refilant le bébé" à d'autres pays. C'est pourquoi, sans excuser les exactions dont se rendent coupables ces soldats, Bertrand Tavernier montre comment ceux-ci sont à la fois des bourreaux et des victimes. Et dresse au passage deux admirables portraits, non moins admirablement joués, celui de leur capitaine, Conan (Philippe Torreton, magistral), un dur à cuire fruste issu du peuple qui partage le sort de ses hommes et les défend corps et âme au point de prendre tous leurs errements sur lui et celui du lieutenant Norbert (Samuel Le Bihan) issu d'un milieu intellectuel et bourgeois donc bien plus policé et conscient des lois mais qu'une amitié indéfectible lie à Conan. Norbert décide d'accepter la mission de commissaire-rapporteur pour faire régner la justice au milieu du chaos. Non une justice désincarnée mais une justice humaine pour redonner des repères à ces hommes perdus et les protéger du pire tout en protégeant également la société de leur dérive. Cela ne va pas sans tensions avec Conan qui accuse Norbert d'être un vendu (la vision que Conan -et derrière lui Bertrand Tavernier- a de l'Etat-Major est digne de celle de Stanley Kubrick dans "Les Sentiers de la gloire" même si le personnage du lieutenant joué par Bernard le Coq vient nuancer le propos) mais leur conflit lié à leur différence de classe et d'éducation renforce au final leur amitié. Au point que l'on voir Conan faire ce qu'aucun membre du tribunal militaire ne daigne faire: aller sur le terrain pour comprendre comment un jeune soldat a pu perdre les pédales au point de se livrer à l'ennemi avec des secrets militaires dans la poche (haute trahison qui le rend passible du peloton d'exécution). La valeur du geste étant lié au fait que ce soldat est pourtant issu de l'aristocratie, sa mère étant même liée aux membres de l'Etat-Major. On comprend ainsi comment le fait de se comporter en homme d'honneur sur le champ de bataille peut transcender les barrières de classe sociale (soit exactement ce que démontrait Jean Renoir dans "La Grande Illusion" autre grand film sur cette période). La scène finale, d'une grande force émotionnelle montre aussi comment une fois sorti pour de bon de la guerre, Conan qui faisait office de pilier pour tous les autres s'avère rongé de l'intérieur par le mal incurable de ce qu'il a subi et infligé. Une scène si forte qu'elle vous poursuit bien au-delà du visionnage du film*.

* Que Philippe Torreton ait reçu le césar du meilleur acteur et Bertrand Tavernier celui du meilleur réalisateur pour ce film n'est que justice.

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First Cow

Publié le par Rosalie210

Kelly Reichardt (2019)

First Cow

Le western est un genre qui, comme beaucoup d'autres (le film d'action, le film d'aventures, le film de gangsters, le film de guerre, le film noir) a été façonné par des hommes (occidentaux) à leur propre gloire: à eux l'exploration, la conquête, l'appropriation des territoires, la "mise en valeur" et à eux aussi la mise en récit (narcissique) de leurs exploits guerriers et bâtisseurs. Bien que le western classique n'ait jamais été univoque (le cinéma de John Ford ou de Anthony Mann, deux réalisateurs que j'admire en témoigne) et bien que le genre ait été déconstruit depuis bien longtemps, il manquait d'un regard spécifiquement féminin pour l'aborder. Depuis quelques années, c'est chose faite: les femmes s'emparent du genre et livrent leur propre récit de la conquête de l'ouest et des hommes qui l'ont faite. 

"First Cow" est le deuxième western de Kelly Reichardt (après "La Dernière piste"), cinéaste indépendante américaine qui aime dépeindre des marginaux, comme elle l'est elle-même dans le monde du cinéma. Il est intéressant de souligner que dans l'introduction de son film, une jeune femme anonyme contemporaine de nous (qui pourrait être la cinéaste elle-même) déterre deux cadavres dont elle raconte ensuite l'histoire. Une histoire ignorée ou longtemps étouffée par la civilisation dominante. C'est un thème ultra contemporain: "Madres Paralelas", le dernier film à ce jour de Pedro Almodovar procède lui aussi à une exhumation de corps pour raconter une histoire "parallèle" à celle qui a longtemps été officielle. 

