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Articles avec #drame tag

Le salaire de la peur

Publié le par Rosalie210

Henri-Georges Clouzot (1953)

Le salaire de la peur

En le revoyant, j'ai été frappée par les similitudes entre la première heure de "Le salaire de la peur" et le début de "Le Trésor de la Sierra Madre" (1947) avec son échantillon d'épaves occidentales croupissant dans un bled paumé et poisseux d'Amérique latine*. Sauf que la sortie de secours (ou plutôt son simulacre) n'est pas la quête d'un filon aurifère au coeur de la montagne mais une grosse somme d'argent à empocher au terme d'une mission-suicide pour une compagnie pétrolière américaine tenue par un homme véreux. Elle consiste à acheminer sur de mauvaises routes pleines de chausse-trappe des camions remplis de bidons de nitroglycérine prêts à exploser à tout moment. Cette construction faisant se succéder l'aventure, l'action et le thriller en lieu et place de l'immobilisme en huis-clos n'a rien d'une libération et tout d'une descente aux enfers avec des pièges mortels à chaque pas. Il y a quelque chose d'absurde dans le destin des personnages, tous des morts en sursis qui pourtant n'ont pas hésité à écraser plus faibles qu'eux pour obtenir le job au terme d'une séquence de darwinisme social impitoyable. Tout cela pour tomber sous le joug d'une domination plus grande encore, celle de la colonisation américaine. Que l'on pense par exemple à Luigi, le cimentier calabrais aux poumons rongés par la silicose et qui choisit la mission kamikaze plutôt que la mort à petit feu. Son compagnon de route, Bimba a fui le nazisme pour se retrouver dans un trou à rats. Monsieur Jo (Charles Vanel) est un truand en cavale vieillissant qui veut prouver qu'il est encore le caïd sauf qu'il se révèle lâche et pathétique, tombant sous l'emprise de Mario (Yves Montand dans son premier grand rôle) que l'épreuve révèle courageux, déterminé mais également implacable et cruel. Contrairement à Luigi et Bimba qui ont des relations égalitaires, ceux de Jo et Mario faits de renversements de domination et de sujétion à la "The Servant" (1962) se teintent d'un sado-masochisme trouble, à connotation homosexuelle, surtout après la traversée très organique de la mare de pétrole. Chaque nouvel obstacle à franchir, véritable morceau de bravoure filmé avec un suspense haletant dépouille en effet un peu plus les personnages de leurs faux-semblants et le chemin de croix finit par acquérir une dimension existentielle que la fin, tragique et si possible plus absurde encore que le reste ne fait que confirmer.

*Et je me demande également si le film de Henri-Georges CLOUZOT n'a pas inspiré l'image introductive des insectes pris au piège de "La Horde sauvage" (1969).

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Monsieur Hire

Publié le par Rosalie210

Patrice Leconte (1989)

Monsieur Hire

Intéressante relecture du livre de Georges Simenon, "Les fiançailles de Monsieur Hire" qui avait déjà été porté à l'écran par Julien DUVIVIER en 1946 sous le titre "Panique" (1946) avec Michel SIMON. Intéressante en ce que Patrice LECONTE prend acte de la mue effectuée par Michel BLANC vers des rôles dramatiques voire ici tragiques. Par rapport au roman de Simenon ou au film de Julien DUVIVIER, l'aspect social de l'intrigue est négligé au profit de l'aspect intimiste. Certes, on sait que M. Hire est un asocial qui subit une aversion généralisée mais il n'y a par exemple pas de scène de lynchage: voisins, commerçants et passants ne sont finalement que des témoins quasi muets du drame. Peut-être est-ce une conséquence du contexte: "Panique" (1946) avait été réalisé dans l'immédiat après-guerre où la minorité à laquelle appartient Hire avait été persécutée (par contre en 1946, la plupart des français ne savaient pas qu'elle avait été victime d'un génocide, le mot ayant d'ailleurs été inventé seulement en 1944). Quant au roman de Simenon, il date de 1933, année de l'arrivée de Hitler au pouvoir. En 1989, le temps a suffisamment passé pour que Hire soit dépeint non comme un membre d'une communauté honnie mais comme un homme inadapté ce qui correspond aussi à l'évolution d'une société plus individualiste. Le film repose donc en grande partie sur l'extraordinaire interprétation de Michel BLANC qui arrive à nous émouvoir à partir d'un personnage pourtant assez peu défendable. Misanthrope, désagréable, psychorigide, voyeuriste, vêtu entièrement de noir avec un visage blafard, il n'a vraiment rien pour plaire. Et pourtant, au détour de quelques scènes, il laisse voir un autre aspect de lui, plus humain. Alice en revanche (jouée par Sandrine BONNAIRE) reste un peu trop traitée en surface, celui de la garce prête à tout pour protéger son "homme" (on se demande bien pourquoi d'ailleurs elle couvre ce criminel?). Heureusement, le trouble qui s'installe entre elle et Hire au détour de quelques scènes sensuelles rebat quelque peu les cartes. La mise en scène met bien en lumière la vie ritualisée de cet homme avec notamment un usage marquant de la musique de Brahms revisitée par Michael NYMAN et distille un vrai malaise entre Alfred HITCHCOCK et Roman POLANSKI.

