Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Articles avec #drame tag

Magic

Publié le par Rosalie210

Richard Attenborough (1978)

Magic

Le cinéma n'a pas attendu "The Substance" (2024) pour mettre en scène l'histoire d'un personnage peu à peu dévoré par le double illusoire qu'il a lui-même créé: un double plus beau, plus jeune, plus parfait, plus charismatique. Une "meilleure version" qui finit par se transformer en un tel cauchemar que seule la mort peut y mettre fin. Mais "Magic" qui a été réalisé en 1978, entre deux des superproductions dont Richard ATTENBOROUGH était le spécialiste, "Un pont trop loin" (1977) (avec déjà Anthony HOPKINS dans un second rôle) et "Gandhi" (1982) est de façon assez évidente un avatar de "Psychose" (1960). Comme Norman Bates, Corky Withers est un homme gentil et introverti qui donne vie à une poupée/à une momie en usant de ses dons de ventriloque et en lui prêtant la partie de son psychisme qu'il refoule. Ainsi Fats, la marionnette au visage calqué sur le visage de Anthony HOPKINS, sorte d'ancêtre de Chucky est la manifestation de son inconscient, que ce soit au niveau du langage sans filtre et des pulsions sexuelles ou meurtrières. Elle lui permet de rencontrer le succès, que ce soit dans ses prestations scéniques ou dans la séduction de la jeune fille dont il est amoureux depuis le lycée. Mais très vite, Corky va perdre le contrôle sur Fats qui va l'entraîner dans une spirale sanglante infernale. La mise en scène de Richard ATTENBOROUGH est trop appliquée, trop molle, trop lente pour susciter l'angoisse, raison sans doute de l'oubli relatif du film mais la prestation fiévreuse et habitée de Anthony HOPKINS est quant à elle mémorable et préfigure évidemment celle de Hannibal Lecter. Ajoutons que c'est Burgess MEREDITH qui joue le rôle de son impresario, deux ans être apparu dans le rôle du coach d'un certain "Rocky" (1976) et que le scénario est signé de William GOLDMAN d'après son propre roman. William Goldman est l'auteur également du scénario de "Les Hommes du President" (1976) et du roman et scénario de "Marathon Man" (1976).

Voir les commentaires

Les Suffragettes (Suffragette)

Publié le par Rosalie210

Sarah Gavron (2015)

Les Suffragettes (Suffragette)

Un sujet passionnant, celui du combat mené par une poignée de militantes féministes britanniques au début du XX° siècle contre une société hostile leur déniant leurs droits, celui de voter n'étant qu'un pied dans la porte d'un pouvoir patriarcal qui les écrase. La reconstitution historique du Londres de 1912 est soignée et permet de mesurer la violence de la répression d'Etat qui s'exerce contre les militantes, surtout les ouvrières même si le film montre une solidarité féministe transcendant les classes sociales (mais fait l'impasse sur la diversité ethnique de ces femmes, celles venant de l'Empire des Indes étant occultées). Hélas, la réalisation académique rend le film très lisse et a parfois la main lourde sur les effets mélo (Maud rentrant "just in time" après avoir été chassée du foyer familial pour voir son gamin être adopté par la décision du paternel en qui repose toute l'autorité parentale). C'est extrêmement dommage car le film, trop plat ne fait pas ressentir la montée en puissance de leurs actes, le fait d'êtres censurées et ignorées puis d'être soumises à des représailles de plus en plus féroces (dans leur couple, leur famille, leur travail, l'espace public) les poussant à se radicaliser toujours davantage jusqu'aux attentats "terroristes" (même si elles ne visent que des biens) et au tragique épisode du Derby de 1912 qui entraîna enfin leur médiatisation. Tout cela est montré de façon descriptive, scolaire, appliquée. Au moins est-ce l'occasion de réunir à l'écran d'excellentes actrices, de Carey MULLIGAN à Helena BONHAM CARTER en passant par Romola GARAI et le cameo de Meryl STREEP.