Le film de Kelly Reichardt se déroule en Oregon au début du XIX° siècle dans une forêt généreuse et luxuriante traversée par un grand fleuve. Une nature splendide filmée de manière contemplative et sensuelle avec un luxe de détails sur les couleurs, les jeux de lumière, les sons, comme un grand organisme vivant. Le choix d'un format d'image carré à l'ancienne proche du temps du muet (le film, épuré et minimaliste est très peu bavard et possède une intrigue des plus ténues ce qui peut rebuter) ramène à cette idée de paradis originel, à peine égratigné par les nombreux trappeurs qui le sillonnent et la présence du fort. Néanmoins les apparences sont trompeuses: la vie des hommes est primitive, rude et l'arrivée des colons prédateurs en fait une jungle où règne la loi du plus fort. Les deux personnages principaux, "Cookie" surnommé ainsi parce qu'il a une formation de cuisinier et King-lu, un chinois qui rêve de faire fortune nouent une solide amitié mais leur naïveté leur sera fatale. En effet ils s'avèrent inadaptés au monde qui commence à se construire autour d'eux: celui des prémisses du capitalisme, symbolisé par une vache importée par le gouverneur du fort. Cet être vivant dont ils ont besoin pour monter leur entreprise, se retrouve parqué dans un enclos et gardé par des fusils et y toucher signifie la mort. Il est d'ailleurs dommage que Cookie et King-lu se compromettent dans le monde violent et corrompu en train de naître (celui des "winners" et des "losers" dont ils font évidemment partie) au lieu de prendre le large et de se reconstruire ailleurs, autrement. On aurait aimé aussi plus de détails sur les autres peuples fréquentant les lieux et notamment les indiens, retranscrits avec un réalisme qui fait penser au film de Terrence Malick "Le nouveau monde" mais un peu rapidement. Enfin, ce cinéma tout en retrait et en creux manque à la fois de puissance et d'émotion, deux notions que l'on peut dégenrer et qui ne sont pas incompatibles.

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Volare (Tutto il mio folle amore)

Publié le par Rosalie210

Gabriele Salvatores (2019)

Volare (Tutto il mio folle amore)

Merci à Arte d'avoir mis en avant ce film italien en forme de récit picaresque aux images époustouflantes de beauté. Adaptation du livre autobiographique "N'aies pas peur si je t'enlace" de Fulvio Ervas, le film raconte le voyage de Vincent, un adolescent autiste dont l'allure n'est pas sans rappeler celle de Björn Andresen dans "Mort à Venise" avec son père biologique, Willi, chanteur de bal en tournée qui l'avait abandonné avant la naissance. Le périple américain est transposé dans l'ex-Yougoslavie pour des raisons géographiques, historiques et culturelles (la Dalmatie fut longtemps revendiquée par l'Italie avant d'être rattachée à la Croatie). Il n'en est que plus dépaysant, le sud des Balkans étant montré à travers ses espaces désertiques traversés par deux types de nomades: les migrants et les forains. Même si l'histoire n'a rien d'original sur le fond (il s'agit d'un récit initiatique avec au passage la découverte mutuelle entre un père et un fils qui ne se connaissaient pas), le film a beaucoup de charme et dégage une belle énergie au travers des multiples courses (à pied, à cheval, à moto, en voiture, en fourgonnette...) à travers les grands espaces. L'arrière-plan avec la course-poursuite de la mère et du beau-père de Vincent est un peu plus convenu. Je n'ai pu m'empêcher de penser à "Paris-Texas", le chef-d'oeuvre de Wim Wenders dont le canevas est très proche (à ceci près que l'enfant n'est pas autiste). "Volare" n'atteint pas ce niveau mais cela reste un joli film qui dépeint l'autisme d'une manière juste et sensible. Par exemple la scène de l'ordinateur qui permet à Vincent de dialoguer avec son père repose sur une réalité: l'autiste a une mémoire visuelle et s'exprime beaucoup mieux à l'écrit quand il en a la capacité qu'à l'oral (comme le montre aussi très bien le documentaire "Dernières nouvelles du cosmos" sur une autiste qui elle est tout à fait privée de parole et ne s'exprime donc qu'à travers ses poèmes).

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