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Nos plus belles années (The Way We Were)

Publié le par Rosalie210

Sydney Pollack (1973)

Nos plus belles années (The Way We Were)

"Nos plus belles années" témoigne de l'éclectisme de Sydney POLLACK aussi à l'aise avec le western et le thriller qu'avec la comédie et le mélodrame. Néanmoins, on peut relever deux constantes chez lui: Robert REDFORD avec qui il a tourné sept fois et un regard critique sur l'Amérique dont il déconstruit les mythes tout en restant fidèles aux genres de l'âge d'or de son cinéma et à ses grandes stars glamour. C'est sans doute ce qui a conduit à le classer comme un cinéaste de l'entre-deux: entre classicisme hollywoodien et Nouvel Hollywood. "Nos plus belles années" est ainsi un mélodrame digne de la tradition des années 50 et 60 (on pense aux maîtres du genre et en premier lieu à Douglas SIRK) mais avec un arrière-plan aux airs de pamphlet politique puisque Sydney POLLACK tente d'articuler petite et grande histoire: celle de son couple antinomique aux grandes convulsions ayant agité l'Amérique de 1937 à 1950: la crise, la guerre et le maccarthysme. Mais je trouve le résultat personnellement trop tiède, surtout si je le compare à des oeuvres plus frontalement engagées comme "Les 3 Jours du Condor" (1975) ou "Jeremiah Johnson" (1972). C'est en grande partie lié à l'écriture du personnage de Hubbell, vraiment trop lisse. Sans doute pour ne pas trop égratigner l'image de Robert REDFORD, il apparaît comme mou, indécis, sans caractère si bien qu'en dehors de sa beauté (et de son talent d'écrivain dont on ne peut guère se rendre compte, celui-ci ne transperçant pas l'écran), on se demande ce que Katie peut lui trouver. Car contrairement à lui, pur rejeton de la classe dominante WASP, Katie qui est juive, communiste et issue d'un milieu modeste est une passionaria qui ne rend jamais les armes. On sait dès le départ que ce mariage de la carpe et du lapin est voué à l'échec mais force est de constater que Robert REDFORD et Barbra STREISAND irradient à l'écran. Sur la longueur cependant, le film s'essouffle là où il devrait s'enflammer: dans la description des ravages du maccarthysme sur le milieu du cinéma hollywoodien. On ne ressent pas suffisamment ses effets sur le couple, même si Hubbell est prêt à faire des compromis(sions) sur ses scénarios, on ne sait pas lesquelles. On ne voit pas non plus assez à quel point quitter New-York pour Los Angeles représente une perte de sens pour Katie, un traumatisme comparable à celui d'un déracinement. Au contraire, elle est montrée comme celle qui s'accroche dans le couple, qui lui sacrifie tout alors que Hubbell, plus froid et distancié est prêt à s'en détacher à tout moment. En dehors de quelques scènes où Katie jette un froid dans les réunions des amis de Hubbell où elle ne trouve pas sa place, on reste dans un flou artistique savant qui rend la chute abrupte, presque gratuite là où elle devrait paraître évidente.