Voir les commentaires

La Pampa

Publié le par Rosalie210

Antoine Chevrollier (2025)

La Pampa

"La Pampa" est vendu comme un "Vingt dieux" (2024) bis parce qu'il s'agit d'un premier film et d'un récit initiatique de passage à l'âge adulte en milieu rural, le Maine-et-Loire au lieu du Jura avec le motocross en lieu et place du stockcar. Je lui souhaite le même succès mais je le trouve encore plus proche de "Chien De La Casse" (2021), autant pour son atmosphère d'ennui que pour l'amitié masculine qui constitue l'un des centres du film. Mais "La Pampa" est beaucoup plus dramatique que les films de Louise COURVOISIER et Jean-Baptiste DURAND et aurait pu s'intituler "Secrets et mensonges" ou "La loi du patriarcat". Il faut dire que le réalisateur, Antoine CHEVROLLIER a fait ses gammes dans des séries dont celle que j'avais vue et adoré, "Oussekine" (2022) avec dans le rôle principal Sayyid EL ALAMI qui joue le rôle de Willy dans "La Pampa", un adolescent ombrageux, tourmenté par la mort de son père, peu motivé pour passer le bac, mécano à ses heures. A ses côtés, son "âme frère", Jojo (Amaury FOUCHER), solaire, pilote de motocross du genre tête brûlée à la James Dean mais étouffé par un père tyrannique obsédé par la victoire flanqué d'un coach pas très net (ARTUS, totalement à contre-emploi dans un rôle de lâche et d'hypocrite) qui n'hésite pas à sacrifier le moment venu Jojo sur l'autel de la morale publique pour sauver sa peau*. Celle du film est résumée par Marina (Leonie DAHAN-LAMORT), jeune fille du coin partie à Angers pour étudier les Beaux-Arts mais revenue quelque temps chez son père. Suscitant les fantasmes des garçons, elle leur répond que le village est resté bloqué dans les années cinquante avec les rumeurs, les réputations et qu'il faut s'ouvrir l'esprit. Willy est tout à fait prêt à la suivre, surtout après avoir découvert le secret de Jojo qu'il protège mais ce secret finit par être découvert par des personnes malveillantes et éventé sur les réseaux sociaux avec les conséquences que l'on peut imaginer. C'est donc dans la douleur que Willy tente de se construire, se cognant sans cesse contre sa mère angoissée à l'idée qu'il échoue et son beau-père effacé (Mathieu DEMY, parfait), tous deux écrasés par l'ombre du père défunt que Willy porte encore en lui. Ombre redoublée par celui de Jojo (Damien BONNARD) qui en père de substitution autoritaire tente de le modeler selon ses désirs. Face à ces injonctions contradictoires et aux moeurs rétrogrades du village, il n'est pas simple pour Willy d'affirmer sa personnalité et de s'extraire d'un milieu imprégné de masculinité toxique avec lequel il se découvre en décalage mais dont il a du mal à se défaire. Le film de Antoine CHEVROLLIER tient en haleine du début à la fin, il est construit comme un thriller à rebondissements, prenant des tours et des détours inattendus sur un schéma pourtant rebattu dans lequel la libre expression des jeunes s'avère clandestine, bridée, interrompue, sous surveillance (voir la scène emblématique de la piscine).

* Son comportement ressemble à celui de Clive dans "Maurice" (1987), preuve que l'homophobie n'est ni l'apanage d'un milieu social, ni d'une époque (que l'on croyait révolue mais qui reste bien vivace. Au mieux c'est "ok mais pas de ça chez nous", au pire c'est le "wokisme" mis à toutes les sauces du moindre écart à la norme).

Voir les commentaires

Slocum et moi

Publié le par Rosalie210

Jean-François Laguionie (2025)

Slocum et moi

"Slocum et moi" est le septième long-métrage d'animation de Jean-Francois LAGUIONIE en quarante ans. C'est un récit fortement inspiré de ses souvenirs d'enfance et d'adolescence entre la fin des années quarante et le milieu des années cinquante. Le film dépeint une triple odyssée: celle du passage à l'âge adulte de François, celle de Joshua Slocum, le premier navigateur a avoir réussi à accomplir le tour du monde à la voile en solitaire et enfin celle de la construction d'une réplique de son bateau, le Spray dans le jardin familial par le père adoptif de François. Le film est ainsi une histoire d'amour filial qui ne s'exprime pas par la parole mais par un rêve fédérateur. Le père échafaude, le fils s'évade par la lecture et les cartes et la mère fait la navette entre eux. Un voyage immobile sur les liens qui se tissent en dehors de la parenté biologique. Ainsi, imitant son père adoptif qui ne veut pas finir le bateau, François adolescent tente de lui faire croire qu'il est parti à la montagne avec des amis alors qu'il campe tout près de la maison, au bord de la Marne avec son amie. Nostalgie d'une époque disparue rendue avec le graphisme délicat et les tons pastels d'un artiste qui nous gratifie ainsi d'un superbe au revoir car on peut raisonnablement penser au vu de son âge et du temps passé sur chaque oeuvre (huit ans pour ce dernier opus) qu'il s'agit de son dernier film.