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Jeremiah Johnson

Publié le par Rosalie210

Sydney Pollack (1972)

Jeremiah Johnson

"Jeremiah Johnson", le deuxième film du tandem Sydney POLLACK/Robert REDFORD est magnifique, à la fois beau et cruel. Il dissipe les illusions du "retour à la nature" comme solution à la violence de la société. Si l'on pense au contexte dans lequel le film a été réalisé, on ne peut y voir qu'une parabole contre la guerre du Vietnam. Sauf que le film de Sydney POLLACK à travers le périple de Jeremiah, un ancien soldat devenu trappeur dans les Rocheuses montre que les alternatives recherchées par les tenants de la contre-culture sont des chimères. La guerre qu'il fuit (vraisemblablement celle du Mexique au milieu du XIX° siècle) en partant vivre en solitaire au coeur des montagnes, il va la revivre bien malgré lui. Jeremiah fait des rencontres dont celle d'un vieux trappeur qui lui apprend les rudiments de la survie en milieu hostile, reçoit sans l'avoir demandé une femme et un enfant eux aussi privés de liens et croit pouvoir avec eux refonder une famille et repartir à zéro. Mais il est vite rattrapé par la guerre entre colons et indiens et par les rivalités entre tribus. Le fait de ne pas parvenir à se soustraire à son appartenance d'origine et son hubris l'amène à commettre un acte sacrilège qui lui vaut un terrible retour de bâton. Il plonge alors dans l'enfer d'une vengeance sans merci contre les indiens Crow qui d'après la légende lui aurait valu son surnom de "mangeur de foie". Sauf peut-être dans la superbe scène de conclusion où après avoir hésité à brandir son fusil, Jeremiah rend son salut à l'indien qu'il croise. Un fragile espoir de guérison pour cet homme des montagnes condamné à l'errance et à la violence perpétuelle.

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Propriété interdite (This Property Is Condemned)

Publié le par Rosalie210

Sydney Pollack (1966)

Propriété interdite (This Property Is Condemned)

Deuxième film de Sydney POLLACK, "Propriété interdite" marque aussi sa première collaboration avec celui qui deviendra son acteur fétiche, Robert REDFORD. Le film est l'habile adaptation d'une pièce en un acte de Tennessee Williams. Habile parce qu'on ne sent pas trop les origines théâtrales du film grâce au travail sur le scénario effectué notamment par un tout jeune Francis COPPOLA et grâce à une superbe photographie de James WONG HOWE (le cousin de la célèbre actrice sino-américaine Anna May WONG) qui fait ressentir l'ambiance étouffante et poisseuse de la bourgade du Mississipi où se déroule la majeure partie de l'intrigue. Celle-ci ressemble quelque peu à celle du film "Titanic". Sauf qu'au lieu du paquebot qui coule à pic, on voit des trains à l'arrêt en raison du naufrage de la crise des années 30 qui met les cheminots au chômage. Dans ces situations où les hommes s'absentent, il y a des mères aux abois qui utilisent le corps de leur fille comme appât pour la maquer au plus offrant. Un vieux riche, M. Johnson est sur les rangs mais aussi l'amant de la mère (joué par Charles BRONSON). Mais c'est un mystérieux jeune étranger blond aux yeux bleus qui rafle la mise. Il faut dire qu'il a la belle gueule de Robert REDFORD. Logiquement, il tape dans l'oeil de Alva, la fille que tous les cheminots s'arrachent mais qui ne rêve que de fuir cette existence sans issue. Alva est jouée par Natalie WOOD au firmament de sa beauté qui forme donc un couple diablement séduisant avec Owen, même si le fait de le fréquenter entraîne des représailles de la part de la communauté comme de celui de la mère, Hazel. Car Alva qui vit dans ses rêves mais utilise des armes de séduction tout ce qu'il y a de plus charnel découvre une réalité bien éloignée de ce qu'elle s'était imaginé. Le prince charmant est un employé envoyé par la compagnie ferroviaire pour licencier du personnel, un homme rugueux qui fait son boulot sans états d'âme et ne ménage guère cette poupée "un peu poule un peu fleur (bleue)". Même quand il s'adoucit et que les deux amants se rejoignent à la Nouvelle-Orléans, Alva est bien obligée de constater que sa soif de liberté n'est qu'une illusion et que la réalité de sa sujétion (à sa mère et aux hommes ce qui rapproche terriblement le personnage du destin de l'actrice) la rattrapera toujours.

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Sirat

Publié le par Rosalie210

Oliver Laxe (2025)

Sirat

"Sirat" est une grande expérience de cinéma. Pour une fois, l'immersion sensorielle, pourtant poussée à l'extrême ne se fait pas au détriment du propos, lui aussi très fort. Pas étonnant que le film divise et que des gens aient quitté la salle avant la fin. Le film repose sur des ruptures radicales que l'on ne voit pas venir et qui déstabilisent, choquent, émeuvent, interrogent. Ruptures qui se combinent avec un aspect indéniablement contemplatif: "Sirat" raconte une traversée du désert. Une épreuve matérielle, spirituelle et religieuse qui implique de se dépouiller de tout pour espérer en ressortir vivant. Vivant mais transformé à jamais. Cette transformation se produit par deux fois dans le film. Quand Luis (grandiose Sergi LOPEZ) père de famille sédentaire roulant dans un van inadapté se fond dans la petite communauté de raveurs qu'il suivait jusque là à distance. Il se fond en elle comme il se fond dans le désert lors d'une scène déchirante. Et enfin quand après une ultime traversée, plus rien ne distingue les raveurs des autochtones de la région. D'ailleurs "Sirat" est un mot arabe qui signifie "chemin" et dans la tradition coranique, il constitue la dernière barrière avant le paradis, un pont glissant et épineux érigé au-dessus de l'enfer.

Brouillant volontairement le cadre spatio-temporel, le film se situe dans une dimension dystopique voire post-apocalyptique lié à l'évocation d'une guerre qui rôde et l'omniprésence de la mort qui frappe au hasard. Le contexte n'est pas le même qu'à l'époque du tournage du premier "Mad Max" (1979) mais la similitude des imaginaires frappe l'esprit, tout comme avec "Gerry" (2002) et sa déclinaison "Daft Punk's Electroma" (2006). Enfin, on est saisi par la présence d'un panel de "gueules" que l'on ne voit jamais au cinéma, une communauté de marginaux marqués dans leur corps et leur visage, rompu à l'âpreté de leur environnement et qui nous fait partager un peu de leur monde. L'un d'eux arbore un T-Shirt sans équivoque: ce sont les "Freaks - La monstrueuse parade" (1931) des temps modernes: les éclaireurs de notre futur.

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La Tour de glace

Publié le par Rosalie210

Lucile Hadzihalilovic (2025)

La Tour de glace

A l'image de son affiche, l'esthétique de la "Tour de glace" est somptueuse. Pas seulement en ce qui concerne le travail sur les atmosphères montagnardes hivernales grises et bleutées mais aussi sur le clair-obscur. Tous les plans montrant des chemins plongés dans l'obscurité et bordés de lampadaires brillants sont puissamment oniriques et d'après ce que j'ai pu lire, ils sont récurrents dans l'oeuvre de Lucile HADZIHALILOVIC. On pourrait en dire de même des étoffes, des miroirs, des surfaces vitrées, des cristaux qui réfléchissent une lumière chaude en opposition avec la tonalité générale du film. Tout ce travail formel s'avère hélas un peu gâché par un scénario maladroit et inutilement alambiqué. Transposer un conte de nos jours sans l'affadir est une opération délicate. Certaines réussites éclatantes montrent que c'est possible comme "Les Chaussons rouges" (1947) (évidemment cités dans le film) "Le Roi et l'Oiseau" (1979) ou "Peau d'ane" (1970). Hélas, il ne suffit pas de donner à Marion COTILLARD la coiffure et l'allure de Delphine SEYRIG pour que la magie opère. La mise en abyme (au lieu de plonger dans le conte d'Andersen, on se retrouve sur le plateau de tournage de son adaptation cinématographique) est de ce point de vue un choix rebattu en festival et particulièrement rédhibitoire. Surtout que derrière le décor, il n'y a pas des personnalités mais encore des images archétypales: celle d'une diva qui se cherche un second souffle en vampirisant une jeunette (une allusion à "Les Levres rouges" (1970) là encore avec Delphine SEYRIG?) Et celle d'une adolescente orpheline toujours sur le point de tomber dans le gueule du grand méchant loup mais qui passe la majeure partie du film à observer et à attendre, les bras ballants et les yeux écarquillés. Tout cela manque de substance, de vie, d'un peu de légèreté (l'art du clair-obscur c'est aussi celui de savoir varier le ton!) et aussi de simplicité. Tel quel, le film plombant et glacial est dévoré par son dispositif.