Voir les commentaires

Eraserhead

Publié le par Rosalie210

David Lynch (1977)

Eraserhead

"Eraserhead", le premier long-métrage de David LYNCH est le terreau de tous ses autres films ainsi que de la série Twin Peaks. Mais c'est une oeuvre expérimentale, aride, radicale, à la fois passionnante et repoussante qui a mis cinq ans à voir le jour, se taillant un succès d'estime underground mais durable qui a suffi pour que Mel BROOKS repère le talent du réalisateur et lui confie les clés de ce qui allait devenir son premier grand succès (et futur grand classique), "Elephant Man" (1980).

"Eraserhead", c'est la rencontre de deux univers. L'un, purement mental est énoncé dès le générique: nous allons plonger dans la tête de Henry (Jack NANCE, l'un des fidèles coéquipiers au long cours du cinéaste), jeune homme qui voit lui tomber dessus une conjugalité et une paternité non désirées, thème que l'on retrouve dans sa dernière oeuvre cinématographique "Twin Peaks : Le Retour" (2017). L'autre, environnemental, est une zone industrielle désolée et crasseuse de la ville de Philadelphie que David LYNCH qui y a vécu quelques années transforme en terrain de jeux pour ses expérimentations visuelles et sonores. On ressent l'influence de l'artiste-peintre, plasticien, animateur et musicien à chaque seconde, sa fascination pour les textures, les bruits de fond et les formes notamment dont beaucoup deviendront des leitmotivs dans sa filmographie: le grésillement des lampes, les trous noirs, le rideau de scène par exemple. Quant au fond, "Eraserhead" est construit comme le seront ses futures oeuvres sur des allers-retours permanents entre les mondes. Henry qui arbore une coiffure chargée d'électricité statique (la même que celle qui deviendra plus tard la signature de David LYNCH) cherche à fuir une réalité subie qui l'oppresse et que David LYNCH nous fait ressentir sensoriellement (espace exigu, fenêtre murée, gémissement ou bourdonnement incessant) en s'évadant dans le rêve. Rêve plus ou moins lunaire dans lequel il s'imagine avoir une aventure avec sa superbe voisine ou bien rejoindre une simili Marilyn Monroe se produisant sur scène derrière le radiateur, "over the rainbow". Mais ses angoisses contaminent ses rêves tels ces vers en forme de cordons ombilicaux ou de spermatozoïdes géants qui tombent sur la scène et que la fille écrase avec jubilation, son visage aux joues hypertrophiées ou les vagissements qui perturbent ses ébats avec la voisine. Le bébé prématuré aux allures de lapin écorché est un pur produit de body horror qui suscite chez le spectateur comme chez Henry des pulsions de meurtre. Soit exactement l'effet que produit à l'autre bout du spectre lynchien le personnage de Richard Horne dans "Twin Peaks : Le Retour" (2017), lui aussi le fruit d'une conception non désirée dont le comportement monstrueux nous fait penser comme le bébé de "Eraserhead" qu'il est une aberration de la nature  (ou d'un monde post-apocalyptique très fortement suggéré par la minéralité, la pollution, l'absence de lumière et la plante morte près du lit) et qu'il doit y retourner au plus vite. Et ce n'est pas la seule "aberration" récurrente puisque "Eraserhead" flirte aussi avec le thème de l'inceste. Non celui qui se cache au coeur de "Twin Peaks" mais sous la forme que l'on peut observer dans "Sailor & Lula" (1990): une belle-mère se jetant avidement sur son beau-fils comme si elle allait le dévorer.

Voir les commentaires

The Brutalist

Publié le par Rosalie210

Brady Corbet (2025)