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La Voie Royale

Publié le par Rosalie210

Frédéric Mermoud (2022)

La Voie Royale

Après "Premiere annee" (2018), "La voie royale" est le deuxième film que je découvre à propos d'un sujet que je connais bien, celui de la difficulté des jeunes issus des classes sociales défavorisées, même brillants intellectuellement à se faire une place au sein des études supérieures d'élite. La question est très vaste et le film de Frederic MERMOUD l'aborde avec un regard plein d'acuité sur le déterminisme social, les biais cognitifs ou encore l'hypocrisie d'un système qui prétend donner aux jeunes les clés pour changer le monde (la devise de Polytechnique) alors qu'il ne fait que le reproduire. Les CPGE prestigieuses en prennent pour leur grade avec leur darwinisme social alimenté par la compétition acharnée qu'elle se livrent entre elles et leur allergie à la mixité sociale, géographique et de genre. Mais là où le film tape le plus fort, c'est lorsqu'il montre comment Sophie Vasseur, brillante élève de terminale issue d'une famille d'agriculteurs loin d'épanouir son potentiel, navigue de déception en déception et dépérit à petit feu dans le micro-climat de sa prépa. Ses expériences les plus douloureuses, elle les connait avec ses camarades. Une fille d'abord, charismatique et surdouée avec laquelle elle entretient une relation fusionnelle jusqu'à ce qu'elle se rende compte qu'il ne s'agit que d'une illusion. Un garçon ensuite, moins autocentré, plus ouvert mais issu d'une famille de la grande bourgeoisie qui la place dans la même catégorie que celle des jeunes d'origine immigrée, celle de la "diversité". A chaque fois, la violence du rejet, de l'humiliation qui s'ajoute au fait de ne pas maîtriser les codes et d'avoir d'autres préoccupations en tête que les autres. Car Sophie garde un pied ancré dans son milieu familial étranglé par les difficultés financières, lâché par l'UE et en première ligne dans le mouvement des gilets jaunes. Bref dans ce film, la prépa est montrée comme une sorte de piège toxique qui élimine impitoyablement ceux qui ne parviennent pas à s'y adapter. Et encore, le film s'arrête au seuil de Polytechnique et ne montre pas l'après ce qui aurait été également très instructif sur les réelles possibilités d'ascension sociale de Sophie. De même que la déconstruction de la supposée "égalité des chances" alors que les stratégies scolaires des milieux les mieux informés (c'est à dire les plus privilégiés) se mettent en place dès le berceau, à compétence égale, comment rivaliser? Alors oui, il y a des professeurs qui parfois comme dans le film jouent les conseillers d'orientation mais cela reste au petit bonheur la chance et ça ne remplacera jamais la solidité du réseau.

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The Connection

Publié le par Rosalie210

Shirley Clarke (1961)

The Connection

Avant de voir "Connection", je pensais qu'il n'y avait que deux réalisatrices américaines en activité à cette époque: Ida LUPINO et Dorothy ARZNER. Comme quoi, en grattant un peu, on en trouve d'autres. C'est sûr qu'en voyant "The Connection" on en déduit que Shirley CLARKE est une cinéaste de la marge au sein même du cinéma indépendant new-yorkais.