The Brutalist

"The Brutalist" est un film hors-normes, d'une ambition que l'on croyait révolue dans le cinéma américain avec l'avènement des plateformes et de l'IA. Les films d'une amplitude comparable, il faut aller les chercher dans les années 70 et 80 avec "Le Parrain, 2e partie" (1974) ou "Il était une fois en Amerique" (1984)* et "The Brutalist" va même jusqu'à ressusciter l'entracte avec la vente ambulante de confiseries dans un panier d'osier! Pourtant si, "The Brutalist" fait penser à ces illustres prédécesseurs et inscrit son histoire dans l'Histoire avec une fresque allant de l'après-guerre jusqu'aux années 80, c'est bien d'aujourd'hui qu'il nous parle tant politiquement que cinématographiquement. L'affiche comme la première séquence du film ont une valeur programmatique semblable à l'ouverture de "La Zone d'interet" (2021) ou "Le Fils de Saul" (2015) soit les oeuvres les plus récentes ayant pour sujet la Shoah: au sortir d'un chaos sensoriel matriciel (voix de femme sur images d'un homme essayant de s'extraire du néant), le film "accouche" d'une étrange vision. Celle d'un cliché retourné. La statue de la Liberté, premier aperçu de la "terre promise" aux migrants mais vue à l'envers. L'envers du rêve américain, donc. "The Brutalist" est en effet l'histoire d'une reconstruction/déconstruction. Celle de son héros (fictionnel), Laszlo Toth, architecte juif hongrois rescapé des camps de la mort, tout comme le reste de sa famille. Le film inscrit les traumatismes dans leur chair: Laszlo outre son nez cassé est alcoolique et toxicomane, sa femme est paralytique et sous médicaments pour supporter de vives douleurs qui l'assaillent la nuit au milieu de ses cauchemars, leur nièce est mutique. Ce "passé qui ne passe pas" agit dans un présent qui rejoue certains aspects de ce qu'ils ont vécu. L'Amérique comme promesse de nouveau départ s'avère donc être un mirage. Le film, dans une démarche là aussi très contemporaine déconstruit le mythe de l'âge d'or américain des années 50 en montrant aussi bien la brutalité des rapports de classe fondés sur l'argent et le pouvoir que l'antisémitisme qui s'y exprime sans retenue. La relation entre Laszlo et son mécène, le richissime Harrison Van Buren qui est au coeur du récit est cruelle et perverse. Car le second fait miroiter au premier la possibilité du "temps retrouvé", celui où il était un grand architecte reconnu du Bauhaus pour mieux le "crucifier". Sous l'emprise de ce prédateur, semblable à celle de sa toxicomanie, Laszlo se consume sous les yeux effarés du spectateur. C'est le choc de ces deux volontés titanesques, l'une mue par ses désirs de toute-puissance, l'autre par un besoin créatif existentiel qui s'inscrit dans la cathédrale brutaliste (mot à l'évidence polysémique tant il définit les rapports humains autant qu'un style architectural) qu'ils sont contraints d'ériger ensemble. Une alliance contre-nature puisque enfantée par l'éternel conflit entre l'art et l'argent à l'image de cette cathédrale dont le sens caché est révélé à la fin du film. Le nom de Brady CORBET m'était totalement inconnu avant ce film. Il ne m'a pas marqué en tant qu'acteur et les deux films qu'il a réalisé avant ne sont pas sortis (sans doute sortiront-ils dans le sillage de celui-ci). Son irruption dans le paysage cinématographique en est d'autant plus saisissante. On peut également souligner son sens du casting. Grâce à lui, Adrien BRODY trouve enfin un rôle à la hauteur de celui qu'il avait interprété plus de vingt ans auparavant pour Roman POLANSKI et il en va de même pour son antagoniste, l'excellent mais trop rare Guy PEARCE.

* Avec tout le respect que je dois à Paul Thomas ANDERSON, ses films n'ont pas la même portée.

Présentation:

J'ai pris un certain retard sur les sorties cinéma, la faute au décès de David Lynch et de Bertrand Blier que j'aimais beaucoup tous les deux et qui m'a conduit à me replonger dans leurs oeuvres. Mais je ne pouvais pas passer à côté de "The Brutalist". Parce que j'adore Adrien Brody et que depuis "Le Pianiste", je suis toujours restée sur ma faim quant aux rôles qui lui ont été proposé. Je pourrais dire presque la même chose de Guy Pearce d'ailleurs. Parce que les thèmes du film m'intéressent également beaucoup ainsi que la manière de les raconter. En effet si "The Brutalist" peut faire penser aux grandes fresques des années 70-80 sur l'Amérique vue par un immigré, il s'agit d'une oeuvre bien contemporaine. La Shoah y est présente comme elle peut l'être dans "La Zone d'intérêt", non plus à travers les faits mais à travers les signes. Car finalement, c'est son héritage que l'on ausculte aujourd'hui. Ainsi lorsqu'à la mi-temps du film apparaît l'entracte, j'ai fixé longuement la photo qui nous fait patienter avant la deuxième partie. Et j'ai pensé à un plan précis de "Shoah" de Claude Lanzmann: celui de l'ancienne synagogue de Grabow transformée en magasin de meubles... comme celui où Laszlo atterrit au début de son périple en Amérique. Est-ce un hasard?

Voir les commentaires

Belle de jour

Publié le par Rosalie210

Luis Bunuel (1967)

Belle de jour

Un film déconcertant et plutôt mystérieux sous ses dehors très lisses. Il faut dire que l'essentiel ne s'y montre pas à visage découvert mais sous forme d'indices à déchiffrer ce qui est la logique du rêve. Et il est parfois difficile de démêler dans "Belle de jour" si ce que l'on voit se déroule dans la réalité ou dans un rêve. Ce qui est certain en revanche, c'est que Luis BUNUEL et Jean-Claude CARRIERE qui collaboraient pour la deuxième fois après "Le Journal d'une femme de chambre" (1963) s'attaquent à une bourgeoisie parisienne catholique dont ils révèlent des dessous érotiques décadents et mortifères. L'époque à laquelle a été écrite le livre de Joseph Kessel (les années 20) comme celle du tournage du film (années 60) étaient propices à la dissimulation: la maison de passe se cache derrière une plaque hypocrite nommée "Anaïs-Modes" tenue par une maquerelle distinguée (Genevieve PAGE), les pratiques sulfureuses se regardent par le trou de la serrure, une boîte à musique s'ouvre sur un bruit de moustique mais refuse de montrer son contenu, on se glisse sous une table ou sous un cercueil pour s'adonner à des jeux interdits. On remarquera également que le film esquive la monstration tant du sexe que de la nudité. Même celle de Catherine DENEUVE reste suggérée. Après Jacques DEMY et Roman POLANSKI, Luis BUNUEL est le troisième cinéaste majeur qui a su employer l'actrice de façon remarquable. Avant François TRUFFAUT dans "La Sirène du Mississipi" (1969), il en a fait une silhouette hitchcockienne se dérobant constamment au voyeurisme du spectateur, une "page blanche à noircir de rêves", mise en scène dans toutes sortes de situations scabreuses, dégradantes, humiliantes, transgressives sans que pour autant son image "blanche comme neige" n'en soit altérée. C'est d'ailleurs de ce décalage que naît une partie du trouble suscité par ce film encore aujourd'hui. Car le film a deux facettes tout comme celles qui gouvernent les représentations de la féminité depuis la dichotomie biblique Vierge Marie/Marie-Madeleine. D'une part il laisse l'inconscient des personnages s'exprimer (celui de Séverine mais celui également de son entourage), de l'autre, il tend un miroir au spectateur.

Présentation:

En regardant pour la première fois "Belle de jour" de Luis Bunuel sur MyCanal en hommage à "Mme Anaïs" alias Geneviève Page, j'ai repensé à la chanson de Maxence écrite et composée par Jacques Demy et Michel Legrand pour "Les Demoiselles de Rochefort" sorti la même année. Une chanson consacrée à la dualité des représentations du féminin qui a donné à Catherine Deneuve ses meilleurs rôles:

"Elle a cette beauté des filles romantiques

Et d'un Botticelli le regard innocent

Son profil est celui de ces vierges mythiques

Qui hantent les musées et les adolescents

Sa démarche ressemble aux souvenirs d'enfant

Qui trottent dans ma tête et dansent en rêvant

Sur son front, ses cheveux sont de l'or en bataille

Que le vent de la mer et le soleil chamaillent (...)

Est-elle pécheresse ou bien fille de roi?

(Variante)

Est-elle puritaine ou bien fille de joie?"

Avec le duo Bunuel/Carrière, elle est les deux à la manière d'une figure hitchcockienne insaisissable, quelque part entre "Vertigo" pour le dédoublement et "Psychose" pour les fantasmes inavoués/inavouables que l'on épie par le trou de la serrure. Mais la pulsion scopique du spectateur en sera pour ses frais, rien ne sera montré, tout sera à déchiffrer puisque la frontière entre rêve et réalité s'y efface, laissant une large place à l'imaginaire autant qu'à la satire corrosive des moeurs bourgeoises.