"The Connection", son premier film est politiquement incorrect mais passionnant. Huis-clos dans un loft aux airs de squat de Greenwich Village, le film est tiré d'une pièce de théâtre à la trame très simple. Huit toxicomanes attendent non pas Godot mais leur dealer surnommé "Cowboy" et pour passer le temps, quatre d'entre eux parlent (beaucoup) pendant que les quatre autres qui sont au contraire mutiques improvisent des airs de jazz. La caméra, au centre de la pièce passe d'un personnage à l'autre en rythme avec le tempo des paroles et de la musique. Le tout donne une impression de dynamisme doublé d'un sens de l'humour certain avec la séquence de la salutiste, une vieille bigote esseulée complètement décalée dans ce contexte. Surtout, le film est fondé sur une mise en abyme: les junkies acceptent contre rémunération d'être filmés par un cameraman (que l'on ne voit qu'en reflet) et ne cessent de s'adresser au metteur en scène Jim Dunn dans un dispositif de mise à distance du "cinéma vérité".

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Outsiders

Publié le par Rosalie210

Francis Ford Coppola (1983)

Outsiders

Autant "Rusty James" (1983) m'a laissé une impression mitigée malgré sa magnificence formelle (ou peut-être justement à cause d'elle tant ce bel objet arty se contemple à distance), autant j'ai aimé sans réserve son film jumeau* injustement mésestimé dans la carrière de Francis Ford COPPOLA. Formidable pépinière de talents (c'est l'un des premiers films de Patrick SWAYZE, Rob LOWE et Tom CRUISE), le film qui se déroule à l'époque de James DEAN s'appuie sur une intrigue proche de celle de "West Side Story" (1960) à savoir la rivalité de deux bandes, les greasers et les socs qui n'est pas fondée sur l'origine ethnique mais sur les inégalités de classe. Logiquement, le scénario s'intéresse beaucoup plus au gang de jeunes issu de milieux défavorisés, les greasers (surnommés ainsi parce qu'ils gominent leurs cheveux qu'ils portent plutôt longs) et contient une question sous-jacente relevant de la sociologie: à milieu égal, quels sont les facteurs qui font qu'on s'en sort ou pas? La réponse réside dans le fait que la pauvreté n'est qu'un paramètre parmi d'autres tout aussi déterminants dont la famille, l'un des thèmes privilégiés de Francis Ford COPPOLA. Johnny et Ponyboy qui s'aiment comme deux frères ont sensiblement le même âge (13-14 ans), la même origine sociale, la même sensibilité littéraire aussi. L'un veut lire dans le texte "Autant en emporte le vent", l'autre récite des poèmes. Tous deux, à l'image de Jim et Pluto dans "La Fureur de vivre" (1955) sont sensibles à la beauté du monde qu'ils contemplent non dans un planétarium mais directement sous les étoiles. Seulement Johnny n'a nulle part où aller, son foyer étant un enfer de violence et d'alcoolisme dont il s'extrait le plus souvent possible. La seule chose qui le rattache au monde, c'est la bande à laquelle il appartient et en particulier cet ami qui lorsqu'on s'attaque à lui l'amène à commettre l'irréparable. Ponyboy a la chance d'être protégé, non seulement par Johnny mais par sa fratrie dont il est le cadet et qui est dominée par la figure de Darry (Patrick SWAYZE avait déjà 30 ans au moment du tournage). Même si celle-ci n'est pas à l'abri de tensions et d'errements, la solidarité et l'amour qui circule entre les trois frères orphelins est remarquablement mise en scène. Mais on s'attache tout autant à Johnny (joué par Ralph MACCHIO), bouleversant lors d'un acte de rédemption qui lui brûlera les ailes. Même Dallas, le chef de bande dur à cuire tout juste sorti de prison (joué par Matt DILLON) est montré comme un être cherchant désespérément à sortir de son impuissance et de son enfermement. La bande originale est superbe

* "Outsiders" a été réalisé conjointement à "Rusty James" avec la même équipe, au même endroit (Tulsa dans l"Oklahoma) et est l'adaptation d'un roman de la même autrice, Susan Eloise Hinton qui a participé au scénario.

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