Voir les commentaires

Les Roseaux sauvages

Publié le par Rosalie210

André Téchiné (1994)

Les Roseaux sauvages

Mon film préféré de Andre TECHINE est aussi celui dans lequel il a glissé le plus de souvenirs personnels. Pourtant, à la base il s'agissait d'une commande d'Arte qui souhaitait produire une collection de neuf téléfilms sur l'adolescence intitulée "Tous les garçons et les filles de leur âge". Parmi eux, trois finissent par sortir au cinéma en version longue dont celui de Andre TECHINE qui reçoit le prix Louis Delluc et quatre César.

Les qualités du film sont nombreuses: il fait souffler un vent de fraîcheur sur le cinéma français en révélant une nouvelle génération d'acteurs dont Elodie BOUCHEZ, il évoque avec une grande sensibilité le passage à l'âge adulte dans le contexte dans lequel Andre TECHINE l'a vécu, celui de la fin de la guerre d'Algérie dans le sud-ouest de la France avec le retour des pieds-noirs. La mort qui rôde autour des jeunes appelés et le désir bouillonnant des adolescents se mêlent harmonieusement. Le film est à la fois lumineux et douloureux. Lumineux car de nombreuses scènes ont été tournées en pleine nature et exaltent ce désir adolescent en pleine éclosion qui fait fi des clivages politiques, sociaux et même de façon éphémère de l'orientation sexuelle. Douloureux aussi car ces mêmes adolescents sont tourmentés par le contexte historique et politique qui les impactent plus ou moins directement (le frère appelé de l'un, l'appartenance de la mère de l'autre au PCF, la présence en classe d'un jeune pied-noir ombrageux et révolté) mais aussi par leur sexualité. Le personnage de François (Gael MOREL) qui peut être vu comme un double du réalisateur découvre son homosexualité à une époque où elle était taboue. Le poids de sa différence, Andre TECHINE nous le fait ressentir à travers la scène du mariage campagnard et ses chansons paillardes, le père agriculteur qui se méprend sur la nature de sa relation avec son âme soeur, Maïté (Elodie BOUCHEZ) son rapport à la littérature et au cinéma en décalage avec son environnement, ses relations avec le garçon fruste qu'il désire, Serge (Stephane RIDEAU) ou enfin, sa tentative de trouver un interlocuteur en la personne d'un adulte homosexuel dont la bouche cousue et le regard plein de désarroi en disent plus long que tous les discours. Pourtant François est le personnage le plus libre de tous et au vu des scènes finales, son influence sur l'évolution du rapport de Maïté à son corps, à ses désirs et au reste du monde semble déterminante. Leurs partenaires, en dehors de quelques parenthèses enchantées dont la plus frappante est celle de la fin sont rattrapés par le poids de leur héritage familial et se soumettent à cette fatalité en mettant leur individualité de côté.

Voir les commentaires

Quand vient l'automne

Publié le par Rosalie210

François Ozon (2024)

Quand vient l'automne

Je ne suis pas une grande fan de Francois OZON, je le trouve inégal, parfois superficiel, inutilement tortueux, caricatural ou lourdement théâtral et référencé mais c'est un très bon directeur d'acteurs. Dans "Gouttes d'eau sur pierres brulantes" (2000) il a éclairé Bernard GIRAUDEAU sous un jour différent, mettant notamment en avant ses qualités de danseur, il a donné un rôle marquant à Charlotte RAMPLING dans "Sous le sable" (2000) en tenant tête aux producteurs qui la jugeaient trop âgée et dans "Ete 85" (2019) il a fait éclater le talent de Benjamin VOISIN. "Quand vient l'automne" met au premier plan deux actrices âgées et non retouchées, Josiane BALASKO et Helene VINCENT qui n'avait jamais obtenu jusqu'ici de premier rôle au cinéma ce qui m'a paru proprement incroyable. La sororité qu'entretiennent leurs personnages m'a un peu rappelé celle de "La Ceremonie" (1995) même si les héroïnes étaient beaucoup plus jeunes, le film de Francois OZON a d'ailleurs été qualifié de chabrolien. L'autre aspect du film que j'ai bien aimé et qui existait déjà dans "Une nouvelle amie" (2014) ou "Le Refuge" (2009) est celui de la réinvention des modèles familiaux hors des codes dominants de la société, y compris sur le plan moral. Michelle et Marie-Claude, deux vieilles dames a priori sans histoires traînent un passé de prostituées qui les poursuit et les condamne à la solitude. Michelle se rebelle avec les armes qu'elle possède contre cette opprobre qui l'ostracise. Elle fait corps avec son amie mais aussi avec le fils de celle-ci, un voyou qui sort tout juste de prison mais qui n'a pas renié sa mère. Quant je disais plus haut que Francois OZON était un bon directeur d'acteurs, on lui doit aussi d'avoir donné un rôle substantiel à Pierre LOTTIN à qui je l'espère on offrira les rôles qu'il mérite à l'avenir. Une relation filiale se noue donc entre Vincent et Michelle qui compense le violent rejet qu'elle subit de la part de sa fille, Valérie qui lui attribue son mal-être et l'empêche de voir son petit-fils (un rôle hélas caricatural offert à Ludivine SAGNIER qui empêche totalement le spectateur de s'intéresser à son sort). Francois OZON filme des plans émouvants de Michelle regardant tendrement Vincent jouer comme un enfant avec les objets de la chambre de son petit-fils ou Marie-Claude, pourtant terriblement renfrognée et "défaitiste" de son propre aveu esquisser un sourire en la regardant danser avec Vincent dans le bar qu'il vient d'ouvrir grâce à son aide financière (alors que Valérie attend juste que sa mère meure pour faire main-basse sur ses biens). Les liens affectifs qui se tissent entre ces trois marginaux et la façon dont Lucas, le petit-fils s'y épanouit peut être perçu comme quelque peu dérangeant, d'autant que comme toujours chez ce cinéaste, l'ensemble repose sur le non-dit et l'ambiguïté. Mais Francois OZON nous fait réfléchir sur le bien et le mal à la manière d'un Maupassant dans "Aux Champs" et j'aime beaucoup cette citation tirée du film "l’important n’est pas tant de faire le mal que d’avoir voulu faire le bien". Je dirai même que le plus important, c'est que ce qui ressort de ses actes génère du bien pour soi et autour de soi. Une cure "détox" radicale qui questionne les idées reçues.

Voir les commentaires

Twin Peaks: Les sept derniers jours de Laura Palmer (Twin Peaks: Fire walk with me)

Publié le par Rosalie210

David Lynch (1992)

Twin Peaks: Les sept derniers jours de Laura Palmer (Twin Peaks: Fire walk with me)

"Twin Peaks : Les sept derniers jours de Laura Palmer" (1992) s'ouvre sur un plan hautement significatif: une télévision démolie à coups de hache. On est donc prévenus: David LYNCH reprend les commandes de l'univers "Twin Peaks" dont il s'était désinvesti au cours de la deuxième saison de la série et qui s'était arrêtée prématurément suite aux dures lois de la production télévisuelle. En revenant au format cinéma (Mark FROST co-créateur de la série est absent du film), il a décidé de "lâcher les chiens", en opérant un tournant radical vers la noirceur et le désespoir tout en conservant voire épaississant les mystères de la série. Mais ce qui pour moi fait la puissance du film réside dans le choix de le centrer sur la descente aux enfers de Laura Palmer en la suivant lors des jours précédant sa mort. Celle qui dans la série n'était qu'un fantôme (ou un personnage "jumeau" sans identité propre, Maddy) devient un être de chair et de sang, joué avec une stupéfiante intensité par Sheryl LEE qui fait passer par tout son être une souffrance déchirante. Conjuguée à la mise en scène angoissante de David LYNCH et au jeu flippant de Ray WISE, le père de Laura, le film se transforme en un cauchemar domestique pétri de sensorialité qui donne de la puissance à des réalités dérangeantes alors maintenues sous silence. Ou presque car il y avait eu un précédent: "Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée..." (1981) dont la bande originale avait été composée par David BOWIE par ailleurs idole de Christiane qui va l'écouter en concert. Or David BOWIE fait une courte mais marquante apparition dans le film de David LYNCH dans le rôle surréel d'un agent du FBI vêtu de blanc qui surgit dans le dos d'un Dale Cooper (qui on le rappelle est lui revêtu d'un costume noir) dédoublé, tenant des propos obscurs avant de retourner dans son outre-monde. Mais plutôt que Dale (joué par un Kyle MacLACHLAN en retrait suite à son ressentiment vis à vis de l'abandon de Lynch sur la série), c'est une double vie que l'on suit, celle de Laura, un être clivé, lycéenne le jour à l'apparence bien sage et au quotidien stéréotypé (avec meilleure amie, boyfriends, participation à la vie de la communauté etc.) mais s'adonnant à la débauche la nuit, celle-ci n'étant qu'un moyen d'échapper à elle-même et à un enfer pire encore, celui de sa propre maison. Jamais l'expression "home, sweet home" de l'Americain way of life ne résonne plus ironiquement que dans ce film qui fait du foyer l'épicentre de la violence. Le film de David LYNCH lève le voile ou plutôt ouvre le rideau en 1992 sur ce que notre société ne commence à regarder en face qu'aujourd'hui: un "bon père de famille" au-dessus de tout soupçons, si prévenant avec sa femme qu'il lui apporte un verre de lait le soir pour qu'elle fasse un gros dodo pour pouvoir ensuite mieux manger leur enfant (Hitchcock quand tu nous tient). Et "Bob", ce visage du mal absolu qui hante "Twin Peaks" venu tout droit de la loge noire qui s'ouvre lorsque toute-puissance patriarcale et Titan mangeur d'enfants se rencontrent de prendre le caractère du déni, celui du violeur inconnu qui lorsqu'il se dissipe confine à l'horreur pure. Car le véritable interdit n'est pas de commettre l'inceste, l'interdit, c'est d'en parler. Silencio. Cela donne à toutes les scènes dans lesquelles Laura fait semblant de mener une vie normale au milieu de soi-disant proches qui en réalité ne connaissent que son image sociale un double fond: conversation futile en surface qui met en relief les gros plans sur la détresse palpable de son visage qui pense qu'aucun ange ne viendra sauver son âme en train de se consumer. A tort. Car le film de David Lynch donne une résonance extraordinaire aux âmes torturées du père et de la fille et les recueille avec une infinie compassion qui était déjà perceptible dans la série. Le final est ainsi bouleversant lorsque Laura, enfin en paix découvre qu'elle est un ange.

Présentation de cette critique sur Facebook:

Toujours plongée jusqu'au cou dans "Twin Peaks", j'ai regardé le film qui a suivi la fin de la série en 1992 (disponible en replay sur la 5) et dont je préfère le titre en VO ("Fire walk with me") qu'en VF ("Les 7 derniers jours de Laura Palmer"). Premier constat, le temps agit bien à reculons dans "Twin Peaks" puisque les événements racontés se situent avant ceux de la série. Mais il ne s'agit pas pour autant d'une simple préquelle. Les événements soumis à la temporalité linéaire de notre monde sont sans cesse parasités par ceux de l'outre-monde, donnant lieu à des passages complètement dingues où des personnages et des entités de forme diverses (beaucoup issus de la série, certains nouveaux) apparaissent et disparaissent, brouillant les notions de passé, présent et futur. Le mot parasité convient d'autant mieux qu'il semble que l'électricité joue un rôle conducteur du passage entre les mondes via notamment l'ascenseur et la neige télévisuelle. Mais en même temps, les codes sont différents de ceux de la série: Mark Frost, son co-créateur est absent du film et la hache qui s'abat d'entrée sur la tv indique que narration et mise en scène obéiront à d'autres lois. Exit donc le cocon télévisuel qui amortissait les chocs, place à un véritable récit d'épouvante, celui de la descente aux enfers de Laura jusqu'à son assassinat faisant la jonction avec la série, dont on retrouve une partie des personnages et acteurs à l'exception notable de Lara Flynn Boyle dans le rôle de Donna, la meilleure "school friend" de Laura (je préfère ce terme à "meilleure amie" car Laura ne peut parler à personne de la réalité de sa vie ce qui créé d'ailleurs un décalage glaçant entre la futilité de façade et l'horreur sous-jacente). La sensorialité du film, sa radicalité et sa frontalité jettent une lumière crue sur le tu (j'ai pensé à l'un des maîtres-mots du cinéma de Lynch, "Silencio"): l'enfer domestique du "home sweet home", celui que dénonçait autrefois Alice Miller dans "L'enfant sous terreur" et aujourd'hui Edouard Durand dans "Protéger la mère, c'est protéger l'enfant". Puisque passé, présent et futur se confondent si bien, j'ai vu au détour d'une scène le visage de Dominique Pélicot se greffer sur celui de Leland lorsqu'il donne un verre de lait à son épouse (une allusion à "Soupçons?") avant qu'il ne laisse "Bob", le démon intérieur qui l'habite se déchaîner sur Laura dont l'âme se consume chaque jour un peu plus (bouleversante Sheryl Lee). Le sauvetage d'âmes perdues par des anges rédempteurs qui était sous-entendu dans la série devient ici explicite mais promis "on ne parlera pas de Judy"...

Voir les commentaires

<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 > >>